Esther, rebelle du genre

Esther – Bonjour je m’appelle Esther, j’ai 19 ans, je suis étudiante en région parisienne, féministe radicale et activiste à l’Amazone Paris.

Une de mes premières expériences avec la violence sexiste : j’avais sept ans : il y avait dans ma classe un petit garçon qui, à chaque récréation, me poursuivait parce qu’il disait vouloir m’embrasser. Et une fois, il m’a étranglée en disant  “j’ai envie de te tuer”. 

Enfant j’étais critique du genre sans le savoir et sans poser les mots dessus. En fait, dès l’école primaire, j’ai réalisé qu’il existait un double standard très fort dans tous les aspects de nos vies entre les petites filles et les petits garçons.  Je me souviens de mes récréations que je passais à lire dans un coin de la cour. Et parfois je levais les yeux et je regardais ce qui se passait. Ça me sidérait que les filles soient recroquevillées dans un coin, reléguées contre les murs de la cour de récréation pendant que les garçons prenaient toute la place, couraient… On avait peur d’être violentées physiquement tant leur énergie était incontenable, et le message des adultes, ça a toujours été que c’était normal, et que c’était à nous de nous rendre invisibles, transparentes, pour leur laisser de la place. Et je me rappelle notamment une de mes premières expériences avec la violence sexiste, c’était quand j’avais sept ans : il y avait dans ma classe un petit garçon qui, à chaque récréation, me poursuivait parce qu’il disait vouloir m’embrasser. Et une fois, il m’a étranglée en disant  “j’ai envie de te tuer”. 

A l’époque, ma grand-mère qui est psychiatre, en avait déduit qu’il reproduisait ce qui se passait chez lui entre son père et sa mère. Et lorsque mes parents en ont parlé au directeur de l’école, il a dit que c’était sûrement parce qu’il était amoureux de moi, et qu’il fallait le comprendre. En gros, je devais me taire pour le laisser exprimer sa violence comme il le voulait. Donc j’ai toujours été choquée par ça, et choquée par les normes de genre, et cette douceur, cette docilité imposée aux petites filles. Mais tout en étant révoltée, je n’étais pas moi-même touchée par un quelconque sentiment de dysphorie ou quoi que ce soit qui s’en approche parce que j’étais assez conforme aux normes de genre, enfin autant qu’on peut l’être, je pense, bien que personne ne soit binaire.

J’avais les cheveux longs,  je faisais de la danse classique, je n’avais aucun rejet de la féminité qui correspondait à ce moment-là à mon âge, et au contraire je me reconnaissais dans cette esthétique de la douceur qu’on impose aux petites filles.  

Donc ensuite j’ai grandi, et arrivée à la pré adolescence, au début de l’adolescence, vers mes 11/12/13 ans, j’ai réalisé que ce que je pouvais auparavant encore relier à une forme de jeu enfantine, devenait de la réelle violence.

Je me rappelle que la première fois qu’un homme m’a dit (un homme adulte m’a dit) “hé salope tu suces?” dans la rue, je ne savais pas ce qu’était une salope et je ne savais pas ce qu’était sucer, je devais avoir 11 ans à peu près… 

Ces accumulations de sexisme et de misogynie que je percevais autour de moi ont créé une colère en moi, qui m’a fait m’orienter plus tard vers le féminisme.

En parallèle de ça, je pense que c’est important de préciser pour la suite que j’ai grandi au sein d’une famille aimante. Mes parents m’ont toujours soutenue, m’ont toujours aimée, et m’ont toujours montré qu’ils m’aimaient.

Et notamment en ce qui concerne l’homosexualité par exemple, j’étais très au courant du fait qu’il était parfaitement ouverts. Le premier mariage auquel j’ai été  avec mes parents, c’était un mariage gay de leurs amis en 2012.

Donc j’ai vraiment grandi au sein d’une famille où je sentais que, peu importe qui j’étais, j’allais être aimée et soutenue.

Donc avec l’afflux de ces violences vers mes 12, 13, 14 ans, j’ai commencé à vouloir partager cette colère avec d’autres personnes qui pouvaient comprendre. J’avais le sentiment d’étouffer dans un milieu scolaire qui me semblait insensible à toutes ces questions qui me taraudaient l’esprit H24. 

Je me demandais pourquoi, en tant que fille, on doit subir ça, et l’amalgame entre la féminité, le fait d’être une fille, et donc plus tard une femme, et ces violences a été très vite fait dans mon esprit.

En fait je n’ai jamais détesté mon corps à proprement parler, mais je détestais le regard que les hommes posaient sur lui. 

Je détestais la réaction de mes camarades de classe, mes camarades masculins, à la vue de mon corps qui change avec l’adolescence.

Je détestais le fait de devoir maintenant avoir peur alors que j’avais pas encore ce sentiment de peur à l’enfance, et en fait l’acquérir ça fait monter ma colère encore.

Et donc je pense que j’étais à la recherche d’un sentiment de communauté et de compréhension avec des gens de mon âge. Et aussi d’explications parce que être une femme était devenu quelque chose de  négatif dans mon esprit et je ne comprenais pas pourquoi.

Parce qu’en parallèle je me rendais bien compte que les garçons de mon âge étaient immatures par rapport à nous. Que sur plein d’aspects, c’étaient vraiment des êtres limités notamment par rapport à l’empathie, et aux émotions qu’ils avaient peur d’eux-mêmes… Ils  transpiraient la non confiance en eux, et pourtant devant eux, je me sentais réduite à néant, et  je ne comprenais pas pourquoi. 

Donc je me suis inscrite quand j’avais 14 ans, sur un forum LGB. Je ne sais même pas s’il existe encore aujourd’hui. C’était spécifiquement pour les ados. Je crois que c’était 13/18 ans,  quelque chose comme ça. Donc LGBT mais, à l’époque, il y avait très très peu de personnes trans.  Et je traînais beaucoup sur Internet et ça me semblait être l’endroit où j’allais trouver ce sentiment de communauté. Et donc une personne, sur ce forum, m’a envoyé le lien d’un forum Discord.  Peut-être qu’il y en a qui ne savent pas ce que c’est parmi celles qui nous écoutent. C’est une espèce de forum de discussion. On peut avoir plusieurs pages de discussions. On peut avoir accès à tout le forum, ou à seulement une partie. Et voilà c’est pour tchater. On peut s’appeler aussi.

Donc je suis arrivée sur ce forum, qui était “sur le papier” un forum féministe pour les droits des LGBTQ+, et dans la réalité des faits c’était un forum transactiviste, et c’est là que j’ai côtoyé pour la première fois les aspects les plus sombres et les plus sectaires de la communauté trans. Evidemment, à l’époque, je ne m’en suis pas rendue compte, et je le dis maintenant avec le recul. 

Alors déjà, ce Discord s’appelait “le Discord de l’amour”. Donc en voyant ça, n’importe quel adulte fuirait très très vite, mais à l’époque, j’étais une enfant, et je me disais “Oui, l’amour c’est bien, et on partage de l’affection.” En fait, je pense que la première chose qui fait de ce milieu une secte, c’est ce besoin constant de dire à tout le monde que tout le monde est valide. Peu importe ce que tu fais, peu importe ce que tu penses, peu importe ce que tu dis, peu importe qui tu es : tu es valide, tu es parfait comme tu es, et c’est ce sentiment d’hyperpositivité, je m’en suis rendue compte plus tard en lisant des documents scientifiques sur les fonctionnements des sectes, qu’en fait ces messages hyper positifs qu’on t’envoie de tous les côtés, ça provoque (je saurais pas l’exprimer, je ne suis pas très scientifique) mais ça provoque dans la chimie du cerveau un sentiment de satisfaction et ensuite le cerveau va venir rechercher ce qui provoque cette satisfaction. Donc  en fait, à force d’être partiellement dans cette bulle sur Internet, d’ hyper positivité, qui effaçait toute réflexion en fait, parce que il n’y avait pas de réflexion féministe, il n’y avait pas de réflexion sur de réels droits, il y avait juste un besoin de validation constante, et une volonté d’assaillir tout le monde avec la validation, qui faisait que le monde réel me paraissait, en comparaison, froid…  Comment dire? Dépourvu d’amour et dépourvu de soutien. Ce qui était très faux, en tout cas dans ma propre vie à ce moment-là.

Donc les transactivistes sur ce Discord, ont procédé selon un mécanisme d’embrigadement qui est extrêmement complexe, et qu’avec le recul je comprends difficilement même si je le saisis beaucoup mieux qu’à l’époque.

En fait ils nous font sentir, (globalement à tout le monde, mais je pense que les jeunes filles à tendance féministe disons sont particulièrement touchées, du fait de notre éducation à l’empathie, au soin d’autrui, et aussi de notre sentiment d’infériorité dû à l’éducation), en fait ils nous font sentir qu’on n’est qu’une construction sociale, qui renvoie des oppressions de partout, et que le seul moyen de ne pas constamment projeter de la violence autour de nous, sur tout le monde, c’est de se déconstruire.

On se sent extrêmement mal

Et on a surtout l’impression que ces gens, les transactivistes, sont des ressources vitales pour qu’on ne soit plus ce monstre, en fait. 

Et qu’on puisse devenir quelqu’un de bien.

Donc quelqu’un bien c’est quelqu’un qui ne va pas mégenrer, c’est quelqu’un qui respecte toujours les identités de tout le monde, qui se bat contre l’ennemi commun : les sales TERFS. Même si à l’époque c’était moins répandu qu’aujourd’hui. Et donc ça crée un cercle de dépendance, en fait : plus on se sent mal parce qu’on n’est pas déconstruit, parce qu’on a l’impression qu’on va violenter tout le monde, plus on a besoin des transactivistes pour nous expliquer. Donc ils nous expliquent les choses. Et plus ils nous expliquent, plus ils font apparaître, ils inventent de nouveaux mécanismes de violence qu’on aurait envers tout le monde, comme le mégenrage par exemple, mais il y en a plein d’autres, et plus on ressent cette dépendance envers eux, et ce besoin de toujours les côtoyer, pour toujours être sûres de ne jamais violenter personne…

Parce qu’en fait, quand on a déjà subi ce que c’est, une oppression, on n’a pas envie de le faire vivre aux autres. Et c’est ça la plus grande force des transactivistes, c’est le vécu de jeunes femmes (de tout le monde, mais des jeunes, en particulier LGB), qui ont vécu ce que c’est la violence patriarcale, l’oppression homophobe etc, et qui ont envie de l’abolir et de ne surtout pas le reproduire sur d’autres personnes.

Dans les luttes transactivistes, il y a une hiérarchie de la violence, et en fait c’est la course à qui sera le plus oppressé. Et la personne qui va être considérée comme la plus oppressée, qui est censée se faire taper dessus le plus par toute la société, va être celle qui va dicter la conduite à toutes les autres. Et sur ce Discord, c’était très apparent parce que, comme comme je l’ai dit, il y a plusieurs forums de discussion, et en fait quand je suis arrivée dessus, j’étais une fille cis, certes pas hétéro, mais j’étais quand même très privilégiée. En plus, malgré le fait que je venais d’une famille d’immigrés, j’étais blanche… donc attention! Donc j’avais accès à seulement une petite partie du forum. Et plus tard quand j’ai notamment fait mon coming out non-binaire, tout le monde m’a applaudie comme si j’avais eu la révélation de ma vie, que je faisais parti du club “des bons” en fait. Maintenant j’atais devenue une personne intéressante par ce que je n’étais plus une femme cisgenre. Et dont j’ai eu accès à d’autres forums de discussion, qui étaient en fait les plus actifs… et donc les plus dangereux, et cette hiérarchie c’est vraiment… en fait c’est vraiment un gros problème parce que quand on est une jeune ado on a besoin de reconnaissance de la part des adultes qui est complètement naturel. Et le fait de valoriser et de récompenser des gens, qui sont des enfants, sur la base de combien d’étiquettes d’oppression ils cumulent… c’est vraiment… incroyablement ridicule, pour commencer, mais aussi extrêmement dangereux.

J’ai parlé d’adultes. En fait sur ce Discord je faisais partie des plus jeunes. Je pense que la plus jeune devait avoir 13 ans, moi j’avais 14 ans. Il y en avait une qui en avait 16. Il y en avait quelques-uns qui avaient entre 18 et 20 ans, et puis il y avait des adultes de 35 ans qui avaient des enfants, qui étaient mariés… et qui trouvaient ça parfaitement normal de discuter de notre sexualité sur Internet toute la journée, avec nous, des ados au collège.

A l’époque évidemment, je ne me rendais pas compte à quel point c’était dangereux. Mais il y avait une vraie influence basée sur l’expérience de vie, sur l’âge, et nos jeunes intellects ne pouvaient pas se mesurer à eux et à leurs techniques de manipulation.

Donc sur ce Discord, je pense qu’une des raisons qui a fait que j’ai fnalement déclaré que j’étais non-binaire,  c’est parce que, en fait, je ressentais peut-être encore plus qu’ailleurs l’effacement de la féminité.  

J’étais arrivée en me disant que peut-être j’allais discuter de féminisme et apprendre… Mais en fait on ne parlait jamais des femmes. On parlait des trans et des  techniques de transition. A la limite, on parlais des homosexels mais en fait c’était considéré comme acquis que personne n’était hétéro, parce que les hétéros… pourquoi le côtoyer? Beurk, finalement! (je caricature, mais c’est vraiment grave) et le Graal, c’était de transitionner, d’avoir un bon passing, et ça devenait une obsession, avant même que je me déclare moi-même concernée. 

En fait, c’est un sujet qui, une fois qu’on s’y attache, accapare tout notre temps, toute notre vie, c’est extrêmement chronophage, parce qu’il y a toujours plus à apprendre, il y a toujours des nouveaux mots, des nouvelles étiquettes qui sortent, et qu’on doit mémoriser instantanément, utiliser parfaitement comme si on les avait intégrés dès notre plus jeune âge… au prix d’être les vilains oppresseurs complices du patriarcat. Et donc ça me prenait tout mon temps!

Les souvenirs que j’ai de cette période, c’est moi, dans ma chambre, sur mon téléphone, en train de me renseigner sur Instagram sur tous les nouveaux genres qui sortaient, tous les nouveaux pronoms, m’entraîner à faire des choses qui n’étaient pas naturelles.

Par exemple : genrer au féminin quelqu’un qui a 35 ans, qui a une voix d’homme, qui n’a pas effectué de transition. Et entraîner mon cerveau, contraindre mon cerveau à accepter que c’était normal, et que c’était ça ou être violente.

Et en fait, sur ce Discord, on m’a appris que le genre était un ressenti. Et ça c’est vraiment la base de la Bible transactiviste : le genre est un ressenti. Donc si tu te sens femmes, tu es femme. Si tu ne te sens pas femme, tu n’es pas femme.

Or moi, à 14 ans, à part les fois où j’étais confrontée à la violence et au sexisme, par exemple quand je rentrais tard le soir dans le métro, et que de vieux mecs me suivaient, je n’avais pas un sentiment profond d’être une femme.

Parce que premièrement, j’étais une enfant. Et que deuxièmement, ce sentiment profond, je pense qu’il ne vient que des retours qu’on a de l’extérieur. Les moments où je me suis sentie le plus femme de ma vie, à part quand c’était lié à des faits biologiques, comme par exemple avir ses règles, c’était les moments où j’étais le plus confrontée à la violence des hommes et où on m’a ramenée le plus à ce statut de femme. Mais donc si le genre est un ressenti, ce que j’ai appris sur ce Discord, n’importe quel ressenti que j’avais, pour moi, pour l’enfant que j’étais, pouvait être associé au genre! Et c’est comme ça que j’ai commencé à me dire que je n’étais pas une femme : parce que ce sentiment profond manquait, et que j’étais plein d’autres choses! Parce que j’avais des émotions, des émotions complexes, comme n’importe qui. Et ces émotions pouvant être facilement rattachées au genre, je me suis définie “non-binaire genderfluid”. 

Ensuite, j’ai passé des mois et des mois à analyser chacun de mes ressentis en me demandant si c’était lié à mon genre. Et en fait, sans même me demander, parce que je ne réfléchissais même plus. Je me disais “Ha j’ai ressenti ça, c’est sûrement un nouveau genre, vu que je suis genderfluid, j’en ai tout le temps des nouveaux genres, ça fluctue!

J’en ris, avec le recul parce que je me suis vraiment auto-convaincue de choses totalement ridicules! J’étais passionnée de littérature (et je le suis toujours) et je sentais bien que différents textes provoquaient chez moi différentes émotions. Et donc je me suis dit qu’un des facteurs qui pouvaient faire varier mon genre, c’était par exemple le type de livres que je lisais. Et donc quand j’ai lu “Madame Bovary” je n’avais sûrement pas le même genre que quand j’ai lu “le seigneur des anneaux”!

Ca peut paraître vraiment très très ridicule, mais c’était des réflexions nourries par des heures de conversations avec des adultes de plus d’une trentaine d’années qui accueillaient mes déclarations et nos déclarations (parce que je n’étais pas toute seule à être très jeune et mineure sur ce Discord et en questionnement) avec le plus grand des calmes, et en me disant :“Tu es valide, tu es valides. Quand tu dis que tu es sireno-genre parce que tu as envie d’être une sirène, tu es valide!”

Et c’est dangereux en fait!

Fort heureusement j’ai jamais vraiment transitionné socialement mais j’ai fait quelques pas dans cette direction.

Notamment j’ai acheté un binder, parce que je me suis auto-convaincue que je haïssais ma poitrine, ce qui était faux. Je détestais le regard des hommes sur ma poitrine. Mais ma poitrine elle-même, je n’avais aucun problème avec elle.

Et moi j’aimerais parler deux minutes du binder parce que je ne l’ai porté que quelques fois, mais j’en garde un souvenir traumatique, en fait! Ça compresse toute la poitrine. Mais pas seulement les seins : ça compresse les côtes sur le côté, ça compresse le dos, on ne peut pas respirer. Je pense que le cerveau est mal oxygéné : ça m’arrivait d’avoir des étoiles dans les yeux parce que je suis allée en cours de sport au collège avec. Et c’est vraiment dangereux, en fait! Je me dis heureusement que je ne l’ai porté que quelques fois, mais je sais que des personnes qui se sont bandé les seins pendant plus longtemps ont eu des cicatrices! C’est dangereux, c’est une mutilation du corps, en fait!

Le transactivisme, c’est un mouvement qui sacralise la destruction du corps.

Et le rapport des transactivistes à la féminité est vraiment extrêmement malsain aussi : nous, les femmes, ils essaient de nous ejecter de la féminité en déifiant la non-binarité, la non-conformité au système, au cis-tème, au cis-patriarcat, etc, mais EUX, les hommes transidentifiés, sacralisent la féminité. Une féminité cliché, qui me répugnait. 

En fait je pense que, voir des photos de ces adultes hommes, le torse poilu, en vêtements clichés de la féminité…  je sais plus j’aimerais pas dire de bêtises mais il me semble que j’ai vu des photos d’eux en sous-vêtements… je sais plus. 

En dentelle, avec une esthétique très cabaret… en fait ça me dégoûtait encore plus de féminité!

Parce que je voyais ça, je disais “C’est ça une femme? Je ne veux pas être comme ça!” (inconsciemment, en tout cas). Ils prônent cet idéal grotesque de la féminité qui fait que, même si on s’identifie encore en tant que femme à ce stade, on ne peut pas dire qu’on est une femmes, si toutes les femmes sont pareilles!

Parce que c’est vraiment des individus qui, par leur discours et leurs manières de se comporter, suscitent le rejet chez les autres.

Et donc oui à cause du temps que je passais en ligne, à discuter avec ces personnes, du temps que je passais en introspection sur moi-même à essayer d’identifier mon propre genre, je me souviens avoir été complètement déconnectée de la réalité.

Vers la fin, je ne lisais même plus, je n’écoutais pas en classe, je passais ma vie sur mon téléphone. Toutes les personnes qui essayaient de m’en empêcher, c’étaient le mal et une menace. 

Mes parents sont devenus une menace aussi.

Il y a une grande volonté des militants transactivistes de couper les jeunes de leur famille, de leur entourage parce qu’ils savent très bien que tant que ces jeunes sont ancrés dans un milieu qui les accepte comme ils sont, et un milieu bienveillant, ils n’ont aucune chance de les faire basculer de leur côté.

Moi, ils m’ont convaincue que mes parents étaient homophobes, alors que ce n’était pas le cas. Et je le savais en plus!

Et ils m’ont convaincue que c’étaient des personnes malveillantes … juste parce qu’ils refusaient d’adhérer à mes délires.

Parfois on marchait dans la rue avec ma mère, dont j’ai toujours été extrêmement proche, on a une relation fusionnelle avec ma mère, et on marchait dans la rue, et parfois elle disait : “La fille a de jolis cheveux”… et moi je lui disais : “Mais non, Maman, tu ne peux pas dire ça, parce que tu ne lui as as demandé son genre, donc tu ne peux pas savoir si c’est une fille!”

En fait, je ne réfléchissais même plus. Je n’avais aucun esprit critique, je répétais en boucle des phrases qui m’avaient été inculquées de force et martelées dans mon esprit.

Je ne pouvais rien dire d’autre, je ne pouvais parler de rien d’autre.

 Avec le recul je me souviens de cette période comme d’un trou noir, dans lequel ma volonté, ma réflexion et mon esprit critique ont disparu. 

Et ça a duré plusieurs mois.

Ce qui a fait que je m’en suis sortie c’est que j’ai été brutalement reconnectée avec la réalité de ce que c’est être une femme.

En fait, alors que j’étais encore sur ce Discord mais que je m’en détachais peu à peu, j’ai été violée à plusieurs reprises, par la même personne, l’année de mes 15 ans. J’étais en seconde.

Je n’ai pas du toute envie de dire quoi que ce soit qui se rapproche du fait que ça aurait été une expérience bénéfique.

Je pense que les phrases du style : “Mais tu peux tirer du bon de tout” et “On apprend de tout” etc,  ne s’appliquent pas ça.

Je pense que le viol ça détruit et ça ne fait rien d’autre que détruire et ça laisse un néant où tu n’as plus d’humanité, tu n’as plus rien. 

Mais malgré ça, ça m’a reconnectée avec ma réalité physique. 

Sans poser les mots dessus à l’époque, presque inconsciemment je pense, j’ai fait le lien entre ça, ce sentiment, et ce que j’avais fait toute ma vite en fait, face aux différents degrés de violence masculine.

Et j’ai réalisé que être une femme, c’était ça.

C’était être poursuivie par les garçons quand j’avais 7 ans.

C’était être violée à 15 ans.

Et ça n’avait rien à voir avec la vision “paillettes, feux d’artifice et fête” que les hommes trans identifiés de ce Discord me donnaient.

Et suite à ça, j’ai quitté discrètement  les conversations etc.

J’ai eu besoin d’un peu de temps pour réaliser ce qui m’était vraiment cette année, mettre de la distance avec cette personne de mon entourage.

Et vers mes 16/17 ans j’ai reconnecté avec le féminisme qui m’avait toujours attirée, la critique de genre qui avait toujours été dans mes valeurs.

J’ai lu les grandes théoriciennes du féminisme.

Et j’ai beaucoup réfléchi toute seule dans un premier temps sans les réseaux sociaux, ce qui, je pense, a été vital pour moi parce que c’est l’époque, vers 2019/2020, où je pense que le transactivisme a vraiment envahi les réseaux sociaux et tout l’Internet de manière fulgurante.

Et donc j’ai pris ce temps pour réaliser qu’être une femme n’avait rien à voir avec ce qu’on m’avait inculqué, et était en fait basé sur une réalité matérielle et biologique, et que c’était cette réalité biologique qui était la cause de nos souffrances, et à la cause de ce rapport conflictuel avec mon corps, dédoublé après les viols, bien sûr.

Et en fait c’était ça, la cause de mon mal-être et c’était pas une sorte d’attaque nébuleuse et omniprésente qui serait faite à l’encontre de mon identité de genre. Je n’étais pas enfermée par mon sexe “assigné à la naissance” mais par des injonctions faites de toutes parts et basées sur ce sexe.

Je suis ensuite retournée sur les réseaux sociaux, notamment pour suivre Marguerite Stern, qui a été ma sauveuse, parce qu’elle a créé les collages contre les féminicides, en 2019.

Le 1er janvier 2020, j’ai fait mon premier collage, toute seule. 

J’étais mineure et donc que je l’ai fait dans le dos de ma mère (c’est pas bien, il ne faut pas faire ça) mais en fait ça m’a libérée, ça m’a offert un espace d’expression pour porter ma voix, et aussi porter celles de toutes les filles qui m’entouraient. Parce que j’étais toujours dans un milieu scolaire qui était vraiment déconnecté des réalités des femmes, et en fait on n’en parlait pas : les profs et les élèves ne parlaient pas de tout ce qui se passait.

Et donc le collage a aussi modifié drastiquement ma perception de ce que je pouvais faire de ma vie de femme. Les premières fois, quand je sortais dans le dos de ma mère à quatre heures du matin, pour aller coller toute seule dans les rues de Paris, j’étais morte de peur. J’avais le sentiment qu’à chaque coin de rue il y avait un agresseur qui allait me tuer. Mais en revenant de ces séances de collage, je me rendais compte qu’en fait j’étais puissante, j’avais une voix et je pouvais occuper l’espace public. Et ça, ça a à tout jamais modifié mon rapport à la rue.

En parallèle, je continuais à construire ma pensée qui avait été détruite. Vraiment,  je considère que toutes mes pensées ont été détruites par les transactivistes, et donc j’ai vraiment dû reconstruire ma pensée sur ce sujet mais aussi sur plein de sujets, et refaire ma propre vision du monde.

Et donc j’ai aussi construit  ma pensée féministe radicale et j’ai rejoint l’Amazone Paris suite à une action le 11 avril 2021, contre la prostitution, organisée à par les militants du CAPP (le Collectif Abolition Porno Prostitution).

Et en rejoignant l’Amazone Paris,  j’ai découvert qu’il y avait toute une communauté de femmes réelles, pas uniquement sur la toile, qui partageaient mes valeurs et qui surtout osaient s’exprimer sur les violences commises par les hommes et plus spécifiquement par les transactivistes.

Parce que c’est vrai que j’évolue dans des milieux… je suis étudiante en prépa littéraire, et la prépa (je sais que c’est pire dans d’autres milieux universitaires, mais c’est vraiment Queerland !) il y a plein d’élèves qui transitionnent. L’année dernière, mon prof d’histoire nous a fait un cours d’histoire sur l’histoire du genre depuis la Révolution, et il n’a jamais parlé de sexe! Et sur chacune de mes copies, j’ai passé mon premier paragraphe à argumenter pourquoi j’allais d’utiliser les mots “sexe, femmes et hommes” et pas “genre”. Et il l’a reçu, mais à reculons! C’est vraiment une pensée qui est adoptée par les étudiants, les milieux universitaires et même des gens dont on penserait qu’ils la rejeteraient en bloc. Des universitaires de plus de 50 ans qui n’ont pas du tout été élevés là-dedans, qui ont été élevés dans un milieu souvent bourgeois et catholique, et qui, pourtant, accueillent à bras ouverts des élèves qui s’identifient “trans non-binaires”, avec des pronoms sortis de nulle part… et ça m’a choquée, en retournant sur Internet, de voir à quel point ça avait progressé.

Par exemple, à mon époque mon pronom, personnellement c’était “ael”. J’étais fière parce que je l’avais trouvé, et il n’était vraiment pas courant du tout. Aujourd’hui Ael  c’est mainstream… ça s’est développé au point que des discours qui, à l’époque, étaient très radicaux, aujourd’hui sont complètement acceptés. Et c’est très grave, en fait!

L’Amazone Paris et, plus généralement les milieux RadFem, m’ont offert cet espace de communauté dont j’avais besoin déjà adolescente, mais sur des bases saines où chacune est libre d’exprimer son opinion.

Et de voir toutes ces femmes fortes aux côtés desquelles j’étais fière de me battre et qui osaient assumer leurs positions, ça m’a permis, à moi, d’oser en parler à mon entourage et de libérer ma parole sur ce sujet. Parce que je pense qu’il n’y a rien de plus précieux que notre liberté de penser. Et c’est peut-être ce qu’il y a de plus nocif dans le transactivisme : c’est la destruction de notre liberté de penser.

Et c’est contre ça en priorité que j’ai envie de me battre aujourd’hui.

RDG – Pourquoi penses tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour les droits des femmes, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie?

Esther – Alors de mon expérience des milieux transactivistes, tout d’abord pour les enfants c’est au-delà d’une menace : un berceau du détournement de mineurs, et même de non-assistance à personne en danger, en fait!

Pour raconter un peu ce qui se passait sur ce Discord :  ces adultes, qui avaient parfois eux-mêmes des enfants, nous incitaient à nous rebeller contre nos parents, à nous enfermer dans cette bulle de manipulation, et notamment par exemple, à fuguer de chez nous. Et je sais qu’il y a plusieurs ados (je ne l’ai pas fait fort heureusement, je pense que j’étais protégée par ce rapport extrêmement bienveillant et d’amour que j’ai toujours eu avec mes parents, mais malgré ça, j’étais atteinte, mais je n’ai pas été jusqu’au bout) enfin, il y a des ados sur ce Discord qui ont fugué  de chez leurs parents.

Ils nous encourageaient à suivre des traitement hormonaux dans le dos de nos parents et sans en parler à des docteurs, en nous expliquant comment on pouvait se fournir.

Ils nous encourageaient à violenter notre corps de 1000 façons, à utiliser tout ce qui est binders, et tout…

Je me rappelle qu’une fois, il y avait eu une conversation entre un mec de 35 ans avec une fille trans identifiée de 12/13 ans où il lui expliquait que ça n’était pas grave si son binder était trop petit parce que ça allait juste fonctionner mieux, alors qu’un binder trop petit, je ne sais plus les risques médicaux, mais ça peut compresser la poitrine, et je crois que ça peut même bouger les côtes et  compresser les organes internes… enfin c’est très très très dangereux!

Ce besoin de validation du transactivisme, tout le temps, tout le temps, ça créait un déni de tout le reste, qui pouvait justifier pleinement le mal-être de ces gens.

Et cette même fille transidentifiée, elle avait expliquée un soir qu’elle avait été violée devant son père par un ami de son père (je suis désolé d’en parler, de parler comme ça dans des termes graphiques, mais je pense que c’est important de dire les choses) et elle avait expliqué ça. Donc il y avait des adultes, qui étaient pourtant censés être féministes, et renseignés sur les traumatismes qui suivirent de tels événements, et personne n’avait l’idée d’imputer son mal-être en partie au moins à cette expérience. Et tout le monde prétendait que c’était uniquement parce qu’elle avait été assignée à la naissance “fille” par un vilain docteur transphobe, alors qu’ elle n’était absolument pas une fille!

Et ça a des conséquences très concrètes sur les enfants. Je pense que je l’ai dit tout à l’heure, mais c’est de pire en pire. A mon époque, c’était encore très marginal et j’étais peut-être une des seules de mon collège à être au courant et au fait de ces mouvances. Mais aujourd’hui, je sais que c’est extrêmement répandu. Je sais que dans les cursus scolaires et universitaires, il y a des préventions contre la transphobie, avec notamment une banalisation de l’utilisation des espaces réservés aux femmes par les hommes trans identifiés. 

Encore hier, j’ai une amie qui m’a montré une caricature qui avait été étudiée dans son cours d’anglais de fac où, en gros ça se moquait d’une femme qui protestait contre un homme utilisant les toilettes réservées aux femmes. C’est extrêmement dangereux et cette pression à l’inclusivité et à inclusion des hommes dans tous les espaces réservés aux femmes a créé des violences sans nom…

Je pense que le séparatisme et le  fait de se couper des hommes doit être un choix personnel, mais je pense que c’est vital qu’on ait, dans l’état actuel des choses, des espaces réservés aux femmes. Ne serait-ce que parce que certaines sont traumatisées.

Et je pense qu’on doit avoir des moyens d’échapper à cette violence.

Je sais qu’aux États-Unis par exemple, en Californie, les prisons commencent à instaurer des moyens pour faire face au fait qu’il y a de nombreuses grossesses liées à des viols que subissent les femmes par des femmes transidentifiées qui sont incarcérées avec elle…  par des hommes transidentifiés pardon, qui sont incarcérés avec elles.

Et la réaction des prisons, c’est de créer des infrastructures pour accueillir ces bébés issus de viols, plutôt que de lutter contre la présence d’hommes dans les prisons de femmes.

On sait que dans le milieu sportif, ça cause énormément de problèmes à cause de différences biologiques évidentes qui créent des disparités.

La pression à “relationner” comme ils disent, dans le sens d’avoir des relations amoureuses et sexuelles avec des hommes transidentifiés, dits “femmes trans” dans les milieux lesbiens, est inouïe!

Aujourd’hui, à Paris il n’y a presque plus de bars lesbiens, parce qu’ils sont tous soit en train de fermer, en faillite, soit extrêmement peu connus et fréquentés, soit investis complètement par les trans et par les hommes.

J’ai été frappée, je sais pas si… La Mutinerie c’est censé être LE bar lesbien de Paris en non-mixité… J’y suis allée deux fois. La deuxième fois que j’y suis allée, il y avait plus d’hommes que de femmes et certains étaient des “femmes trans” donc transidentifiés etc, certains étaient non-binaires, et certaines, pas du tout, étaient des hommes cis hétéros… 

Parce qu’en fait les hommes ont cette tendance à s’accaparer tout ce qui appartient aux femmes.

Mais jamais avant, dans l’histoire je pense, ils n’avaient eu accès jusqu’au rôle genré féminin, jusqu’aux espaces et aux tâches réservées aux femmes. Je pense que, même dans les périodes les plus noires en ce qui concerne les disparités de sexe et l’oppression patriarcale, jamais les hommes n’ont revendiqué le peu qui appartenaient aux femmes.

Et aujourd’hui il n’y a même plus cette limite qui assurait peut-être un semblant de protection de ce qui était la féminité.

Aujourd’hui, tout ce qui appartient aux femmes appartient aussi aux hommes.

Et les lieux réservés aux femmes, qu’ils soient matériels comme des refuges ou des bars, ou tout espace en non-mixité, ou alors les lieux spirituels : le féminisme, la lutte lesbienne, appartiennent aussi aux hommes. Ces espaces sont envahis, en fait! 

On ne peut plus “respirer” nulle part!  

On a besoin pour faire face à ce qu’on vit, se rassembler et lutter un peu contre le sexisme, de ces espaces de femmes. Et c’est vraiment un besoin vital. Et c’est un besoin qui nous est nié et quand on les réclame, on est considérées comme des personnes violentes, on est déshumanisées. Le mot “terf” plane au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès, et c’est extrêmement dur de parler et de revendiquer aujourd’hui nos espaces. 

Et par ailleurs, avec le recul de mon expérience, je réalise le danger à côté duquel je suis passée, et je me rends bien compte que je m’en suis sortie parce que mes expériences en termes de violences sexuelles m’ont reconnectée avec ma réalité matérielle…  mais l’inverse aurait tout aussi bien pu se produire comme ça l’a été pour cette autre jeune fille dont je parlais tout à l’heure. Et j’aurais pu m’enfoncer dans une transition médicale lourde et douloureuse … pour fuir la féminité en fait!

Et l’omniprésence du transactivisme nous refuse le droit de remettre en question ce qui rend vraiment la féminité douloureuse.

On a le droit, en tant qu’être humain, de vivre sous notre réelle identité, sans subir de violence et on a le droit, je pense, de se battre contre ce qui rend aujourd’hui cette tâche impossible.

RDG – Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner aujourd’hui? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces? Est-ce que tu as rencontré des dangers, qu’ils soient réels ou perçus dans ton entourage ou dans ton environnement? Est-ce que tu te sais sécurité? Est-ce que tu peux parler librement ou pas?

Esther – Je pense que toutes les féministes radicales, et plus généralement toutes les femmes critiques du genre, ont bien conscience de la menace réelle qui pèse sur nous aujourd’hui. 

J’ai 19 ans, je suis jeune et, de manière générale, que ce soit en faisant ce podcast aujourd’hui, ou en militant avec l’Amazone, je me demande régulièrement si j’aurai un jour un emploi. Parce que je vois, dans d’autres pays, les gens se faire licencier, se faire ostraciser de la société parce qu’elles ont osé défendre des positions critiques du genre.

Après, j’ai beaucoup de chance dans le sens où j’ai un entourage qui, globalement, m’écoute, qu’il soit d’accord avec moi, ou pas. Ma famille me soutient et soutient mes positions. Je pense que mes parents sont très très très soulagés que je sois revenue de là où  j’étais il y a quelques années.

Mes amis les plus proches, qu’ils soient renseignés sur ce sujet ou pas, qu’ils partagent mes valeurs ou pas,  globalement me soutiennent.

Après, j’ai déjà subi des pressions concrètes : notamment récemment, j’ai perdu tout un groupe d’amis, qui pourtant se comportaient comme s’ils étaient très attachés à moi. Parce que j’ai retwitté un tweet de Marguerite Stern. Un truc qui parlait de féminicides… même pas critique du genre! Et suite à ça, on m’a confrontée et je ne me suis pas cachée du fait que je l’admirais énormément et que je n’avais pas honte de partager son travail. Donc tout ce groupe de personnes (une dizaine peu près) ont coupé contact avec moi et j’ai appris par la suite qu’ils faisaient des soirées où ils parlaient de “Esther la sale terf”, qu’ils avaient bien heureusement éliminée de leur vie… 

Donc je témoigne sous mon identité, et je pense que c’est important de le faire, même si je comprends bien sûr les femmes qui ne le font pas, parce que je préfère vivre libre de m’exprimer en sachant que je ne vais perdre personne suite à mon discours.

J’aime le fait qu’aujourd’hui, si je prends la parole et que ça sort publiquement, de mon entourage proche je ne risque de perdre personne. Et je pense que cette liberté de s’exprimer, elle n’a pas de prix. 

Après, la pression est telle que je comprends parfaitement celles qui préfèrent se cacher, et à vrai dire je comprends même celles qui n’osent pas s’avouer que le discours qu’elles prêchent est en fait absurde et violent envers elles-mêmes, parce que c’est tellement omniprésent !

Je pense que la clé de notre libération c’est vraiment, avant tout, la libération de notre parole, et que si même nous, on n’ose pas s’exprimer sur ce qui nous arrive (quand je dis “nous”, je parle des femmes), personne ne le fera à notre place, évidemment!

Et c’est pour ça que je trouve ça important de témoigner et que je trouve que des podcasts comme “Rebelles du Genre” sont vitaux, pour se rendre compte que … plus on parle, plus on est nombreuses à le faire, et en fait on est des millions dans le monde, je pense!

Et c’est important de faire face au camp d’en face qui n’hésite pas à s’exprimer publiquement sur les réseaux sociaux pour nous insulter. Donc je pense que notre,  (ma réponse en tout cas), est pacifique : je ne veux pas de mal à ces personnes. 

J’ai juste envie qu’elles arrêtent de nous vouloir du mal.

RDG – As-tu une anecdote, ou plusieurs, à raconter sur un événement qui t’aurait marquée concernant le transidentité ou le transactivisme?

Esther –  Alors, j’ai deux anecdotes, qui, je pense, prouvent à quel point les dérives  du mouvement “trans”, disons, sont omniprésentes, touchent  toutes les femmes et sont vraiment dangereuses et déterminantes dans la vie des individus. Au-delà du fait qu’elles nous empêchent de régler des problèmes sous-jacents dans la société dans son ensemble. C’est deux anecdotes qui sont arrivées à deux amies très proches, à moi. 

Donc la première, c’est femme hétéro d’une vingtaine d’années. Elle n’a aucun problème de dysphorie, mais elle est non conforme au genre, dans le sens où elle a  un style assez “masculin” : elle a les cheveux courts,  elle a joué au foot pendant toute son enfance etc. Et elle évolue dans le même milieu universitaire que moi, c’est-à-dire le milieu littéraire très très queer. Et notamment, elle avait des amis qui étaient persuadés (qui le sont toujours, je pense) persuadés pendant très très longtemps qu’il était, au choix : soit une lesbienne refoulée, soit un homme trans refoulé… Elle est critique du genre donc elle n’a personnellement jamais été influencée par ces discours, mais je me rappelle qu’on lui répétait tous les jours : “Mais si, questionne-toi sur ton genre! Déconstruis-toi! Tu ne vois pas que tu es un homme trans, etc. Et en fait ça m’avait déjà choquée, cette insistance à vouloir caser chaque personne qui ne rentre pas parfaitement dans les normes de la féminité, dans une autre case : celle d’homme trans ou de lesbienne, dyke, butch, ou je ne sais quelle étiquette ridicule! Elle m’a raconté qu’une fois elle a été en soirée, avec notamment ce groupe de personnes, et une fille qu’elle n’avait jamais vue, en discutant cinq minutes avec elle du fait qu’elle était sûrement un homme trans refoulé, a sorti de son sac une seringue et de la testostérone, en disant : “Tiens, si tu veux, je te fais une injection!” Les mots me manquent pour exprimer à quel point c’est dangereux de s’auto-médicamenter comme ça et de proposer ça en soirée, à des gens qui, potentiellement ont consommé des substances, donc ne sont peut-être pas dans un état pour prendre des décisions comme ça. Mais dans tous les cas, proposer un traitement à quelqu’un qui n’en voulait pas et qui en plus n’a pas vu de médecin pour ça, c’est vraiment… c’est vraiment penser que tout le monde est contre nous, et qu’on doit s’en sortir par nous-mêmes! C’est médicalement dangereux!

Et la deuxième anecdote, c’est une autre amie à moi, qui a parlé à un médecin qui la suivait pour un syndrome de stress post-traumatique à la suite d’un viol qu’elle avait subi et il – je crois vraiment que c’était son psychiatre – a suggéré le fait que ce mal-être et ce rejet de la féminité pouvait en partie découler de non-conformité avec le genre féminin, et lui a dit qu’elle devrait explorer la possibilité d’être trans, non-binaire, ou homme… Vraiment, cette omniprésence de la pensée trans nous empêche de trouver des solutions pour des choses qui sont, des mal-êtres qui sont dans le quotidien d’extrêmement beaucoup de personnes! 

Il y a 94000 femmes violées en France par an… Imaginez si chacune d’entre elles associait ce rejet de son sexe, ce rejet de son corps, et ce rejet la féminité, au fait d’être trans! En deux minutes, ce ne serait plus une minorité, en fait! Si toutes les femmes qui avaient un rapport bouleversé à leur corps, du fait d’avoir subi des violences, s’en remettaient au diagnostic des transactivistes… il n’y aurait plus aucune femme!

Je pense que je dis des évidences. Mais en fait ces deux anecdotes prouvent à quel point la médicalisation de la transidentité et l’omniprésence de la transidentité, ça peut toucher n’importe qui. Ça peut toucher des gens qui ne sont pas du tout dans ce mouvement? Ca peut toucher des femmes “cis-hétéro”qui sont seulement à non conformes au genre.  Ca peut même toucher des femmes comme moi, qui à la base, correspondaient parfaitement aux normes de genre. 

Ça peut toucher n’importe qui.

C’est un danger qui n’épargne personne et c’est pour ça qu’il faut, à mon sens, informer le plus possible les femmes.

RDG – Est-ce que tu as quelque chose à ajouter?

Esther –  Oui. Enfin, j’aimerais appeler peut-être les personnes qui m’écoutent à se fédérer un peu plus.

Le propre du transactivisme et de la transidentité c’est que ça nous coupe de toute vision globale de la société, en nous obligeant à nous focaliser sur nos propres sentiments, nos propres ressentis, notre propre individualité… tout en nous détachant, en fait, de notre être, puisque ça nous détache de notre corps.

Et pour citer Bell Hooks, une autrice féministe incroyable, dont je conseille la lecture à tout le monde : “The challenge to patriarchy is political, and not lifestyle or identity.” Donc je pense que je pourrais traduire comme : “Le défi, et la réponse au patriarcat, est politique et ne se situe pas dans le mode de vie individuel ou l’identité.” 

En fait oui : je pense que c’est le groupe qui va nous sauver, et le fait que pour se libérer, on doit toutes se battre ensemble et cumuler nos identités individuelles pour former le peuple, la peuplesse des femmes.  Voilà! 

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