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Rebelle du genre, ép. 25 – Antastésia

Je m’appelle Emy, mais je suis surtout connue sous le nom d’Antastésia, parce que je crée du contenu en ligne, notamment sur YouTube.

En dehors, je suis également prof. 

J’ai 30 ans et j’habite à Paris.

Antastésia – Alors au départ, personnellement j’étais très sensible à la question de la transidentité, et je n’étais pas du tout opposée à tout ce qui relève de la transition, ni même aux discours qu’on pouvait entendre en ligne. 

Mais je vous parle de ça, c’était il y a environ 10 ans… Donc les discours ont quand même beaucoup évolué. 

On va dire que je n’ai jamais adhéré au genre en tant que sentiment inné, et réalité intime et personnelle et subjective. 

J’ai toujours été convaincue que le genre est un outil de l’oppression patriarcale. 

J’ai toujours été, en tout cas à partir du moment où je me suis revendiquée féministe, convaincue que c’était effectivement une construction sociale, que c’est un outil de l’oppression patriarcale. 

Mais de l’autre côté, de manière paradoxale et sans avoir à ce moment-là conscience que c’était quand même un petit peu problématique et assez paradoxal, j’étais  aussi très sensible à la question de la transidentité.

En fait, j’ai même fait quelques vidéos justement sur ma chaîne YouTube pour informer et pour alerter en étant une bonne “alliée”, et j’ai même participé à des financements avec des crowdfundings par exemple, pour des personnes trans qui souhaitaient avoir accès à des opérations.

Donc  je n’étais vraiment pas du tout dans une démarche critique vis-à-vis de la transidentité. Je tiens quand même à préciser, comme je l’ai dit, voilà, que c’était il y a quand même plusieurs années, et que – en tout cas ma connaissance – ce qui se passait sur les réseaux sociaux n’avait rien à voir avec ce qu’on peut trouver actuellement.

Et je pense que si ça n’avait pas été le cas je n’aurais pas été aussi, on va dire “ouverte” à cette idéologie, à ses revendications. Revendications qui, à l’époque, me semblaient plutôt acceptables et qui relevaient de la non-discrimination pour les personnes qui se déclaraient trans :  un parcours de soins adapté, et plus globalement d’ouverture dans la société.

A l’époque, c’était quelque chose qui me parlait totalement et je pense que c’est le cas pour beaucoup de femmes, et pour beaucoup de féministes.

Et de fil en aiguille, j’ai vu le mouvement transactiviste évoluer, à mon sens énormément évoluer,  je dirais même. 

Et il y a quatre ans il y avait déjà eu une première polémique avec l’autrice nigériane Ngozi Adichie qui avait dit qu’il y avait une différence fondamentale entre les femmes trans et les femmes “cis” ‘je précise que moi je n’utilise pas le vocabulaire “femme cis”, mais là je reprends les termes exacts du débat à l’époque. On lui avait posé la question : “Est-ce que les femmes trans sont des femmes?” Et  elle avait répondu “Elles peuvent être des femmes trans, mais en tout cas elles n’ont pas la même expérience que les femmes “cis”, et donc que moi.”

Et ça, ça avait déjà à l’époque provoqué un petit tollé et j’avais d’ailleurs fait une vidéo justement, il y a quatre ans, pour soutenir sa position et expliquer que je ne voyais pas en quoi c’était transphobe, et en quoi on n’aurait pas pu avoir ce genre de propos, tout en soutenant aussi, derrière, des personnes transgenre. 

Et à l’époque je me souviens que dans les commentaires, j’avais une vidéo qui est en anglais d’ailleurs, j’avais beaucoup de commentaires de personnes trans qui étaient tout à fait d’accord avec moi. 

Et le climat déjà à l’époque, en tout cas dans cette petite sphère YouTube, et en anglais, était pour moi très différent de ce qu’il est actuellement. 

Clairement, je ne pense pas qu’à l’heure actuelle, si une telle chose venait à se produire, il y aurait des personnes trans qui viendraient commenter de manière positive sous ce genre de contenu.

Et puis il y a deux ans (alors entre-temps bien sûr j’avais commencé à  en apprendre davantage, sur notamment les prisons et le sport, étant donné que c’était vraiment, je pense, les deux points saillants de discrimination) en tout cas dans le discours trans c’étaient les deux points saillants vraiment très importants, et où une résistance féministe commençait à s’opérer, et ça, ça ne passait pas du tout. 

Et donc j’étais très perplexe et très critique de ça, et j’ai commencé à en parler un petit peu sur Instagram, et à ce moment-là, une personne… alors un homme transidentifié qui à l’époque était très présent sur les réseaux ,et qui se disait “non-binaire” mais aussi “transféminine”… Donc, déjà rien que ça…  moi j’étais dans la perplexité totale… mais bon… est venu me faire la leçon en message privé,  justement sur Instagram, pour me dire que le fait que je relaie ce genre d’information, c’était transphobe. Donc on parle bien d’information qui visait à informer les gens de la situation qui se profilait de plus en plus précisément dans les prisons par exemple, ou dans le sport.

Lors de nos échanges, cette personne a continué en me disant “qu’il” vivait la même misogynie que moi.

Et je pense que ça, ça a été pour moi la petite, la dernière goutte d’eau.

Etant donné, je le précise, que cette personne n’a fait AUCUNE transition, donc n’a même pas une apparence qui pourrait être perçue comme celle d’une femme. C’était tout simplement un homme qui se teignait les cheveux, qui portait du maquillage, et de temps en temps, portait des robes. 

Donc quand j’ai entendu cette personne me dire qu’elle vivait la même expérience du sexisme et la misogynie que moi, ça a été très difficile à accepte

Donc quand j’ai entendu cette personne me dire qu’elle vivait la même expérience du sexisme et la misogynie que moi, ça a été très difficile à accepter, et j’ai vraiment senti à ce moment-là qu’il y avait deux options qui s’offraient à moi, qui était celle de “courber entre le dos” et de prétendre ne pas voir que c’était un homme, alors que c’était un homme, pour garder un discours consensuel. Ou alors oser affirmer que pour moi, se dire “transféminine et non-binaire”, premièrement n’avait aucun sens et deux, assumer le fait que je voyais clairement un homme en face de moi et que j’étais persuadée que je sais très  intimement que tout le monde voyait un homme également.

A ce moment-là j’ai été un petit peu, on va dire à “outée” donc j’ai un petit peu été exposée sur les réseaux sociaux avec certains relais justement de ces messages et de ces conversations. Ce que moi j’ai choisi de ne pas faire à l’époque, et j’ai donc fait une vidéo qui s’intitule : « Suis-je une vilaine terf? », qui totalise à l’heure actuelle plus de 100000 vues, dans laquelle j’étais encore un petit peu aux balbutiements de cette réflexion, ou en tout cas j’étais encore dans une façon de m’exprimer qui était pleine de tact. Voilà. 

Mais je parlais de la question du passing, de la réalité matérielle de l’existence des femmes, et de ma volonté de ne pas m’inscrire dans ce qui serait à mon sens, effectivement, une transphobie, c’est-à-dire discriminer des personnes parce qu’elles se diraient trans. 

Mais je refusais de continuer à participer à ce qui me semblait devenir un délire collectif.

Et là, cette vidéo, effectivement, ça a été un petit peu le point de bascule, étant donné qu’à partir de là, j’ai forcément été désignée comme une grande ennemie de la cause trans, sur les réseaux. 

Mon nom a beaucoup tourné. Une personne qui est à l’heure actuelle très connue dans le milieu du transactivisme français, un “homme trans identifié femme”, qui s’en est pris notamment à Dora Moutot entre autres, avait également fait des storys sur moi “à la une” , qui ont miraculeusement disparu quand il a eu un contrat pour écrire un livre, comme par magie : ça fait plus propre quand on a un contrat pour écrire un livre ou pour passer à la télé, ou dans la radio, de ne pas montrer qu’on a harcelé des femmes.

Donc voilà : ça a été un mélange de tout ça, et là j’ai commencé à me renseigner davantage. Je pense que, à ce moment-là, de plus en plus de femmes ont commencé aussi à prendre la parole.  On a eu accès à beaucoup d’informations sur des sujets divers, mais alors vraiment que je ne soupçonnais à l’époque absolument pas!

Et c’est à partir de ce moment-là que j’ai pu en fait réconcilier ma première critique du genre, ma pensée féministe qui est  que le genre est une construction sociale qui nous oppresse, et quelque chose qu’on doit chercher, à mon sens, à éradiquer, et le fait que c’était incompatible, tout simplement, avec la plupart des revendications des personnes trans, et potentiellement même, avec la manière dont la transidentité nous est présentée à l’heure actuelle.

RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, la société et la démocratie?

Antastésia – Je pense que je vais peut-être un petit peu répéter beaucoup de choses qui ont déjà été dit par les autres intervenantes, mais c’est un mouvement qui est extrêmement dangereux ; je pense aussi bien par ce qu’il propose en termes de contenu, que par la manière dont il opère.

Précisément, bien évidemment, pour les femmes, au niveau du contenu en tous les cas. C’est une réelle volonté de détruire les manières d’exprimer la réalité matérielle et douloureuse des femmes.

C’est une volonté de nous déposséder aussi bien de notre langage que de notre expérience (on a toutes, bien évidemment, des expériences personnelles, mais on a aussi, à mon sens, une sorte d’histoire collective des femmes, et ça je pense que c’est quelque chose que ces personnes essaient de détruire).

C’est nous déposséder des espaces qui nous sont réservés.

C’est nous déposséder aussi, tout simplement, par exemple, de nos avancées, par exemple en sport?

C’est nous déposséder, je pense aussi, d’une certaine manière, de tout ce qui a trait à la maternité et aux droits reproductifs, et alors là, ma réflexion n’est pas encore extrêmement aboutie, mais moi je pense qu’il y a quelque chose de profondément central qui se joue à ce niveau-là. Il me semble même que c’est l’un des pivots les plus importants dans la misogynie et dans le patriarcat, cette faculté qu’ont les femmes d’être mères, voilà, tout simplement.

 Je pense que c’est dangereux pour les femmes parce que, premièrement, il y a aussi des conséquences très très claires dans les prisons, dans les lieux de rencontres, par exemple lesbiens. 

Je pense que c’est un enjeu pour les enfants parce que le transactivisme, à l’heure actuelle, milite ardemment pour une tombée de toutes les limites et de toutes les barrières qui, à la base, étaient quand même mises en place par, notamment, tous les personnels soignants. Et ça, je trouve que c’est assez incroyable de voir le peu de réactions qu’il y a dans la sphère vraiment “lambda”, à ce titre. 

Quand on voit qu’il y a quand même des opérations qui commencent à être pratiquées sur des personnes qui sont mineures, quand on voit que la prise d’hormones est présentée comme quelque chose de totalement anodin, que les bloqueurs de puberté c’est aussi présenté comme quelque chose de totalement anodin, quand on voit que la plupart des personnes continuent à ne pas vouloir se poser de question : « Pourquoi est-ce que d’un coup, le nombre de personnes trans explose et pourquoi est-ce que ce sont, comme par hasard, des jeunes filles? » 

Moi je trouve que c’est assez incroyable.

Donc dangereux pour les femmes et pour les enfants. Globalement pour tout le monde, mais ça touche concrètement les femmes et les enfants, c’est une marchandisation, pour moi,  du corps.

C’est l’aboutissement d’un certain capitalisme qui associe au monde du médicament et je trouve ça absolument effrayant.

Et je trouve ça aussi vraiment aussi absolument incroyable, et j’ai toujours du mal à le croire, c’est cette capacité, quand même, à clore tout débat, toute question et toute critique.

A la limite, que certaines personnes soient convaincues corps et âme de ce qu’elles avancent, même si moi je trouve ça profondément dangereux et profondément sexiste, de toute manière c’est une réalité à laquelle on se heurtera toute notre vie,  je pense.

Mais là, ce que je trouve assez unique, c’est qu’on est quand même empêchées de critiquer ou même de questionner, et très honnêtement je n’ai pas vécu ça avec d’autres mouvements. C’est-à-dire qu’en fréquentant des mouvements, par exemple antispécistes ou animalistes, où il peut y avoir parfois  des des questions ou des désaccords, je n’ai jamais rencontré cette opposition-là et cette volonté de nous faire taire.

Et pour être tout à fait honnête, un grand nombre même d’hommes qui ne se disent pas trans, non-binaires ou que sais-je… qui sont de bons hommes “cis”  pour reprendre les termes, et qui sont par ailleurs sexistes… malheureusement je dois avouer que je les trouve, (dans mon expérience en ligne en tout cas) je les trouve moins violents que les transactivistes. Et ça c’est c’est quand même assez fou! 

Alors je ne dis pas que c’est le cas tout le temps, bien évidemment qu’il y a une violence incroyable qui s’opère chez les hommes, et de toute manière c’est celle que l’on retrouve chez les transactivistes à mon avis. 

Mais il me semble que chez les transactivistes, c’est encore plus décomplexé, parce que c’est soutenu, c’est présenté comme du progressisme, c’est présenté comme une violence venant des victimes et des opprimés. Et donc, forcément, elle est légitime. Tandis qu’on reçoit quand même une certaine part de soutien il me semble, lorsque ce sont des hommes qui n’ont pas cette “case de l’oppression” à remplir, qui est celle de la transidentité…

Et l’impossibilité, pour moi, de critiquer ou de questionner c’est…  c’est une forme de totalitarisme.

Et je trouve que le mouvement a clairement des dérives sectaires.

Je sais que ça peut paraître peut-être un peu poussé de le dire ainsi, mais pour moi, le fait de créer cette communauté trans qui vient supplanter tout autre communauté, le fait de chercher (il me semble quand même pas mal) à couper des liens avec des parents ou un entourage qui ne seraient pas forcément d’accord à 100 %… 

Le fait de repousser la science… 

Le fait de ne pas présenter ça comme une croyance, alors que ça repose quand même sur une croyance… 

La question de l’argent aussi, on n’en parle pas beaucoup mais il y a quand même énormément de demandes d’argent.

Et bien évidemment l’impossibilité de critiquer ou de questionner…

Eh bien pour moi, ça me fait quand même penser à un mouvement sectaire, clairement, voilà!

RDG – Qu’est-ce qui t’a amenée à témoigner à la fois à visage découvert et en reprenant ton nom de vidéaste sur YouTube?

Antastésia –  En fait la question pour moi ne se pose pas. Je suis sur les réseaux depuis très longtemps. Ma chaîne YouTube, je l’ai créée en 2007. J’ai commencé à publier vraiment des vidéos en 2009, et avant j’étais sur MySpace, et puis j’ai été sur Twitter puis j’ai été sur Instagram… bref.

Donc j’ai toujours été sur les réseaux, et j’ai toujours été sur les réseaux à visage découvert. Voilà. Sans doute aussi parce qu’à l’époque, c’était totalement différent comme climat, à tous les points de vue, c’était un espace vraiment beaucoup plus restreint, beaucoup moins mainstream. Il n’y avait pas de questions qui vraiment, se posaient.

Par contre, j’ai toujours fait le choix de ne pas mettre mon nom en ligne, même si mon nom a fuité et et que certaines personnes cherchent justement à me doxxer, donc à faire fuiter mes informations, donc mon nom, mais également les lieux où j’ai pu travailler, et j’ai l’impression que, à l’heure actuelle, c’est quelque chose qui engage… ce n’est pas une impression, ça engage beaucoup… que de témoigner de façon non-anonyme sur ces sujets-là. 

J’estime que je suis dans une position où je peux me le permettre, plus que beaucoup de femmes. Je ne pense pas que ça mette en danger mon activité professionnelle. Je ne crains pas pour les liens avec ma famille ou mes amis parce que j’ai la chance d’être avec des personnes qui ne sont pas du tout …“contaminées”, j’allais dire, c’est un mot un peu fort mais naturellement je vais le garder c’est le mot qui m’est venu. … contaminées par cette idéologie. 

Donc que je ne m’inquiète pas plus que cela, pour être honnête et quand bien même je m’inquiéterais, parce qu’il y a quand même une petite dose d’inquiétude étant donné que je sais ce qu’est le harcèlement en ligne et que j’en ai été la victime notamment par le transactivisme. 

Je tiens quand même à témoigner de la manière dont je me suis toujours exprimée en ligne, parce qu’il semble que c’est plus que nécessaire à l’heure actuelle.

Je ne juge pas les personnes qui ne peuvent pas le faire bien évidemment!

Mais moi, ça me semble très très important de pouvoir… voilà poser un visage et que ce soient être aussi des personnes qui par ailleurs regardent certaines de mes vidéos, se disent que d’habitude j’ai un discours plutôt cohérent et pas haineux, et que le fait que ce soit plus identifiable peut-être, et qu’elles puissent se dire : “Ah cette personne-là,  jusqu’à preuve du contraire, elle n’a pas eu de  propos vraiment haineux, elle n’a pas eu de propos discriminatoires. Donc pourquoi est-ce qu’elle se pose ces  questions-là?”

J’espère que ça peut être aussi utile, justement.

Et amener des personnes à la réflexion parce qu’il y a un lien peut-être qui s’était déjà créé, ou il y a un lien qui peut se créer parce qu’il y a une multitude de vidéos de moi disponibles en ligne…

RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme ? 

Alors concernant les anecdotes du coup, c’est surtout celle que j’ai déjà mentionnée avec ce jeune homme, parce qu’en plus c’était un homme qui était jeune, ce jeune homme “non-binaire transféminine”… ça m’a vraiment marquée parce que pour moi c’était… 

J’ai reçu à ce moment-là, lorsque j’en ai parlé, des messages de personnes qui me disaient : « Non mais c’est pas possible, tu vois bien que c’est une femme! Et moi je suis sûr que, dans la rue, elle se fait aborder comme une femme, et elle se fait harceler comme une femme »!

Et c’était, pour moi, la première fois que je voyais les gens me mentir à ce sujet-là d’une manière aussi frontale et assumée.

Parce que je ne peux pas concevoir que ce ne soit pas un mensonge quand on a quelqu’un, qui en plus n’a fait aucune transition (quand certaines personnes ont fait des transitions je veux bien, qu’effectivement, l’apparence puisse être, alors « trompeuse » c’est… en tout cas je veux bien que l’apparence puisse faire croire qu’on a en face de nous une personne qui serait « femelle », mais là, dans cette situation bien précise, ce n’était absolument pas le cas.

Je pense que ça, ça m’a vraiment marquée, parce que je me suis demandé jusqu’où ces personnes étaient prêtes à aller, et quelles étaient leurs véritables motivations. Finalement, pourquoi mentir à ce point ? 

Est-ce que c’était des personnes manipulées et qui n’arrivaient même plus à voir la vérité en face ou est-ce que c’était des personnes qui mentaient, très clairement ? 

Et j’ai un rapport à la vérité qui est assez, comment dire, en tout cas à une certaine réalité qui est assez important, même si certaines choses peuvent aller à l’encontre de mes idées premières, ou de mes convictions et de mes valeurs, à partir du moment où la réalité les dément, je suis obligée de faire avec. 

Et quand j’ai vu que certaines personnes s’en affranchissaient totalement, pour moi ça a vraiment été aussi en des moments où je me suis dit “Non mais là il y a vraiment quelque chose qui, fondamentalement, ne va pas du tout”. 

Une autre anecdote qui m’a, on va dire peut-être blessée sur un point plus personnel, c’est que lorsque j’ai publié ces vidéos, sur Twitter effectivement, de nombreuses personnes mon attaquée de diverses façons, et l’un des points qui est revenu le plus souvent c’est que j’étais prof et que, en fait, c’était une honte que je sois prof et que j’étais forcément un danger parce que j’étais une grosse transphobe, et que je ne pouvais pas être maintenue devant des élèves. Parce que : que se passerait-il si un jour j’avais un ou une élève trans ? Et certaines personnes parlaient même de faire remonter ça au rectorat. 

Bien évidemment, ce ne sont que des tweets, mais ça m’a vraiment blessée parce que je me suis dit « on est prêt à détruire quelqu’un, à venir salir ce que la personne fait avec tout ce qu’elle a, sans aucune preuve ». 

Et c’est ce qui se répète inlassablement avec toutes les femmes qui osent s’exprimer, c’est qu’elles ne sont plus bonnes à rien : 

Vous avez écrit un livre, mais vous êtes transphobe, en fait le livre ne vous appartient plus. 

Vous êtes une prof à la fac, avec des recherches intéressantes, importantes, vous êtes reconnue par vos pairs mais à partir du moment où vous êtes transphobe, vous n’existez plus non plus. 

Cette facilité à anéantir presque l’individu, une volonté de l’anéantir réellement, c’est-à-dire de faire fuiter les informations, de la faire virer, de la faire sauter des plates-formes, parce que c’est vrai que j’ai oublié de parler du fait qu’un autre élément qui m’a beaucoup marquée, c’est ce qui s’est passé avec Mégan Murphy, qui est une féministe canadienne, qui a été déplateformée, qui a été bannie de Twitter. 

C’est quand même incroyable quand on voit tout ce qui passe sur Twitter, qui en plus d’enfreindre les lois d’utilisation de Twitter, mais qui enfin juste les lois morales tout court et que ça passe, et que ça reste, quand vous voyez qu’il y a du porno sur Twitter, qu’ils ne sont pas fichus de faire dégager le porno sur Twitter, mais qu’ils peuvent bloquer pour toujours, dégager une femme qui a osé – attention ! – utiliser le pronom « il » pour une personne mâle, ça, ça m’avait vraiment marquée aussi. 

À la limite c’est l’anecdote peut-être, pas qui me concerne moi, mais c’est vrai que cette injustice-là et cette question qui est derrière, qui est quand même de : “Comment font-ils et comment font-elles pour arriver à faire progresser un mouvement aussi rapidement et pour avoir autant de poids auprès, soit d’institutions, soit de compagnies, qui ne s’embarrassent jamais de questions soi-disant des minorités ?”

RDG – As-tu quelque chose à ajouter ? 

Oui ! (sourire)

J’aimerais revenir un petit peu sur, (alors pas uniquement sur l’importance du langage), mais en tout cas sur l’une des tactiques les plus importantes du transactivisme, qui est de tout réécrire, et la façon avec laquelle ils s’inscrivent, vraiment, dans un monde de post – justement – vérité. 

Je trouve que c’est fou d’analyser à quel point il y a une réécriture et une déconstruction, une transformation de tout.

C’est-à-dire que,  quand on pense à la transidentité, on s’imagine, on pense, à la transition, à la modification du corps, qui est déjà en soi un énorme sujet. 

Mais quand on regarde bien, ils transforment absolument tout : transformer le sens des mots bien évidemment, transformer leur corps, transformer la réalité biologique.

Ça passe par des détails que nous acceptons la plupart du temps, en tout cas quand on n’y a pas réfléchi et quand on n’a pas été confrontées à certaines choses qui font qu’on a tout ce processus intellectuel. 

On accepte très facilement de ne jamais utiliser le « deadname », par exemple, le prénom que la personne avait avant. Ou on accepte très facilement l’idée qu’il ne faut surtout pas  partager de photos pré-transition. Voilà. 

C’est-à-dire que si on parle à des personnes qui ne sont pas critiques du genre, ou qui n’ont pas été familiarisées avec toutes les problématiques du transactivisme, c’est quelque chose qui est accepté comme allant de soi. 

Donc il y a une facilité à effacer ce qui ne nous convient pas, notamment aussi, une facilité à effacer tous les passés criminels ou illégaux de certaines personnes, qui occupent par ailleurs des places assez importantes dans le transactivisme, alors là je ne parle pas en France. Donc il y a la facilité à cacher tout ce qui ne convient pas. Mais aussi une facilité à cacher des passés qui peuvent être criminels ou illégaux. C’est le cas, pas en France mais à l’étranger, ça s’observe (je ne suis pas en train de dire que toutes les personnes qui font partie du mouvement transactiviste ont un asier, ce n’est pas ça que je dis), mais on trouve des personnes qui occupent des places pas trop minimes, et qui en fait, ne sont pas, justement, dans une situation d’avoir un casier vierge. Et ça, ça passe comme une lettre à la poste. 

Des déclarations “très étranges” sur les enfants, ça passe aussi comme une letre à la poste, parce que trans, parce que médiatisées, etc… 

Et puis modifier ce qui ne convient pas, c’est-à-dire modifier la réalité biologique.

Hier, j’écoutais une rediffusion de l’année dernière sur France 3, une édition régionale, je crois, pour la Nouvelle Aquitaine, où il avait une journaliste qui était avec un chirurgien et une “femme trans”  qui devait avoir la cinquantaine ou un peu plus. 

Et le chirurgien, donc, expliquait à un moment donné que grâce aux opérations, grâce à la vaginoplastie (déjà ce terme en lui-même, moi, me dérange, mais…)  grâce à la vaginoplastie, il était  en mesure de donner à ses patientes des “vagins totalement fonctionnels”… 

Et quand on se dit qu’à la télé, il y a  un chirurgien qui peut passer tranquille, et vous dire que… j’essaie de trouver un moyen de dire qu’il ne soit pas pas trop violent mais une… une… “cavité”, car “trou” c’est un peu violent,  mais une cavité artificielle créée via chirurgie, quand on est capable de nous dire à la télé que c’est (un chirurgien, hein!) que c’est la même chose qu’un vagin, que c’est totalement fonctionnel!… Je me dis, “mais dans quel monde vit-on?” et que la journaliste ne réagit pas… 

Et en fait, je suis à la fois fascinée dans un sens, mais horrifiée… c’est une fascination horrifiée aussi de voir l’aisance, et l’autoroute qui s’ouvrent à ces personnes pour tout réécrire : se réécrire, se transformer, transformer les opposantes (c’est-à-dire qu’on n’est même plus les victimes, finalement,  on est les horribles agresseuses,  et transformer une réalité biologique. Pareil : “les femmes trans ont leurs  règles”, ce genre de choses !

Et je crois aussi que l’un des aspects qu’on n’explore pas assez hors des cadres, où je dis qu’il faut vraiment réfléchir à ça, c’est le rapport au corps, et le rapport à la sexualité.

Finalement, le transactivisme a fait un très bon travail pour nous persuader que ça n’avait rien à voir avec le corps, que  c’était  une question de ressenti, que c’était une question de genre, et que SURTOUT ça n’avait rien à voir avec la sexualité! … sauf que pour beaucoup de personnes trans, quand même, ça vient d’un rapport au corps qui est absolument désastreux et qui doit occasionner beaucoup de douleur chez les personnes qui en arrivent justement effectivement à ces parcours-là!

Ce n’est pas du tout pour les marginaliser ou pour me moquer ou pour minimiser, mais d’un côté il y a une souffrance énorme qui peut d’ailleurs être liée à beaucoup d’autres choses, mais on n’a pas le droit de dire que ça a un rapport avec le corps. On  n’a pas le droit de dire que ça a un rapport avec le sexe. Et on n’a pas droit non plus de dire que ça a un rapport avec la sexualité. Sauf que moi, je suis convaincue que, pour en tout cas pas mal de personnes, ça a un rapport avec la sexualité. Que ce soit l’autogynéphilie par exemple, ou pour certaines femmes malheureusement, l’incapacité, à cause de la société dans laquelle on vit, à accepter d’être lesbienne aussi, par exemple.

Et je trouve que, pour un mouvement qui en fait, revendique tellement le droit de modifier son corps, et en plus de ne pas payer pour, bien évidemment, (mais ce n’est pas un trouble, mais quand même il faut que ce soit pris en charge) et pour un mouvement qui s’acharne tellement à vouloir nous arracher notre corps, en tout cas c’est ainsi je le ressens, moi! 

Ils sont très fort pour qu’on ne puisse jamais venir sur leur corps à eux,  leur sexualité, et poser les questions qui dérangent.

En tous cas pour moi, la transidentité, ça a énormément à voir avec la sexualité, et avec le corps sexué, et pas uniquement, et loin de là, avec un sentiment d’inconfort, et quelque chose qui relèverait de la perception vraiment spirituelle et émotionnelle qu’on a de soi.

RDG – Du coup, j’avais une question par rapport à ce que tu viens de dire, parce que tu parlais de spiritualité, et je trouvais que c’était une très bonne introduction à la question que je me posais. Finalement j’ai l’impression que le concept de transidentité, ça fait beaucoup référence au concept de la séparation, la dichotomie esprit et corps, qu’on retrouve notamment dans la tradition judéo-chrétienne, dans les religions patriarcales, et j’ai l’impression que c’est une espèce de renouveau dogmatique, où on ne doit pas remettre en question une spiritualité… En fait ça prend pour moi des airs de dogme et de religion!

Antastésia – Ah oui, totalement! 

Pour moi, à titre purement personnel, la difficulté que j’ai un tout petit peu à m’exprimer sur ce sujet, c’est que personnellement je ne suis pas opposée aux parcours de transition. Je pense qu’il y a des personnes qui souffrent réellement d’un type de dysphorie qui ne peut pas être allégé uniquement via la thérapie, via un changement de société. Je pense qu’il y a certaines personnes qui ont, effectivement, ce problème avec ce corps et avec ce corps sexué, et qui voudront quoi qu’il arrive en fait, reproduire de façon artificielle les caractéristiques sexuelles secondaires de l’autre sexe.

Je pense qu’il aura toujours un pourcentage infime, parce qu’en réalité ce sont de très rares personnes qui sont vraiment dans cette situation. Donc je pense qu’il y a vraiment ces personnes-là, et je ne veux pas nier leur existence, parce que moi je pense qu’elles existent, et je n’ai pas de problème avec le fait qu’elles soient prises en charge, et qu’il y ait tout un parcours adapté, à partir du moment où ces personnes ne veulent pas nous voler nos droits et nous voler nos espaces, et nier des réalités évidentes… Mais de l’autre côté, effectivement, j’ai du mal quand même à concevoir qu’on puisse logiquement présenter ça autrement que comme un trouble, parce que le présenter autrement que comme un trouble psy reviendrait à dire qu’il y a une âme dans le corps qui, parfois, peut être “propulsée dans le mauvais corps”.

Personnellement je n’y crois pas.

Que certaines personnes y croient… ça les regarde, j’ai envie de dire. Mais je suis pour vivre dans une société qui se base plus sur la science et la raison que sur le dogme, et pour une société laïque en fait! Et dans une société laïque, on ne peut pas, en réalité, accepter que des lois passent parce qu’il y a une idéologie qui n’est fondée sur rien, qui est fondée sur des croyances sur des ressentis. Pour moi, c’est totalement à l’opposé de la société que j’aimerais construire, et c’est une forme d’obscurantisme…  Pour moi c’est de l’obscurantisme : c’est le refus de la science, le refus de la raison, le refus de la critique, le refus de la discussion…

Et cette idée d’être “né dans le mauvais corps”… c’est marrant parce que maintenant beaucoup de trans ne veulent plus qu’on dise ça : qu’ils ou elles sont “nés dans le mauvais corps”. 

Sauf que c’est c’est essentiellement ce qu’ils nous disent, mais ils nous retirent cette phrase-là!  Alors pourquoi?

Parce que ça empêche certaines personnes qui refusent de modifier leur corps de se dire trans. 

Parce que maintenant, peut être trans qui veut. C’est-à-dire que si demain moi je ne change rien à mon apparence, je ne change rien à ma vie mais que je dis que je suis non-binaire, je suis non-binaire, point! Si je dis que je suis un mec,  je suis un mec, avec le nouveau transactivisme! 

Donc on ne peut plus dire “être né dans le mauvais corps” qui est une phrase qu’on entendait beaucoup chez les personnes qui, à l’époque si disaient transsexuels et pas transgenre. Maintenant on ne peut plus dire cette phrase-là parce que ça invalide une part quand même grandissante du mouvement transactiviste qui ne veut plus faire une vraie transition. 

Et moi je suis effarée de la porte ouverte à tout. 

Récemment, j’ai écouté des vidéos anglophones, et certaines de ces personnes ont mentionné deux cliniques aux États-Unis qui proposent désormais des opérations pour les non-binaires… On n’est plus sur des opérations qui visent à recréer un faux pénis ou un faux vagin, on est sur des opérations qui préservent par exemple le pénis mais qui vont perforer en dessous du pénis pour créer leur, soi-disant dans leurs termes c’est une vaginoplastie, où on préserve le pénis.

A quel moment on est dans quelque chose qui est acceptable? Non je suis désolée,  mais pour moi, c’est inacceptable! Et comment est-ce qu’on ne peut pas lier ça à,  je suis désolée, un rapport à soi qui nécessite d’être pris en charge par des thérapeutes psy. 

Et à quel moment est-ce qu’on ne se dit pas il y a quand même peut-être un rapport avec la sexualité là… Il y a quand même quelque chose à chercher.

Pourquoi est-ce qu’on voudrait avoir un pénis… et un trou en-dessous du pénis?

Il faut ouvrir les yeux!

S’il vous plaît signez la déclaration des droits des femmes basés sur le sexe www.womensdeclaration.com

Une réflexion sur « Rebelle du genre, ép. 25 – Antastésia »

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