Bonjour je m’appelle Danielle, j’ai 19 ans j’habite en belgique et je suis étudiante en médecine. Je suis bisexuelle, féministe critique du genre et je me suis considérée comme un “homme trans” pendant presque trois ans.
En fait, dès la préadolescence j’ai commencé à détester être une fille.
Pour plusieurs raisons mais principalement parce que j’ai compris très jeune que l’homme, enfin plutôt le mâle, est censé être “l’être humain” par défaut et que nous, les filles, les femmes on est “les autres” en fait, on a quelque chose en plus qui nous rend étranges.
C’est quelque chose qui déjà se reflète dans la langue française, avec le masculin qui est assimilé au neutre. Dans l’enseignement, où on fait à peine à l’effort de nous parler de femmes autrices ou de femmes qui ont marqué l’histoire par exemple, il y avait surtout l’attitude des adultes vis-à-vis du fait que j’ai toujours eu des intérêts scientifiques, j’ai toujours eu des ambitions, envie de faire des grandes choses : d’abord astronome, puis après ingénieure, puis maintenant médecin.
On me rabâchait un peu ce féminisme libéral à deux balles du style « girl power », «girl boss », « c’est génial que tu sois une fille qui fasse quelque chose.. », comme si c’était impératif de préciser que j’étais une fille qui faisait quelque chose d’autre que d’être dans la cuisine.
Et ça m’agaçait beaucoup, parce que moi, avant tout, j’avais une personnalité j’avais des envies, des ambitions, j’avais envie qu’on me reconnaisse avant tout pour mes capacités, pour ma personnalité, pour ce qui me rend unique et pas seulement pour mon sexe.
Parce qu’on est quand même plusieurs milliards de femmes sur cette terre et que ce n’est pas ça qui me rend unique. Déjà, à cause de ça j’ai un peu assimilé le féminisme à ça, donc j’ai commencé à avoir une certaine aversion pour le féminisme justement parce que : « Bah ok je suis une fille, je suis née comme ça et alors ? Ça n’a pas grande importance », et puis surtout, la plupart de mes amis ont toujours été des hommes, en majorité.
En plus au lycée en première et en terminale j’étais la seule fille de ma classe, ça m’a vraiment montré qu’on est dans un monde d’hommes et moi je ne me sentais pas vraiment de faire un combat féministe. Je voulais faire ce que j’aimais et je voulais pouvoir intégrer le monde des hommes pour pouvoir faire ce que je veux.
En plus de ça je suis neuro atypique, j’ai été diagnostiquée avec un trouble du spectre autistique à 12 ans, j’ai de l’anxiété sociale assez sévère, j’ai énormément de difficultés au niveau social et j’ai subi du harcèlement scolaire parce que j’étais pas féminine et aussi parce que, à partir d’un moment au collège, on a appris que j’avais une attirance pour les filles.
Et, évidemment, il fallait que tout le monde le sache et qu’on m’embête pour ça. Et en plus du harcèlement scolaire j’ai subi à quelques reprises du harcèlement sexuel. Et la première fois, je me souviens, j’avais à peine 10-11 ans.
Ça a créé un double traumatisme, avec le harcèlement sexuel et la solitude du harcèlement scolaire qui faisaient que je me sentais vraiment isolée et je me sentais seule, incomprise et j’avais vraiment besoin de quelque chose à quoi me raccrocher, besoin de m’intégrer à quelque chose et idéalement je rêvais d’être un homme. Je n’étais pas trans évidemment, je rêvais d’être un homme ou moins d’être traitée comme un homme, c’est-à-dire qu’on me laisse faire ce que je veux, sans me rappeler que je suis une fille et que c’est quand même exceptionnel qu’une fille soit capable de faire certaines choses.
Il y a aussi une chose que j’aimerais préciser c’est que j’ai eu un trouble du comportement alimentaire qui a commencé quand j’avais 14 ans, c’est venu avec beaucoup de complexes par rapport à mon corps et à mon poids. À 15 ans j’étais encore en plein trouble du comportement alimentaire,
c’est à ce moment-là que je suis tombée dans la transidentité.
En plus de ça je venais d’entrer en seconde après une troisième où j’avais été plus ou moins déscolarisée, mes parents avaient divorcé, ils ont déménagé à 100 km l’un de l’autre donc je faisais face énormément de changements. Ça m’a poussée à avoir un peu des crises existentielles sur le sens de ma vie, sur mon identité, spécifiquement ce que les transactivistes appellent l’identité de genre.
Je me souviens à l’époque je traînais beaucoup sur Twitter et je regardais un peu tous les pseudo-débats politiques où il y avait les Wokes et les gents d’extrême droite qui se chamaillaient, il y avait une « femme trans », un homme transidentifié, que j’aimais bien parce qu’il avait des positions plutôt raisonnables, que ce soit sur la question trans ou autre.
J’ai sympathisé avec lui, j’ai décidé d’aller lui parler en privé, de lui parler un peu de mes doutes par rapport à mon genre, de ce que j’en pensais, de savoir ce que lui il en pensait.
C’est là que j’ai rejoint le serveur Discord qui a un peu tout fait basculer.
C’était à la base un simple du Discord d’entraide, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de vocation purement politique ou activiste ou militante, le but c’était d’avoir un espace pour les personnes trans.
Au début il y avait les personnes non trans, qu’on appelle aussi personne « cis », qui étaient autorisées pour venir parler de ce genre de sujet. Il y avait une ambiance très conviviale, il n’y avait pas de pureté militante transactiviste. C’étaient juste des gens qui avaient cette différence, qui étaient trans, qui parlaient de dysphorie, qui demandaient de l’aide pour l’annoncer à leur famille etc…
A partir de là, j’ai sympathisé avec les gens là-bas, je me sentais bien ; bon je leur avais dit au départ que je ne savais pas du tout de quel genre j’étais, que je me questionnais beaucoup… et j’ai été accueillie vraiment à bras ouverts, sans pour autant qu’ils me forcent explicitement à me dire trans.
Il y avait quand même des gens qui disaient… de ce que je racontais… qui pointaient vers le fait que je ne serai pas une femme « cis », comme on dit. C’est avec ça que j’ai vraiment commencé à me… déjà à exacerber des complexes que j’avais déjà, par rapport à mon poids notamment, à mes hanches surtout, ça c’est quelque chose qui m’a toujours dérangée sur mon corps. Et en plus de ça pour me conforter dans l’idée que je n’étais pas une fille, j’ai commencé à avoir un complexe à propos des mes épaules. Par exemple, je voulais avoir des épaules plus larges, sur ma taille, j’avais envie d’être plus grande comme un homme, je voulais avoir plus de musculature, pour être musclée comme un homme on va dire, je voulais avoir un torse plat évidemment. J’ai commencé à détester ma poitrine au point où j’avais des rêves où je m’imaginais carrément les arracher où les couper avec un couteau, quelque chose d’assez violent, une aversion assez violente, je rêvais vraiment de faire cette fameuse mammectomie, ou « top surgery » comme on dit en anglais, pour me débarrasser de ça ; dans l’optique de camoufler d’autres problèmes que j’avais déjà, je ne me rendais pas du tout compte à l’époque que j’avais un trouble du comportement alimentaire, du coup je me disais que le malaise que je ressentais ce n’était pas lié à la base à la dysmorphophobie mais bien à la dysphorie de genre, au fait que je suis dans le mauvais corps, un homme dans le corps d’une femme.
Vraiment c’était un moyen pour mettre au sous le tapis plein de trucs : par exemple mes difficultés sociales, je me disais que c’était pas lié à l’autisme, c’était pas lié à l’anxiété ou quoi, c’est juste que j’ai de la dysphorie sociale, j’arrive pas à aller vers les gens justement parce qu’on me voit comme une fille et aussi parce que je n’aime pas ma voix féminine et c’est ça qui me rend timide, qui me rend anxieuse et pas spécialement mon autisme ou le traumatisme lié au harcèlement.
Pareil pour le traumatisme lié au harcèlement sexuel, ça me créait une certaine dissociation, du coup la dissociation je l’associais à la dysphorie de genre et donc à une dissociation à mon corps de femme en tant que corps de femme plutôt que dissociation de l’image du corps de la femme qui est constamment sexualisé et visé par les prédateurs.
Vraiment l’étiquette “trans” et “dysphorie”, c’était l’étiquette parfaite pour expliquer toute la souffrance que je ressentais sans vraiment réfléchir, sans vraiment me poser des questions qui ne sont pas vraiment confortables, sans vraiment faire l’effort de guérir en quelque sorte. Juste je disais « bah en fait je suis trans, je suis un homme dans un corps de femme. Pour régler ça il suffit que je fasse une mammectomie, que je change mon prénom, que tout le monde me dise que je suis un homme et que je prenne de la testostérone jusqu’à la fin de ma vie ». Et donc sur ce serveur trans qui, à la base encore une fois, c’était plus un serveur d’entraide qu’autre chose, et ça a été fondé par une bande d’amies, des femmes transidentifiées, qui étaient amies avant qui se sont réunies autour ça et qui ont décidé de créer la communauté ; à un moment je me suis mise en couple, amoureuse de la co-fondatrice du serveur. Et j’étais en couple avec elle pendant deux ans et je ne vais pas aller dans les détails par rapport à la relation mais elle m’a vraiment beaucoup encouragée là-dedans, c’est-à-dire qu’elle me disait souvent que j’avais plus de dysphorie qu’elle, et que c’était vraiment évident que j’étais un homme trans, et que limite j’étais encore plus trans qu’elle et que j’avais encore plus besoin qu’elle de prendre des hormones, de transitionner etc.
Il y a quelque chose que je tiens à préciser c’est que dans les milieux que je fréquentais, autant avec mon ex-copine qu’avec les gens du serveur en question, ils avaient une approche, qu’on appelle dans le jargon transactiviste, « transmédicaliste », qui s’oppose au dogme transactiviste qui dit que tout le monde est valide, n’importe qui peut se dire trans, même si on ne fait absolument aucun effort pour avoir un passing, pour transitionner, on a même pas besoin d’avoir de la dysphorie en soi, il suffit juste de le dire… Un homme qui dit qu’il est une femme il est une femme, une femme qui dit qu’elle est un homme elle est un homme, une femme qui dit qu’elle est non-binaire ou je sais pas euh… agenre, ça veut dire qu’elle est le genre qu’elle dit et puis il y a aucune question à avoir ; alors que les transmédicalistes, ils admettaient c’étaient les femmes et que les hommes trans c’étaient des hommes, quand même pour être considéré comme trans il faut faire un effort pour transitionner, pour être perçu du sexe opposé et surtout ressentir de la dysphorie.
En gros si on a de la dysphorie on est forcément trans et si on est trans on a forcément de la dysphorie. J’ai pas vraiment fréquenté de personnes non-binaires, j’ai jamais cru à la non-binarité parce que moi j’étais un vrai homme trans, qui avait de la vraie dysphorie, qui ai ressenti une vraie souffrance alors que les non-binaires, la plupart des militants connus qui ont un peu cette apparence très stéréotypée, qui ne font clairement aucun effort pour avoir l’air du sexe opposé. Je me sentais insultée par ces gens-là, je me disais que ça ne représentait pas vraiment ce que je vivais moi en tant que « vrai » homme trans. C’était aussi la posture de mon ex copine, même s’il était un peu plus ouvert par rapport à ça, c’est-à-dire qu’il était d’accord avec moi sur le fait qu’on ne peut pas être trans sans avoir de dysphorie et sans transitionner, mais elle était quand même tolérante vis-à-vis des non-binaires, des personnes qui ne transitionnent pas, en disant « oui bon ils sont peut-être pas vraiment trans mais il faut quand même les entretenir juste pour ne pas être méchant en fait ».
D’ailleurs j’étais assez fan pour les contenus trans que je regardais. Je regardais énormément de choses. Je ne me souviens même pas de tous les noms parce que j’allais voir même des petites chaînes vraiment pas connues du tout.
Mais la plus connue c’était celle de Blair White, qui est un homme transidentifié plutôt ouvertement conservateur, et qui a cette posture “transmédicaliste” et j’étais d’accord avec lui sur ce qu’il disait, sur la critique qu’il faisait du transactivisme “mainstream” sur le fait qu’on donne des hormones à des mineurs… Même si moi, en même temps, j’avais 15-16 ans, et j’avais envie de prendre de la testostérone. Et donc en fait ce qu’il disait était vrai pour les autres, mais pas pour moi. J’avais un peu cette dissonance cognitive. Et il critiquait aussi le fait qu’il y ait des hommes transidentifiés dans le sport, etc.
Donc c’était un peu, pour moi, la figure de la personne trans raisonnable, de la personne trans normale on va dire, qui était comme moi, qui avait envie de vivre sa vie comme quelqu’un du sexe opposé et qui était décrédibilisé par la plupart des transactivistes les plus populaires.
Aussi une autre personne que j’appréciais beaucoup, qui est beaucoup moins connue, qui s’appelle “Rose of Dawn”, qui est un homme transidentifié aussi, et qui faisait le même type de contenu à critiquer le transactivisme mainstream. Je parle de cette personne-là parce que j’étais amie avec plusieurs personnes qui la suivaient. C’étaient autant des personnes transidentifiées que des personnes qui n’étaient pas trans, mais qui avaient un soutien pour les personnes trans, tout en étant critique du discours classique. Et ces personnes-là étaient presque toutes ouvertement de droite conservatrice et on pourrait se dire qu’elles n’ont pas cette mentalité des transactivistes qui disent que “oui sous prétexte que je mets une robe en tant qu’homme, secrètement une femme…” mais en fait si : ils avaient exactement la même mentalité. Et il y avait, je me souviens, un homme transidentifié qui était vraiment à fond dans cette idée qu’on est avec une sorte de “cerveau genré” …genre l’idée qu’on a un cerveau de femme ou un cerveau d’homme, et que les trans sont nés avec un cerveau du sexe opposé, et qui disait que lui il est sûr d’être trans, parce que depuis est tout petit, il aime bien jouer avec des poupées, il a toujours senti qu’il avait entre guillemets “un instinct maternel” pour moi, que quand je reviens là-dessus c’est quand même, assez assez choquant quoi. C’est à dire que c’est un peu, c’est exactement la même chose que le discours transactiviste classique, mais tourné un peu plus du côté conservateur, en disant que c’est le discours des trans plus raisonnables, et des trans qui veulent juste vivre leur vie normalement. Alors qu’en fait, comme je l’ai dit, c’est exactement le même type de mentalité sexiste. C’est juste emballé différemment, on va dire. Donc effectivement je ressentais une dysphorie extrêmement intense. D’une part parce que ça camouflait des problèmes que j’avais, sauf qu’évidemment ça ne réglait pas ce problème-là, juste de leur donner un nom différent.
Mes parents étaient au courant. Je leur ai dit. Alors mon père était totalement indifférent. Il n’a pas fait de remarques négatives au départ, il m’a dit qu’il était content que j’aie trouvé qui j’étais vraiment. Mais après ça, il a jamais fait aucun effort pour me genrer au féminin… au masculin, pardon! Quant à ma mère, elle était un peu notre par rapport à ça. D’un côté, elle faisait un vrai effort pour utiliser mon prénom masculin, pour me genrer au masculin, même pour s’intéresser un peu à tout ce jargon qui est quand même assez complexe, qui est utilisé par la communauté trans. Donc il y avait un peu ce soutien de ce côté là. Mais elle m’a quand même dit (j’avais 15 ans quand je lui avais dit ça) elle m’a dit… Au départ elle m’a dit “non tu attends d’être en terminale”. Après, une fois arrivée en terminale elle m’a dit “non tu attends d’avoir 18 ans”. Et honnêtement, je suis assez contente qu’elle m’ait dit ça, maintenant que je suis critique du genre. Parce que si elle n’avait pas dit ça, j’aurais très probablement commencé à prendre les hormones en fait.
Et à côté de ça, il y avait ma dysphorie, amplifiée par le fait que mon ex-copine, elle, elle faisait une transition. On s’est mises en couple pile au moment où elle a commencé la testostérone. Et du coup j’ai vu vraiment toute l’évolution, tout l’effet qu’a eus la testostérone sur elle, y compris les effets secondaires. Mais je me disais que les effets secondaires, c’est pas très, c’est pas si grave, parce que je souffre tellement de mon corps, que je peux supporter les effets secondaires à la testostérone, si ça veut dire que ça me permet d’être moi-même, en fait.
RDG – Est ce que tu peux dire quels effets secondaires, par exemple?
Danielle – Du coup, mon ex avait un syndrome des ovaires polykystiques. Donc elle avait déjà les douleurs à cause de ça. Du coup ça amplifiait les douleurs qu’elle avait. Elle s’est mise à avoir des contractions à l’utérus de manière un peu aléatoire. Elle a eu des gros problèmes de peau, d’acné surtout. Elle avait aussi de l’eczéma qui a empiré avec la testostérone.. Et après, pour ce qui est de la chirurgie, la mammectomie… Du coup j’étais avec elle, juste après son opération. Je me souviens, on était dans le sud et il faisait presque 40 degrés, et juste après l’opération donc, elle était obligée de porter un gilet compresseur, le temps que les cicatrices se consolident. Et donc pendant tout ce temps-là, elle pouvait à peine se laver, elle… j’étais obligée de lui laver les cheveux moi même. Elle devait aller se refaire les bandages tous les jours. Elle avait mal. Ce n’était pas quelque chose de très joyeux.
Mais en même temps, nous deux, on avait cette vision que “oui c’est un peu chiant, c’est un peu douloureux, mais ça en vaut largement la peine. Parce que ça fait tellement du bien d’être enfin un homme, d’avoir un torse… d’avoir un torse d’homme”. C’est à dire qu’on voyait clairement l’aspect négatif mais on minimisait ça parce que justement, à côté, on maximisait en quelque sorte la souffrance liée à la dysphorie, au fait de ne pas pouvoir… d’avoir un corps femelle. Aussi, comme je l’avais dit précédemment, j’avais une mentalité au départ assez anti féministe, et ça a été encore amplifié quand je me suis dit trans parce que je n’avais vraiment pas envie qu’on me rappelle qu’à la base, j’étais une fille, que j’étais de sexe féminin. Et c’est aussi pour ça, par exemple, que je n’aimais pas du tout le langage inclusif du style “les personnes ayant un utérus,les personnes ayant leurs règles” qui cherchait à inclure les hommes trans et les non-binaires, comme si c était différent des femmes, dans les sujets liés à la gynécologie, aux protections hygiéniques. Pas parce que c’est évidemment absurde et misogyne, mais parce que ça me rappelait, moi, que j’avais une anatomie féminine. Sauf que moi, ça me mettait mal à l’aise. C’était dysphorisant pour moi, et du coup je me disais “c’est un problème de femmes, sauf que moi je suis un homme, et je n’ai pas envie qu’on parle d’un problème que j’ai comme si c’était un problème de femme, et j’ai pas envie qu’on me rappelle que j’ai ces parties de mon corps dont j’ai envie de me débarrasser”. Et par contre, mon ex, elle était plutôt féministe. Elle avait même certaines oppositions, qu’on pourrait qualifier de se rapprochant du féminisme radical. Par exemple elle était, elle avait une position abolitionniste sur la prostitution et sur le porno, et c’est avec elle que j’ai changé mon avis là-dessus, et sur certains autres aspects. Et elle m’a aussi poussée un peu à regarder un peu mon passé en tant que fille, avant que sois transidentifiée, et je me suis rendu compte un peu de tout la violence patriarcale qu’il y avait, du sexisme que je subissais sans même m’en rendre compte. Ca m’a pas empêché d’être trans, et ça l’a pas empêchée d’avoir une influence assez néfaste sur moi, mais c’était là un peu le début d’une prise de conscience, où je me suis dit “quand même, j’ai beau être un homme dans un corps de femme, j’ai quand même un corps de femme, et j’ai été longtemps perçue comme femme. Et quand on est perçue comme femme, et quand on est de sexe féminin, on est vraiment extrêmement malmenée par le patriarcat.”
Donc il y avait déjà cette première prise de conscience, et aussi par rapport à la communauté trans, j’ai commencé à être agacée par certains types de militants entre guillemets “femme trans” donc d’hommes transidentifiés qui ne faisaient aucun effort de transition, et qui même étaient encore dans le placard, où personne à part quelques gens sur internet, n’aétaient au courant qu’ils étaient trans, et qui se considéraient comme femmes, et qui parlaient quand même de problématiques féministes. Et je me disais évidemment, à la limite j’aurais pu écouter quelqu’un qui a fait une transition complète, mais déjà ça, ça me paraissent un peu ridicule, qu’on donne la parole à ces gens-là qui n’ont aucune expérience en tant que femme. Et aussi de certaines féministes libérales qui ont tendance à dire “oui alors, le féminisme c’est pour les femmes, et pas pour les hommes”… sauf qu’en fait leur définition des femmes, et bien ça inclut les femmes qui ne sont pas transidentifiées ET les hommes transidentifiés. Mais du coup ça exclut les hommes, y compris les fameux hommes trans… Et j’ai même vu, comme par hasard, des hommes transidentifiés dire que les hommes trans d’une part, étaient aussi misogynes que les hommes cis… qu’il y avait presque aucune différence entre les deux, et surtout qu’ils ne faisaient pas assez d’efforts pour protéger leurs “soeurs trans” on va dire…
En gros, on reprochait aux transactivistes du coup, qui étaient des femmes transidentifiées, de ne pas en faire assez pour les hommes transidentifiés.
Et ça aussi, ça me titillait, parce que ben nous, encore une fois, les “hommes trans”, on restait des gens qui avaient une expérience de femmes. Et donc il n’y a aucune raison pour soient exclues du féminisme comme ça, encore moins par des gens qui n’ont aucune expérience en tant que femme. Et après, j’ai fini par… par quitter, déjà, le serveur Discord dont je parlais, parce que l’ambiance est devenue de plus en plus… de plus en plus militante. On a quitté ce côté entraide, ce côté juste entre amis, pour passer à quelque chose de beaucoup plus militant.
Déjà il y avait très peu de personnes non-binaires, très peu de personnes qui traînaient aussi sur les réseaux sociaux, sur twitter pour faire du militantisme.
C’étaient vraiment des personnes lambda. Mais après, il y a eu beaucoup plus de gens militants, de gens non-binaires, des personnes qui utilisaient des néo-pronoms. Par exemple j’ai vu quelqu’un qui utilisait le prenons “ol” et donc, l’administration du serveur n’était pas très fan de ces gens-là. Mais encore une fois, ils se disaient “bon, on a quand même cette problématique trans en commun, donc il faut être gentils avec elles, donc on ne va pas trop les embêter.” D’ailleurs le serveur a énormément grandi. Le nombre de membres a été multiplié par dix et c’est carrément devenu une association. La nouvelle ambiance, les nouvelles personnes, ne me plaisaient pas, donc je suis partie. Et en plus de ça, j’ai fini par me séparer de mon ex-copine.
C’était une première étape pour m’éloigner des milieux trans et du transactivisme.
Et après ça, je me disais toujours trans, mais avec cette mentalité que moi j’étais un vrai trans, et que j’avais de la dysphorie, et que le seul moyen de guérir la dysphorie c’était de transitionner. Mais du coup je ne parlais presque plus à des personnes trans. J’avais juste deux-trois amis qui étaient aussi partis du serveur. On parlait un peu de tout et de rien, mais ça s’arrêtait là.
Donc j’allais presque avoir 18 ans, et je commençais un peu à planifier ma transition. je commençais à chercher des endocrinologues, des psychiatres, pour faire une attestation, vraiment planifier ma transition que j’entamerais pile à 18 ans.
Mais au fur et à mesure, après, quand j’ai eu 18 ans, je suis entrée à la fac. J’ai déménagé, (je vis seule), et en plus à la fac j’avais énormément de travail.
Le fait de gérer à la fois la transition, la charge de travail, le fait de vivre seule dans un appartement, d’avoir à faire son linge, d’avoir à tout nettoyer, à se faire à manger… ça a un peu détourné mon attention.
Et je me focalisais uniquement sur ce qui était vraiment important, sur “travailler, manger et ranger de temps en temps” plutôt que sur le fait de trouver un endocrinologue. Ca m’a permis un peu d’oublier le malaise que j’avais avec mon corps, parce que j’étais tellement focalisée sur autre chose que je n’avais plus le temps de me prendre la tête sur mon corps, sur toutes ces histoires de genre, etc.
Et après ce qui m’a fait vraiment sortir définitivement, c’est un ami à moi, un homme qui a été transidentifié dans le passé, quelqu’un de très, très critique par rapport à la transidentité, mais qui au départ ne me l’avait pas dit complètement, qui acceptait quand même de me voir comme un homme, pour pas me blesser. Mais au final, j’ai eu pas mal de discussions avec lui. Moi j’avais un peu cette mentalité, encore une fois de : “je suis pas comme les autres trans, je suis pas comme ces personnes trans-là”.
C’est pas quelque chose qu’il m’a dit à moi, directement, mais qu’il avait dit à quelqu’un d’autre, et qu’il m’a retranscrit. C’est que, en fait, finalement le meilleur moyen de ne pas être comme les autres trans, c’est juste d’arrêter d’être trans. Ca plus … il m’a raconté un peu son expérience avec d’autres hommes trans identifiés qui avaient vraiment des comportements assez choquants. Et ça a fait écho avec des hommes transidentifiés que moi même, j’ai connus et qui avaient ce genre de comportement. Et je me suis vraiment rendu compte que, vraiment tout ça, c’était une arnaque et je vais jusqu’au bout : tout ça n’a aucun sens. Et au final, j’ai fini par me dire, par me poser. Je me souviens de ce jour où j’ai eu cette réflexion dans mon lit, en me disant, au final : « Je suis une femme. J’ai le corps que j’ai. J’ai le sexe que j’ai. J’ai beau en souffrir des fois, à cause du patriarcat, à cause de la dysmorphophobie, des troubles alimentaires, du regard des autres, mais au final je reste une femme. Je reste Danielle, et je n’ai pas besoin de prendre des hormones, de faire de la chirurgie, de faire ces mutilations à mon corps pour être moi-même. »
RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société et pour la démocratie ?
Déjà, d’un point de vue purement féministe, parce que c’est un vrai sabotage de tous les progrès qui ont été faits jusque-là.
Il y a peu de gens qui s’en rendent compte, mais on a, quand même, nous les femmes, été opprimées par les hommes pendant des siècles, voire des millénaires. Et il a fallu énormément de travail, déjà de la part, assez tôt, de proto-féministes, et après, de vrais mouvements féministes pour, déjà, avoir un minimum de droits, et aussi pour déconstruire tous les stéréotypes de genre qui sont utilisés contre les femmes. C’est quand même un travail qui a pris énormément de temps, énormément d’efforts. Tous ces combats pour que, par exemple, les femmes puissent se dire qu’en fait, ce n’est pas grave si elles n’ont pas envie de s’épiler les jambes, pour qu’après il y ait des hommes qui se disent qu’ils ont de « l’euphorie de genre » et que ce sont des femmes, parce qu’ils se sont épilés et qu’ils adorent avoir les jambes nues. Déjà, c’est révoltant de voir qu’il y a tout ce travail de femmes avant nous, de féministes, qui est jeté à la poubelle. Juste parce qu’il y a quelques hommes qui aiment bien s’épiler, mettre des robes. Aussi, d’un autre côté, par rapport aux femmes transidentifiées, que l’on trouve ça progressiste, et je pense principalement aux femmes qui se disent non binaires, qu’il y a des femmes qui, au lieu de faire face à la misogynie et de s’engager vraiment dans le féminisme, osent affirmer que ce sont des femmes libres, même si elles ne correspondent pas aux standards de la féminité, qui se disent : « vu que je ne correspond pas aux standards de la féminité, je ne suis pas vraiment une femme ». On considère ça comme quelque chose d’extrêmement progressiste, voire même de très féministe, et ça n’a vraiment aucun sens. Et c’est une insulte à tout ce travail qui a été fait par les féministes jusque-là.
Aussi, autre chose que j’ai remarquée, par rapport au vocabulaire utilisé par les trans activistes, c’est que ils se sont approprié, je dirais même voler, pas mal de choses d’autres luttes.
Par exemple, le féminisme, la lutte LGB, la lutte intersexe.
Je pense à des termes comme le «cis-plaining » qui vient évidemment du « mansplaining ».
J’ai vu le « cis gaze » aussi qui signifie “un regard de cis sur les personnes trans qui serait erroné ou fétichisant”.
La « pride trans »… là aussi ça vient des LGB, ils n’ont rien inventé.
Pour le LGB, ils reprennent le slogan «born this way – je suis né comme ça ».
Et aussi beaucoup le terme de « thérapie de conversion », comme si le fait de rappeler la réalité biologique à quelqu’un qui se sent mal dans son corps, serait équivalent à du sexisme et à de l’homophobie, et a de l’intégrisme religieux qui viserait à changer l’orientation sexuelle des gens.
Le pire, à mon avis, c’est par rapport aux intersexes. Il faut savoir qu’on dit souvent l’acronyme « LGBTI », ou « LGBTQI » mais, à ce que je sache, la plupart des intersexes n’ont aucune envie d’avoir quoi que ce soit avec ça. Et ils sont utilisés comme arguments par les trans activistes d’une part pour dire que, le sexe biologique, c’est une construction sociale, et ce n’est pas vraiment binaire. Et d’autre part pour justifier l’existence de la non minorité. Sauf qu’évidemment, ça n’a aucun sens parce que les personnes intersexes rentre quand même dans une catégorie de sexe mâle, ou femelle, c’est juste qu’ils ont un trouble du développement. Et ça cause aussi… Les transactivistes parlent beaucoup des intersexes mais ils n’en savent absolument rien. On peut leur demander s’ils peuvent donner un exemple de syndrome intersection, ils ne pourront probablement pas répondre. Donc il y a vraiment cette appropriation des problèmes qui touchent les femmes, qui touchent les LGB, les intersexes, et même les neuro atypiques juste pour leurs intérêts à eux. C’est vraiment une idéologie extrêmement égocentrique.
Après, par rapport à ce dont je parlais sur la position transmédicaliste, on pourrait se dire que c’est un peu plus raisonnable, que c’est moins extrémiste et que finalement, ce sont juste des personnes trans qui ont envie de vivre leur vie comme n’importe qui d’autre.
Mais c’est tout aussi dangereux parce qu’encore une fois, c’est souvent lié à des idées plus conservatrices. Attention, ce n’est pas toujours le cas, il y a aussi des transmédicalistes qui sont de gauche, mais qui ont cette fameuse idée du cerveau du sexe opposé.
Quand on y réfléchit plus de 30 secondes, on se rend vite compte que ça n’a aucun sens parce que, quand bien même on aurait un cerveau du sexe opposé, comment le cerveau peut-il savoir qu’il n’est pas dans le bon sexe, puisqu’il ne sait pas ce que c’est que d’être du sexe opposé ?
Et il y a aussi, dans ces études, des personnes qui ne sont pas du tout transidentifiées, ou qui ne sont pas du tout dysphoriques, qui ont quand même un cerveau qui se rapproche de celui du sexe opposé. Du coup, est-ce que ces personnes seraient secrètement trans ? On ne sait pas.
Et aussi, les transmédicalistes ont tendance à mettre beaucoup en avant leur apparence, c’est-à-dire : « Oui, moi je ressemble à une femme, ou je ressemble à un homme, et j’ai fait énormément d’efforts pour ressembler à ça, du coup on DOIT me traiter, au moins un peu, comme le sexe opposé ».
Et à cela, j’ai envie de dire : « Et on en fait quoi, des personnes non transidentifiées, qui ont une apparence androgyne ? Est-ce que eux, on devrait les traiter comme du sexe opposé, juste en se basant sur ce critère visuel ou esthétique ? »
Donc au final, comme je l’ai déjà dit, c’est juste la même chose, emballé de la même façon, juste un petit peu moins extrémiste, un peu plus digeste on va dire.
Après, ça m’amène à mon prochain point, qui est qu’ils présentent la transition comme l’unique façon de traiter la dysphorie de genre, et particulièrement les transmédicalistes, d’ailleurs.
Et pour moi, en plus d’un problème féministe, c’est un vrai problème de santé publique.
Parce que d’un point de vue santé physique, vis-à-vis des traitements hormonaux de substitution que prennent les personnes trans, ce que j’ai remarqué c’est que, vraiment, la plupart des gens s’imaginent que les hormones sexuelles, ça sert juste à faire joli, en fait. Que ça sert pour les caractéristiques sexuelles secondaires et pour la reproduction. Ça s’arrête là.
Sauf que ce n’est pas vrai. Les œstrogènes, la progestérone, la testostérone, ont des effets sur énormément de systèmes dans le corps, que ce soient les muscles, les os, le système cardio-vasculaire, la thyroïde, même l’humeur.
Donc ça veut dire que si on féminise avec ses hormones sexuelles, on risque de toucher ces autres systèmes dans le corps. Et pour ça, par exemple, que les pilules contraceptives peuvent causer des thromboses, ou des problèmes cardio-vasculaires, justement. Parce qu’il y a tout un rôle physiologique aux hormones, qui est totalement ignoré par le trans activisme, qui a tendance à dire que les traitements hormonaux sont totalement anodins.
J’ai vu beaucoup de personnes critiques du genre dire qu’on n’a pas d’études à long terme sur les effets du traitement hormonal, spécifiquement pour les femmes trans identifiées, à base de testostérone. C’est vrai.
Par contre ce n’est pas quelque chose de totalement inconnu, puisqu’on connaît d’une part, les effets des taux de testostérone élevés chez les femmes, dans le cas des syndromes des ovaires polykystiques, et aussi, dans une moindre mesure, pour les femmes qui prennent de la testostérone pour se doper, pour la musculation. Et on sait que ça a, à terme, des effets assez désastreux. Je ne vais pas tout citer, il y a par exemple des effets cardio-vasculaires, et ça peut aussi causer de gros problèmes au niveau du métabolisme, voire même empirer un diabète déjà existant, ou causer un diabète.
Après, pour les bloqueurs de puberté, évidemment il y a déjà la question de médicaliser les enfants, mais surtout c’est présenté comme quelque chose de totalement réversible et anodin, alors que ça ne l’est clairement pas. Il y a énormément de personnes qui ont utilisé des bloqueurs de puberté, alors même qu’elles en avaient besoin physiologiquement, qui ont eu des effets secondaires après, plus tard dans leur vie. Après, au-delà de la santé physique, il y a la santé mentale. Ce que j’avais dit dans mon parcours, c’est que j’utilisais le terme de dysphorie, et la trans identité, pour mettre sous le tapis tout un tas d’autres problèmes. Et c’est vrai pour énormément d’autres personnes qui se disent trans. Vraiment, leur dysphorie, en général, ça vient déjà de sexisme et d’homophobie intériorisée, mais il y a aussi : autisme, troubles de l’attention, dépression, troubles du comportement alimentaire, traumatismes, dysmorphophobie, et même certains troubles psychotiques, comme la schizophrénie dans certains cas.
Et donc, au lieu d’aller explorer les véritables raisons qui mènent au mal-être chez ces personnes, on va leur dire : « en fait vous êtes trans, ce que vous avez ça s’appelle de la dysphorie, et le seul moyen de s’en sortir, c’est de faire une transition médicale.»
Évidemment, c’est dangereux, d’abord à cause des effets de la transition médicale, d’un point de vue purement physiologique. Mais aussi d’un point de vue psychologique, parce qu’après, à force de vouloir mettre sous le tapis tous ces problèmes, ça va finir par ressortir, et devenir encore plus dérangeant.
Par rapport aux statistiques de suicide chez les personnes trans, je ne vais pas du tout nier que ses statistiques sont élevées, mais à mon avis je pense que ce n’est pas tant à cause de la dysphorie en elle-même, mais justement parce que, à cause de cette étiquette de dysphorie, de la transidentité, ces personnes ignorent d’autres problèmes de santé mentale, jusqu’à ce que ça soit trop tard.
RDG – J’avais une question à te poser. Tu me dis si tu veux y répondre ou pas, parce qu’elle n’est pas préparée. Moi, ce qui m’intéresse, c’est la question suivante : vu que tu as évolué dans la communauté transactiviste, et transidentitaire, qu’est-ce qui a fait que tu es allé vers les RadFems à un moment donné, parce que je sais qu’on a une très, très mauvaise réputation. Est-ce que tu as eu peur de nous ? Qu’est-ce qui a fait que tu as osé venir vers nous pour faire ce témoignage ?
Danielle – Déjà, c’était plus ou moins grâce à mon ex copine, qui comme je l’avais dit, partageait certaines idées avec les RadFems, et c’était d’ailleurs quelque chose de totalement assumé.
Aussi, les RadFems ont beau avoir mauvaise réputation, je ne connais aucun autre mouvement, aucun groupe de personnes, qui parle de problématiques qui m’ont touchée. Il y a très peu de personnes, autres que des conservateurs (qui détestent les personnes trans juste parce qu’elles sont différentes), qui parlent de la transidentité.
Aussi, je n’ai vu aussi personne d’autre dénoncer, (ça n’a rien à voir), tous les problèmes liés à ce que les féministes libérales appellent le « travail du sexe » : la prostitution, la pornographie, etc.
Et aussi, de manière générale, vraiment, lire pour de vrai la théorie RadFem, au lieu de se fier à cette image que ce sont juste des hystériques qui détestent les hommes, et rien d’autre, ça a été vachement libérateur.
C’est ça qui m’a vraiment permis de me dire : « ce n’est pas si horrible d’être une femme, et ce qui rend ça désagréable, c’est juste le patriarcat, c’est juste les hommes. Et ce n’est pas de ma faute. Ce n’est jamais la faute des femmes. » Surtout, le plus important, ça m’a appris à ne pas me laisser faire. A apprendre à me détacher de toutes ces idées qui m’enfermaient dans une vision de moi, en tant que femme, encore une fois, en tant que “autre chose qu’un homme, et rien de plus que ça”.
RDG – Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner aujourd’hui ? Et pourquoi le fais-tu de façon anonyme ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Est-ce que tu as senti des dangers dans ton entourage personnel ou professionnel, pour toi tes proches ? Ou est-ce que tu te sais en sécurité pour parler librement ?
Danielle – Déjà, si je suis anonyme, c’est parce que je ne suis pas quelqu’un qui a vraiment une activité militante publiquement. Ce podcast, c’est un peu le premier vrai acte militant que je fais. Sinon, à part ça, sur les réseaux sociaux, je ne fais pas grand-chose à part poster des photos de mon chat.
D’autre part, je n’ai pas vraiment reçu de menace en soi, mais j’ai déjà vu des gens, dans les communautés trans, parler de moi. Déjà même quand j’étais trans, on me traitait déjà de TERF, c’est incroyable ! Je ne suis pas sûr qu’il y ait quelqu’un, qui me connaissait avant, en tant que trans, qui écoute ce podcast, mais bon. Il y a une petite chance que ça arrive et que, si je dis mon prénom, on sache qui je suis.
Et là encore, à partir de là, il n’y a pas de certitude que ça ait des conséquences pour moi, mais je sais qu’il y a énormément de personnes qui ont été harcelées.
Dans le cas de JK Rowling par exemple, ils sont allés jusqu’à prendre des photos devant sa maison, des menaces de viol et de mort sans finir.
Ils pourraient contacter l’université. Il y a une petite chance que ça arrive. Mais s’ils se décident à faire quelque chose contre moi, ça va vraiment être assez mauvais pour moi.
Après, quand même, je me sens plus en sécurité qu’avant, maintenant que j’ai un peu plus confiance en moi, en termes de mes positions critiques du genre, mais je préfère prendre mes précautions au maximum parce que je sais que certains transactivistes sont capables, vraiment, de pourrir la vie.
RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marqué concernant la transidentité ou le transactivisme ?
Danielle – Bon déjà, ce qui m’a marquée, c’est certain comportement de la part d’hommes transidentifiés qui sont totalement pardonnés, puisque ce sont des… ben des hommes transidentifiés ! S’ils ne se disaient pas trans, il n’y aurait pas ça, je pense.
Je me souviens, quand j’étais arrivée sur le serveur, j’avais 15 ans. J’étais en vocal avec des personnes… donc des hommes de 30 ans… qui parlaient librement de sexualité et de BDSM, comme s’il n’y avait aucun souci, il y a quelqu’un de mineur, mais bon on n’y fait pas attention !
Il y a quelqu’un, un membre de confiance dans ce fameux serveur, qui était un peu considéré comme « la doyenne du serveur », donc quelqu’un de respecté, qui a été pris en train de faire des « cams » avec des mineurs, plus qui ferait partie d’un cercle pédopornographique !
Et enfin, il y aurait aussi de personnes du serveur, un homme et une femme, tous les deux transidentifiés, qui ont été agressés pendant une soirée par d’autres hommes transidentifiés, et là aussi,… ça a quand même été condamné par pas mal de personnes trans que je connaissais, et heureusement, mais… quand même, il y avait un peu cette réticence à parler du comportement de ces personnes, juste sous prétexte que c’était des « femmes trans » !
Et en plus de ça, sur le serveur où j’étais, il y avait certaines personnes qui faisaient carrément du trafic d’ordonnance :
c’est-à-dire qu’elles allaient souvent voir des endocrinologues qui n’avaient jamais vu de personnes trans de leur vie, et qui ne savaient pas ce que c’était qu’un traitement hormonal de substitution pour les personnes trans. Mais du coup, ils considéraient que la dose qui leur était prescrite n’était pas la bonne, et donc ils s’amusaient à utiliser Photoshop pour modifier leurs ordonnances. Et aussi, d’autres personnes faisaient des ordonnances en double, alors que c’est totalement interdit, pour se faire un stock de testostérone, parce qu’il y a souvent des ruptures de stocks pour l’Androtardyl, le produit à base de testostérone qui est utilisée pour les femmes transidentifiées en France.
Et là aussi, c’est pardonné. C’est illégal, mais c’est pardonné. Encore une fois, juste parce que c’est pour les trans, et puis voilà.
RDG – Est-ce que tu as quelque chose à ajouter par rapport à ça, ou un autre point que tu voudrais aborder?
Danielle – Déjà, je tiens quand même à remercier les Rebelles du Genre, parce que c’est très rare, dans les milieux francophones, qu’on parle de ce genre de problématique, et qu’on donne la parole à des gens comme moi.
Je ne me serais jamais imaginée en train de parler sur ce podcast, parce que je me disais que personne n’irait écouter.
Et aussi, vraiment, s’il y a une jeune fille qui a à peu près mon âge, qui m’écoute et qui a vécu quelque chose de similaire, qui ressent de la dysphorie, j’ai vraiment envie de dire qu’il ne faut pas avoir peur de s’éloigner de ces milieux, et même s’éloigner des réseaux sociaux, si vraiment ça a un gros impact sur la santé mentale. Et il ne faut pas avoir peur, surtout, d’être une femme, d’oser être une femme, oser exister, de dire non aux violences patriarcales, de dire non aux hommes, qu’ils soient trans identifiés ou pas.
Et aussi, ne pas avoir peur d’être sorore, de parler des femmes. Parce qu’au final, on a beau parler des problèmes trans, mais ce qui compte le plus, en tant que féministe, c’est de parler des femmes.
Donc vraiment, il ne faut pas avoir honte, il ne faut pas avoir peur, il ne faut pas se dire que ça nous rend hystériques de vouloir la paix, de ne pas vouloir qu’on soit embêtées par les hommes, de se réunir entre femmes et de se battre… de se battre pour nous.
S’il vous plaît, signez la déclaration des droits des femmes basées sur le sexe.
http://www.womensdeclaration.com
À bientôt pour un nouveau témoignage de Rebelles du genre.
A reblogué ceci sur Caroline Huenset a ajouté:
« Donc vraiment, il ne faut pas avoir honte, il ne faut pas avoir peur, il ne faut pas se dire que ça nous rend hystériques de vouloir la paix, de ne pas vouloir qu’on soit embêtées par les hommes, de se réunir entre femmes et de se battre… de se battre pour nous. »
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