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Rebelles du genre -Épisode 32 – Floriane

Floriane – Alors je m’appelle Floriane, j’ai la trentaine, j’habite en région parisienne, je suis lesbienne et je suis militante LGBT  depuis une dizaine d’années. Et je suis végane, ça sera nécessaire pour la compréhension, pour la suite du podcast.

Je suis arrivée dans le milieu LGBT il y a un peu plus de 10 ans, en raison de mon homosexualité. Et c’est le premier milieu militant dans lequel j’ai mis les pieds, et je me suis ensuite intéressée à d’autres luttes. Notamment le féminisme, qui me concernait. Et ensuite les luttes qui concernaient d’autres groupes sociaux opprimés : notamment la lutte antiraciste, la lutte pour les droits des  animaux, donc le véganisme. Et le transactivisme.  Que je n’appelais pas transactivisme à l’époque, c’était la lutte pour les droits des personnes trans.

La logique d’écouter les concernés et de se remettre en question, de vérifier les privilèges qu’on pouvait avoir sur d’autres groupes sociaux, cette logique-là qui est présente dans les luttes sociales comme le féminisme, la lutte antiraciste, le véganisme, je l’ai appliquée aussi aux personnes trans.

Ça faisait totalement sens,  sachant qu’à cette époque-là, je n’avais pas d’outil matérialiste.  Donc je ne basais pas mes positionnements sur des positions rationnelles, ni sur une vérification vraiment scientifique ou méthodique, de ce qui faisait qu’il y avait des mécanismes de domination de certains groupes sur d’autres groupes, je me basais uniquement sur les propos des concernés. Ce qui était le mantra qu’on nous répétait : « écouter les concernés ». Ce qui est quelque chose d’assez pertinent. Écouter les personnes, en fait, qui vivent ce qu’elles nous décrivent, et faire confiance à ce qu’elles nous disent. Le problème, c’est que cette logique-là, qui est nécessaire pour les personnes qui subissent des violences, et à laquelle n’ont pas accès les personnes qui ne subissent pas ces violences-là.

Donc ce fait d’écouter les concernés, ça permet d’avoir accès, par exemple, pour les hommes, d’avoir accès aux propos des femmes concernant les agressions qu’elles subissent, ou le harcèlement qu’elles subissent dans la rue et si on le cale, de la même manière, sur des personnes qui sont en réalité dans le camp des oppresseurs, on peut, en fait, les faire passer pour des opprimés.

Et on peut faire croire que ces personnes-là subissent des violences, ou subissent des oppressions, par un groupe social, qui est en réalité un groupe social artificiel.

Alors, tous les groupes sociaux sont créés par la société, mais là, dans le sujet qui nous réunit, le groupe « cis » qui regrouperait des hommes et des femmes « cis », n’a pas de sens, étant donné que les femmes n’ont aucun avantage et aucun privilège matériel sur les hommes transidentifiés :   elles ne les exploitent pas sexuellement, elles ne les exploitent pas émotionnellement, et elles ne les utilisent pas pour faire les tâches domestiques, ou pour faire des tâches de travail non rémunéré, comme c’est le cas dans les autres mécanismes de domination.

Donc voilà, je suis arrivée dans le milieu  LGBT il y a une dizaine d’années,  j’ai pris tels quels les discours qu’on me servait. 

D’autant que lorsque j’ai essayé d’émettre un doute, au tout début  lorsque j’étais encore une féministe et une femme comme celles qui n’ont aucune idée de ce qu’est le transactivisme, lorsque j’ai tout juste commencé à entendre parler des personnes trans, les questions que je posais avaient pour conséquences des représailles sur la manière dont on me voyait, et sur ce qu’on me renvoyait de moi-même.  C’est-à-dire que je voyais l’agacement chez mes interlocuteurs, et je pouvais, du coup, être approchée de “personne transphobe”. Et personne n’a envie d’être transphobe. Donc du coup, on a pas envie d’être considérée comme transphobe, alors on fait tout ce qu’on peut pour ne pas être mise dans cette case-là. Et faire tout ce que l’on peut, ça veut dire ne plus poser de questions, et répéter ce qu’on nous dit de répéter.

On est assez familières, les RadFems, avec le mantra de « les femme trans sont des femmes » qui est répété à l’envi en plusieurs exemplaires, c’est-à-dire que lorsque l’on va sur les réseaux sociaux, sur Twitter, etc., on voit : « trans women are women », écrit de manières multiples, pour que ça rentre dans la tête, et que ça soit considéré comme une vérité.

On n’a pas d’argumentation là-dessus. Et on n’a même pas une définition de ce que c’est qu’être une femme.  Mais à ce moment-là, je n’avais pas du tout ça en tête. Cette question de la définition, ça a été au contraire la dernière pierre qu’il m’a fallu pour sortir du transactivisme. Ça a été vraiment le dernier moment où je suis passée de ma progression de transactiviste à RadFem. C’est à ce moment-là que je me suis dit : « Mais oui, c’est vrai, on n’est pas capable de faire une définition du mot “femme”, qui ne soit pas une définition circulaire. »

Mais donc du coup, à l’époque, je répétais ces mantras-là, et en fait, la violence que l’on pouvait me faire subir, pour que je ne pose plus les questions qui posent problème, ou que je ne tienne plus des propos jugés problématiques, (comme par exemple le simple fait de parler des spécificités de notre corps, en les liant à la féminité ou au sexe féminin, au fait d’être femme), c’était considéré comme transphobe.  

Alors j’avais quand même, même en étant transactiviste, un discours légèrement moins violent que mes collègues. 

Je leur disais : « Non, ce n’est pas transphobe. C’est “cisnormatif”.  Il y a quand même une différence entre la transphobie, qui est l’hostilité envers les personnes trans, et le fait d’avoir des propos un petit peu indélicats, qui seraient de dire que ce sont les femmes qui ont des seins, alors qu’effectivement, certaines personnes trans non opérées peuvent avoir des seins, alors que ce sont des hommes… ». J’avais un discours  légèrement moins extrême que la moyenne, moins « transactiviste » que la moyenne.

Néanmoins, la violence avec laquelle on répétait à l’envi que c’était transphobe d’avoir tel comportement, ou de tenir tels propos, qui étaient en réalité des comportements et des propos qui ne nuisaient pas à l’intégrité des personnes trans, a fini par faire que je re-créais moi aussi cet environnement hostile. 

Alors j’ai toujours essayé d’avoir un discours et un positionnement pédagogue, dans le fait de reprendre les gens sur leurs propos, mais je ne sais pas si je l’ai toujours tenu, ce positionnement, ou si je  n’ai pas, moi aussi, été violente envers des personnes.

 Je sais qu’envers les hommes, certainement. 

Envers les femmes, j’essayais quand même de me dire que, les femmes faisant partie d’une classe d’opprimées, elles n’avaient pas à subir autant de violence. Mais, j’ai quand même répété ces discours-là, et je reprenais à chaque virgule mal placée, même si c’était d’une manière se voulant pédagogue, les femmes qui essayaient de s’exprimer sur leur situation, sur leur vécu.

Et le moment où j’ai commencé à ouvrir les yeux sur le transactivisme, c’est à un moment où une femme de notre groupe, de féministes véganes,  une femme a été agressée par son petit ami de l’époque, qui se considérait comme non-binaire. Et j’ai eu un positionnement où, bien évidemment, je croyais et je soutenais cette femme-là, mais je m’outrais que d’autres  camarades puissent mégenrer  l’agresseur. C’est-à-dire que l’agresseur était genré au masculin par ces femmes-là, qui avaient compris l’arnaque transactiviste, et moi je leur disais : «  OK, iel  a agressé telle femme, mais ce n’est pas une raison pour ne pas le considérer comme le genre dans lequel il s’identifie, donc comme une personne non-binaire ». Un discours qui était absolument insupportable, bien sûr, pour la victime et pour les camarades qui n’étaient pas dupes.

Et là, moi j’ai eu du mal à passer dans le camp RadFem avec ces femmes-là, qui elles, avaient fait le switch, c’est que leur passage de transactivistes à RadFems a été fait sans expliquer au reste du groupe  ce qu’il en était. C’est-à-dire qu’elles avaient fait la bascule, mais sans nous accompagner dans cette bascule. Et nous, nous étions restées (parce qu’il n’y avait pas que moi dans le groupe), nous étions restées du côté transactiviste. 

On n’a pas vu, en fait, comment s’est faite la bascule.

Et moi je me suis retrouvée un peu perdue, en me disant : « Je ne comprends pas mes camarades, qui étaient de mon côté, que j’appelle maintenant transactivistes, mais que j’appelais être féministes, de vraies féministes, parce que les autres, les fausses féministes, qui ne sont pas du côté des personnes trans, ce sont des fausses féministes, parce que si t’es féministe, c’est pour toutes les femmes, et vu que les hommes transidentifiés sont des femmes, alors tu ne peux pas être féministe si tu n’es pas du côté des hommes transidentifiés.

Donc j’étais perdue, et le groupe s’est séparé, et je me suis détachée des RadFems.

Et j’ai eu mon premier peak trans,  – ce qu’on appelle le peak trans, c’est lorsqu’on a une prise de conscience sur le transactivisme –  j’ai eu cette première prise de conscience lorsqu’un homme du groupe, (je ne me souviens plus s’il se considérait comme non-binaire ou s’il se considérait comme une femme),  alors que je prenais la défense de la femme qui avait subi le viol, m’a dit :

« Toi, de toute façon, tu crois toujours la femme qui a le vagin par rapport à la femme qui a le pénis,  comme tout le reste de la société. »

Et là, je me suis dit : « Attends. Mais ce qu’il me dit il ne se base sur rien, parce que le reste de la société, lorsqu’il y a un viol, croit TOUJOURS la personne qui a le pénis sur la personne qui a le vagin ! De quoi est-ce qu’il me parle ? Jamais on ne va croire la personne qui a le vagin sur la personne qui a le pénis ! »

Donc là, j’ai commencé à me poser des questions, surtout avec la violence avec laquelle qu’il l’avait dit : il avait vraiment essayé, pour le coup, de me silencier. Me silencier,  c’est-à-dire que je défendais une victime par rapport à un agresseur, et lui il était en train de me dire : « Tais-toi, parce qu’une femme avec un pénis est plus légitime qu’une femme avec un vagin ». C’était vraiment son discours.

Et j’ai mis quelques années, peut-être entre deux et cinq ans, pour vraiment que je bascule de transactiviste à RadFem,  en faisant une longue pause à mi-parcours, où je pensais avoir un positionnement neutre, rationnel, et cohérent.

Je me disais : « Bon. Les femmes trans subissent quand même pas mal de violences de la part de la société. Elles se font nier leur identité par ces sales TERFs, c’est vraiment horrible. Elles subissent des viols et des agressions, donc elles méritent vraiment notre soutien, notre protection. Les TERFs sont inhumaines de les considérer comme des hommes. Ce ne sont pas des hommes, elles ne sont pas perçues comme des hommes dans la rue. Par contre, certains transactivistes, (que je n’appelais toujours pas transactivistes quand j’étais dans ce positionnement-là), ont tort de dire aux femmes de ne pas parler de clitoris, parce qu’en ce moment on en entend trop parler, et qu’il n’y en a que pour ces sales « cis ». Elles ont tort de s’en prendre violemment à des femmes, alors que les femmes font partie du groupe des opprimés. Elles ont tort de reprendre violemment des femmes qui, en fait, n’ont juste pas connaissance de notre idéologie (bien sûr, à l’époque, je ne disais pas idéologie, je disais, les femmes ne sont juste pas renseignées sur ce que c’est qu’être trans) . Elles ne savent pas, il suffit d’un peu de pédagogie, pour leur faire entendre raison, et donc être violentes avec elle, ce n’est vraiment pas la bonne solution. »  

Donc voilà : j’avais un positionnement où je me rendais compte de l’arnaque transactiviste, mais sans mettre encore les bons mots dessus.  Et où, à la fois je voulais défendre les personnes trans, et les reconnaître comme elles s’identifiaient, et où je voulais quand même ne pas être dans le camp du mal.

 Il y avait quand même cet « épouvantard » que sont les TERFs.  Avant qu’on ait l’usage de ce mot TERF, il y avait « féminazie », il y avait « féministe radicale », (mais pas dans le sens dans lequel nous, on l’entend, mais dans le sens « des personnes qui sont ignorantes  de ce qu’est la RadFémie, et qui vont parler de féministes radicales pour parler de personnes qui ont des propos ou des positionnements un peu trop extrêmes pour eux). Et donc cet épouvantard de la féministe radicale et de la TERF, me tenait à l’écart  de mes sœurs de lutte, me tenait à l’écart d’un discours, où je refusais même de lire des articles s’il y en avait… le fait que cette personne-là, ou ce groupe-là, soit relié à ce qui était considéré comme TERF,  donc notamment Osez Le Féminisme.  

Osez le féminisme était vraiment diabolisée dans les milieux transactivistes. Et donc, ça éloigne du discours qui est porté par ces femmes-là. Et donc, lorsque l’on a des groupes de femmes qui sont considérées vraiment comme des ennemies, vraiment les pires ordures que la terre ait portée, même si leur discours est plein de bon sens, on a du mal à s’en approcher. Et en fait, il faut absolument que ça soient des personnes de notre entourage, bienveillantes, et avec du temps et de la patience, qui nous permettent de sortir de ce dogme-là, en étant à nos côtés, en posant des questions, de la même manière que lorsque l’on essaye de sortir quelqu’un d’une secte ou d’une pensée sectaire dangereuse.  

On a les zététiciens, les sceptiques,  qui donnent un mode d’emploi pour sortir une personne d’une pensée irrationnelle. Et c’est ce genre de conseils-là, qu’ils donnent : c’est de rester proche de la personne, de ne pas se confronter trop violemment à ses idées, mais au contraire d’essayer de lui faire prendre conscience par elle-même, en lui posant des questions…

En fait, pour pouvoir aider quelqu’un à se sortir d’une idée, il faut être de son côté. Il ne faut pas être l’antagoniste, il ne faut pas représenter l’ennemi.

Donc voilà. En positionnant les féministes radicales, les féministes comme étant une insulte à base de transphobie, à quoi on ne veut absolument pas être associées, on arrive à nous éloigner, en fait, de discours qui pourraient nous aider à évoluer.

RDG – Mais alors du coup, en fait, qu’est-ce qui t’a amenée, à un moment donné, à ouvrir les yeux par rapport à cette question, sur les horribles TERFs, cruelles et haineuses, que nous sommes ?

Floriane –  C’est justement le fait de parler avec des femmes qui étaient un peu « sous couverture ». C’est-à-dire que, bien évidemment, lorsque l’on parle avec des camarades RadFems ou des camarades féministes,  elles ne vont pas oser s’identifier forcément comme RadFems  ou forcément comme critiques du genre… parce qu’elles ne savent pas à qui elles ont à faire face et parce que leur intégrité physique peut être compromise. Et moi, j’avais un petit groupe de personnes, des personnes que j’avais rencontrées alors que j’étais transactiviste et qui étaient elles-mêmes transactivistes, notamment ma meilleure amie,  et deux ou trois autres amies proches. Et entre nous, en discutant, on a cheminé tranquillement, au fur et à mesure des années, en s’éloignant, mais en gardant ce positionnement un peu neutre.  Ensuite, il y a eu des scissions avec certaines d’entre elles, qui me trouvaient trop « transphobe ».  C’est-à-dire que j’avais, pour elles, dépassé une ligne, lorsque j’ai mis un nom sur le groupe dont nous parlions. C’est-à-dire que, comme je vous le disais, pour nous il y avait les trans, qui étaient des personnes à aider et à défendre,  qui était l’ensemble de la  communauté trans. Et il y avait quelques brebis galeuses qui étaient les transactivistes.  Et on n’avait pas mis le mot  sur ces personnes-là. Et moi, j’ai mis le mot sur les personnes violentes, en disant que, bien évidemment, je n’ai pas de haine pour les personnes trans, mais les personnes qui posent problème, ce sont les transactivistes,  c’est-à-dire les personnes, qu’elles soient trans ou pas, (le fait qu’elles soient transidentifiées n’entre même pas en ligne de compte),  mais qui vont avoir des discours, des positionnements violents envers les femmes, et leur reprocher le moindre langage qui pourrait ne pas inclure les personnes transidentifiées dans le discours.

Et en fait, le fait d’avoir mis le mot transactiviste sur ce groupe-là m’a fait être mise au ban de ce groupe de personnes, qui se considéraient comme neutres sur la question du genre, ou comme ayant une posture rationnelle.  Et donc, déjà, moi j’ai été poussée du côté des TERFs.  Et j’ai été insultée de TERF  ensuite, par des personnes qui se considéraient comme critiques du genre.  Parce que bien sûr, n’importe qui peut s’auto-appliquer n’importe quel label, c’est justement le sujet dont on est en train de parler.

Et je suis entrée sur un groupe Facebook qui s’appelait :  « les queers contre le genre »  ou quelque chose comme ça, en pensant, justement, pouvoir échanger et avoir des discussions intéressantes avec des personnes qui avaient un positionnement logique, rationnel sur la question du genre. Je pensais parler avec des personnes qui étaient atteintes de dysphorie de genre, mais qui ne liaient pas le fait d’être une femme à un ensemble de stéréotypes, qui ne reniaient pas la réalité de la biologie du corps des femmes. Juste, qui se sentaient appartenir à un sexe qui n’était pas le leur. Qui, pour cette raison-là, pouvaient adopter des stéréotypes correspondants à ce qu’on applique à ce sexe là, mais sans considérer que leur expérience, que leur dysphorie de genre, était une réalité à prendre en compte comme étant le fait d’être une femme. « C’est ce que moi je ressens, et non pas la réalité biologique du sexe qui est le nôtre ».

RDG –  Autrement dit, être une femme c’est plus un ressenti qu’une réalité biologique, c’est ça pour ces personnes ?

Floriane –  Pour les transactivistes, oui. On sait qu’être une femme, c’est un ressenti. Mais lorsque des personnes se considèrent comme «queers  contre le genre » je pensais que c’était des personnes qui souhaitaient pouvoir correspondre à n’importe quels, je ne sais pas, codes vestimentaires, comportements, qui pourraient être associés aux femmes, dans les stéréotypes de genre, sans pour autant être dupes sur le fait que ce n’était pas ça, être une femme. Et que le genre était à abolir.

RDG –  Effectivement, c’est compliqué, parce que là tu nous parles de personnes qui sont queers, qui renforcent et qui jouent avec les stéréotypes de genre, en faisant semblant de jouer avec, mais finalement sans les critiquer !

Floriane –  Ça pourrait être des personnes qui ne correspondent pas aux stéréotypes de genre, des hommes qui vont s’attribuer ce qui est en fait des outils de notre oppression.  Mais, à la limite, des hommes qui vont mettre des talons, des jupes, du maquillage, en sachant que le genre, c’est une oppression que nous subissons, sur la base de notre sexe, et que le fait, pour eux, d’adopter ces stéréotypes-là ne fait pas d’eux des femmes. Néanmoins, dans la société dans laquelle on vit, ils sont obligés de se considérer comme femmes, parce que c’est ce que la société va leur renvoyer. Voilà. Je pensais tomber sur des personnes, en fait, dans le groupe « queers critiques du genre »,  qui avait une réflexion assez matérialiste sur le genre, tout en, eux-mêmes ne correspondant pas à ce que l’on attend d’eux, basé sur leur sexe, se retrouvent dans la société avec une place un peu particulière. Et en réalité, quand je suis arrivée dans ce groupe-là, je suis tombée sur le témoignage d’une personne qui disait que, vu qu’elle avait été violée par des « personnes cis », –  en fait j’imagine qu’elle a été violée par des hommes, en tout cas la grande majorité des personnes qui violent ce sont des hommes -,  mais elle, elle disait : « J’ai été violée par des personnes cis,  donc maintenant je vais violer des personnes cis.  Il n’y a pas de raison que moi-même, je ne viole pas des personnes cis,  puisque j’ai été violée par des personnes cis.  Donc œil pour œil… »

Et donc j’ai dit à cette personne que je ne voyais pas à quel moment c’était féministe de prôner le viol, contre les personnes cis,  donc elle incluait, en plus, les femmes. Bon, il n’y a rien de féministe à vouloir violer des hommes, mais là en plus, en se prétendant du féminisme, elle parlait de violer indifféremment l’oppresseur et l’opprimée de la hiérarchie du genre basée sur le sexe.

RDG –  Sauf que dans sa logique, l’oppresseur c’est la « personne cis », homme ou femme.

Floriane –  Voilà ! Donc en fait, on a, comme je le disais tout à l’heure, une espèce de  groupe social où les hommes et les femmes qui se considèrent comme hommes et femmes, qui ne renient pas leur sexe, seraient à égalité dans l’oppression des personnes trans ! Or les personnes qui violent, qui tuent, les personnes trans, lorsque ça arrive… sont des hommes ! Ce ne sont pas les femmes qui commettent ces gestes-là, et ce ne sont pas les femmes qui commettent ces gestes-là de manière massive. Donc voilà.

 Là, c’est la première fois, dans cette discussion, lorsque j’ai dit à cette personne trans qui appelait à violer les « cis »,  lorsque je lui ai dit que son positionnement n’était pas féministe, et sans avoir de propos plus violent que ça, c’est la première fois où je me suis fait traiter de TERF.  Et en fait, le fait d’être mise dans la catégorie TERF, ça aide à embrasser le discours RadFem. Parce qu’en fait on est déjà dans cette catégorie. Donc on a plus rien à perdre. Donc je vous disais, tout à l’heure, que les quelques années où je suis restée un petit peu « entre deux eaux », c’est parce que justement j’avais cet « épouvantard »  de la TERF… à partir du moment où je suis devenu une, dans les yeux des autres, ça a été beaucoup plus facile pour moi de me rapprocher du discours des TERFs.  Ah OK, je suis une TERF  parce que j’ai des propos qui se basent sur du matérialisme, sur des preuves scientifiques, sur des arguments rationnels ? Dans ce cas-là, autant aller voir ce que disent les copines TERFs,  parce que moi je suis une TERF  en tenant ce discours-là, ça veut dire que les discours TERFs  ne sont pas aussi étranges et aussi oppressifs et violents que ce que je m’étais imaginé. Donc ça m’a beaucoup aidée !

Merci aux transactivistes qui m’ont traitée de TERF :   vous m’avez vraiment aidée  dans le fait de me renseigner, de faire mes propres recherches, comme le disent les personnes qui se trouvent dans des sectes. Et pouvoir, justement, me sortir de ce dogme-là.

Et  j’ai rencontré ensuite des féministes radicales, donc notamment une féministe radicale que je ne vais pas citer parce que je ne pense pas qu’elle soit outée en tant que TERF,  mais avec laquelle j’ai eu des discussions qui étaient au-delà de ce que moi je pense, qui était « plus violente » que ce que moi je pense : elle appelait les femmes trans des « hommes en jupe ». Et on a eu une réunion avec  Julia Long. Elle, je peux la citer parce qu’elle est clairement identifiée comme TERF. Julia Long,  c’est une féministe anglaise, je l’ai rencontrée à Londres, et on a bu un verre avec elle. Et là, j’ai pu avoir des discussions assez intéressantes sur ce que c’est que le genre, sur ce que c’est qu’être une femme. La question justement du fait de ne pas avoir de définition dans les milieux transactivistes, dans l’idéologie transactiviste… Ça a  fini par me convaincre de l’arnaque dans laquelle je m’étais trouvée durant pas mal d’années. Et j’ai conservé  un positionnement qui était un peu plus, tout en étant bien décalé vers la radfémie,  en étant autant dans la radfémie  que certaines collègues, parce que certains discours ne me parlaient pas. Notamment, le fait de dire que les femmes trans étaient des hommes en jupe, à ce moment-là, ça me paraissait assez violent, puisque je les considérais toujours comme des personnes à protéger, comme un groupe social particulièrement vulnérable.

RDG –  Pourquoi penses tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société et pour la démocratie ?

Je pense que cette idéologie est une menace pour les femmes, parce que si on ne peut pas nommer nos corps, si on ne peut pas nommer nos oppressions, on ne peut pas lutter pour nos droits efficacement.

On ne peut pas dialoguer efficacement, on ne peut pas faire passer les messages  qu’on a besoin de faire passer.

Parce que si on enlève la substance d’un mot, si on prend un mot et qu’on le vide de sa substance, et qu’il devient une coquille vide, on ne peut plus l’utiliser pour faire passer les concepts qu’il contenait au départ. 

Et on le voit, c’est très présent au niveau par exemple des serviettes hygiéniques, des protections hygiéniques.

Depuis quelques années, il y a la question des protections hygiéniques lavables, et on a une communication dans ces entreprises-là, qui se tourne surtout vers des jeunes femmes, des très jeunes femmes, des adolescentes qui commencent à avoir leur puberté, à avoir leurs règles, et qui se tournent vers ces produits lavables, puisque c’est ce qui se fait en ce moment, et qui est considéré comme mieux pour le corps, pour le porte-monnaie, etc.…  On a beaucoup de jeunes femmes qui sont dans l’idée de bien faire les choses, et notamment d’un point de vue écologique, qui vont se tourner vers ces sociétés.

Et on n’a plus l’utilisation du mot « femme » dans les communications de ces marques.

Je suis en train d’essayer de faire un benchmark,  justement, pour voir comment les marques parlent de leurs clientes. Et parlent de leurs produits.

Et pour certaines d’entre elles, le mot « femme » n’apparaît plus.

On se retrouve, du coup, avec des communications où on ne sait pas de qui on parle et de quoi on parle, et où les femmes sont réduites, en fait, à leurs organes sexuels.

Donc c’est ce que nous reprochent les transactivistes, ils nous reprochent d’être essentialistes et de considérer les femmes comme des utérus…

En réalité, c’est l’inverse qui se passe, puisque là, ce que nous, ont considérait comme étant compris dans le mot  « femme », eh bien maintenant on va dire que… on va utiliser les mots « personnes qui menstruent » ou « personnes ayant un utérus » ou « personnes ayant leurs règles » et on ne va plus du tout parler du groupe social qui  comprend ces personnes-là. 

Ici, je parlais de serviettes hygiéniques, mais si on applique ça au monde du militantisme, on va avoir des communications comme, je vais dire un chiffre au pif, « 60 % des personnes sexisées subissent des violences ».

On ne parle plus de hiérarchie, d’un sexe sur un autre, on ne parle plus de qui commet les violences et de qu’il subit, on a un ensemble de personnes qui subit des violences, et un ensemble de personnes qui commet ces violences. Mais on ne peut plus nommer qui sont les acteurs de cette hiérarchie. Si on ne peut plus les nommer, on ne peut plus efficacement se battre pour faire cesser ces violences, puisqu’on ne sait plus qui protéger, et contre qui. 

On ne dit plus que ce sont les hommes qui commettent des violences contre les femmes.  Même si, au final, le mot « homme » est assez peu impacté dans le milieu transactiviste. C’est-à-dire  qu’on a assez peu «  porteurs de prostate », on a assez peu « personnes ayant une absence de glande mammaire développée ».

RDG –  Oui, c’est assez rare !

Floriane –  Ou « personne ayant des poils au menton », c’est assez rare ! Le mot « homme » est encore utilisé, mais en parlant d’hommes cis. Donc les hommes cis commettent des violences. Sauf que la différence, entre un homme cis  et un homme  qui s’identifie comme une femme,  c’est juste… le fait de le déclarer ! On parle d’une catégorie « homme » qui engloberait les femmes qui s’identifient comme des hommes, on parle de violences commises par un groupe dans lequel  il y a des personnes, qui sont en fait des femmes, et qui sont les premières victimes du groupe dans lequel elles s’identifient. Donc on se retrouve avec des mots qui perdent leur sens, et avec une communication qui est impossible, et l’impossibilité de dénoncer les violences commises par les hommes sur les femmes.

Et on a aussi la question de l’homosexualité.

Si on n’a plus de catégories « hommes » et « femmes »  qui se basent sur le sexe, la question de l’homosexualité perd aussi sa définition. Et on le voit très nettement, surtout sur les réseaux sociaux, c’est assez courant. C’est un discours, vraiment, qui existe, de dire aux personnes… aux lesbiennes et aux personnes bi…  qu’elles sont transphobes  du fait d’être lesbiennes et bi. 

Pour les personnes bi,  c’est parce que si on utilise le mot « bi »  et non pas « pan »  alors, ça veut dire qu’on refuse de relationner avec des personnes qui s’identifient comme non-binaires,  donc, qu’on est transphobe.  Donc ça n’a déjà pas beaucoup de sens, parce que les personnes « bi »  relationnant avec  les personnes des deux sexes, la question de la manière dont s’identifient ces personnes n’entre pas en ligne de compte dans les relations que peuvent avoir les personnes bi  avec leurs partenaires. Donc ça n’a pas beaucoup de sens, cette critique sur les bi.

Et sur les lesbiennes, c’est carrément dangereux. Puisque le discours qui existe auprès des lesbiennes, c’est de leur expliquer que si elle ne relationnent  pas avec une personne qui s’identifie comme une femme, alors qu’elles se disent lesbiennes, sur la base du fait que cette personne soit en réalité un homme, alors elles sont transphobes. Puisque le discours, je l’ai dit de manière « RadFem »,  mais le discours c’est : « si vous ne voulez pas relationner avec une femme trans parce qu’elle est trans, alors vous êtes transphobe,  et vous n’êtes pas une lesbienne, vous êtes une fétichiste de la vulve. »

Donc c’est assez déshumanisant, déjà de réduire les femmes à leur vulve. Ce que les transactivistes  nous reprochent, mais qu’il font eux-mêmes, puisque bien sûr, nous, en tant que lesbienne, lorsqu’on voit une femme, on ne voit pas une personne qui a une vulve. On ne s’intéresse pas… on a par une attirance ou une excitation qui est liée au fait que cette personne porte une vulve.  Le sexe c’est, en réalité, plus large que les organes sexuels primaires : on a des caractéristiques sexuelles secondaires qui entrent en ligne de compte, bien évidemment, dans le sexe. On a : la voix, la taille,  la  répartition graisseuse, la pilosité, la répartition musculaire… on a en  réalité tout un tas d’éléments qui font partie du sexe, et vers lesquels, nous, les lesbiennes, on est attirées. On est attirées par les personnes qui appartiennent ce sexe là. Et ces personnes peuvent être extrêmement diverses, bien évidemment chacune d’entre nous va avoir ses préférences, mais on ne va pas être attirées par toutes les personnes qui ont une vulve. On va être attirées par des femmes, et ça va être ça, notre point commun : on va être attirées uniquement par des femmes.

Et en fait on nous rabaisse, à nous considérer comme fétichistes de la vulve si on ne veut pas coucher avec des hommes. Avec des hommes qui nous affirment ne pas être des hommes. Donc, voilà : il y a un danger  pour les femmes en général, et un danger particulier concernant les lesbiennes, puisqu’il y a une espèce de  pression qui fonctionne. Parce que si vous …

Je parlais plus tôt du fait que moi j’étais tombée dans le transactivisme parce que je voulais être une bonne personne, je ne voulais absolument pas être cataloguée comme transphobe,  et donc du coup j’écoutais ce qu’on me disait. Et en plus, nous les femmes, on est éduquées à avoir de l’empathie, donc on a tendance à vouloir vraiment ne pas être dans le mauvais camp.  Et si vous répétez  à une lesbienne, au sein de sa communauté, la communauté LGBT,  la communauté  dans laquelle elle se sent bien,  parce qu’elle subit de la lesbophobie en dehors,  et que là c’est un endroit qui lui donne l’impression d’être safe, qui ne l’est en réalité pas, mais qui est un endroit où elle pense être avec des pairs, dans le sens de « personnes identiques à elles », et où elle pense pouvoir faire confiance aux personnes qui l’entourent, qui sont sa famille, sa nouvelle famille. Surtout les lesbiennes qui ont parfois des  problèmes avec leur famille biologique, en raison de l’homophobie. Donc cette personne-là, qui du coup est particulièrement sensible à ce que vont  leur dire les personnes du milieu auquel elle appartient,  si on lui dit qu’elle est transphobe de refuser de relationner avec une «femme trans »,  elle ne va pas immédiatement relationner avec une « femme trans »  mais l’idée va plus facilement faire son chemin.

Elle va se dire : « oui, c’est vrai, c’est vrai, je dois avoir un problème, il faut que je me soigne. Il faut que je me déconstruise. Je suis fétichiste de la vulve.  Les femmes trans sont des femmes, on me le répète suffisamment, je le crois en plus… je vois bien mes sœurs, femme trans, qui sont de vraies femmes… et elles vont pouvoir, justement, se créer une espèce de–je ne sais pas si ça va être le bon mot, mais–une espèce de « viol contre elle-même », où bien sûr, elles auront été manipulées, et où elles vont se convaincre d’être consentantes pour une relation, pour laquelle elle n’auraient en réalité pas été consentantes sans cette manipulation-là.

RDG –  C’est de la thérapie de conversion, en fait, ce que tu décris.

Floriane –  Voilà. C’est de la thérapie de conversion, tout à fait. Moi j’ai failli tomber là-dedans, dans cette thérapie de conversion. C’est-à-dire qu’à un moment, je me suis posé la question. Je me suis dit : « oui, les femmes trans sont des femmes. Pourquoi je ne pourrais pas… ça ne me tente pas du tout, mais… » et j’ai failli, même… je me suis posé la question de la prostitution!

Ils arrivent à utiliser le féminisme, à utiliser notre moyen de nous libérer de leur oppression, et de nous libérer de  l’exploitation sexuelle qu’ils nous font subir. Et ils arrivent à te twister ça  pour faire en sorte qu’on cautionne notre propre exploitation!

RDG –  Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner, ici, de façon anonyme ?  Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Je crois que tu en as déjà assez dit, mais est-ce que tu peux développer s’il te plaît ?

Floriane –  J’ai choisi de témoigner de manière anonyme, parce qu’on peut subir des représailles d’avoir des propos aussi banals que ceux qu’on a aujourd’hui. Et notamment, ça peut nous nuire d’un point de vue professionnel. On peut se retrouver face à des personnes qui ont cette idéologie-là, et qui vont te faire subir des pressions, que ce soit du harcèlement, que ce soit du doxxing,  que ce soient des manques de chances professionnels. Quelqu’un qui va se dire « non, cette personne-là est oppressive, cette personne-là est du côté du mal, comme on le disait tout à l’heure avec le fait qu’avoir des propos de féminisme radical peut être considéré comme étant TERF,  c’est-à-dire comme étant transphobe,  donc du mauvais côté de la barrière. Pour l’instant, je n’ai pas subi moi-même de harcèlement, puisque je ne suis pas visible sur les réseaux. Voilà. Je ne suis pas un compte très gros, comme peuvent l’être Marguerite Stern, ou Joana, de « Bois mes règles ». Par contre, j’ai déjà eu une personne, donc un homme qui s’identifie comme femme, qui, à l’époque où j’étais encore transactiviste,  s’est invité dans mes DM,  parce que j’avais commenté, un commentaire totalement « néant » sur une publication Facebook, et il en a profité pour arriver dans mes DM,  en utilisant ce prétexte. Donc, en fait, un comportement d’homme. Mais je ne l’avais pas identifié comme ça à l’époque. Parce que c’est quand même très rare que les femmes utilisent le prétexte d’un simple commentaire pour se permettre de venir interagir assez intimement avec une personne sur les réseaux sociaux, et essayer de mettre en place une relation romantique.

Donc, cette personne-là est venue, cet homme-là. Je lui ai dit que je n’étais pas intéressée par le fait de discuter avec lui,   sans le mégenrer,  ou quoi que ce soit à l’époque.  Et j’ai appris par la suite qu’il avait envoyé des photos de son pénis à des camarades à moi.  Et donc, à partir de ce moment-là, j’ai dénoncé ses agissements. Sauf que, comme je dénonçais les agissements sexistes d’un homme qui s’identifiait comme femme, j’ai été considérée comme transphobe.  Et il a essayé de me faire passer comme telle dans les milieux féministes, et notamment dans l’association féministe dans laquelle j’étais à l’époque,  en essayant de me faire virer d’une association féministe, et en essayant de, lui, entrer à ma place dans cette association. La présidente de l’époque avait eu une très bonne réaction en lui expliquant que s’il voulait entrer dans une association dans laquelle était présente une personne avec laquelle il ne s’entendait pas, ce n’était pas une bonne idée ; et que soit il pouvait militer au sein de l’association dans un autre pôle et ne pas me croiser, soit renoncer à aller dans l’association. Mais qu’elle n’allait pas me virer pour lui faire de la place. Mais c’est quand même une tentative qui a été faite. 

Donc c’est toujours un risque…  C’est toujours un risque.

RDG – Est-ce que tu as une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme ?

Floriane –  Tout à l’heure, j’ai raconté la première fois où j’ai été qualifiée de TERF, donc dans cette discussion  sur un groupe Facebook sur le viol.

Et la seconde fois où j’ai été qualifiée de TERF,  c’est aussi une anecdote qui me reste en mémoire, puisque c’était à l’époque où j’étais encore transactiviste,  et où j’ai commenté sous un article qui relatait le témoignage d’une… d’un homme transidentifié, donc une femme trans,  qui indiquait se sentir femme depuis qu’elle avait subi une opération chirurgicale lui permettant d’être pénétrée par le pénis d’un homme. Et donc ce « néo-vagin »  a été synthétisé avec la peau d’un poisson. Et vraiment, dans son témoignage dans l’article, elle disait clairement qu’elle se sentait femme depuis qu’elle pouvait être pénétrée par le pénis d’un homme. Et qu’avant ça, elle voulait même rester célibataire parce qu’elle ne pouvait pas être pénétrée ! Elle avait un néo-vagin  qui était trop étroit avant qu’on ne sacrifie ce pauvre poisson pour utiliser sa peau afin  de synthétiser un orifice plus adapté à la pénétration. Et j’ai commenté en ayant un positionnement qui n’était pas du tout contre les hommes transidentifiés ou contre les opérations de réassignation de sexe. Je ne critiquais même pas, à l’époque, l’utilisation du mot vagin pour parler de cette opération. Alors qu’il y a aussi pas mal à en dire là-dessus.  J’avais juste parlé du fait que le fait d’être pénétrée par un homme ne fait pas d’une personne une femme. Et que le fait d’avoir sacrifié un animal pour créer un organe au profit d’un homme…  à ce moment-là je n’ai pas dit «d’un homme », en plus je considérais cette personne comme une femme trans, comme une femme… mais sacrifier un poisson pour synthétiser un trou permettant d’être pénétré par un homme… je ne comprenais pas du tout que ça puisse être applaudi, et qu’on puisse avoir des réactions avec des émojis « cœur »  en réaction à cet article là, publié sur les réseaux sociaux.

Donc à ce moment-là, j’ai été… mon commentaire a été très mal reçu et j’ai été qualifiée de TERF  alors que j’essayais de garder un discours tout à fait rationnel, raisonnable, ne critiquant pas les trans, mais critiquant le fait de considérer comme étant une femme, une personne qui pouvait être pénétrée par un pénis d’homme.  Et j’ai eu, plus tard, des réflexions sur le fait de considérer comme étant un vagin, quelque chose qui est en fait juste un orifice destiné à recevoir un pénis. Puisqu’un vagin, ce n’est pas ça. Déjà, ce n’est pas un orifice, ce n’est pas un trou. C’est un réel organe, complexe, avec un clitoris qui est de la même taille, du même ordre de grandeur, que l’est le pénis, qui a un nombre, je ne saurais plus ressortir le nombre énorme…

RDG –  11 000 !

Floriane – 11 000 terminaisons nerveuses dédiées au plaisir.  On a une lubrification. C’est quand même magistral, lors de l’excitation ont produit de la cyprine.  On a un organe qui est autonettoyant, est un organe qui nous permet notamment, qui a la possibilité de faire… voilà, c’est pas directement la vulve ou le vagin, qui permettent de donner la vie, c’est un conduit qui permet d’évacuer l’enfant… mais on a quand même tout un tas d’organes génitaux qui permettent de créer un être humain, et de le faire passer de manière plus ou moins sécurisée vers le monde extérieur. Et en fait, on utilise  le même mot, de “vagin” ou de “néo vagin”, pour parler de quelque chose qui n’a rien à voir avec cet organe. Donc c’est assez insultant pour les femmes, de comparer un organe aussi complexe que le nôtre, au simple fait de pouvoir être pénétré par un homme. Comme si c’était le but de notre vagin, comme si on était une femme si on était pénétrée par un pénis. Parce que le fait pour un homme  trans identifié de créer ce qu’ils appellent  un néo vagin, ça a cette seule fonctionnalité-là, il n’y a pas d’autre fonctionnalité liée au fait de créer ce néo vagin-là.

RDG –  Et tout ça en peau de poisson !

Floriane –  Et tout ça en peau de poisson, en plus. Donc en sacrifiant, bien sûr, un animal juste pour un confort, pour correspondre à une idéologie. Donc ça, c’est assez dramatique.

RDG –  Dernière question : as-tu quelque chose à ajouter ?

Floriane –  Alors là, on a parlé du genre et du transactivisme,  puisque c’est le sujet du podcast. Mais en réalité, ces idéologies transactivistes, elles sont liées… c’est tout un package qui va ensemble, généralement. Et notamment, avec d’autres questions du féminisme libéral, pour celles qui le considèrent comme un féminisme. J’en fais plus ou moins partie, puisque il y a dans ces personnes-là, des femmes sous emprise. Donc je ne les considère pas comme mes ennemies,  elles essayent de lutter pour leurs droits. Ce sont des femmes qui sont mises sous emprise et qui n’ont aucun avantage, aucun bénéfice à accorder du crédit à ces dogmes-là. Elles le font vraiment par bonne foi, en pensant être dans le vrai, être du bon côté, être du côté des droits des personnes. Elles essayent d’apporter un maximum de bon dans le monde, et elles pensent réellement que c’est la meilleure manière de le faire. Donc on se retrouve avec des femmes, souvent très jeunes, à qui on va expliquer que leur exploitation sexuelle, c’est en fait une libération, et quelque chose qui leur donne du pouvoir. Et on se retrouve avec des femmes à qui, sous prétexte de leur dire d’accepter leur corps, ou d’accepter leur sexualité, ou leur dire qu’elles ont le droit à avoir une sexualité épanouie, on va déformer ce discours-là, pour leur faire croire que le fait que des hommes  aient la possibilité de les exploiter sexuellement, ça leur donne du pouvoir.  

Donc, on a dans les mêmes milieux que les milieux transactivistes, des proxénètes, des prostitueurs, qui vont pousser des femmes, souvent jeunes, souvent sous emprise, sous pression de la communauté à laquelle elles pensent appartenir, on va les pousser à accepter … de faire des photos nues parce que,  sous prétexte de ne pas « bodyshamer » et de ne pas « slutshamer » , on va leur faire  croire que c’est une bonne manière, de se libérer, que de laisser l’opportunité à des hommes de les exploiter sexuellement, et de se mettre à leur disposition. On a récemment Olly Plume,  donc une femme qui avait comme pseudo Olly Plume et  qui était très alliée de proxénètes  et très embrigadée dans la porno–prostitution, elle faisait des cams.  Donc elle se faisait payer pour se masturber devant des hommes à travers un écran, et elle en est arrivée à de la prostitution, puisque je sais qu’elle a fait notamment des scènes avec son copain de l’époque qui était considéré comme un pro-féministe.  Et suite à ça, elle a changé… enfin, elle s’est considérée comme étant un homme. Elle a subi des opérations irréversibles. Elle a subi une mammectomie si je ne me trompe pas. Je ne sais pas si elle a subi d’autres opérations, je ne m’en souviens plus. Elle a pris de la testostérone qui, on le sait, a des conséquences sur la santé des femmes à long terme. Et puis, au bout d’un moment, elle s’est rendue compte de l’arnaque transactiviste, et elle a fait marche arrière. Elle se considère maintenant de nouveau comme une femme, et elle a écrit un texte assez bien écrit, qui parle justement de la violence du milieu militant, et de ce qui l’a fait tomber dans la porno-prostitution, en tant que très jeune femme. Et elle nous décrit son expérience, et les traumas qui y sont associés, et ça elle ne pourra jamais s’en défaire. Elle ne pourra jamais revenir en arrière sur les opérations qu’elle a subies, et sur les viols qu’elle a dû endurer. Les viols rémunérés.

Les sœurs qui m’écoutent…  on a discuté un petit peu, tout alors, des mécanismes psychologiques qui se mettaient en place, et de l’emprise, et du fait que l’on soit enfermées dans nos groupes sociaux, avec des gens qui nous ressemblent…  donc les femmes qui risquent de m’écouter sont peut-être déjà convaincues par ce que je vais dire. Et certainement que les femmes qui sont plutôt du côté transactiviste, me considérant comme l’ennemie, ne vont pas porter attention, ou crédit à mes propos. 

Mais si jamais l’une d’entre elles passe par ici, peut-être dans un but de débunkage, ou de contredire les propos de la partie adverse, je veux lui dire qu’on sera là pour elle le jour où elle voudra se confier, où elle aura… malheureusement, je ne lui souhaite pas, mais où elle risque d’avoir subi des violences de la part de transactivistes, de la part d’hommes s’identifiant comme femmes, et qui auraient utilisé ce levier pour pouvoir lui faire subir des violences psychologiques, physiques, sexuelles… il ne faut pas qu’elle  hésite à changer d’avis. Elle ne va pas perdre en crédibilité, elle ne va pas perdre en cohérence, en tant que personne. On change d’avis, on évolue, on se renseigne.

Et moi aussi, j’étais transactiviste il y a quelques années, et je sais que certaines personnes peuvent être assez dures (ça m’est arrivé, de la part des camarades dont je vous parlais tout à l’heure, celle qui sont passées de LibFem à RadFem sans nous accompagner dans cette démarche :  elles m’ont ensuite reproché d’avoir changé de camp, moi aussi,  donc d’être allée dans leur camp à elle, comme s’il s’agissait d’une guerre d’ego,  ou d’une guerre de chapelles) mais mises à part ces exceptions, les RadFems  seront là : elles savent ce que c’est. Elles ont été, pour certaines d’entre elles, transactivistes avant.

Et elles seront là pour écouter et pour accompagner les femmes qui se posent des questions sur le transactivisme.

S’il vous plaît, signez la déclaration des droits des femmes basés sur le sexe.

http://www.womensdeclaration.com

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