Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer

Rebelles du genre – Épisode 41 – Élisabeth

Elisabeth – Je m’appelle Elisabeth, j’ai 25 ans et je travaille dans la musique. J’ai découvert progressivement le féminisme et ça a été très libérateur pour moi, et émancipateur. Et je pense vraiment que je n’aurais pas été la même femme si je n’avais pas lu des livres, découvert des grandes penseuses qui m’ont inspirées, et qui m’ont montré que j’étais aussi valable qu’un homme. Elles m’ont permis de combattre la misogynie internalisée, qui fait tellement de ravages en nous toutes, et j’ai un respect infini pour ces femmes, je les remercie profondément, et je suis régulièrement émerveillée par la profondeur de leur pensée, combien tout ça est créatif et inspirant pour nous toutes.

Je pense, en fait, que j’ai toujours été critique du genre, parce qu’en fait, dès que j’ai commencé à regarder un peu des choses féministes, et quand je suis tombée sur des paroles de femmes qui faisaient scandale à ce sujet, en fait, je ne voyais pas quel était le problème. J’étais immédiatement d’accord avec elles : par exemple, le tweet de J.K Rowling, qui a fait un gros scandale, ou le thread sur tweeter qu’avait fait Marguerite Stern, moi quand je lisais ça, je ne la connaissais pas, mais je me suis tout de suite dit : « bah elle a raison, je vois pas, enfin, où est-ce qu’il y a un débat quoi ? ». Et ça m’a tout de suite parlé en fait. Et moi, enfin, ce que j’ai vraiment envie ici de rappeler, par rapport à tout ça, c’est que l’oppression des femmes, c’est ça qui me touche, c’est qu’elle dure depuis littéralement des siècles, qu’elle est systématique, et qu’elle se fonde sur notre biologie. Et que, plus on parle de genre, plus on change et on invisibilise cette réalité historique et sociale. Et moi, je suis souvent bouleversée quand je pense à toutes ces femmes à travers l’histoire, qui ont souffert, qui ont été violées, mariées de force, qui ont fait des enfants alors qu’elles n’avaient pas envie, qui n’avaient pas le choix de se poser la question de ce qu’elles voulaient faire dans la vie.

Par exemple, à une certaine époque, j’étais en études de droit, et j’avais vu que dans le code d’Hammourabi, qui est un des plus anciens écrits de droit, il y avait déjà des règles du style : si un homme a des dettes, il peut vendre sa fille pour les rembourser. Ou, s’il doit subir une condamnation à mort, il peut être remplacé par sa femme ou sa fille. Enfin, il faut imaginer le truc quoi ! Moi je trouve ça vraiment dingue, et à chaque fois, ça me bouleverse de voir que depuis si longtemps, c’est la même logique.

Et voilà, je trouve que c’est super important pour moi de rappeler constamment que dans le féminisme, on se bat pour les femmes à travers l’histoire, et les femmes dans le monde, et pas juste pour des débats qui moi, m’apparaissent juste comme… qui n’ont rien à voir avec le sujet.

Ce dont je veux le plus parler, c’est le viol que j’ai subi, de la part d’un homme, qui m’a violée en tant qu’homme, mais qui m’a annoncé plus tard s’identifier en tant que femme.

Et déjà, ce que je veux préciser, c’est que moi je n’utilise jamais cette histoire dans des débats, à chaque fois que j’en ai sur ce sujet, parce que je trouve que mon vécu, par ailleurs, n’a rien à voir avec mes convictions politiques. Enfin, je déteste qu’on me dise : « tu penses ça parce que t’as vécu ça ». C’est faux, c’est plus complexe que ça quoi. On peut partager une opinion politique sans avoir subi ce que le gens, les principaux concernés quoi… donc voilà, mais je sais maintenant que, après avoir vécu ça, je ne pourrais jamais changer de position, tout simplement. Mais j’ai vraiment besoin de parler de cette histoire parce qu’actuellement, c’est une sorte de tabou dans ma vie, parce que du coup, quand je raconte ça, si je parle de mon viol, il faut aussi que je parle de cette suite. C’est à dire que, la personne qui me l’a infligé, enfin, l’homme qui me l’a infligé s’est ensuite dit comme femme, et en fait je sais qu’il y a plein de gens à qui je dirais ça qui pourraient réagir en mode :  non mais, du coup, ELLE a fait ça, du coup respecte son genre, ou j’en sais rien. Mais en fait je trouve ça dingue, c’est cette idée que le viol, qui est une violence de base qu’on fait aux femmes, devient un nouveau tabou quand c’est fait par des personnes trans, en fait.

Voilà. Pour raconter cette histoire, et je vais la raconter avec des détails parce que, pour moi c’est important, pour essayer de décrypter le sens de ce qui est dit, et de ce que moi je dis. Donc en fait, à cette époque, c’était un homme. Et il était venu dîner un soir chez moi, et moi je venais de rompre avec quelqu’un avec qui j’étais depuis très longtemps. J’étais assez perdue, inquiète sur ma désirabilité, etc, et en fait je le voyais vraiment comme un ami.

Pour moi, c’était la friendzone, et je n’avais même pas imaginé qu’il pouvait se passer quelque chose d’amoureux entre nous, ou de sexuel. Et en fait, la soirée s’est terminée très tard, vers 4h du matin, et au moment où il allait partir, je ne comprends pas trop ce qu’il fait parce que, il se rapproche de moi. Genre, si je vais à un endroit dans la pièce, il se rapproche très près de moi, je change d’endroit il se re rapproche très près, et je ne comprends pas ce qu’il veut. Et en fait, au bout d’un moment, il m’embrasse sans rien dire, et on couche ensemble. Donc sur le moment, j’étais un peu sonnée, mais en un sens j’étais contente d’avoir suscité du désir chez un homme, parce que j’étais un peu inquiète de ça après ma rupture, et en même temps ce n’était pas très clair pour moi ce qu’on faisait, dans le sens où moi, j’avais pas pu exprimer de consentement clair, ni envers lui ni envers moi, je n’étais pas très sûre de le vouloir en fait. On devait se revoir quelques semaines plus tard, et j’avais réfléchi entre temps, et je m’étais dit : en fait, je n’ai pas spécialement envie d’avoir une relation de ce type avec lui, et je vais lui en parler, et voilà. Et le soir venu, une fois avec lui, en fait je ne sais pas comment lui dire, et je n’y arrive pas. Et, je ne sais pas comment formuler ça, et on ré entame un rapport sexuel. Et je ne me sens pas vraiment de refuser, déjà parce que je l’ai invité, parce qu’il est chez moi, parce qu’il est tard, parce que j’ai le sentiment de lui devoir quelque chose. Enfin là j’explique tout ça un peu froidement, mais c’est parce que j’ai analysé depuis, parce que ça s’est passé quand même il y a quelques années. C’est juste la mécanique horrible du viol. Je suis désolée, du coup il y a des travaux chez mes voisins, donc vous allez entendre un peu de bruit. En fait, si ça s’était arrêté là, ça aurait fait partie de la zone grise à la limite. Sauf que, il y a une suite malheureusement. En fait, à un moment donné, il était dans mon dos en fait, et il me pénètre l’anus, sans préparation, sans rien, sans consentement, sans contact visuel. Et en fait, moi je suis vraiment, à ce moment-là, très choquée, et je ne comprends pas ce qu’il se passe. Et je me dis dans ma tête : mais qu’est-ce qu’il se passe ? Est-ce que c’est réellement ce que je crois qui est en train de se passer ? Mais je me dis : mais non, c’est pas possible, personne ne fait ça, on ne fait pas ça, enfin. Donc il y a un moment en fait où je… en fait, je n’arrive même pas à réaliser. Et de toute façon, enfin je ne sais pas si vous voyez mais ce truc où parfois en tant que femme, quand on nous fait de la violence, on se dit : mais est-ce que c’est moi qui invente ? Est-ce que je suis en train de rêver sur le moment ? Et du coup, je ne savais même pas quoi dire ou faire. J’avais juste envie que ça se termine le plus vite possible. Et en fait, dans les jours qui ont suivi, je comprends petit à petit en parlant avec des amis que c’était un viol. Du coup, je me dis qu’il faut que je fasse quelque chose au moins pour alerter, pour dire stop. Donc, j’envoie des messages, pour lui dire que ce qu’il s’est passé n’est pas normal, qu’il n’est pas question de se revoir, et qu’il n’est pas question que ça se reproduise. Et lui, il réagit en me disant qu’il est effaré, qu’il ne comprend pas, qu’il ne se souvient pas avoir fait ça. Donc, premier choc pour moi. Ouais, il ne se souvient pas avoir fait ça, comme c’est commode quoi. Et donc, moi je ne lui parle plus pendant des mois, et je décide de ne pas porter plainte parce que je ne vois pas, en fait, comment prouver, de toute façon, ce qu’il s’est passé. Enfin, on m’aurait forcément dit que c’était la zone grise, que c’est parole contre parole, etc… Et je me disais, en fait, au bout d’un moment je commençais à ressentir le besoin, au moins, de le revoir une fois, et de faire, entre guillemets, de la pédagogie. Déjà, j’ai prévenu les filles que je savais qu’il connaissait, et ensuite, je voulais au moins, essayer de… enfoncer un petit clou dans sa tête quoi, et je veux dire, ça tu ne peux vraiment pas le faire. Du coup, je le contacte et je lui propose un rendez-vous dans un parc, et j’avais très très peur, et c’est ça aussi que je veux dire sur les violences sexuelles, c’est que, même quand c’est, entre guillemets, pas sous la contrainte, en fait, la terreur elle reste. Et, alors même que, moi on ne m’a pas mis une main sur la bouche, on ne m’a pas tenu les bras ou je n’en sais rien, mais par contre, la terreur reste en fait. Et ça fait que la seule solution que j’ai trouvé, en tout cas pour ça, c’était de le voir à l’extérieur, dans un parc hyper fréquenté, avec mon meilleur ami qui était caché un peu plus loin, parce que j’avais besoin de savoir qu’il y avait quelqu’un de bienveillant, qui pouvait venir dès que… en fait, j’étais encore dans la sensation de pouvoir me faire violenter, tout simplement. Donc, je lui explique mon point de vue, je lui explique que c’était un viol, tout simplement. Et lui il s’excuse, il continue à dire qu’il ne comprend pas ce qu’il s’est passé, et voilà. Mais moi je me dis au moins j’ai fait mon « travail ». De prévention. En principe ça pourrait s’arrêter là.

Sauf que j’ai d’abord reçu un mail de sa part. Enfin, de sa part… d’une femme que je ne connais pas. Puis, quelques mois plus tard, un message facebook. Et les deux c’était le même contenu : et donc c’était lui, qui me dit qu’il est parti à Berlin, qu’il est plus à l’aise sous son identité de genre de femme, et, je n’ai plus le mail parce que sinon je pourrais le lire, franchement, c’est une pépite. Il me propose de se revoir, il dit qu’il a besoin de discuter, qu’il se sent coupable, il évoque même la possibilité qu’on devienne amiES, avec un « es ». Donc voilà. Moi, déjà, j’aimerais parler de la terreur en fait, de juste recevoir un mail de la part de mon agresseur. Un message facebook et un mail. C’est-à-dire que la personne insiste, et que contrairement à moi, moi je n’ai pas son contact, je n’ai pas son adresse, j’ai rien, et lui, il a ça sur moi en fait.

Et c’est juste horrible de s’imaginer que ça peut être une bonne idée à un moment donné de me contacter. En fait, j’ai passé, juste le temps d’écrire un message… j’ai passé des moments d’angoisse intenses quoi. Et donc finalement, j’ai répondu en disant que je trouvais ça totalement insultant en fait, qu’il se sente femme, par rapport à ce qu’il m’avait fait, et je lui ai dit de ne plus jamais me recontacter parce que sinon, je porterai plainte pour harcèlement. Je suppose que ça a marché parce que jusqu’à présent, je n’ai jamais reçu de nouvelles. Et tant mieux, clairement.

En fait, je détaille ce viol, parce que pour moi c’est vraiment important, et je pense que ça montre vraiment pourquoi ça n’a aucun sens, que cette personne qui m’a violé, dise être une femme, alors que c’est un homme. En fait, déjà, il faut imaginer que ça veut dire, et ça, ça me met dans une colère folle personnellement, que je pourrais aller dans un groupe de parole par exemple, réservé aux victimes de violences sexuelles, et, pour peu que ce groupe de parole soit ouvert aux femmes trans, du coup aux hommes transidentifiés, je pourrais me retrouver avec mon agresseur. Genre : tiens, salut ! Enfin, je trouve que ça ne fait pas sens 2 secondes quoi. C’est horrible de penser que même dans des espaces qui devraient être des espaces de sororité, de solidarité, d’entraide entre femmes, je pourrais trouver là, la personne qui m’a fait du mal. Et en plus, cette personne évolue dans un milieu artistique, culturel, etc… très privilégié. En fait, d’imaginer que les gens vont le respecter, vont le valoriser pour être… potentiellement, une femme trans, donc un homme transidentifié, reconnu pour son travail, etc… enfin moi je trouve ça grave en fait. Parce que cette personne est un violeur, et en fait on va les valoriser, ou je ne sais pas, alors même que c’est des hommes qui ont fait du mal à des femmes.

Surtout, ce que je veux dire aussi, et pour moi… c’est pour ça que je veux vraiment décrypter cette situation, c’est que… cet homme a violé en utilisant sa socialisation en tant qu’homme. C’est à dire que, il a tiré avantage du fait que je suis une femme, que j’étais flattée à l’idée qu’un homme me désire, que je ne trouvais pas de raison, sur l’instant, de refuser… parce que c’était un mec beau, sympa, etc, et que je le vivais entre guillemets comme une sorte d’honneur quoi. Et ensuite, il a tiré avantage du fait qu’il était chez moi, tard, que c’était moi qui l’avait invité, que du coup je ne me sentais pas de lui refuser du sexe, parce que je l’ai invité. Et voilà, depuis, j’ai vachement déconstruit toutes ces idées en moi, mais à l’époque, j’étais encore jeune et je pensais encore comme ça, tout simplement. Et je veux dire aussi qu’il a fait ce qu’en tant qu’homme, on lui a appris à faire : c’est à dire que, je suis une femme, il m’a regardé comme un objet, il a déduit mon consentement du contexte, mais il n’a pas du tout cherché à le vérifier. Puis, tout simplement, il m’a violé avec son sexe, son pénis, qui est un attribut masculin par excellence, et il a fait ce que font les hommes depuis… depuis toujours en fait. C’est à dire, forcer les femmes, tirer leur plaisir d’un corps qui n’est même pas partant, qu’ils jugent à leur disposition. Et je me dis : en fait, le plus incroyable c’est qu’il ne se rappelle pas de ce qu’il a fait. Et pour moi, c’est un peu le truc ultime : est-ce qu’il est vraiment bête, est-ce qu’il est dans le déni, est-ce qu’il ment vraiment, enfin explicitement ? Je ne sais pas. Mais le simple fait qu’il ne se souvienne pas, pour moi, prouve, enfin, est la preuve même, qu’il ne m’a pas regardé en tant qu’humaine, et que j’ai juste été utilisée dans un fantasme solitaire de sodomie.

Mais du coup, c’était pour ça aussi que, au tout début de mon témoignage je remerciais vraiment les féministes, et je disais à quel point j’étais reconnaissante envers elles, parce qu’en fait, c’est vraiment tous ces écrits, et toutes ces réflexions qu’elles ont eues qui me permettent aujourd’hui de prendre autant de recul sur la situation. Enfin, moi… c’est vraiment horrible, mais juste après le viol, je me disais : j’ai essayé la sodomie. Il y avait un truc où je me disais : bon ben ok, j’ai un sentiment un peu de malaise, mais… j’ai fait une nouvelle expérience sexuelle quoi. Et, dans les jours qui ont suivi, j’ai réalisé tout ce qui n’allait pas, j’ai réalisé combien je me sentais mal, etc, mais… il y a effectivement une sorte d’influence aussi, clairement, de la pornographie, où en fait, on ne se pose même plus la question pour soi : de ce qu’on veut, de notre propre consentement, et des situations. Et je pense que c’est ce que j’imagine a aussi pu se passer pour lui quoi.

Mais du coup, pour continuer… enfin, moi ce que je me demande par-dessus tout, c’est : pourquoi ? Et je trouve vraiment qu’il faut poser cette question. Pourquoi est-ce que cet homme, a besoin de me dire à moi, qu’il se sent femme ? Est-ce qu’il veut un pardon ? Est-ce qu’il veut une absolution ? Est-ce qu’il veut que je l’accueille à bras ouverts et que je lui dise : oh, t’es ma sœur, t’inquiète, on est toutes victimes du patriarcat ? Je veux dire, c’est hyper drôle ! A quel réaction il s’attend de ma part quoi ? Enfin… (rires). Non mais c’est clair quoi (rires) ! En fait, moi je crois que c’est juste un moyen de gérer sa culpabilité, de passer dans le camp des gentils, de se débarrasser de son pénis ou de son nom d’homme, et de se débarrasser de comme ça de l’arme du crime quoi. On dirait vraiment que c’est ça. Et moi je trouve que c’est super facile en fait. Il y a un truc qui est beaucoup trop facile là-dedans. Et je trouve que c’est tellement insultant ! Moi, je me suis faite violer par un homme, à raison de son éducation d’homme, de mon éducation de femme, et ensuite, j’entends qu’il se sent être une femme. Et donc avec tout ça, en fait, avec toute cette expérience, je ne peux juste pas adhérer à l’idée que les femmes trans sont des femmes. Les hommes restent des hommes, peu importe comment ils s’habillent, peu importe quelles opérations ils subissent, etc. C’est une question de construction mentale, qui commence très tôt. Donc, pour moi, toute cette idéologie transactiviste met les femmes en danger, parce qu’en fait, ça revient à nier tout plein de choses qui se construisent dans l’enfance. C’est une idée qui revient à nier qu’une foule de choses se construisent dans l’enfance… et c’est juste absurde parce qu’un homme qui prétend être une femme a appris à être dominant, et a appris à en tirer avantage. En fait, toute cette idée du transactivisme et qu’il peut y avoir des femmes trans qui sont des hommes transidentifiés, reposent sur la bonne foi des hommes. C’est à dire qu’il faudrait qu’on suppose qu’ils sont de bonne foi, ce qui n’a juste pas de sens pour moi. Je veux dire, l’histoire nous a suffisamment appris qu’on ne pouvait pas leur faire confiance.

Ensuite, il y a aussi les réactions de mon entourage par rapport à ça. Par exemple, j’ai une très grande amie, qui a vu que je suivais des comptes féministes sur instagram, et, elle m’a dit qu’elle ne m’en voulait pas, parce qu’elle savait que c’était à cause de ce qui m’était arrivé. Je trouve ça, en fait, horrible, hyper insultant, et méchant envers moi. C’est vraiment cette idée qu’en fait, si je n’avais pas vécu ça… en fait, je n’aurais pas de raison d’être critique du genre. Alors que je réagis juste par rapport à un ressenti, quoi. Puis du coup, elle essaye d’appeler poliment cet homme : « cette personne », parce qu’elle ne voulait pas le mégenrer, elle ne voulait pas non plus l’appeler « elle » devant moi… En fait, ce que je ne comprends pas, c’est : pourquoi est-ce qu’on fait comme si le désir de changer de sexe n’était pas questionnable ? Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas pointer le fait qu’il y a certainement des mauvaises raisons de transitionner en fait ? Voilà, tout simplement, et parmi ces mauvaises raisons de transitionner, tout simplement, le fait de ne pas supporter d’être dans le mauvais camp, et de ne pas être en paix avec ce qu’on a fait. Et tout à coup, de pouvoir se déclarer femme, ça permet de, j’imagine, de gérer sa culpabilité.

Rebelles du Genre – De sortir du camp des violeurs en fait.

Elisabeth – Oui c’est ça. Exactement.

Rebelles du Genre – C’est vachement facile.

Elisabeth – Oui.

Rebelles du Genre – Pourquoi est-ce que tu penses que cette idéologie est une menace, pour les femmes, pour les droits des femmes, pour les enfants, plus globalement pour la société ou pour notre démocratie ?

Elisabeth – Pour moi, cette idéologie est dangereuse parce qu’elle va contre la réalité historique et sociale. C’est-à-dire qu’on entend tout le temps dans la théorie du genre, que les dominants, c’est les cisgenres, donc les gens qui sont en accord avec leur sexe biologique, et que les femmes trans, donc les hommes transidentifiés, sont plus en danger que les femmes. Et donc, il y a cette idée aussi que les luttes féministes sont terminées, ou en tout cas quasi terminées, ou en tout cas, maintenant, la lutte principale c’est la lutte des minorités de genre. Et moi, je trouve que c’est complètement faux, et que c’est très, justement, je trouve que c’est un féminisme extrêmement bourgeois. Précisément. Puis, tout simplement, j’ai l’impression que plus on intègre la question trans dans les luttes féministes, plus on dilue et on dévoie la notion de femme, de ce que ça veut dire le mot femme, profondément. Et pour moi, c’est une menace surtout, vraiment, pour la démocratie, ça je veux vraiment insister là-dessus, parce que ça crée vraiment une façon de faire de la politique, où on se base uniquement sur le ressenti, et pas sur les données sociologiques. En fait, il suffit de s’autodéterminer. A partir de là, on ne peut plus discuter, parce qu’en fait, on n’est même plus sur le plan de la discussion, du débat, on est juste à dire : je me sens offensé, je suis blessé, donc j’ai raison. J’ai l’impression que ce n’est que ça en fait. Parce que, d’un côté du coup, on a les féministes qui essaient de démontrer que leur oppression repose sur un constat, à la naissance de leur sexe, et que de ce constat découlent plein de formes de contraintes, de violences, et de l’autre, on a les transactivistes, qui disent qu’on peut se sentir femme et que ça ne doit pas être questionné. Mais, j’ai déjà entendu ça dans les podcasts de RDG, et je suis totalement d’accord avec ça. On ne choisit pas son oppression, et on ne peut pas choisir son oppression. Enfin, on se découvre violentées par un système social, mais on ne choisit pas de se rattacher à une communauté violentée par un système social, ça n’a pas de sens. C’est comme si les gens se déclaraient racisés alors qu’ils ne le sont pas, c’est comme si… enfin, je n’en sais rien, tout le monde trouverait ça scandaleux, alors pourquoi là ça ne choque personne ?

Rebelles du Genre – Il y en a qui le font quand même !

Elisabeth – Ah, il y en a qui le font mais les autres leur disent « ta gueule » !

Rebelles du Genre – Il y a des trans coréens ou des trans afro-américains. Évidemment, tout le monde trouve ça choquant, mais il y en a. Ils n’ont honte de rien, il y a même des trans handicapés.

Elisabeth – Mais c’est horrible !

Rebelles du Genre – Il y a même des trans animaux !

(rires)

Elisabeth – Mais c’est horrible. Enfin, je ne comprends pas qu’on puisse s’insurger contre ça et pas contre les trans du genre. Pour moi, cette idéologie est aussi dangereuse pour les droits des femmes à grande échelle, parce que c’est comme si les violences auxquelles sont soumises les femmes à travers le monde n’existent plus. En fait, se poser la question de : « c’est quoi mon genre en fait ? », ça me paraît vraiment être un luxe inouï. Je trouve que c’est complètement déconnecté de la réalité des femmes qui sont prostituées, violées, exploitées et excisées dans le monde. Et du coup j’ai envie de citer quelques chiffres qui moi personnellement me mettent très en colère : par exemple, selon l’estimation mondiale de l’OMS, 35 % des femmes, soit près d’une femme sur trois, indiquent avoir été exposées à des violences physico-sexuelles de la part de leur partenaire intime ou de quelqu’un d’autre au cours de leur vie. Et, ce quelqu’un d’autre, la plupart du temps du coup, c’est un homme.

Rebelles du Genre – Je lève la main, comme toutes les femmes !

Elisabeth – Ben oui, mais c’est ça !

Rebelles du Genre – Comme beaucoup de femmes, surtout quand elles sont jeunes.

Elisabeth – Exactement.

Rebelles du Genre – Enfin, je dis quand elles sont jeunes… ça arrive tout le temps.

Elisabeth – Oui. En fait, je trouve ça intéressant ce que tu dis, parce que pour moi, c’est aussi la base du patriarcat, de couper la transmission entre les femmes, quand tu dis les jeunes femmes, je trouve ça intéressant, parce qu’en fait, il y en a plein d’entre nous, qui sont larguées, entre guillemets, dans le grand bain de la soi-disant maturité affective et sexuelle, mais en n’ayant pas du tout été prévenues, sensibilisées… enfin, moi par exemple, et je le regrette vraiment, en fait je me rends compte a posteriori que, quand j’étais au lycée, j’ai des amies qui m’ont fait des récits de viols, et je ne les ai pas reconnus comme tels, parce qu’à l’époque, je ne savais pas reconnaître ça en fait. Et je l’ai appris petit à petit, mais c’est aussi en ça qu’on doit se préparer et qu’on a vraiment besoin, du coup, de pouvoir se reconnaître les unes des autres : c’est qu’on a besoin de se transmettre nos savoirs, pour que ce genre de choses ne nous arrivent plus. Tout ça pour dire qu’une femme sur trois dans le monde a été violentée par un partenaire intime ou un proche au cours de sa vie, et en fait, ce n’est pas du ressenti. C’est des données chiffrées, ça ne se décrète pas, ça ne se choisit pas, ça nous est infligé. Tant que ces chiffres seront si écrasants, si massifs, moi je me concentrerai juste sur les droits des femmes, et je me battrai contre toute idéologie qui nous empêche d’utiliser le mot femme.

Et pareil, je voudrais parler de ça parce que, pour moi ; ce chiffre m’a vraiment choquée, je l’ai découvert récemment, ce n’est pas tout à fait dans le sujet mais sur la prostitution : en 2020 en France, 22 % des hommes majeurs ont déjà eu un rapport sexuel avec une prostituée. Alors, les personnes prostituées, c’est à plus de 90 % des femmes, donc il faut imaginer qu’un homme sur cinq majeur qu’on fréquente a utilisé une femme. Moi je trouve ça hyper grave, j’essaie d’imaginer les hommes que je croise, mes profs, mes collègues, des amis de mes parents, et d’imaginer qu’en fait, ces hommes peut-être, la veille, la semaine dernière, ont baisé une fille de mon âge, qui était peut-être forcée, esclavagée, enfin de toute façon était une situation de prostitution, donc je pense, pour ma part, pas très consentante… En fait, je ne vois pas comment on peut être d’accord avec ça. Je ne vois pas comment est-ce qu’on peut faire semblant que ce n’est pas un problème.

Rebelles du Genre – Là, du coup, je vais intervenir aussi parce que tu fais le lien, mais je crois que tout est lié. Tu parles de prostitution, heureusement, maintenant, depuis le 13 avril 2016, on a une loi abolitionniste qui protège les personnes en situation de prostitution, et qui met les torts là où ils sont, c’est-à-dire sur les acheteurs d’actes sexuels, sur les violeurs et sur les proxénètes également. Donc au moins, la France va dans la bonne direction en mettant les bons mots. Maintenant, il faudrait des actes, bien sûr, et notamment la vraie verbalisation des violeurs, et notamment d’acheteurs d’actes sexuels sur les mineurs. C’est un combat, c’est incroyable…

Elisabeth – Oui, c’est horrible.

Rebelles du Genre – Parce qu’on a un grand nombre de femmes en situation de prostitution qui sont des jeunes femmes, voire très jeunes femmes, et ce n’est pas reconnu comme des viols aujourd’hui. Ce n’est jamais, jamais, jamais traité aux assises, alors que ça devrait être systématiquement le cas.

Et un autre lien qui me vient, c’est avec la pornographie, qui est en fait de la prostitution filmée, des violences sexuelles filmées, et c’est complètement lié. Et ton histoire en fait, malheureusement moi ce qu’elle m’évoque, c’est l’histoire d’un mec gavé au porno, dressé au porno, qui n’a pas réagi, et qui a considéré que ça le dédouanait, que ça lui donnait des droits sur le corps de toutes les femmes, et notamment le corps de sa meilleure amie. Enfin, ça semble incroyable, si on sort ça du contexte de la pornographie. Notre société est gavée au porno et c’est une plaie. Et c’est pour ça qu’il y a un lien très étroit, donc tu dis je ne suis pas sûre que ce soit dans le sujet, mais si, c’est complètement dans le sujet ! Il y a un lien direct entre la transidentité, l’utilisation de pornographie, et les violences sexuelles. Et effectivement, là tu le démontres vraiment très très bien, et c’est intéressant que tu aies pu le dire. Et puis, autre chose aussi, les féministes, elles sont là pour ça. Elles sont là pour cette transmission, elles sont là pour mettre les mots sur ce qui se passe, dire qu’un viol est un viol. Oui, moi c’est seulement depuis que je milite que j’ai pu comprendre qu’à 20 ans, j’ai été violée en fait. J’ai mis des années avant de mettre le mot dessus, et plus vite on comprend ce que c’est, plus vite on peut se battre, et sortir son grand sécateur, et faire le nécessaire.

Elisabeth – Exactement.

Rebelles du Genre – Parce que c’est vraiment ça qu’il faudrait faire. Voilà !

Elisabeth – Mais par rapport à ça, moi j’ai beaucoup réfléchi après cet évènement aussi, au concept de zone grise, que je trouve très grave. En fait, il n’y a pas de zone grise.

Rebelles du Genre – Non, il n’y a pas de friendzone non plus d’ailleurs !

Elisabeth – Non, non, non bien sûr… Mais c’est juste qu’il n’y a pas de zone grise dans la mesure où en fait, à partir du moment où il y a un malaise, il y a un truc qui n’est pas clair, c’est qu’il y a un viol. Et c’est juste que…

Rebelles du Genre – Il y a du désir ou il n’y a pas de désir.

Elisabeth – Exactement ! C’est pas : « hum, je sais pas trop », enfin, « je ne sais pas trop », c’est non en fait.

Rebelles du Genre – C’est ça. Tant que ce n’est pas un oui tout à fait franc et permanent, c’est un non.

Elisabeth – Oui. Mais en fait, tu parlais de pornographie, et je trouve ça hyper intéressant, et de prostitution parce qu’on peut faire des lois pour, et c’est très bien, il y a quelques procès historiques, il y a le procès Jacquie et Michel en ce moment qui est super important, mais en fait, avant tout, c’est la culture qui doit changer en fait. Tant que la culture ne change pas, les problèmes resteront les mêmes. Tant que c’est admis, ça c’est un chose que j’avais entendu Marguerite Stern dire, et que je trouve extrêmement juste, c’est qu’en fait le problème d’une société dans laquelle la prostitution existe, c’est que ça fait que toutes les femmes sont prostituables. Que n’importe quel homme peut passer, et peut croire qu’il peut t’acheter. Moi, je trouve ça gravissime en fait. Mine de rien, ça irrigue plein de formes de violence, ça irrigue plein de violences, de harcèlement au travail, de harcèlement sexuel en tout genre, parce que c’est que des hommes qui se disent : « j’ai le pouvoir sur les femmes, parce que de toute façon je peux en acheter une, je l’ai fait toute à l’heure, je l’ai fait hier… ». C’est ça en fait. C’est la disponibilité sexuelle physique, mentale, des femmes. Et en fait, le transactivisme se nourrit de ça aussi, parce que par exemple, moi, actuellement, les seules personnes qui me soutiennent inconditionnellement, finalement sur cette histoire, ce sont des amis garçons. C’est mon copain, et c’est mes amis garçons. Alors j’ai quand même quelques amies filles qui sont plus sensibles à ça, mais je suis assez frappée, en fait, de voir à quel point c’est plus facile pour des hommes un peu sensibilisés au féminisme, de condamner ça, que pour des femmes. Parce qu’il y a encore ce truc d’être un peu trop formatées à l’empathie et ne pas oser questionner le ressenti de quelqu’un, ne pas oser dire : « ce ressenti n’est pas légitime, c’est un abus de pouvoir. » Tout simplement.

Rebelles du Genre – Qu’est-ce qui t’a décidé à témoigner sous ta réelle identité, est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces, est-ce que tu perçois un danger dans ton entourage, professionnel personnel, ou est-ce que tu as peur pour tes proches ? Ou est-ce que tu te sais parfaitement en sécurité pour parler librement ?

Elisabeth – En fait, moi j’ai envie de témoigner avec mon nom et ma voix, c’est vraiment important pour moi, justement parce qu’en fait, je me sens très souvent obligée de me censurer. J’ai l’impression de devoir me cacher constamment d’être une féministe radicale, tout simplement parce que j’ai peur. Et en fait, à raison, quand on voit les réactions d’un certain nombre de personnes, toutes les femmes qui prennent la parole et qui sont harcelées… Donc, tout ce que j’ai eu pour l’instant, c’est des débats un peu animés, et des amis qui ont de la tolérance pour ce que je dis, parce que, comme mes amis ils savent que je me suis fait violer… donc voilà, moi je suis gênée par cette sensation qu’on m’accorde une sorte de bénéfice, ou de sursis, avant de m’insulter de transphobe, parce que mes amis savent ce qui m’est arrivé… comme si ça décrédibilisait ma paroles et mes opinions politiques en fait. Et j’ai envie de témoigner parce qu’en fait, le viol est une thématique centrale des violences faites aux femmes, et en fait, il redevient tabou et inaudible quand il est commis par des personnes trans, donc des hommes transidentifiés. Et je ne trouve vraiment pas cela normal en fait. Et j’ai besoin, vraiment, d’exprimer ma colère et mon incompréhension. Voilà, tout simplement. Et en fait, je n’ose pas parler de mon histoire plus publiquement, alors même que j’ai besoin de le faire je pense, parce que je pense que ça a une portée politique. Tout simplement parce que je n’ai pas envie qu’on piétine mon histoire, qu’on piétine mon récit. Donc, c’est vraiment hyper important pour moi, et je suis très reconnaissante à ce podcast d’exister, parce que j’ai toujours eu la sensation que cette histoire avait une portée politique, et j’avais l’impression jusqu’à présent de ne pas avoir pu en faire quelque chose. Pour moi, ça fait vraiment partie de ma reconstruction en fait, de témoigner là, et je suis super heureuse de penser qu’il y a des femmes, des sœurs, qui vont être d’accord avec moi, et qui… peut-être que ça va aider, ou juste être en mode… en train d’applaudir et en mode « you go girl » en m’écoutant. Et j’ai envie de dire vraiment que mon vécu n’est pas marginal. Je ne suis pas tombée sur l’exception qui confirme la règle, parce que moi, toutes les fois où j’ai été le plus gravement violentée par des hommes, c’était donc des hommes soi-disant sensibles à ces questions de queers, sensibles au féminisme etc. Pour moi, c’est la plus vaste arnaque justement.

Rebelles du Genre – Comme c’est pratique…

Elisabeth – Oui, comme c’est commode oui, comme c’est pratique. Mais vraiment, franchement… voilà. Et je voulais dire aussi, je suis vraiment, en fait, tellement en colère, que le transactivisme prenne tant d’ampleur et tant de place dans le débat public. Je trouve ça indigne et dégoûtant. Et je suis aussi en même temps émue de pouvoir parler à des personnes dont je sais qu’elles me comprennent, et de donner une forme politique à cette histoire et à ce récit. Voilà, donc, vraiment pour ça, merci de m’enregistrer.

Rebelles du Genre – As-tu une anecdote à raconter sur un évènement qui t’a marqué concernant la transidentité ou le transactivisme ?

Elisabeth – Oui, alors moi ce n’est pas vraiment des anecdotes, mais c’est plus des… enfin, j’ai vraiment entendu des pépites dans le podcast, d’anecdotes, et je n’en ai vraiment pas des aussi stylées, mais je voudrais vraiment poser des questions philosophiques en fait. Parce que, par exemple, une chose qui m’a beaucoup marquée, c’était une réflexion de Dora Moutot où elle disait qu’en fait, le transactivisme reposait sur une croyance, c’est-à-dire qu’il y a un genre rattaché à l’âme ou à l’esprit. Parce que si on n’est pas né dans le bon corps, ça veut dire que ce qui fait le sexe est rattaché à quelque chose de plus profond, de plus intérieur, donc potentiellement, à l’âme quoi. Et en fait, c’est une idée métaphysique, c’est une croyance. Donc, on devrait avoir le droit de la questionner. Et supposer qu’il faille changer de sexe pour correspondre à un ressenti interne, c’est, paradoxalement, renforcer l’importance du genre. Ils réaffirment le genre comme structurant et fondamental, et ça s’oppose à la lutte des femmes, qui depuis des siècles, cherchent à distinguer leur nature biologique et leur destin genré. Qui cherchent à s’échapper entre guillements, de ce que leur impose leur biologie. Et là, on dirait qu’il faut retomber dedans en quelque sorte. Donc, j’ai l’impression, tout simplement, que les idées du transactivisme et du féminisme ne coïncident pas à la base. Et aussi, vraiment, moi c’est une question que… j’en ai marre qu’on ne la pose pas, d’un point de vue écologique et philosophique : en fait, c’est toujours cette idée qu’il faut tordre la nature, qu’elle ne correspond pas, qu’elle est mal faite, qu’elle n’est pas fonctionnelle, que c’est une entrave au développement humain, et qu’au lieu de puiser dans ses ressources intérieures, et trouver une façon de vivre son sexe biologique en accord avec ses valeurs, très loin des stéréotypes et des destins tracés, ça renforce l’idée que le sexe biologique est à l’origine d’un destin. Et ça montre qu’au final, encore dans nos sociétés, c’est plus facile de changer en tant qu’individu, que de changer les normes sexistes. Et je trouve ça juste hallucinant.

Rebelles du Genre – C’est encore l’individu qui prime sur la société…

Elisabeth – Exactement.

Rebelles du Genre – L’ultralibéralisme, au niveau du corps.

Elisabeth – Oui. Et c’est cette idée, à chaque fois, par rapport à l’écologie, qu’en fait, il y a un progrès technique, mais en fait on ne se pose même pas la question, est-ce que c’est éthique de s’en servir, est-ce que c’est bien, est-ce que c’est juste ? C’est tout de suite, on saute dessus, en fait, il n’y a aucune réflexion. En fait, je trouve ça hyper drôle de penser que les gens puissent à la fois se croire écolos ou se sentir concernés par ces idées, qu’ils puissent refuser les OGM, mais qu’ils ne soient pas dérangés par le concept de prendre des hormones pour changer de sexe.

Rebelles du Genre –  Sans oublier le fait que le progrès technique, si ça consiste à couper une bite en quatre dans le sens de la longueur, et à l’inverser, je n’appelle pas vraiment ça un progrès. J’invite celles qui nous écoutent à aller voir sur internet, c’est assez facile, on ne montre pas ce genre d’images dans notre podcast, mais allez voir, c’est un carnage ! Dans les deux sens, et c’est vraiment encore pire pour la chirurgie de réassignation sexuelle, pour les femmes qui essayent d’avoir un pénis. En général, elles sont amputées du muscle du bras pour pouvoir avoir un truc chelou entre les jambes. C’est… voilà, progrès technique c’est très très relatif, sans parler de tous les effets, sur la santé et sur l’environnement, de la prise d’hormones.

Elisabeth – Mais c’est vraiment la question de : est-ce que ça vaut le coup ? En tout cas, moi je n’ai pas l’impression.

Rebelles du Genre – Est-ce que ça a un sens ? Individuellement comme collectivement, non, et j’espère que la société s’en rendra vite compte quand même.

Elisabeth –  Moi aussi. Puis, il y a autre chose aussi, pour ça que je vais reprendre les propos de quelqu’un qui n’est pas dans le podcast, mais je trouve ça extrêmement juste, par rapport à cette question des transitions jeunes, de prendre des bloqueurs de puberté, de faire transitionner des enfants, etc. C’est vraiment cette question : puisqu’on considère qu’il ne peut pas y avoir de consentement au sexe avant 15 ans, pourquoi est-ce qu’on considère qu’il peut y avoir consentement à un tel changement médical ? Moi je ne comprends pas en fait. C’est juste aberrant. Si on ne peut pas consentir sexuellement, on ne peut pas consentir à changer de sexe. Ça me paraît l’évidence même.

Rebelles du Genre – Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ?

Elisabeth – Non, à part redire que ça me fait beaucoup de bien de témoigner et que j’adore écouter ces podcasts. A chaque fois ça me donne vraiment de l’énergie, ça m’enrichit, ça construit ma pensée, et c’est vraiment un super travail. Donc merci beaucoup.

Rebelles du Genre – S’il vous-plaît, signez la déclaration des droits des femmes basés sur le sexe,

womensdeclaration.com

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Le blog de Christine Delphy

Nouvelles questions féministes

TRADFEM

Collective de traduction de textes féministes radicaux

Rebelles du Genre

"Comment je suis devenue critique du genre" - Des femmes qui ont des ovaires !

WordPress.com en français

Toutes les nouvelles de la communauté WordPress.com

Noues Femmes

La french touch de la WHRC

%d blogueurs aiment cette page :