Ophélie – Bonjour, je m’appelle Ophélie. J’ai 26 ans. Je suis gérante d’un restaurant vegan dans le nord de la France, et je suis ici pour témoigner sur mon rapport au féminisme, comment je suis devenue critique du genre, et l’évolution de mon féminisme et de mes pensées.
Alors moi, j’ai eu une enfance assez classique, je dirais, avec des stéréotypes, entre guillemets, “normaux”. Voilà.
J’ai appris qu’être une petite fille, c’était un petit peu un ensemble de stéréotypes, et les garçons autour de moi… voilà : pareil.
Mais sans non plus être trop dans le sexisme exagéré, on va dire.
Je n’ai pas non plus, voilà, trop eu d’introduction au féminisme, et ce que c’était le féminisme, et justement, l’abolition du genre et tout ça… Ce ne sont pas des notions que mes parents, ou que mon entourage m’ont apprises.
Je me souviens justement, que dans mon enfance, je n’avais jamais vraiment trop de problèmes avec mon corps, avec mes poils. Dès l’instant où je suis rentrée dans l’adolescence, et que mes copines, elles ont commencé à se raser, à s’épiler, et à se maquiller, moi je n’avais pas vraiment ce besoin et, justement je ne comprenais pas d’où venait ce besoin.
Et après voilà dans mon adolescence j’avais beaucoup d’idées reçues sur le féminisme, avec avec les Femen, la haine des hommes, des femmes très en colère, avec les cheveux colorés, les poils sous les bras… colorés aussi, et tout ça! Donc une idée assez pessimiste, et très stéréotypée de ce qu’était le féminisme. Avec une forme spécifique, mais sans en comprendre vraiment le fond.
Et je dirais que c’est… Donc c’est à peu près il y a 6 ans, j’avais 20 ans, que je me suis vraiment, je me suis vraiment intéressée aux notions de féminisme, et de ce que c’était. Et ouais, vraiment à prendre à prendre conscience de ce que c’était vraiment que le féminisme.
Grâce à quoi? Grâce aux réseaux sociaux surtout, donc notamment Twitter et YouTube.
Twitter : il y avait beaucoup de comptes d’activistes (à l’époque, voilà, c’était du féminisme assez “normal”, entre guillemets) qui m’ont appris justement les notions de genre et les notions de violence sur les corps des femmes, etc. Donc ça m’a vraiment permis de prendre conscience de tout ça.
Et sur YouTube, j’ai commencé notamment avec Antastésia qui parlait beaucoup de féminisme, et de… “La Carologie”, également.
Donc j’ai appris vraiment beaucoup de choses, et en fait j’ai ouvert les yeux sur, à la fois les stéréotypes de genre qui étaient attribués à chaque sexe, et du coup ce qu’on nous demandait, en tant que femmes : les injonctions, les diktats, etc.
Sur les hommes également, mais voilà, beaucoup plus sur les femmes, étant donné que c’est un petit peu le sujet.
Et à la fois les violences, les oppressions qui étaient faites sur nos corps, et ce qu’on subissait en tant que femmes dans le collectif.
Après, vraiment, j’ai fait le lien. Ça a été comme une révélation, j’ai vraiment fait le lien : je comprends que nos corps sont violentés, qu’ils sont sexualisés, nos corps de femmes… et que les stéréotypes qu’on nous imposent viennent rajouter une couche, justement, sur tout ça. Sur toutes les injonctions et la violence, et que voilà, l’idée c’était de nous posséder…
Mais voilà : j’ai fait le lien entre tout ça, et moi, mon but c’était justement de prendre conscience des stéréotypes de genre, de les déconstruire, et de pouvoir, vraiment, en avoir conscience, et d’abolir, en fait, toutes ces injonctions qui étaient faites sur nos corps et sur sur nos vies.
J’ai fait le lien aussi, du coup, entre patriarcat et capitalisme, justement, avec le fait que les stéréotypes nous imposaient des choses sur nos corps qui permettaient d’enrichir la société, avec notamment l’injonction au maquillage, aux vêtements, à la beauté, à l’épilation, etc.
Donc vraiment, c’était comme un puzzle qui… chaque pièce s’imbriquait, petit à petit. Où je comprenais le lien entre tout, et vraiment, où j’ai ouvert les yeux, et où j’ai vraiment compris, en fait, c’est à partir de ce moment-là où j’ai compris ce que c’était qu’être une femme.
Et où je me suis sentie vraiment femme, pour la première fois de ma vie, c’est en comprenant le lien qui m’unissait à toutes les autres femmes de ce monde, que ce soient des femmes de mon pays, ou d’autres pays.
Et qu’on avait des oppressions communes, et d’autres qui s’ajoutaient, aussi, en fonction de la culture qu’on avait, le pays dans lequel on est née, et également, voilà, tout le background social et éducatif.
Ensuite le féminisme est devenu beaucoup plus mainstream. Donc je dirais que c’est ça, il y a environ quoi? Trois ans.
Donc à peu près 3 ans après mon entrée, vraiment, dans le féminisme.
C’est devenu beaucoup plus mainstream avec, notamment, des comptes Instagram qui se sont vraiment développés : des comptes sexos, libération de la sexualité, libération des tabous, on a commencé à parler des règles, on a commencé à parler de “bodypositive”, la charge mentale sur les femmes…
Beaucoup de comptes ont “poppé”, comme ça.
Moi, j’avais déjà un pied dans le féminisme.
Je n’ai pas découvert ce combat via Instagram et le développement de ces comptes-là, mais j’étais contente de voir que ça se démocratisait et, pour moi, c’était que du positif, parce que ça la parole s’étendait. Instagram est un réseau social qui est utilisé par, aujourd’hui, toutes les générations, dont les plus jeunes. Pour moi, ça part de la jeunesse pour pouvoir déconstruire le plus tôt possible toutes les injonctions et reconnaître les violences qui nous sont faites.
Je n’avais pas encore eu vent des différents mouvements féministes. Je commençais à entendre parler du fait qu’il y avait plusieurs féminismes mais je ne comprenais pas cette idée là. Pour moi, le féminisme, c’était abolir le patriarcat, donc abolir les stéréotypes de genre, et arrêter les violences faites sur nos corps.
Donc je ne comprenais pas trop cette notion.
Et ensuite, j’ai voulu aller un petit peu plus profondément dans ces notions féministes qui étaient un peu trop en surface : c’est-à-dire “mon corps, mon choix”, où chaque femme fait ce qu’elle veut sans remettre en question, vraiement, pourquoi on faisait ces choix là, par exemple, de l’épilation. J’avais besoin d’aller plus dans le fond et de me dire : “Oui, mais pourquoi fait-on ces choses là? Et si on se posait la question, est-ce qu’on le ferait vraiment?”
J’ai essayé de creuser un peu plus et c’est là que j’ai découvert que les notions d’intersectionnalité, avec la convergence des luttes, la convergence entre sexisme et classe sociale, sexisme et “race”, la grossophobie…
J’ai compris que le sexisme, à lui seul, englobait beaucoup de hiérarchies différentes, et la notion de privilège également est arrivée.
Je me suis rendue compte de la notion de privilège, pas seulement de masculine sur le privilège féminin, mais également la notion de privilège à l’intérieur du féminisme.
Ça m’a beaucoup parlé, liens entre écologie et féminisme, le racisme, également le validisme, l’homophobie, la lesbophobie, étant moi-même concernée étant donné que je suis une personne bi.
Ça a été une deuxième “révolution” pour moi. J’ai encore plus ouvert les yeux sur les luttes et les personnes oppressées par le système oppressant.
C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte encore plus du tronc commun qui unissait les femmes du monde. Le tronc commun, c’est nos corps, c’est le corps des femmes. Les violences qu’on subit sont sur nos corps. Mais il y a des oppressions supplémentaires qui s’ajoutent en fonction de notre classe sociale, de notre “race”, avec ce tronc commun : “Le sexisme, c’est nos corps qui sont utilisés, qui sont violentés, qui sont objectifiés, sexualisés, etc.”
Je suis consciente de ça depuis le début. Mon but, c’est d’abolir le genre depuis le début. Je dirais que je suis critique du genre depuis les prémices de mon féminisme.
C’est un peu parti en cacahuètes après, quand, dans l’intersectionnalité, j’ai entendu parler de transactivisme et de convergence des luttes entre sexisme et femme cis/femmes trans, et la différence entre le cisgenre, le transgenre.
Forcément, je m’y intéresse et j’écoute les concerné.es, parce qu’on nous dit d’écouter les concerné.es.
J’ai vraiment intégré les discours qui stipulaient qu’être une femme cis, c’était être beaucoup plus privilégiée qu’une femme trans, parce que convergence des luttes, intersectionnalité, une femme trans vit à la fois la transphobie et le sexisme. J’étais là : “Oui oui… Ça fait sens… Intersectionnalité, tout ça…”.
En fait, leur discours commençait à invisibiliser totalement la violence qui était faite sur nos corps.
Je me suis imprégnée de leur discours et je me suis un petit peu détachée du concret. Alors que pour moi, c’était la base depuis le début : la violence qui est faite sur nos corps. Et la notion de genre a commencé à prendre le pas sur la notion de sexe, de biologie.
Donc moi-même, en tant que femme “cis” (aujourd’hui, je ne le dis plus. Je suis une femme. Point.), je me sentais privilégiée par rapport aux femmes trans, sans même poser les faits : c’est-à-dire que moi, mon corps, je l’ai depuis la naissance et les oppressions que je subis, je ne les ai pas choisies. Et dans tous les cas, je suis une femme. Je ne l’ai pas choisi. Quoi qu’il en soit, le réel rattrapera toujours l’abstrait. Mon corps sera ciblé, parce que j’ai un corps de femme.
Et après, il y a eu tout le discours transactiviste qui a commencé à pointer du doigt les féministes radicales nommées “Terfs” : Dora Moutot, Marguerite Stern et Antastesia.
En fait, ça a commencé avec Antastésia, parce que je la suivais depuis le début, j’étais vraiment très intéressée par ce qu’elle disait. Je trouvais toujours ça très concret et ça me parlait. Elle avait fait une vidéo où, justement, elle réfutait les accusations qui lui étaient faites sur le fait qu’elle était transphobe parce qu’elle avait osé dire qu’être une femme, c’était lié à la biologie et à pas grand chose d’autre, que les stéréotypes de genre ne définissaient pas ce que c’était qu’être une femme.
Et je me suis renseignée des deux côtés: j’étais d’accord avec ce qu’elle disait dans ses vidéos et, sur Twitter, je voyais les gens qui disaient “Antastésia : transphobe, terf…”.
C’était assez virulent. C’était jamais vraiment constructif.
Je voyais les gens dire : “ Il faut cancel Antastésia parce que c’est une terf”.
Les gens répondaient : “Ah bon? Elle a dit quoi?”.
La personne en face répondait : “ Je ne sais pas ce qu’elle a dit, mais j’ai entendu que c’était une terf, alors il faut la cancel.”
Super.
Vraiment, l’argumentaire, on repassera…
De moi-même, j’ai fait mes recherches et j’essayais toujours d’être dans la nuance et je comprenais pas pourquoi elle était si décriée, si insultée…
Donc après Antastésia, il y a eu d’autres féministes radicales qui ont osé prendre la parole, notamment Marguerite Stern, Dora Moutot. Et en fait les idéologies et les discours transactivistes prenaient tellement le pas sur les réseaux sociaux (et peut-être sur les personnes que je suivais à l’époque parce que j’étais persuadée que c’était le discours à avoir et que c’était “le bon féminisme” à avoir) que je n’ai pas réellement cherché à aller voir ce que disait Dora et Marguerite dans le fond, parce qu’elles étaient tellement insultées et vraiment considérées comme des mauvaises personnes, des mauvaises féministes que dès l’instant où on osait même dire : “ Peut-être que je vais aller me renseigner sur ce qu’elles disent”, ou même le faire soi-même… Moi, je ne me sentais pas d’aller voir leur contenu parce que je me disais que ce n’était pas la bonne chose à faire et que j’allais être une mauvaise féministe.
Donc j’ai fait l’erreur de “cancel”, dans le sens où je ne les ai pas suivies, je ne voulais pas les suivre.
C’est vraiment là que s’est installé le discours transactiviste qui prend le pas sur tout. Tout le monde commence un peu à partager en story les trucs transactivistes, LGBT, queer et compagnie dans leurs stories, sans même trop comprendre ce que ça voulait dire. Mais ça faisait bien de partager ces idées-là, parce que c’était les idées mainstream.
Le discours transactiviste a pris un peu le monopole du féminisme mainstream qui, de base, expliquait juste les bases du féminisme. Et on a bien vu ce que ça a donné après, avec l’invisibilisation du mot “femme”, pour le remplacer avec les termes de “personne menstruée”, “personne à utérus”, etc.
Mais en fait, je me rendais compte que les discours transactivistes n’allaient pas avec mon idée de base du féminisme qui était d’abolir le genre et, surtout, de dénoncer les violences qui étaient faites contre nos corps. Donc j’ai commencé à nuancer mes pensées en allant me renseigner de l’autre côté, et en me rendant compte que j’étais plus d’accord avec les personnes qui étaient cancel de la place publique.
À me dire : “ Ouh là là… Soit j’ai un problème… soit j’ai un problème!”
Je me disais que le problème, c’était moi.
Je me suis dit : “ Il faut absolument que je me remette les idées en place, que je me renseigne et que j’écoute les concernés, parce que ce qu’ils disent c’est vrai et c’est moi qui ait un problème.”.
J’ai fait ce qu’ils ont dit, j’ai écouté les concernées. Il s’avère que ça a juste confirmé encore plus mon idée de base du féminisme et que je me suis, à ce moment là, beaucoup plus rapproché du féminisme radical, et beaucoup (beaucoup, beaucoup) plus éloignée de toutes les idées queer, transactivistes, libérales, et cela grâce au fait que j’ai écouté les personnes trans.
Je ne veux pas compter le nombre d’heures que j’ai passées à regarder des vidéos (Youtube c’est génial, c’est une mine d’or, on peut y voir de tout).
Et j’ai écouté les personnes trans nous parler de leur transition, de leur histoire, de comment elles ont fini par transitionner, pourquoi elles ont transitionné, qu’est-ce que c’est pour eux être une femme, être un homme…
J’ai passé des heures à écouter des dizaines, voire peut-être même des centaines de personnes (peut-être que j’abuse, mais en tout cas des grosses dizaines de personnes), pour me dire : “ C’est moi qui ai un problème. Si je les écoute, ça va me remettre dans le bon chemin.”
Et en fait, au fur et à mesure des témoignages, je me suis rendu compte que le seul tronc commun que toutes ces personnes transidentifiées avaient, c’était que, pendant leur enfance, elles ne se sentaient pas en adéquation avec le genre qu’on leur a soi-disant “assigné à la naissance” (le genre avec lequel on les a tout simplement éduquées, à cause de leur sexe).
Et que ça leur a créé une forte dysphorie, un fort mal-être (ce que je peux entièrement comprendre parce que les stéréotypes de genre tuent), et que leur transition a commencé par là.
C’est le seul tronc commun parce qu’à part ça, il n’y a aucun point commun entre toutes ces personnes, étant donné qu’on se base sur un ressenti ultra personnel, qui passe au-dessus des faits réels, des faits matériels et des faits biologiques.
Donc un ressenti personnel qui prime sur tout, et qui est surtout différent entre toutes les personnes.
Donc j’ai entendu des personnes transidentifiées parler d’être nées dans le mauvais corps.
D’autres qui disaient que la biologie et le genre n’avaient absolument rien à voir et qu’il ne fallait surtout pas dire qu’on était né dans le mauvais corps.
D’autres qui faisaient une transition médicale avec prise d’hormones, “réassignation sexuelle”, vaginoplastie et compagnie.
D’autres qui refusaient ça parce qu’elles se sentaient bien, dans leur biologie à elles.
Bon au final, à chaque fois, ça finissait toujours par une transition médicale.
Ça, c’est un autre truc en commun.
Au fur et à mesure d’écouter les personnes, ça finissait toujours par une transition médicale.
Donc on revient au point de vouloir se retrouver “biologiquement” dans le genre opposé.
Je me disais : “ Il y a trop de contradictions. Je ne comprends pas.”. Mais je me suis évertuée, je me suis dit : “C’est moi qui ne suis pas assez ouverte.”
Pendant tout ce temps-là, ce n’est pas que je mettais de côté la réalité des faits et de la violence, et des oppressions subies sur nos corps de femmes. Mais je me disais que ce n’était pas ce qui primait, que ce n’était pas ce qui me définissait en tant que femme.
Moi-même, à ce moment là, je me suis perdue dans ma propre définition de femme.
Dans tous les cas, j’ai fini par m’intéresser à ce que Marguerite Stein, Dora Moutot et les féministes radicales, en général, disaient. Et leur discours, je me suis retrouvée dedans.
Ça a pris beaucoup de temps, jusqu’à ce que je lâche prise sur le fait que je fasse partie du “mauvais camp”, parce qu’à côté je voyais encore, sur Instagram et les réseaux sociaux, le féminisme mainstream ultralibéral, pro “TDS”, avec la prostitution, les “travailleurs du sexe qui choisissent”, et les paillettes…
J’avais toutes ces contradictions, et je me suis beaucoup plus retrouvée dans le féminisme radical qui ne dit pas plus que les faits, c’est-à-dire : la violence sur le corps des femmes, les stéréotypes qui les appuient, mais en aucun cas, être une femme n’est de l’ordre du ressenti et d’arborer des stéréotypes qui feraient qu’on est des femmes.
On en arrive à aujourd’hui, où je n’ai plus peur de parler et j’ose prendre la parole pour justement affirmer mes idées, parce que ça a mis du temps avant que j’affirme mes idées et aujourd’hui c’est le cas.
Donc aujourd’hui je suis juste retournée aux prémices de mon féministe d’il y a 6 ou 7 ans, à savoir être critique du genre, à vouloir abolir le genre et supprimer les violences faites sur le corps des femmes à cause de notre biologie.
RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société et pour la démocratie?
Ophélie – Cette idéologie, c’est une menace, selon moi, pour les femmes, avant tout, parce qu’on invisible totalement le fond du problème et pourquoi le féminisme existe, pourquoi le sexisme existe.
Le tronc commun au sexisme, c’est des corps de femmes qui sont utilisés, qui sont violés, qui sont excisés…
On nous invisibilise et la notion de genre prend le pas sur la notion biologique, alors que la violence, elle, est matérielle.
Les stéréotypes de genre sont là pour appuyer cette violence matérielle, mais la violence est factuelle, elle est sur nos corps.
On parle de ressenti aujourd’hui dans le transactivisme mais à aucun moment on ne rappelle que c’est le vagin qui est violé, ce sont nos corps qui sont objectifiés, qui sont infantilisés, les deux en même temps. Qui sont utilisés pour le marketing, ce sont nos vulves qui sont mutilées. Ce sont les femmes en Inde, ou dans d’autres pays du monde, qui ne naissent même pas parce qu’elles sont de sexe féminin et, avant même leur naissance, on interrompt la grossesse parce qu’elles vont être des femmes.
On oublie aussi tout ce qui est plaisir sexuel, relation hétéro (la base dont on parle depuis le début). Le plaisir sexuel des femmes est oublié au profit de celui des hommes : c’est bien parce que c’est celui des femmes, du fait des corps que l’on a.
Les personnes menstruées (comme ils disent), c’est nous qui subissons les violences gynécologiques, par exemple, les viols et autres violences gynécologiques.
On ne parle pas de l’ordre du ressenti. On parle de faits, de faits matériels.
Tout ce qui est contraception, qui est attribuée à la femme, parce que ce sont nos corps qui subissent ça. Ce sont nos corps et notre charge mentale, en même temps. L’endométriose, dont on n’a pas parlé depuis des années, aujourd’hui, on se réveille un peu. Mais pourquoi? Parce que c’est quelque chose qui concerne le corps des femmes. Et tout ça on l’oublie.
Aujourd’hui, c’est vraiment la notion d’abstrait qui ne prend même pas le pas sur le concret, mais ça écrase le concret. Et l’abstrait devient une vérité universelle et le concret devient flou et devient remettable en question, alors que l’abstrait, hors de question de la remettre en question.
Sinon, on est transphobe, “Au bûcher!” et compagnie… Ça me fait penser du coup au film de Arthus-Bertrand qu’il a réalisé (note : le film est sorti en 2019.) en 2017. Le film s’appelle “Woman”. Il a pris le témoignage de femmes de plus de 50 pays du monde, toutes avec des cultures différentes, des éducations différentes, des richesses, des couleurs de peau… Juste, le tronc commun est qu’elles sont (et nous sommes) toutes des femmes. Elle parlaient de leurs oppressions, de leur vie et des violences qu’elles subissaient, au niveau des mariages forcé, les agressions sexuelles, les viols, l’excision, le vitriolage (qui consiste à jeter de l’acide sur le visage des femmes pour se venger de choses qu’elles auraient faites), et après la maternité, la sexualité, les règles et tout…
Et en fait ce film m’a bouleversé. Quand je l’ai vu à l’époque, (bon je sais qu’aujourd’hui, Arthus Bertrand, il y en a beaucoup qui auraient à redire sur lui) le film est magnifique. Il m’a fait me sentir encore plus connectée aux femmes du monde de par le point commun qu’on a toutes, en dehors de tout l’aspect social, sociétal, culturel, le tronc commun qu’on a et qui nous revient en pleine figure dans tous les cas parce qu’on a pas le choix de l’avoir (et la société nous fait bien rappeler que notre corps leur appartient).
Je ne peux pas m’empêcher de me dire, qu’aujourd’hui, c’est un film qui serait considéré transphobe parce qu’il parle des oppressions vraiment matérielles et que ces oppressions sont oubliées, invisibilisées. À aucun moment dans le film on ne parle de ressenti. Enfin, si. On a le témoignage des femmes avec leurs émotions, mais on parle vraiment des faits concrets qui, aujourd’hui, ne sont plus au premier plan des combats féministes, visiblement.
Rebelles du genre – Ben fait c’est aussi simple que le fait de ne pas mettre au premier plan les témoignages des femmes trans! Donc voilà, tout simplement. Rien que pour cette raison, c’est un film qui doit aller au bûcher. Aujourd’hui, on a tout un tas, par exemple, de jeux féministes… je ne sais pas, là moi j’ai tout un tas de jeux féministes… enfin, prétendument féministes. En fait, pour qu’ils soient diffusés aujourd’hui, ils collent dedans des “femme trans” : des hommes. C’est-à-dire que là, j’en ai un qui s’appelle “L’oracle féministe”, bon ben il y a un ou deux mecs glissés dedans, voilà. Et puis, évidemment, pour faire bonne mesure, il y a aussi une ou deux prostituées.
Et c’est partout pareil : dans tous les livres que tu lis, chaque fois que la femme qui écrit quelque chose elle ne veut pas être cancel, eh bien elle est contrainte de faire ça. Par exemple, je lis un livre de Rupi Kaur qui est une poétesse canadienne d’origine indienne. C’est magnifique, ça me tire des larmes quand je lis ce qu’elle écrit. Et paf, page 162, crac, il y a une phrase : “Les femmes trans sont des femmes.” Point. Ensuite, elle repart sur son… sur tout.
Et en fait, moi, je le comprends comme une sorte de prise en otage de cette poétesse qui sait que, si elle ne veut pas avoir d’ennuis, elle est obligée de verser sa soulte. Voilà. Donc elle a fait une page qui dit : “ Les femmes trans sont des femmes.”
Point.
Quand je l’ai lu, j’avais envie de pleurer, je me suis dit : “ Encore une qui a été obligée de le dire.”
C’est comme quand tu es gamin, et tu en as un autre qui t’empêche de passer, il te dit “péage” et tu dois dire un mot de passe.
Et en fait aujourd’hui, le mot de passe pour être visible dans les médias c’est “Les femmes trans sont des femmes”.
Voilà, c’est le mot de passe.
Ophélie – Visible dans les médias et visible de la bonne façon. Parce qu’aujourd’hui, des Stern, Moutot, elles sont visibles mais elles sont cancel.
RDG – Mais elles ne sont pas visibles. Parce que si tu regardes, ce sont des femmes de gauche et elles ne sont visibles dans aucun média de gauche. Aucun média de gauche.
Il faut être clair : les médias qui, aujourd’hui, acceptent notre parole ne sont pas les médias de gauche.
Donc en fait il y a une sorte d’OPA sur la gauche par des gens qui sont en fait des ultra libéraux et qui font taire les femmes. Voilà.
Donc on ne peut pas dire que Dora ou Marguerite aient réellement la possibilité de s’exprimer quand leur seul choix c’est de parler… soit tu vas parler à Valeurs Actuelles, soit tu vas parler à… je n’en sais rien, moi…
Bon, après, moi, tous les médias indépendamment de Valeurs Actuelles (il ne faut pas exagérer non plus) ont absolument le droit d’exister, ce n’est pas la question.
Mais si tu veux t’adresser à un public large, il n’y a aucune raison que les médias de gauche interdisent la prise de parole.
Je veux aussi parler de la tribune qu’avait écrite Pauline Arrighi, il y a deux ans, qui disait : “Suffit-il de s’autoproclamer femme pour en être une?”
Et elle a été publiée dans Le Huffington Post deux heures.
Et au bout de deux heures, Le Huff a retiré la tribune en s’excusant, et en disant que c’était contre leurs standards, que la transphobie ne faisait pas partie de leurs valeurs… C’était juste, pourtant, une question qui méritait d’être posée : est-ce qu’on est vraiment une femme quand on déclare qu’on est une femme?
Et finalement il y a Marianne qui a quand même accepté de diffuser cette info.
Et je dirais que Marianne c’est à peu près le seul média aujourd’hui dans lequel les femmes critiques du genre peuvent encore s’exprimer.
Ophélie – Et puis surtout que les féministes radicales soient associées à l’extrême droite systématiquement! Transphobie et extrême droite du coup, enfin systématiquement, donc je sais pas il y a pas de juste milieu, il y a pas de nuance, il y a pas de… c’est soit blanc soit noir et vraiment c’est…
RDG – Alors qu’on est dans de l’ultra libéralisme en fait! Donc la gauche aujourd’hui, la valeur centrale de la gauche, c’est l’ultra libéralisme : la liberté du renard libre dans le poulailler libre. Autrement dit : on veut que les hommes puissent accéder librement aux toilettes, aux vestiaires et aux prisons des femmes!
Mais qu’est-ce que c’est ça? C’est quelle liberté, celle qui permet d’opprimer les opprimées?
Ophélie – Non mais en plus, ça fait le lien avec ce que je ce que je voulais dire juste après : j’ai parlé justement, de toutes les violences qui étaient faites sur nos corps, mais il faut pas oublier que c’est leur corps à eux qui nous violentent! Voilà! on parle de ressenti, et tout ça… mais c’est un corps violenté par un autre!
C’est leurs pénis qui nous violent, c’est leurs mains, c’est “leur puissance masculine physique”, et leur supériorité physique qui prend le pas sur nous, qui nous violente, qui prend le pouvoir.
C’est, encore une fois, c’est leur pénis qui nous viole!
Donc ça c’est oublié, ça c’est oublié…
C’est pas un ressenti homme envers un ressenti femme.
Et ça je sais pas, en fait, je n’arrive toujours pas à comprendre comment, aujourd’hui, ça peut être la pensée universelle, qui floute totalement toutes les réalités matérielles, toutes les réalités concrètes, et que tout le monde soit ok avec ça, ou du moins pas tout le monde, mais que ce soit vraiment la pensée mainstream…
Je n’arrive toujours pas à comprendre!
Ensuite, c’est un danger pour les enfants, évidemment.
Je pense même que c’est un danger autant pour les enfants que pour les femmes en réalité.
Parce que, selon moi, la déconstruction des stéréotypes de genre, elle doit se faire dès l’enfance, ça voilà depuis le début de mon féminisme j’en suis consciente, qu’on a beaucoup de facilités à intégrer des choses et beaucoup plus de difficultés à les déconstruire après en étant adulte, en ayant vraiment intégré des idées qui sont considérées normales, normées.
Donc selon moi, ça passe par l’éducation, tant familiale, que scolaire, et aujourd’hui à l’école tant dans la cour d’école, on va intégrer l’idée que les femmes, enfin les filles, les petites filles, c’est pas celles qui ont des corps de petites filles et les petits garçons c’est pas ceux qui ont des corps de petits garçons…
Et à la fois on va encore plus insister sur les stéréotypes de genre qui aujourd’hui divisent les filles et les garçons et qui justement aboutissent à encore plus de violences et encore plus de sexisme des hommes sur les femmes!
Et en fait, pour moi voilà : le but du féminisme et de l’abolition du patriarcat, c’est quand même l’abolition du genre, et aujourd’hui on est en train de le développer encore plus!
Cette notion de genre est justement la différence entre une fille, sociétalement et un garçon, sociétalement.
Parce qu’on entend aujourd’hui que la dysphorie du genre bah ça existe, oui ça existe, je pense que ça a toujours existé. Moi en tant que petite fille des fois je me disais que c’était peut-être pas normal que j’aime pas porter des robes parce que j’étais censée porter des robes et que du coup est-ce que ça fait de moi une vraie petite fille, féminine… etc. Ça ne veut pas dire que j’étais un garçon pour autant!
Heureusement! Mais aujourd’hui, voilà le discours il tend vraiment à “si tu as une dysphorie de genre, ce n’est pas à cause des stéréotypes qui sont ultra ancrés, c’est justement parce que ces stéréotypes sont en train de te dicter qui tu es”.
Je ne sais pas. On en vient à nous dire que notre corps, il n’ a rien à voir avec notre genre social, mais en fait, tous les enfants qui ont des dysphories de genre, c’est justement des dysphories liées au corps… Et après, même les personnes transidentifiées qui prônent le discours du “biologie n’est pas égale à genre, et ça n’a rien à voir”, elles finissent toujours par faire des transitions médicales, prendre des hormones, être contentes de voir que leur passing il est bien dans la rue, qu’elles passent pour des femmes, pour des hommes… parce qu’en fait sans leur passing bah… la réalité biologique les rattrape, et ça reste leur corps. Et quels que soient les vêtements qu’elles mettent ou les coiffures qu’elles ont, si elles mettent du maquillage ou du vernis, voilà, nos corps restent nos corps et le passing pour moi, c’est vraiment de la surface.
Oui pour les enfants pour ces raisons-là, et moi si je fais le parallèle, du coup, avec l’enfance que j’ai eue et déjà les stéréotypes qui étaient pas mal ancrés.
On entendait souvent le terme de “garçon manqué” et puis on l’entend encore, on l’entend encore pas mal. Mais vraiment, il y avait ce terme de garçon manqué pour les filles pas assez féminines, justement.
Moi dans mon féminisme, je me suis toujours battue contre ce terme qui est complètement dégueulasse en disant “déjà on n’utilise pas le terme “fille manquée” mais garçon manqué, pourquoi? Parce que tu n’es pas assez féminine, que tu n’arbores pas tous les stéréotypes de genre féminin?” Aujourd’hui on ne dit plus “garçon manqué”, on dit “homme trans”, en fait!
Parce que pour moi c’est la définition-même. Un garçon manqué aujourd’hui, c’est un homme trans, une femme qui va se transidentifier, parce que… si tu ne te sens pas en adéquation avec les stéréotypes féminins, bah ouais, il y a moyen qu’en fait, au fond de toi, tu sois un garçon. Et on dit que c’est au fond de toi, parce que ça vient du ressenti, du plus profond, et que les personnes “cis” ne peuvent pas comprendre ce que c’est, être trans. Mais d’un autre côté, toutes les personnes que j’ai écoutées parler de leur transition et de leur transidentité, et de leur rapport à la transidentité, c’était toujours lié à des faits de société. Enfin s’il n’y avait pas de genre, si la notion de genre n’existait pas, il n’y aurait pas de transition. Et ça, voilà, c’est c’est des discours qui sont tous plus contradictoires les uns que les autres dans le transactivisme… mais c’est leur ressenti, donc il faut qu’on ferme notre gueule et que… enfin nous, on n’a rien à dire en tant que personnes “cis”, et encore plus en tant que femmes cis, qui sont limite coupables des crimes, de ces crimes sur les personnes transidentifiées, les “femmes trans”, donc les hommes transidentifiés.
RDG – Par définition, on est coupable de tout, de toute façon! Principe de base : les femmes, et en particulier les féministes, sont coupables de tout.
Ophélie – Pour la société, alors… C’est un danger pour la société, parce qu’en termes de définitions, de chiffres, de faits, de statistiques, plus rien n’est, plus rien n’est réel, en fait! On ne peut plus se baser sur ce sur quoi on se basait depuis des années. Donc les faits n’existent plus. Tout devient flou et plus rien n’est mesurable, de la même manière.
Donc ça c’est un grand danger.
Pour la démocratie, évidemment, parce que aujourd’hui penser, ne serait-ce qu’un petit peu différemment, ou remettre en question les idéologies mainstream (je dis Mainstream mais du coup c’est les idéologies libérales transactiviste, queer, et de façon plus générale pro “travail du sexe”, pro prostitution et pornographie, aussi) penser ne serait-ce qu’un petit peu autrement, c’est… c’est être vraiment dans le mauvais camp. Donc il n’y a pas de juste milieu. La parole elle est très fermée, alors que c’est censé justement… enfin c’est des personnes qui se disent justement très ouvertes, et dans l’inclusivité pour tout le monde, à base de pronoms et de termes, voilà, de non-binarité, etc.
Enfin, au nom de l’inclusivité, on est en train de fermer la bouche de beaucoup de personnes, et dont les femmes qui, justement, prennent enfin la parole et sont enfin écoutées depuis plusieurs années, même si voilà, c’est un combat très lent, très lent à aboutir.
Il n’y a plus de place, en fait, pour la remise en question, pour la nuance. On pense en fait, se déconstruire sur des schémas de société, des injonctions, en allant justement dans ce féminisme, et dans cette idée de théorie du genre, de queer etc. Mais on s’enfonce, en fait, dans d’autres dogmes qui nous enferment.
Et en fait c’est… ouais bah c’est, comme beaucoup d’autres femmes l’ont dit dans ce dans ce podcast, et j’avais peur de… j’avais peur d’utiliser ce terme, au début, parce que je trouvais ça un peu abusé, mais en fait non : c’est sectaire. Parce qu’en fait, on s’enferme et on est pris par les discours, on n’écoute pas les discours des autres. Parce que c’est considéré être le mauvais camp, donc on cancel, sans même… sans même regarder ce que les autres disent, parce que moi, c’est ce qui m’est arrivé au début, et je pense que c’est le cas pour beaucoup d’autres personnes. Et du coup, où est la nuance, où est la liberté de parole?
Voilà. Enfin, je veux dire, traiter de transphobe quelqu’un qui va juste remettre un petit peu en question l’idée du genre et de la transidentité, et tout ça, c’est injuste et c’est dangereux. C’est dangereux, parce qu’il n’y a plus aucune place pour la liberté de parole.
RDG – Aujourd’hui qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner sous ta réelle identité? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces? Est-ce que tu perçois un danger, ou est-ce que tu te sais complètement en sécurité pour parler librement?
Ophélie – Alors, comme je le disais juste avant, moi, j’ai mis longtemps à affirmer mes idées déjà, à me sentir légitime, et à ne pas me sentir une mauvaise personne, de penser ce que je pensais, justement à cause de tout le féminisme libéral, qui prend le pas (“féminisme libéral” entre guillemets) qui prend le pas sur tout autre forme d’idées, notamment le féminisme radical. Donc j’ai longtemps eu peur de parler et de me faire… de me faire cancel, ou de d’être considérée comme une mauvaise féministe. Alors que bon, je sais très bien que, enfin ce qui fait mon féminisme, c’est la bienveillance et l’ouverture d’esprit, et le fait de pouvoir permettre à tout le monde d’être qui il veut être, tant les femmes que les hommes, d’ailleurs. Donc en abolissant les stéréotypes de genre.
Et aujourd’hui j’en ai marre, parce qu’en fait juste je reviens aux bases de “pourquoi je suis féministe” et je ne vois aucune violence dans ce que je pense, dans mes propos, et je trouve ça très injuste de la part des personnes transidentifiées de dire qu’on les tue, qu’on est des personnes abjectes, qu’on mérite le bûcher…
Et la forme de discrimination, de harcèlement en ligne là, qui est mis sur toute pensée qui pourrait remettre en question la leur. Elle installe un climat de terreur, de peur. D’où le fait aussi que je comprenne que ce soit dur d’en sortir, parce qu’on est dans une société où c’est bien vu de faire partie d’un groupe et, quand un groupe qui est supposé avoir la pensée universelle, la bonne pensée, on n’a pas trop envie d’en sortir, parce qu’on a envie d’être intégré à la bonne pensée.
Mais, aujourd’hui, je suis convaincue de mes idées. Je n’estime pas être une mauvaise personne et je n’ai pas non plus de personnes dans mon entourage qui pourraient être directement blessées par ce que je dis, dans le sens où je ne connais pas de personnes transidentifiées. Ni mon entourage familial, ni amical n’est concerné par ça. Ce serait beaucoup plus remis en question si j’avais des chances de blesser plus directement quelqu’un que que j’aime profondément.
Je ne dis pas que mes paroles ne blessent personne, dans le sens où j’avais peur de parler pendant longtemps parce que ce sont des paroles qui sont considérées transphobes par une grande partie de la population.
Mais aujourd’hui, j’ose parler, je trouve ça très important de remettre les points sur les i, et de faire passer un message à toutes les femmes qui sont dans le dans le silence, qui n’osent plus rien dire parce que leur parole vont être transphobes, qui ne comprennent pas trop non plus vers quel chemin le féminisme va. Je voudrais être une parole, une voix en plus qui leur dit “Mais n’ayez pas peur et parlons tous ensemble”. Il faut revenir aux bases.
C’est aussi parce qu’aujourd’hui je refuse d’être mise dans le même panier que des personnes transphobes, parce que je suis certaine que ça existe, des personnes haineuses, comme les homophobes, les racistes… Il existe des personnes transphobes, mais remettre en question l’idéologie des transactivistes, des queers et du féminisme libéral, ce n’est pas être transphobe. Mais justement, la prise de parole, c’est vraiment de pouvoir affirmer ça.
Rebelles du genre – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’aurait marqué concernant la transidentité ou le transactivisme?
Ophélie – J’en ai plein. Au fur et à mesure de mes écoutes de témoignages vidéos, podcasts, articles, réseaux sociaux des personnes concernées (donc des personnes transidentifiées), j’ai pu noter tellement, à la fois, de contradiction et, à la fois, de paroles absurdes, et même dangereuses, pour certaines.
Ça a commencé avec Olivia Ciappa, anciennement Olivier Ciappa, qui a beaucoup parlé de sa transition sur les réseaux sociaux et qui la médiatise beaucoup, notamment son épilation, pour être une vraie femme, sans aucun poil. (moi à l’heure actuelle, j’ai des poils sous les aisselles, je suis à deux doigts de transitionner!).
Olivia dit qu’il faut souffrir pour être belle, il a souvent dit ça dans ses stories depuis sa transition. Ça, c’est vraiment un terme pareil que “garçon manqué” qui m’horrifie, qui m’horripile. Il faut souffrir pour être belle, c’est pour moi une phrase qui banalise toutes les injonctions sur le féminin, sur les femmes, qui banalise tout le patriarcat, et qu’une personne transidentifiée, se considérant comme femme, puisse se réapproprier cette phrase et la rendre normale, légitime, moi ça me ça me fait peur.
Il y a eu d’autres trucs, je ne dirais pas marrantes, mais des choses absurdes.
Par exemple, il y a Océan. (Je me fais du mal). J’ai regardé toute sa série de vidéos sur sa transition. Il y a plusieurs saisons. Il a fait ça un peu sous un documentaire. J’ai regardé pour voir ce que ça disait.
Tous les moments avec sa mère ou il ne fait que la reprendre sur les termes qu’elle utilise, et le fait qu’elle le considère ou non comme son fils ou sa fille.
Il n’y a pas de place pour l’incompréhension du fait que c’est très dur à comprendre, leur notion de transidentité, étant donné que chaque ressenti est différent. Une personne va te dire que son ressenti est comme ça, et l’autre comme ça. Et les gens en face ne savent plus trop quoi dire. Il y a cette sorte d’air hautain qui fait que si tu n’as pas compris et que tu dis un mot de travers, tu es considérée comme la pire des personnes.
Bref, dans son reportage, il était avec son groupe de copains, toutes des personnes transidentifiées (je crois que c’était tous des hommes transidentifiés) et ils se faisaient des sessions de testo, de piqûres de testo groupés.
A un moment donné, il y en a un qui a dit : “Tu veux ma fin?” et vraiment j’ai regardé mon écran, je me suis “ Attends, il y a vraiment dit?”. Le “ Tu veux ma fin de testo?”, c’est le nouveau “Tu veux ma fin de clope, ou la fin du joint?”.
On est quand même en train de parler d’une modification corporelle qui est, je crois, irrémédiable à partir de l’instant où on commence. Je me suis dit que ça devient la normalité, les prises de testo, en soirée, ça devient une normalité. C’est super dangereux.
Ça me fait penser aussi à une vidéo d’une personne transidentifiée qui a fait une vidéo avec son petit frère, qui devait avoir 10 ou 11 ans. C’est Laura Badler sur Youtube. Elle posait des questions à son petit frère en disant “ C’est quoi, pour toi, une personne trans?”. On voyait que son petit frère était perdu, qu’il essayait de ressortir les paroles que son frère transidentifié lui a dit sur ce qu’est être une personne trans). Le petit frère était perdu. Je me suis dis qu’on est en train de niquer tous ses repères (ce que c’est d’être une femme ou un homme).
De façon plus personnelle, j’ai fait plusieurs manifs féministes pour les violences sexistes. J’en ai fait plusieurs et à chaque fois je faisais des pancartes. Aujourd’hui, mes pancartes seraient considérées transphobes, alors qu’à l’époque j’étais super fière de ce que j’avais fait. Il y en avait une, la première, où j’avais écrit “ tu connais le patriarcat ? C’est mortel !”. J’ai fait le haut de “mortel” en forme de vulve et en rouge pour démontrer la violence.
Tout le monde l’avait adorée d’ailleurs. J’étais trop contente de mon “jeu de mots”, un peu dérision. Même pendant ma période où j’adhérais un peu aux idées des transactivistes), je me disais que ma pancarte était transphobe. C’est pas bien ce que j’ai fait, j’ai pas inclus les personnes trans.
Dernière anecdote, moins marrante. Il y avait une manifestation à Genève.
Je l’avais vue passer par la Carologie sur les réseaux sociaux parce qu’elle y avait participé ( elle a vraiment plongé dans l’ultra libéralisme et le transactivisme).
J’avais lu un article sur cette manif où il avait été déconseillé aux femmes “cisgenre” de manifester les seins nus parce que ça pourrait offenser les “femme trans”. C’est à ce moment-là, vraiment, que j’en ai eu marre d’avoir peur de parler.
Je me dis “ Ça, ça passe, et ce que je pense ne passe pas”. Interdire aux “femmes cis” de manifester les seins nus alors que nos corps sont politiques, que nos seins sont politiques, que j’ai compris pourquoi les Femen faisaient des actions avec les seins nus et les mots écrits sur leur corps… Je me dis “On est en train de faire taire les femmes”. Encore une fois, on utilise leur corps et on leur dit quoi faire de leur corps. C’était vraiment considéré normal dans l’article.
La Carologie a partagé ça, en étant ok avec ça, alors qu’il y a encore quelques années elle manifestait les seins nus dans la rue parce elle-même elle est archi-consciente que nos corps sont politiques, que c’est un moyen de passer des messages.
Pareil, un podcast d’un mec transidentifié qui disait que son passing devenait de plus en plus OK dans la rue et qu’ il était content de se faire harceler parce qu’il passait pour une meuf.
RDG – C’était pas Olivia qui disait qu’il était heureux d’être harcelé dans la rue?
Ophélie – Non mais ça ne m’étonne pas.
RDG – C’était qui? Je l’ai vu ça.
Ophélie – C’était un podcast d’un mec qui a parlé de sa transition sur plein d’épisodes, j’ai écouté et à un moment donné il parlait de son passing et de la rue. Il disait : “ Je suis contente de me faire harceler”.
RDG – Mon dieu… Contente d’être harcelé…
Ophélie – Je me disais putain, mais ta gueule, franchement… Surtout que s’il n’avait pas fait son passing, il ne se ferait pas harceler, ça on est obligées de le dire. C’est leur passing qui fait qu’il se font harceler, parce qu’on les prend pour des femmes biologiques.
RDG – Ils jouissent de notre oppression. Ils jouissent littéralement de leur oppression. C’est des autogynéphiles, ça les excite et ils jouissent de ça. C’est un truc de fou.
Ophélie – Voilà, des petites anecdotes comme ça… À la fois marrantes et pas marrantes. Dangereuses même.
RDG – As-tu quelque chose à ajouter?
Ophélie – Oui, j’aimerais juste revenir sur l’histoire des passing et des contradictions qui sont au sein du transactivisme et des transactivistes eux-mêmes. On parle de ressenti et on nie totalement les faits concrets et biologiques. Il y a tellement de contradictions à la fois entre ce que eux disent de leur propre parole, c’est-à-dire de vouloir faire la différence entre biologie et genre social, mais de quand même aboutir à des transitions médicales qui transforment leur corps et qui les amènent à avoir des euphories de genre, etc. Enfin voilà, c’est… à chaque fois tout ce qu’ils disent dans leurs vidéos, dans leurs témoignages etc. Et à la fois il y a tellement de contradictions entre, justement, chacun son ressenti sur la transidentité, et ce qu’est être un homme ou une femme.
Du coup, il n’y a vraiment plus aucun point commun si on met toutes les personnes transidentifiées autour d’une table, et qu’on leur dit : “Ok, parlez-nous de vos ressentis, de ce que vous subissez, de… voilà.” Bah tout sera différent. Donc en fait, quel est le point commun, quel est le tronc commun entre vous tous, si ce n’est juste le fait que vous avez un ressenti personnel. Et ces personnes-là vont nous dire à nous, les femmes, c’est quoi être une femme pour toi? Ils pensent avoir l’argument et la question, vraiment qui vont nous clouer le bec, en disant : “Mais et toi? Qu’est-ce qui fait de toi une femme, en fait?”
C’est simple : le tronc commun, c’est nos corps. Et quelle que soit la manière dont on s’habille, la façon dont on se coiffe, et tout ce qu’on arbore, et même ce qu’on voudra cacher ou pas, en fait, c’est nos corps qui seront ciblés. Et quoi qu’on en fasse, ce sera le cas. Donc ce n’est plus du tout une question, enfin c’est une question à laquelle je peux répondre aujourd’hui si jamais on me la pose, parce que, du coup, une autre de leurs questions c’est : “Mais qu’est-ce que ça vous fait à vous, personnellement, les femmes, quoi, les femmes “cis”, ça vous fait quoi personnellement?”
Mais ils répondent souvent à notre place en disant : « Ça ne vous fait rien. Ça ne change rien à votre vie, donc, en gros, fermez-la et laissez-nous vivre, et laissez-nous exister. Parce que vous nous tuez.”
Enfin, voilà. Bref.
Et, moi j’ai envie de leur répondre : “Mais nous, personnellement, si! Ça nous fait quelque chose. Parce que ça continue de nous invisibiliser, d’invisibiliser les violences qui nous sont faites.”
Mais en fait, on pense collectif, justement. Et moi, je pense à toutes mes sœurs du monde entier, en fait, qui subissent la même chose que moi, à plus ou moins grande échelle. J’ai d’ailleurs la chance, dans ma vie, de n’avoir subi que des micro-agressions, et de ne jamais avoir subi plus, alors que je sais que c’est un peu monnaie courante et que j’ai de forts risques de connaître ça dans ma vie.
Et, eux c’est vraiment une… Ils sont étriqués, justement, dans leur ressenti personnel, sans penser à aucun tronc commun qui pourrait les unir. Parce qu’en fait, désolé : ils se disent unis, mais il n’y a rien qui les unit. Encore une fois, demain on les met à la même table, il y en a un qui va dire qu’il se sent femme, que c’est une femme, mais qu’il garde sa bite, son pénis de femme. L’autre qui va dire : “Non, moi je suis né dans le mauvais corps et j’ai besoin de faire une transition médicale.” L’autre qui va dire que la biologie ça n’a rien à voir avec le genre mais qui va quand même prendre de la testo ou des oestrogènes, et qui va…
Enfin, tous leurs discours sont contradictoires, et il n’y a aucun tronc commun.
Donc je ne peux plus admettre qu’on me dise que je ne suis pas légitime de dire ce que c’est qu’être une femme en le vivant, en le vivant moi-même.
Et je rebondis aussi sur le fait que les femmes entre guillemets “cisgenre” sont aujourd’hui considérées comme l’ennemie des transactivistes, des personnes trans, et l’ennemie du féminisme, du coup – parce que le féminisme est devenu transactiviste parce que, voilà… – j’entends à longueur de journée “Mais c’est les femmes cis, en fait, c’est vous qui perpétuez, dans tous les cas, les stéréotypes de genre depuis toujours. Donc arrêtez de nous dire de ne pas le faire, parce qu’en fait, c’est à cause de vous qu’on le fait!” Et donc moi, à ça je réponds aujourd’hui : “Mais donc on est en train d’oublier toute l’oppression justement, du système et patriarcal et capitaliste qui nous met une pression de ouf sur les épaules qui nous met des injonctions à base de publicités, à base de marketing, de radio, d’affiches sur les réseaux sociaux, partout! Pour nous dicter, justement, quoi faire de nos corps pour qu’on soit des vraies femmes, et que on soit justement acceptées dans la société!” Donc moi, depuis le début, justement, j’ai appris à déconstruire le fait que, même les femmes qui arborent les stéréotypes féminins ne sont pas fautives de ça, parce qu’elles en sont victimes. Moi j’ai appris ça depuis le début, j’en suis convaincue. Donc aujourd’hui j’ai arrêté de mettre la faute sur les femmes, et aujourd’hui on nous… on inverse, en fait, l’ennemie. Moi, dans mon féminisme, je me suis rendu compte que je m’étais trompée d’ennemi, quand j’ai réussi à déconstruire mon sexisme intériorisé. Je me suis dit ok, je me suis trompée d’ennemi. Je me suis rendu compte, mais en fait là, aujourd’hui, c’est nous les ennemies, c’est les femmes. Et ils nous ont choisies, en fait. Enfin, voilà : ils ont choisi leur ennemie et la boucle est sans fin, en fait. On revient à nous invisibiliser, à nous dire de nous taire, à nous dire qu’on n’est pas légitimes. Et voilà, en fait : on oublie, on en vient même à dire que le féminisme radical, il rapporte les femmes au corps, et que justement c’est ce que les féministes depuis la première vague essayent justement de ne plus faire. Et en fait, sous couvert de féminisme, voilà… suffragettes, Simone de Beauvoir et compagnie qui ont lutté, depuis le début, pour nos droits.
Mais en fait, ces femmes-là, elles n’ont jamais nié la réalité biologique, justement. Elles ont ouvert leurs bouches en disant : nous ne sommes pas que des corps pour procréer. Nous sommes beaucoup plus que ça. Nous avons les mêmes droits que les hommes. Mais à aucun moment elles n’ont nié la réalité biologique et la violence qui était faite envers nous.
Donc en fait, là, on est en train de changer d’ailleurs le discours… on est en train de changer de discours, de changer les livres, de changer les manuels, voilà.
Enfin… et ça me fait penser aussi, du coup, peut-être, je ne sais pas si c’est dans les anecdotes sur le transactivisme, mais j’avais vu que agressively trans s’était offusqué du fait qu’on veuille remettre les clitoris dans les manuels scolaires, parce que ça oppresserait les femmes trans. Alors que c’est un combat depuis des années justement, d’arrêter d’invisibiliser le corps des femmes, et de enfin mettre ce clitoris là où il faut, c’est à dire le montrer, parce qu’il existe, et que depuis des années, on ne le montre pas. On dit qu’il n’existe pas et aujourd’hui, certains hommes transidentifiés disent : “Non, en fait il ne faut pas le mettre, parce ça nous oppresse, nous.” Donc même dans les manuels scolaires, on va on va finir par avoir des personnes à vulve, et personnes à pénis dans les manuels scolaires, en oubliant, en omettant totalement le terme de femme et d’hommes.
Et tout le monde pourra se proclamer qui il veut, donc…
RDG – Sauf si on se bat! Sauf si on se bat et si on gagne! On va quand même se battre avec la dernière énergie pour que ça n’arrive pas, vraiment!
Ophélie – Non mais voilà on se bat pour que le clitoris soit dans les manuels scolaires, et des hommes disent : “Non, il ne faut pas le mettre, parce que ça nous oppresse.” La boucle est bouclée. Il y a vraiment…
Donc voilà. Je voulais juste finir par ce que je viens de dire sur nous, les féministes, on s’est trompées d’ennemi pendant longtemps, et on a arrêté de mettre la faute sur les femmes, et aujourd’hui, c’est nous l’ennemi. Mais il est choisi, l’ennemi quoi. Ils ne se trompent pas d’ennemie. Ils l’ont choisie.
RDG – Merci d’avoir écouté notre parole et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible. S’il vous plaît signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe.
womensdeclaration.com