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Rebelles du genre – Épisode 57 – Olga

Je m’appelle Olga. J’ai 26 ans. Je suis professeur de FLE (c’est “français langue étrangère”). Je suis bretonne. Je suis en rupture familiale depuis longtemps. Je suis lesbienne et j’ai un mode de vie assez nomade, avec mon travail : je dois souvent habiter dans des pays différents et, par conséquent, j’ai souvent des relations amoureuses à distance. C’est anecdotique mais ça fait quand même partie de ma vie. J’ai milité dans une association féministe qui a permis de me propulser dans un militantisme et je suis féministe radicale séparatiste. J’ai remis le mythe de la famille en question depuis quelques années, et de l’hétérosexualité imposée, de l’hétérocaptivité, etc. après de nombreuses années de soumission à ce système de violence lesbophobe etc. 

J’ai habité à Kiev pour mon travail et j’ai dû revenir à cause de la guerre. Aujourd’hui j’habite aux États-Unis. Donc, tous ces pays m’ont fait voir des choses différentes du féminisme, j’ai envie de dire… Enfin, ils m’ont fait avoir une perception différente du patriarcat. 

En terme de liberté d’expression, j’ai constaté que sur le sujet du transactivisme, l’Angleterre – où j’ai vécu – et les États-Unis – où je vis – sont très timorés à l’idée de questionner l’idéologie du genre, et que c’est assez difficile de s’exprimer sur ces sujets, voire impossible.

Moi, comme je suis une femme et qu’on est éduquées à l’empathie (comme vous l’avez sûrement entendu dans d’autres podcasts), je pense que j’ai été très sensible aux injustices et aux violences que subissent les personnes, mais aussi les animaux. Je suis vegan et j’ai été végétarienne pendant des années, et comme beaucoup de femmes, on a une sensibilité à la violence que les hommes n’ont pas par leur éducation. Donc, j’ai été très vite touchée par la violence que subissent les femmes. Ça a commencé comme tout le monde avec les enfants battus, les femmes battues… Enfin, “comme tout le monde” –  comme toutes les féministes, je pense. Et puis, peu à peu, je me suis rendu compte de choses plus “psychologiques” qui peuvent être un outil de violence. C’est bien plus tard que j’ai systématisé les choses, que je me suis rendu compte que tout était un système. 

Ce qui a été intéressant, c’est qu’au début, j’étais un petit peu comme un… pas un électron libre, mais… En gros, il y avait quelque chose qui me touchait, je trouvais ça injuste et je parlais du sujet. Ça allait, par exemple, être un documentaire sur la violence faite aux animaux ou alors la violence raciste, ou alors j’allais lire un truc sur le sujet des intersexes… Et là, je me rendais compte qu’il y avait ce problème que je connaissais pas, cette violence que je connaissais pas envers les intersexes etc. Donc, c’était un petit peu dans tous les sens, et j’étais très sensible. Pour donner un exemple du fait que j’étais féministe mais sans aucune conscience de mon féminisme (enfin, c’était tout simplement je me faisais la défenseuse de la veuve et de l’orphelin quand j’étais au lycée), j’ai fait mes TPE (un truc qu’il faut faire au lycée, une espèce de projet pour le lycée) sur les hommes battus. Et, à l’époque, je n’avais pas cette conscience de la violence systémique qu’il y avait envers les femmes. Du coup, je me disais : “Il y a des femmes qui se font taper, mais il y a aussi des hommes, et ça on en parle pas”. Du coup, j’ai fait mon TPE là-dessus. Donc, ça montre à quel point, pour moi, il y avait violence, il y avait défense, il fallait parler des violences etc. ça montre que je n’avais pas vraiment de conscience du système. Moi, j’allais un petit peu… pas dans l’anecdotique mais… je lisais un truc, je m’en imprégnais et j’en parlais. En plus, à l’époque (c’est toujours le cas, quoi que c’est moins le cas quand même), le terme féministe était extrêmement lourd à porter, et je pense qu’aujourd’hui il l’est moins… Mais surtout parce que le féminisme… Enfin, on se qualifie de féministe alors qu’on ne l’est pas forcément. Mais à l’époque, c’était subversif parce que, évidemment, c’était une menace pour le patriarcat, puisque c’est lutter pour l’égalité etc. 

Et donc, je ne me disais pas féministe et je pense que ce qui m’a propulsée dans le féminisme (enfin vraiment peut-être la première [chose]), c’est le fait d’être lesbienne et d’être sortie du placard. Parce que, quand on est lesbienne, on subit une double violente patriarcale et du coup, en fait, on ne peut pas… C’est comme si, avant, on avait constaté une violence à la télévision, et qu’on en parlait, mais qu’on n’avait jamais eu à aller prendre les armes et aller sur le champ de bataille parce qu’on n’est pas concernée… Et en fait, là, bien sûr que j’étais concernée par le sexisme, mais c’est comme si je pouvais être modérée parce que je n’étais pas propulsée dans la violence. Et là, d’un coup, je suis sortie du placard et c’est comme s’il fallait que je me batte. Pas le choix :  je ne pouvais plus me cacher, donc j’étais là, avec mon féministe comme un bouclier dans un champ de bataille. C’est ce que j’ai ressenti. C’est comme si le féminisme était arrivé à moi par le fait de sortir du placard. Je pense que c’est l’expérience de beaucoup de femmes lesbiennes d’ailleurs, qui sont féministes. 

C’est aussi par ce biais là, je pense, que j’ai commencé à me questionner sur le genre… Puisque, quand on est lesbienne, on se la pose forcément, vu que c’est vu comme divergent dans la société… On peut forcément poser la question de “Est-ce que je suis vraiment attirée par les femmes”, “Est-ce qu’il y en a d’autres” etc. Donc, on commence à s’intéresser à la documentation qu’il y a autour du sujet du lesbianisme. Et en fait, comme dans la communauté LGBT il y a des lesbiennes mais il y a aussi les trans, on tombe très vite sur des rapprochements entre lesbianisme et transactivisme… On commence à avoir une documentation parfois ou des choses sont entremêlées. D’ailleurs, beaucoup de mouvements activistes sont activistes de façon un petit peu panoramique, sur toute la communauté LGBT. Du coup, on est un petit peu, malgré soi, confrontée à cette question du genre. 

Ce qui est intéressant – et ce qui est injuste aujourd’hui – c’est que je me suis vraiment intéressée à la question du genre et à l’abolition du genre. J’ai lu Judith Butler. Je me suis vraiment documentée. Je suis quelqu’un qui est assez intellectuelle, donc j’ai vraiment poussé mes recherches de façon assez vaste. J’étais dans l’abolition du genre et j’étais de tout cœur avec les personnes qui étaient violentées par le patriarcat, que ce soit des personnes trans ou que ce soit des femmes. J’étais vraiment à fond avec eux, surtout qu’à l’époque le fait d’être trans – le transactivisme – n’était pas une idéologie dominante du tout. On savait qu’il y avait quelques exceptions, des personnes qui étaient en dysphorie de genre et qui souffraient parce qu’elles étaient violentées, parce qu’elles n’étaient pas considérées etc. Et donc moi, j’étais évidemment de tout cœur avec ces personnes-là, de la même façon que j’étais alliée à d’autres causes. Et c’est comme ça que j’ai commencé à m’interroger sur le genre… Et ça va avec les stéréotypes, les choses qu’on pense qu’elles nous définissent en tant que femme, et qui en fait ne sont que question de genre, etc. J’ai commencé à être sensible à ces questions-là et éduquées sur ces questions-là, mais je n’étais pas militante. Je ne pense pas que j’étais militante. Ce qui a commencé à me permettre de vraiment de remettre en question certaines idéologies, c’est que je suis sortie avec une fille – une Anglaise – qui, elle, était dans un milieu un peu queer… Enfin même pas vraiment… Mais avec un langage très policé sur la question du genre. Enfin bon, c’était surtout du langage et pas beaucoup de discours, ni d’argumentaire, ni de quoi que ce soit. C’était seulement une espèce de politiquement correct qui entourait cette bulle, autour d’elle, et elle était très investie -j’ai envie de dire – émotionnellement, en tout cas, sur les questions de genre, de non binarité, etc. Moi, je n’avais jamais vraiment entendu le terme de “non binaire” avant. Je savais qu’il y avait des trans, mais je savais pas trop que c’était un concept, là “non binarité”… Bon, à part chez Judith Butler, mais qui est quelque chose de très théorique et pas du tout systématiquement applicable, quoi. Donc, j’ai commencé à être parfois un petit peu en désaccord avec elle mais comme on pouvait pas vraiment en parler, parce que c’était très policé et tout ça, et que si je disais un truc pas très sensible ou pas très délicat, parce que je ne suis pas éduquée ou que je ne sais pas de quoi elle veut parler, je me faisais un petit peu envoyer sur les rosiers. Du coup, je faisais un peu attention à ce que je disais pour ne pas passer pour une personne… Donc, c’est là que la peur a commencé à exister en moi. Ensuite, ma sœur a commencé à évoluer dans un milieu queer qui m’a semblé tout de suite immédiatement sectaire, à l’inverse de mon ex… J’avais l’impression que c’était un peu plus une espèce de politiquement correct pour ne pas froisser, et là, avec ma sœur, j’ai eu l’impression que c’était un délire sectaire tout de suite. J’ai eu peur pour elle, en fait, et j’ai intégré une association qui m’a permis d’avoir des clés en termes de chiffres, d’études, etc. pour un petit peu avoir des armes pour argumenter. Et il y a un truc qui a été la goutte qui a fait déborder le vase, c’est que déjà je n’en pouvais plus du côté politiquement correct anglais là, le côté queer mais très impalpable, sans aucune explication : c’est juste il faut pas dire ça, etc. Enfin, une espèce de sensiblerie qui m’agaçait autour de ce sujet. Il y a vraiment une goutte qui a fait déborder le vase – bon, j’en avalais quand même des couleuvres avec ma sœur et tout, déjà – mais j’ai une amie militante lesbienne de l’association dans laquelle j’étais investie, qui s’est mise en couple avec une personne – enfin, une qui était dans ce délire queer – et je savais j’ai su tout de suite que ça allait arriver sur le tapis, qu’elle allait retourner sa veste, etc. Il faut savoir qu’elle est beaucoup beaucoup plus virulente sur le sujet que moi – sur le sujet trans. Moi, je n’étais pas du tout transphobe. Je n’ai jamais été transphobe et je n’ai jamais rien dit qui soit transphobe. Mais elle, elle disait des choses à l’époque – je me rappelle très bien -, elle était plus virulente que moi. Elle disait des choses comme “homme en jupe”, etc. Moi, je n’ai jamais utilisé ce langage là. Donc, c’est pour vous dire d’où elle partait. Et elle s’est mise en couple avec cette fille et j’ai su immédiatement qu’elle allait retourner sa veste sur son militantisme. Elle a cessé d’être activiste dans la l’association dans laquelle j’étais et elle me titillait sans cesse pour qu’on parle de ce sujet, alors qu’elle savait très bien ce que je pensais, parce qu’on avait parlé un milliard de fois ensemble. Et elle faisait comme si elle ne savait plus, comme si elle tombait là, enfin comme si elle avait jamais pensé ce qu’elle avait pensé avant… Moi, je faisais exprès de ne pas parler, parce que je savais bien que ça allait être un sujet de discorde. Un jour, elle est venue chez moi, elle m’a parlé de la mammectomie de sa compagne, et je lui ai dit “mais en tant que lesbienne, ça ne te dérange pas ?” Parce que je me souviens qu’elle m’avait dit que ça l’aurait dérangée, avant. Je disais “mais ça te dérange pas que ta compagne se fasse ça, qu’elle transitionne vers le masculin, puisque tu es lesbienne ?” Et elle m’a dit “moi, je pense que l’amour c’est au-delà du genre”, enfin plein de petits clichés, plein de petites phrases qui n’ont pas de sens sur le lesbianisme. Et moi, je commençais vraiment à être énervée, parce que j’avais l’impression qu’elle essayait d’enlever l’étiquette lesbienne, qu’elle essayait d’effacer cette identité. 

Et moi, ça me violentait ! Je me disais « bah attends mais ça existe, quoi ! Être lesbienne, ça existe ! Enfin merde ! C’est une vraie identité ! On ne peut pas juste dire “l’amour c’est au-delà de ça” ! C’est complètement violent et puis c’est, en plus, le discours réac habituel sur les lesbiennes ! C’est vraiment ça : “Oh, mais tu es sûre ? C’est peut-être juste une phase ! Tu sais, l’amour c’est pas de se mettre des étiquettes… Moi, j’ai entendu ça de mes grands-parents, donc pour moi c’est du même acabit… Même s’ ils essayent de se distinguer en se faisant passer pour progressistes. Elle m’a demandé si je pourrais… J’ai dit “Moi, je ne pourrais pas”. Elle m’a dit “Mais ça voudrait dire que tu quitterais ta copine si elle faisait ça ?” J’ai dit “Oui, moi je ne pourrais pas sortir avec une personne qui se dit homme… Non, pas possible. Elle me dit “OK, dans ce cas-là tu pourrais donc sortir avec une femme trans (donc, sous-entendu un homme transidentifié) et je dis non, parce qu’il y a plusieurs choses. Premièrement, c’est très rare qu’un homme trans ait transitionné jusqu’au bout, c’est-à-dire soit allé jusqu’à l’opération etc. Et, du coup, il en aura toujours des éléments de son corps qui seraient masculins, premièrement. Mais ça, c’est secondaire à la rigueur, parce que j’ai pas envie d’être qu’on essaie de changer mes propos en disant que je m’intéresse qu’au sexe, etc. Le plus important, c’est que, surtout, il a tout un passé. En général, les personnes qui transitionnent ou qui qui sortent du placard en tant que trans, c’est tardif. Ils ont eu toute une vie identifiée par la société comme étant un homme ou une femme et donc ça veut dire qu’elle aurait eu toute une vie, plusieurs décennies, où elle serait par la société perçue comme une un homme. Et, donc, ayant mené une vie d’homme, ayant certainement violé des femmes, ayant eu le rôle de l’oppresseur dans un système patriarcal. Et, donc, en plus, on aurait rien en commun de ce point de vue là… Enfin, on n’aurait rien à partager de ce point de vue là. Moi, ce qui m’intéresse dans le fait de sortir avec des femmes – ce qui m’intéresse au-delà du fait – du déterminisme d’être lesbienne, j’en sais rien… mais du fait que j’y peux rien – mais au-delà de ça, ce qui m’intéresse, c’est que j’ai des choses en commun avec la personne avec qui je sors. On a on a un vécu de femme en commun, de par ce qu’on a subi, mais aussi par notre biologie. Et ça, on aurait rien à partager exactement comme avec un homme hétéro, et moi, c’est pas possible en fait : je suis lesbienne. Et là, elle va rétorquer que j’étais fétichiste des parties génitales… Donc, classique… C’est le truc classique, c’est le coup ultime, et moi je suis un petit peu sortie de mes gonds. J’ai dit “bah écoute, c’est super lesbophobe ce tu dis.” Enfin ça, le fétichisme, le fait que c’est déviant comme sexualité : c’est exactement ce que disent les réacs, hein. Elle était lesbophobe avec moi, en fait. Comme elle ne voulait pas dialoguer et que je refusais de me mettre de son côté – elle voulait que j’adhère à son opinion, ça se voyait qu’elle voulait quelqu’un avec elle, de la même association, qui change d’avis comme elle… Alors que moi, non : j’étais attachée à mes valeurs. Donc non. 

Et elle m’a dit “C’est bon, il y a trop de négativité dans cette pièce ! Là, je sens que t’es rageuse, t’es hargneuse ! Féministe hargneuse ! J’ai pas besoin de négativité dans ma vie!”  Bref, le discours “bisounours”: il ne faudrait surtout pas se cogner au mur dont je parlais plus tôt. On dirait une espèce de bulle où il faudrait surtout ne pas trigger les autres. On ne peut même pas dialoguer. Donc, là, ça a été vraiment le coup fatal, parce qu’elle est partie en claquant la porte et elle a foutu notre amitié à la poubelle en cinq minutes, parce qu’elle refusait de dialoguer. Ce n’est même pas que je n’acceptais pas notre différence. C’est vraiment elle qui refusait de dialoguer, et pour moi ça a vraiment traduit d’un immense problème de liberté d’expression. C’est ce que j’avais ressenti avec mon ex, même si j’avais pas encore eu ce peak avec mon ex… Mais je commençait déjà à sentir qu’il y avait une espèce de pression au niveau de la liberté d’expression, une censure, et c’est ce que j’ai ressenti dans tous les milieux queer dans lesquels j’ai été. Et là, c’était le coup fatal. Donc, j’ai des amis qui m’ont dit qu’elle avait sacrifiée notre amitié sur l’autel du queer. J’ai bien aimé cette expression. Maintenant que j’habite aux États-Unis, je ressens exactement une pression à ne pas parler. C’est partout… Le sujet est partout mais, mais on ne peut pas en parler. En plus, le langage change constamment. Le langage est constamment en mouvement, de façon à ce qu’on puisse pas l’employer, pas l’utiliser, si bien qu’à chaque non connaissance d’un nouveau mot ou d’un nouveau concept, on se fait taper sur les doigts, comme étant quelqu’un de violent… Évidemment, c’est la hantise de toutes les femmes, qui sont elles-mêmes des opprimées, de reproduire une oppression. Donc, c’est là qu’on est des bonnes clientes de cette culpabilité. Pour moi c’est vraiment des éléments de langage, et non un vrai discours… C’est vraiment ça, le transactivisme.

Rebelles du genre – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants et pour la démocratie ?

Olga – Pour moi, l’idéologie transactiviste est basée sur l’idée que parce que le genre ne devrait pas exister, alors il n’existe pas. C’est une logique un petit peu infantile, selon laquelle parce que j’ai décidé que quelque chose n’existe pas, alors elle n’existe pas. C’est un raccourci super simpliste, qui n’est pas sans me rappeler les dérives qui peuvent exister, notamment par l’usage immodéré des réseaux sociaux… ça me fait penser à quand on entre sur un profil Instagram, par exemple, de body positivity, et qu’on remarque que la violence, les systèmes de pression qui existent, la ségrégation des femmes hors norme et toute cette expérience-là, sont complètement tues au profit d’une image plus lisse, plus réjouissante, coupée de toute réalité, qui nous fait penser que le monde s’est amélioré. 

Les réseaux transactivistes, soutenus par le dit “féminisme” (à mettre des grosses guillemets, parce que pour moi c’est pas ce ne sont pas des mouvements féministes, mais il se disent féministe, donc c’est ultra libéral et capitaliste) ont eux aussi la même manière de façonner un monde qui n’existe pas – fictif, donc – se concentrer sur des choses qui n’existent pas, qui sont fictives, qui n’existent que dans les discours sur les réseaux sociaux et pas dans la réalité. Donc, c’est exactement la même chose. Plutôt que de dire “il existe des violences liées au sexe”, on dit “personne n’a de sexe, le sexe n’existe pas, pourquoi pas parler de ça…” Donc, c’est nier la réalité.

En gros – je caricature un peu –, mais on prend une femme grosse ou une personne trans, on lui écrit sur le corps “Je suis libre”, on met le bon choix de hashtag, d’emoji etc. et on fait un peu oublier que la personne a des menottes aux mains. Pour moi, c’est exactement la même culture que la culture Trump, qui est un tweet qui remplace toute une pensée, tout un discours, qui remplace 300 pages d’investigation théorique. La punchline a plus de valeur que les faits. Donc, pour moi, c’est une idéologie qui nie le genre, soi-disant, tout en l’admettant, travaillant une image normée selon les codes, ne remettant rien en question de l’idéologie dominante, qui prône une soi-disant désobéissance tout en jouant selon les mêmes règles imposées, répondant aux mêmes injonctions normatives que le schéma binaire habituel. Donc, c’est une image de rébellion qui est complètement superficielle ; qui est, je pense, très adolescente. C’est un peu comme de poster une photo de soi-même sur un réseau social en écrivant “Fuck la société” ou “anti-système”, alors que le réseau social est lui-même complètement – enfin l’usage d’un réseau social – fait partie du système. Donc c’est absurde, selon moi. Ce qui me dérange également, c’est le manichéisme (et ça, c’est quelque chose que j’avais dit avant) de ce militantisme…

Notamment sur la vision qu’ont ces militants des féministes radicales, qui associent immédiatement le scepticisme du genre au mouvement conservateurs, voire à l’extrême droite… Comme si l’étroitesse de leur échiquier idéologique ne pouvait pas admettre qu’il y ait d’autres compositions possibles. C’est ou bien d’un côté les progressistes d’un côté et les fachos de l’autre, et dans les progressistes, il y a une espèce de package qui est obligatoire ; et c’est ça qui est progressiste et l’autre package qui est facho. Donc, le package, c’est – pour être féministe tout ça : LGBT donc transactiviste par extension (liberté individuelle oblige), prôner la légalisation de la prostitution parce que liberté oblige – c’est le même délire, quoi – et favorable au porno dit, entre grosses guillemets, “féministe” etc. Donc, en gros, on a ce package-là. Et si on désapprouve l’une de ses composantes, on est immédiatement relégué à l’autre package qui est celui des méchants conservateurs, racistes, –phobes… et toutes les personnes qui remettent en question package de la première catégorie, quoi. Donc, je trouve ça plutôt binaire pour une idéologie “non binaire” d’être obligée de mettre les gens dans des cases comme ça, de ne pas admettre qu’il y ait des désaccords. Moi, le nombre de fois où on m’a associée à Macron ou à des extrémismes religieux, en cinq minutes après qu’ils aient compris ma position sur le féminisme, alors que je suis issue d’un féminisme profondément anticlérical, c’est hallucinant ! Vraiment, c’est dingue… Parce que pour eux, c’est impossible d’envisager une idéologie qui est non conforme…  Je trouve ça assez violent. Et comme je disais, les punchlines finissent par avoir plus de poids que des chiffres, des études, des faits. Souvent, je vais parler à des transactivistes en disant juste cela : en disant ok, admettons, laissons de côté le choix et toute la réflexion sur le genre, et je vous dis quelque chose : la grande majorité des personnes qui transitionnent – c’est-à-dire qui font une transition hormonale ou/et chirurgicale –  sont des femmes, anciennement lesbiennes. Ça devrait poser question sur le fait que ça découle d’un système patriarcal,d’une violence patriarcale… Sinon, si c’était une question de dysphorie de genre, systématiquement, il y aurait autant d’hommes que de femmes qui transitionnent. Donc, il n’y a même pas besoin d’aller plus loin : je vois que c’est une dérive patriarcale. ça me fait penser c’est que – de la même manière que le porno et la prostitution –  quand on essaye de m’asséner des arguments de style “liberté de choix” et tout le tintouin, il faut quand même savoir que la grande majorité des personnes qui sont dans la prostitution sont des femmes, et l’écrasante majorité des clients sont des hommes. Quand on sait ça on voit bien que ce n’est pas une question de choix, que c’est une question déterminisme patriarcal… Parce qu’en plus on nous fait souvent croire que les hommes ont plus de libido que les femmes. Donc, si c’était une question d’aimer le sexe et tout, il y aurait autant d’hommes sur le trottoir. C’est quoi, cette histoire…? C’est pour ça qu’il y a des parallèles avec l’idéologie transactiviste, selon moi. 

En plus, les punchlines sont d’autant plus valorisées si elles sont portées par des personnes qui correspondent aux codes de la beauté traditionnelle sur les réseaux sociaux, mais seulement en dehors de leur identité non-binaire. (pas logique…) Donc, en gros, c’est des personnes qui ont une identité non binaire, mais qui par ailleurs sont complètement normatives, et ça ne fait pas questionner l’hyper-sexualisation liée au sexisme. 

Au-delà du côté manichéen et binaire, j’ai parfois l’impression d’être plongée dans l’histoire du roi nu. Vous connaissez peut-être l’histoire… C’est un roi auquel des escrocs font croire qu’ils savent tisser un vêtement avec un tissu invisible à l’œil des sots et des personnes qui manquent de goût. Lui, comme il ne  veut pas paraître sot, il accepte de se faire faire ce vêtement. Il commence à parader dans la ville. Toute la ville, comme ils ne veulent pas paraître des personnes de mauvais goût ou des sots, ils font croire qu’ils voient le vêtement. Il y a seulement un enfant qui ose dire “Bah… Il est tout nu, le roi !”. 

Pour moi, c’est exactement ça, le côté transactiviste… C’est-à-dire qu’on nous fait vraiment passer des vessies pour des lanternes, et personne n’ose l’admettre. Ce n’est pas pour ne pas paraître sot, mais c’est pour ne pas paraître “TERF”, cette nouvelle malédiction, c’est-à-dire progressiste, réac etc. 

Donc pour moi, ce qui est absurde là-dedans, c’est que les femmes qui ont subi énormément d’oppression, de violence, de culture du viol et qui sont sans cesse en train de se battre contre la violence patriarcale… pour elle, ça a été un outil de survie d’être capable de déterminer si les gens sont des hommes ou des femmes. C’est une hyper vigilance de genre qui est nécessaire pour les femmes. Typiquement, moi, je fais beaucoup de stop. Quand je monte dans une voiture, je regarde si c’est un homme, si c’est une femme… Si c’est un homme, est-ce qu’il y a des enfants avec lui… Cette hyper vigilance d’être capable de repérer si les gens sont des hommes ou des femmes, ça n’est pas parce que ça nous fait plaisir, c’est parce que c’est nécessaire à notre survie, et c’est comme ça qu’on réussit à être intacte en tant que femme. Si on ne fait pas attention à cela, eh bien souvent –  et c’est le cas de quasiment toutes les femmes – on se fait abuser. Il y a beaucoup de femmes qui vous diront qu’elles ont parfois voulu aller au-delà de ces stéréotypes, c’est-à-dire “ah bah non, c’est un homme, mais bon, vas-y, je vais lui donner une chance ,ça va être un bon ami, etc.”, et se sont retrouvées harcelées ou dans des rapports de séduction ou violées carrément! Par ces hommes. 

C’est l’expérience commune,  donc ça montre que cette hyper vigilance est nécessaire! et maintenant, on essaie de nous faire ravaler cette hyper vigilance la faire taire, la cacher, et de nous dire “non non non mais là c’est c’est une femme”. 

 Ça me fait penser comme si une personne qui s’était fait attaquer, défigurer par un chien, violent, qui avait eu un traumatisme lié à ce chien, et ensuite on l’obligeait à fréquenter des chiens, en lui disant “Non mais c’est des chats!”

Pour moi c’est la même chose.

On peut se demander aussi pourquoi dans les milieux militants du coup, on a peur? Pourquoi a-t- on peur ? Est-ce qu’il y a une bonne raison d’avoir peur ? Pourquoi on a peur de ce terme TERF etc. Surtout en France où il y a quand même une culture de la provocation, de la provoc, du soi-disant débat, etc.  

Donc on pourrait se dire que personne n’a peur de dire des choses… De mettre les pieds dans le plat! Bah moi je pense qu’il y a une vraie menace, un vrai système qui fait qu’on a peur en fait. Il y a des bonnes raisons, mais d’ailleurs on l’a vu avec les manifestations, ou les collages (les nouveaux collages, j’entends) avec écrit “une TERF une balle” ou “les TERFS au bûcher”Enfin bon, c’est ultra violent, quoi. 

Au-delà du fait que le transactivisme pour moi repose complètement sur un sophisme, qui est :” je refuse de me conformer au code imposé par la féminité alors je ne suis pas une femme” 

Il me semble qu’il a aussi également dépouillé complètement le féminisme d’une réflexion qui était précieuse pour déconstruire les rôles genrés, combattre les divisions genrées des rôles, et combattre les violences liées au patriarcat.

Pour moi, le transactivisme c’est une menace pour les femmes et pour le féminisme par ce fait-là.

D’ailleurs pour moi c’est un énorme backlash… Le fait que ce soit très populaire et très mainstream aujourd’hui, c’est complètement évident que c’est un backlash compte tenu du contexte dans lequel est apparu ce truc.

Parce qu’on a vécu un vrai tournant féministe au moment de Me Too, une sorte de réaction en chaîne complètement libératrice suite à un ras-le-bol des femmes, qui étaient pas toujours féministes d’ailleurs, mais qui dénonçaient. 

Moi je crois pas que cette vague féministe d’accès à la théorie de création en masse de contenu de réunion de communauté de femmes de libération de la parole ait découlée naturellement sur la question du genre et par extension sur le transactivisme, comme un glissement naturel,

 Je pense plutôt qu’ au contraire c’est le transactivisme de masse il est apparu en réaction à une ébauche de libération des femmes c’est ça que je pense c’est une réaction de la part de l’oppression.

 Souvenons-nous quand même que la popularité psychiatre rhétorique elle est apparue à un moment de rébellion où on avait le mariage pour tous, la dédiabolisation de la notion de misandrie dans les milieux militants un avènement des espaces non-mixtes des collages féministes avec Marguerite Stern une sortie de l’ombre de la réappropriation du terme “sorcière”; la vulgarisation du concept de lesbianisme politique, une sortie de du placard des patrimoines, et du coup le fait de refuser aussi de lire des textes écrits par des hommes parce qu’on veut favoriser les femmes etc… C’était complètement en voie d’être banalisé avant le transactivisme enfin l’avènement du transsexisme quoi. 

Toutes les pionnières qui ont été de ce mouvement ont été diabolisées… c’est les premières qui ont été diabolisées! comme par hasard au moment de ce tournant féministe:  Marguerite Sterne bien sûr, JK Rolling… et pour moi c’est pas par hasard que avant MeeToo etc on avait déjà le scandale Johnny Depp/Amber Heard qui était sur le feu  Amber Heard qui était victime de violence conjugales, et comme par hasard aujourd’hui on a un énorme backlash et une violence mais… déchaînée! Contre cette femme, qui pour moi n’apparaît pas à un moment anodin.  C’est pas anodin le timing là, je pense. 

Sur le sujet du lesbianisme qui me concerne personnellement, enfin ce qui m’apparaît comme un énorme backlash, un backlash masculiniste et lesbophobe par conséquent, c’est que l’ennemi numéro 1, du patriarcat c’est bien évidemment le féminisme mais aussi le lesbianisme car c’est l’ultime attaque contre le patriarcat de ne pas avoir besoin ou de refuser d’avoir un homme dans sa vie.

Car les lesbiennes, n’ont pas besoin d’hommes contrairement à ce qu’on veut nous faire croire à grand renfort de culture du viol etc. Le patriarcat le sait très très bien, qu’on a pas besoin d’homme, et donc le côté masculiniste de cette idéologie va pour moi de pair avec la lesbophobie. Qui est intrinsèque à ces mouvements en fait, parce qu’on vit dans une société où en gros une femme qui est mal à l’aise avec les rôles genrés qu’on lui impose, et qui s’intéresse à une activité soi disant masculine, des vêtements ou bien une orientation sexuelle qui ne devrait pas être la sienne, et bien elle se convainc d’être un homme et elle devient un homme hétéro! 

Donc c’est non seulement un négationnisme de la réalité genrée de la société, réalité biologique du corps des femmes… Parce que si on suit leur raisonnement, si on se déclare homme, on est un homme! Donc on peut pas être une lesbienne! 

Parce que la définition de lesbienne, c’est des femmes qui ont des relations amoureuses avec d’autres femmes!

En fait, il y a au-delà d’un négationnisme, il y a un effacement des lesbiennes, qui est grave! Une disparition des lesbiennes! 

Pour moi c’est ça. 

Donc sans déconner, toutes les grandes “mentors”, toutes les femmes lesbiennes qui étaient visibles au moment où je suis sortie du placard, enfin franchement il y en a une sur trois qui sont des trans aujourd’hui ou des personnes non-binaires! c’est hallucinant! 

Tous les clubs, tous les endroits qui étaient dédiés aux lesbiennes sont aujourd’hui des endroits trans, pour moi c’est pas du tout un hasard en fait: c’est les lesbiennes l’ennemi numéro 1 du patriarcat! les isoler, les diviser, les faire sortir avec des hommes, les faire sortir avec des personnes trans, c’est tout!

Typiquement moi j’adorais Océan, là, celui qui s’appelle Océan aujourd’hui, c’était Océane Rose-Marie avant: c’était une une femme qui était chroniqueuse à la radio. Moi, je l’ai écoutée souvent et elle était comédienne. Elle était très grande gueule et en plus elle était “lesbienne visible”. Elle a fait tout un spectacle qui s’appelle “la lesbienne invisible”. Moi, je m’identifiais beaucoup parce qu’à l’époque, on ne captait pas du tout que j’étais lesbienne.  Et pour moi, c’était très fort d’avoir une lesbienne qui ne soit pas dans les codes, qui soit quand même une femme, qui ne soit pas dans le stéréotype, qui ne “mimétise” pas l’homme mais qui soit visible, qui parle… 

Elle a fait tout plein d’activisme sur le lesbianisme… Et aujourd’hui, c’est un “homme” on ne peut plus macho, qui plus est à fond dans le délire queer. Ça me déprime franchement quand je vois ça. 

Quand j’entends une lesbienne, qui était pour moi un modèle, devenir trans, pour moi c’est déprimant. D’ailleurs, ma hantise, c’est que Adèle Haenel le devienne ! Eliott, qui était Hélène Page, qui était aussi lesbienne… enfin, avant ! Est maintenant un garçon… donc, bref! 

Pour moi, c’est une disparition des lesbiennes, vraiment. 

Donc, quand je découvre une nouvelle lesbienne qui est connue, ma hantise, c’est qu’elle revendique publiquement le fait d’être trans. Parce que je me dis, en fait les jeunes qui sortent du placard, vont se dire, si ça se trouve moi aussi je suis trans. Je suis peut-être un garçon, si je suis une fille pas normale, qui aime d’autres filles, c’est que je suis un garçon. Donc en plus je trouve qu’il contredisent eux-mêmes parce que j’entends des trans dire : “Mais tu ne pourrais pas sortir avec une femme trans, comme je vous l’ai dit plus tôt, donc un homme transidentifié?” Je dis non, je ne pourrais pas. Car non seulement cette personne a la biologie, mais aussi  l’expérience, et tout ce que j’ai dit plus tôt. Et alors, on me dit souvent : “Tu pourrais sortir avec un homme trans?” Et moi je dis non. Parce que je suis lesbienne. Donc ça voudrait dire que eux-mêmes contredisent leur propre discours en disant que le mec avec qui je sors, c’est une lesbienne. C’est pas un peu transphobe de dire ça? Vous dites que c’est un mec. Il dit que c’est un homme. Normalement, quand on dit qu’on est un homme, on est un homme! Donc on n’est pas une lesbienne! C’est complètement contradictoire et, en fait, c’est vraiment “faites ce que je dis, pas ce que je fais.” Donc moi je trouve qu’il y a énormément de contradictions au sein même de leur discours, en fait. Et souvent, j’entends des choses comme ça, genre on est une femme si on se déclare être une femme, on est un homme si on se déclare être un homme… et ensuite j’entends des choses contradictoires de style “mais non, on peut très bien être lesbienne et sortir avec un mec. Non, on peut très bien être dans un couple non-binaire, mais être hétéro… Enfin, du coup, je ne comprends plus rien. 

RDG – Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner de façon anonyme? As-tu déjà subi des pressions, des menaces, un danger perçu ou réel dans ton entourage?

Olga – Moi, je me sens en danger. Évidemment, on ne m’a jamais menacée de mort, mais peut-être aussi parce que je ne l’ai jamais dit publiquement. Tout ce que je suis en train de dire, là. 

Je sens qu’il y a une pression dans les milieux féministes, enfin dans le féminisme, mais aussi dans la société en général, de ménager la chèvre et le chou constamment en fait. Et il y a des choses qui sont antinomiques, qui ne sont pas compatibles dans le transactivisme, avec le féminisme. Il y a des choses qui ne sont pas compatibles, et essayer d’être sans cesse dans l’intersectionnalité, pour moi, ça me pose un problème. Et si on a le malheur de dire ça, eh bien on est directement taxée de Terf. 

Être taxée de Terf, ce n’est pas juste un terme, non non. C’est vraiment un black listing des milieux activistes, parfois des manifestations. Il y a des femmes qui se sont vues agressées, verbalement ou physiquement. Il y a des femmes qui ont été ostracisées de leur milieu. Du coup, pour moi il y a un réel danger dans ce sens-là. Je ne l’ai pas perçu personnellement, cet extrême du danger, mais je sens que je pourrais perdre mon travail, si ça se savait au travail.

Parce que je sens qu’il y a une énorme pression, notamment aux États-Unis, pour être complaisant avec ce transactivisme, ce discours-là, ce discours transactiviste. On doit être complaisant, et si on a la moindre critique, on est blacklisté comme je vous disais. Et avec mon travail, je sens que c’est vraiment réel, d’ailleurs ma supérieure m’a clairement fait sentir qu’il fallait que je la ferme sur ce sujet. Pourtant je ne l’ai vraiment pas ouverte du tout, j’ai juste dit une petite nuance, et tout de suite on m’a dit “Ouh là, attention! Ici ce n’est pas possible.” Donc je sens que je pourrais perdre mon travail. Et surtout, ce qui m’inquiète le plus, ce serait de perdre des proches. Parce que j’ai ma soeur qui est dans un milieu queer, et je sais que si je lui disais ce que je pense vraiment, de but en blanc, comme ça, ce serait très difficile de la garder dans ma vie. Parce qu’elle est dans un milieu très sectaire, là. Comme je vous le disais et donc, c’est tout ou rien.

C’est comme ce que j’ai vécu avec mon ami, dont je vous parlais plus tôt,  j’ai l’impression qu’on peut très vite être isolée et perdre des proches, perdre des amis, et dans le pire des cas, perdre son travail.

Et je sais qu’on peut trouver d’autres communautés, mais ça n’empêche que je n’ai pas envie de vivre ça, en fait.

J’ai envie qu’on continue à écouter ce que je dis, en termes de féminisme. Et je sais que si je dis ce que je pense sur le transactivisme, on n’écoutera plus ce que je dis en termes de féminisme. On me qualifiera de conservatrice.

RDG –  As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme?

Olga – J’ai commencé à être très sceptique du transactivisme, enfin vraiment rebelle quand ma sœur a commencé à être dans cette communauté, cette grande coloc, dans laquelle elle habite, où tout le monde est queer. Ils ne sont pas queer en arrivant, enfin ils n’étaient pas tous queer en arrivant, mais ils le sont devenus en y étant, ce qui est pour moi un signe d’un milieu sectaire, quand même : c’est que tout le monde se transforme en trans, comme par hasard, au bout de quelques mois dans ce milieu. Donc pour moi, vraiment un red flag. Et en fait j’ai commencé à sentir que cette communauté était hostile envers moi quand ils ont compris dans quelle association je militais… Donc j’ai vu qu’ils avaient quand même une volonté de me mettre de côté. Avec ma sœur, j’ai souvent essayé d’argumenter. Ils sont évidemment pro-prostitution, et compagnie. Enfin, c’est le délire total. Et j’ai essayé d’argumenter avec ma sœur parce que je pense sincèrement qu’elle est victime de milieu, qu’elle est brainwashée. C’est ce que je pense. Et j’essaie d’argumenter avec elle sur ce sujet. Et à chaque fois, elle comprend, elle entend ce que je dis et elle n’a pas d’argument à redire, comme si elle était convaincue. Et elle me rappelle une demi-heure après, et elle me dit tout un tas de trucs qu’elle me répète comme un perroquet, parce qu’elle en a parlé à sa coloc ou à son coloc, et ils lui ont dit quoi me répondre.

C’est là que j’ai commencé à être vraiment inquiète. Et ce qui m’a inquiétée, c’est que ma soeur était dans un choix d’abstinence amoureuse et sexuelle, parce qu’elle était hétéro – enfin, elle est bi, mais elle n’avait que des relations hétéro – et elle était malmenée par sa vie hétéro. Enfin, elle était toute cassée, quoi! Donc elle a décidé, au moment où MeToo est apparu, d’arrêter avec les mecs, parce qu’elle se sentait mal. 

Et en fait, peu à peu, elle a commencé, – dans leur coloc, soi-disant ils n’acceptaient pas d’hommes au début, maintenant c’est pas d’homme “cis”, donc il y a des hommes – et au début ils étaient pro non mixité, tous misandres… et au fur et à mesure ils sont en “mixité choisie”, ils ne sont plus misandres, le nouvel ennemi, c’est les “cis”, etc.

 Et en fait, je savais qu’elle ne voulait plus fréquenter d’homme, amoureusement parlant. Et il s’est passé un truc qui m’a vraiment choquée, c’est que, du coup, son coloc, qui est arrivé en tant que mec, “total”, et il est arrivé en tant qu’homme, et en fait, au bout de quelques mois, il a commencé à porter des boucles d’oreilles longues,  et à dire qu’il voulait qu’on l’appelle “iel”… Et en fait, dans cette coloc, ce qui était bien, c’est que c’était un safe place, où les femmes pouvaient se mettre toutes nues dans le jardin si elles le voulaient, tant qu’il n’y avait pas d’hommes, bien sûr, évidemment.  Quand il a commencé à y avoir des hommes, c’était la débandade. Mais sauf que… c’étaient des hommes qui se disaient non-binaires, donc…

Moi, j’ai vu ce mec qui se baladait dans le jardin à poil,  j’avais son paquet sous les yeux, et on me demandait de faire croire que ce n’était pas un homme. Donc déjà, c’est choquant, quand même, soi-disant dans des espaces où on peut être safe, et tout ça…

Il faut savoir que ce mec est couturier, et il fait des des corsets et des harnais. Des sous-vêtements de type sado-maso. Tout le monde dans ce milieu-là en porte, et dit “Ah c’est trop cool, j’ai mon corset, il est trop beau! J’ai mon harnais, il est trop beau!” Et tout ça, moi je dis, mais c’est de l’imagerie pornographique de violence quoi!

Ma sœur me dit “Mais non, on peut se réapproprier son corps… Et voilà. Donc je sentais que c’était sur la pente glissante, et en fait, un jour ce mec – que maintenant, il faut prétendre que c’est une femme, il n’a pas transitionné ni rien – il a invité ma soeur à faire une “sex party”, c’est à dire une partouze, une orgie quoi. Et il lui a dit “Mais ça va, tu vas voir, ça va te réconcilier avec le sexe… tu vas te réapproprier ton corps.” Enfin, au début elle a dit non. Mais il a insisté en disant “Moi je pensais que c’était parce que c’était un safe place, que tu avais besoin, je pensais… etc.”

Donc là, il lui a fait de la rhétorique.

Et comme elle est sensible à la domination masculine, comme je vous l’ai dit plus tôt, évidemment c’est un homme, donc elle ne veut pas le décevoir, parce que c’est un homme et qu’elle est aliénée aux hommes, et donc elle a dit oui. Elle y est allée et elle m’a dit « Ça va être chouette, ça va être que des potes, etc.” 

Avec qui elle a fait des trucs?

Avec lui.

En fait , ce mec il voulait mettre le grappin sur ma sœur, sous prétexte de féminisme, moi je trouve alors qu’elle avait décidé de plus relationner avec des hommes. 

Parce que maintenant, on doit dire que c’est une femme, voilà!

Ce mec, qui se dit bi, parce qu’il se disait bi au début, mais il ne sort qu’avec des femmes, il ne sort qu’avec des femmes! Donc moi, ça m’a franchement… ça m’a écœurée. J’étais mal. Oh là là, je n’étais pas bien. Donc là, ça m’a… ça a été vraiment un moment décisif où je l’ai dit. Je lui ai dit, à ma sœur : “Tu es  sûre que ce n’est pas un piège, tu es sûre?” Quand elle n’y était pas encore allée, je lui dis “Mais tu es sûre ce n’est pas un piège, qu’il ne veut pas te…  ce n’est pas une stratégie pour t’avoir dans son lit?”

Donc voilà, j’étais très choquée. Ce n’est pas la première fois que qu’il se passe un truc comme ça.

Pareil, elle est sortie avec une fille, après avoir décidé de faire du lesbianisme politique. Elle est sortie avec une fille, et finalement cette fille, en traînant dans ce milieu-là, maintenant, c’est un garçon! Donc en fait, elle n’a pas du tout réussi à sortir de l’hétéro-patriarcat. En fait, elle y est engluée.

Et on essaie de lui faire croire que c’est ça : ils vont à des cabarets ils font des photos nus, ils font… enfin c’est c’est tout ce qu’il y a de plus sordide. Seulement on prend le même système,  on change les étiquettes, on prend le même système, l’objectification  des femmes, on met “féministe” à la place, et c’est tout, quoi!

Donc en fait, elle n’est pas sortie de l’auberge, c’est ça qui est horrible. Et en plus, comme c’est un milieu sectaire, ce que je disais, ils ne voient personne, c’est une espèce de huis clos entre eux, il n’y a jamais d’interactions avec le monde extérieur. Tous les milieux où ils vont, c’est des gens qui sont dans le même délire, du coup pour moi, il y a vraiment, c’est difficile de s’en sortir. 

Voilà donc ça, c’était l’anecdote que j’avais à raconter

RDG –  As-tu quelque chose à ajouter?

Olga – J’’aimerais bien dire que c’est pour avoir plus d’anecdotes qui corroborent ce que je dis et mon expérience. J’ai l’impression que mon expérience est banale en fait. Quand j’écoute les podcasts de Rebelles du genre, c’est ce que j’ai vécu. J’ai l’impression d’entendre la même chose à chaque fois, d’entendre mon expérience, quoi. 

Donc en fait, quand la parole commence à se libérer, on se rend compte qu’on a toutes les mêmes expériences, qu’on a toutes les mêmes anecdotes et qu’on a toutes le même vécu.

Et du coup, je j’invite vraiment à écouter d’autres podcasts, enfin d’autres épisodes de ce podcast, de façon à avoir plus d’anecdotes, d’exemples qui corroborent ce que je dis. Parce que je dis des choses qui, parfois, sont théoriques. Mais en fait, il y a beaucoup de femmes qui ont vécu des choses qui le confirment.

RDG – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à la partager le plus largement possible.

S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe, www.womensdeclaration.com 

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