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Rebelles du genre – Épisode 63 – Clara

Clara – Je m’appelle Clara, je suis psychologue, j’ai 27 ans, je me considère comme féministe depuis à peu près mes 15, 16 ans donc ça fait une dizaine d’années que je suis dans ces milieux-là, et que je vois un petit peu comment ça évolue, surtout au niveau des jeunes féministes : des questions qu’on ne se posait peut-être pas forcément avant, des façons, aussi, de dialoguer, qui ont changé. 

Ça a eu un impact aussi dans mon quotidien au niveau du travail, parce que certaines questions qu’on se pose aujourd’hui dans les espaces féministes, notamment sur la question du genre, se posent aussi en psychiatrie (parce que c’est là que je travaille). On reçoit de plus en plus de jeunes entre 16 et 23-24 ans qui se posent aussi ces questions, mais qu’on suit, et avec qui ça peut être compliqué de dialoguer, parce qu’il y a, d’un côté le discours qu’ils ont sur Internet, puis après, il y a notre discours à nous, en tant que professionnel.les.

Et parfois les deux discours clashent un peu.

Alors moi, je n’ai pas toujours été féministe radicale ! Au début, je suis arrivée dans le féminisme, je pense comme un peu tout le monde, par la grande porte. Et je pense qu’aujourd’hui la grande porte c’est le “féminisme libéral”, parce que c’est celui qui est le plus présent dans les médias, c’est celui qui est le plus vendeur, le plus accepté. 

Moi, je pense que c’est aussi parce que c’est celui qui est le moins dangereux pour le sexisme bien intégré dans notre société ! Ça c’est mon avis ! Et du coup la grande porte, pour moi, quand j’avais 15-16 ans, c’était le site internet Madmoizelle, et plus particulièrement le forum qui était très, très actif, et sur lequel on parlait, on découvrait tout ça, on découvrait le féminisme, on découvrait comment on pouvait l’analyser dans plein d’aspects de nos vies, que ce soit nos relations affectives mais aussi les films qu’on regardait… Enfin, c’était super intéressant, c’était vachement riche et du coup, j’ai passé plusieurs années quand même sur ce forum-là, à être très très active, à beaucoup discuter avec les autres, à avoir beaucoup de débats. 

Moi, ce qui me plaisait beaucoup dans le féminisme, c’était qu’on débattait et qu’on n’était pas obligés tout le temps d’être d’accord, mais qu’au moins, il y avait un échange, il y avait des arguments, on essayait de soi-même trouver les failles dans nos propres arguments pour les perfectionner puis pour affiner un petit peu nos idées. Moi, ça c’est quelque chose qui m’a toujours plu : le débat d’idées. Donc ça m’allait très bien ! 

Et puis, au fur et à mesure, sur ce forum-là – enfin moi, c’est comme ça que ça s’est passé sur ce forum – il y a eu des questions qu’on commençait à se poser sur la question de l’identité de genre. Au début, c’était vraiment des questions hyper naïves, parce que, de toute façon, je pense que la moyenne d’âge sur ce forum, en tout cas à l’époque, elle était de moins de 20 ans, moins de 24 ça c’est sûr,  et on ne connaissait pas ça en France, ça venait vraiment à peine d’arriver. 

Il y a 10 ans maintenant qu’on parle de façon vraiment mainstream de l’identité de genre, donc ce sont des questions qui sont venues de plus en plus souvent dans les débats qu’on avait ensemble, et moi je trouvais ça très intéressant ! Et puis, au fur et à mesure, j’ai commencé à moi-même me poser des questions, parce que je rencontrais ces personnes-là via le forum. 

Ce sont majoritairement des personnes qui se présentaient comme non binaires. Il y avait aussi quelques femmes trans. En fait, c’est à partir de là que les débats ont vraiment commencé parce que le forum de Madmoizelle, je sais pas si ça a changé mais à l’époque, il était interdit aux hommes, il n’y avait que les femmes qui pouvaient entrer dedans. 

Et à partir du moment où il y a eu la question de “bonjour, moi, je suis une femme trans, est-ce que je peux venir ou pas ?” ça a ouvert le débat sur ces questions-là : qu’est-ce qu’on appelle une femme ? Qu’est-ce que c’est un espace non-mixte ? Est-ce que les mecs jeuxvidéo.com ne se feraient pas passer pour des femmes trans pour pouvoir entrer, (parce qu’il y avait toutes les guéguerres entre Madmoizelle.com et jeux vidéo.com), donc c’est un peu comme ça que ça a commencé et qu’on a posé plein de questions. 

Du coup, ces nouvelles personnes sont arrivées sur le forum, et moi ce qu’on me répondait c’était “bah oui, moi je ne me considère pas comme une femme ou comme un homme parce que…” – en gros, parce que ces personnes ne correspondaient pas aux stéréotypes genrés de “qu’est-ce que c’est un homme” et “qu’est-ce que c’est une femme” dans notre société, à notre époque. 

Du coup, moi, ça me renvoyait des questions hyper personnelles, parce que moi non plus; je n’avais pas l’impression d’y correspondre. Moi non plus, je n’étais pas d’accord avec ces définitions-là, du fait que j’étais censée être douce, “compliante”, avec tous les stéréotypes qu’on peut associer : me maquiller, mettre des talons etc. 

Et moi, tout ça, je ne m’y reconnaissais pas du tout. En plus, j’étais une jeune fille bisexuelle, donc je voyais quand même pas mal de mes camarades sur le forum, soit bisexuelles soit lesbiennes, qui commençaient aussi à s’identifier comme non-binaires. Donc, forcément, en plus, j’étais ado : il y a un phénomène de contagion sociale qui s’est mis en place, et j’ai commencé à moi-même me poser des questions, à me dire “Mais je ressemble énormément à ces personnes-là, donc ça doit bien vouloir dire que je suis un peu pareille”. Donc moi, j’ai eu plein de discussions avec des membres du forum souvent par message privé sur ces questions-là, et où on me renvoyait “et du coup, si tu te sens pas comme une femme, tu dois pas en être une !” 

Donc, ça me paraissait raisonnable. 

Donc, petit à petit, j’ai commencé à explorer un petit peu cette question de non-binarité, en me disant que, effectivement, moi, si c’était un ressenti interne et profond, le fait d’être une femme, bah moi je ne l’avais pas. Je n’avais pas ce ressenti que les autres décrivaient. Je ne savais pas ce que c’était. Donc on m’a dit “Tu dois être agenre”. 

Ok, d’accord. Donc je suis restée un peu là-dessus pendant une année, une année et demie… Peut-être deux ans, je ne sais plus… Et au fur et à mesure, je me suis rendu compte que sur le forum, ces questions-là qui au début étaient super intéressantes, ne sont plus vraiment devenues des questions. Moi, il y a des gens en dehors du forum qui me parlaient de ça, et qui me disaient : “Mais du coup, c’est quoi pour toi être agenre ? Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est quoi une femme ?” Et, en fait, je n’arrivais pas à répondre à ces questions, parce que du coup je n’avais plus de définition. Donc, j’étais arrivée sur le forum… On avait un sous-forum où l’on posait un peu des questions un peu pointues, pour lancer des débats. J’avais participé à un débat comme ça, où on posait la question “Bah, c’est quoi en fait le genre, très concrètement ? Puis c’est quoi une femme ? C’est quoi un homme ? C’est quoi la différence entre les deux ? Pourquoi est-ce qu’on s’identifie à ce mot et pas à l’autre ? Définissons un petit peu les choses pour que ça puisse être plus rigoureux que ça, quoi… Et en fait cette discussion qui était censée être un débat normal d’idées s’est transformé en un truc qui, moi, m’a vraiment choquée, parce qu’il y a eu des avertissements à tout va… Je crois qu’il y a une ou deux personnes qui ont été bannies. Et, en fait, on ne pouvait pas poser ces questions. Donc moi, comme j’aime trouver les points de faiblesse dans les arguments pour qu’on s’entraide à pouvoir les améliorer et pour qu’on puisse vraiment peaufiner nos idées, eh bien je me retrouvais face à un mur où ce n’était pas du tout accepté. En fait, il ne fallait pas montrer du doigt les défauts argumentatifs, il ne fallait pas pointer du doigt qu’on n’avait pas de définition, il ne fallait pas pointer du doigt que toute l’idéologie, elle reposait sur des bases un peu bancales – parce qu’en fait, ça ne reposait sur pas grand-chose. C’est-à-dire qu’on n’avait pas d’auteurs, d’autrices particuliers… On n’avait pas un système de pensée bien cohérent… Enfin, c’était surtout des slogans internet. 

Donc ça ne va pas très loin quand on approfondit les arguments. Eh bien, ça a été très, très, mal reçu, ce débat-là. 

Et moi, c’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à me poser des questions parce qu’on disait, en gros : “Fais attention : là, ton vocabulaire, il ressemble un petit peu à un vocabulaire TERF”. 

Ah. Première fois que j’entends ce mot. Donc, j’ai demandé un peu ce que ça voulait dire. On m’a dit que c’était surtout “pas bien” et qu’il ne fallait pas les lire, les personnes qui critiquaient cette conception un peu libérale du genre. Moi, c’est la deuxième chose qui m’a choquée, parce que je considère que si leurs arguments ne sont pas bons, alors il y a aucun risque à ce qu’on aille les lire ! Presque, ça serait une petite tranche de rigolade entre nous, quoi. 

Donc, le fait qu’on m’interdise d’aller lire des trucs, ça, ça ne m’a pas plu. Donc, je suis allée les lire, forcément. Et c’est là que je me suis rendu compte que toutes les questions que je me posais, il y en avait plein d’autres qui se les posaient aussi, et qu’il y avait des réponses ; et que les réponses, elles avaient beaucoup plus de sens chez ces personnes-là. En tout cas, moi, ça me convainquait beaucoup plus. Donc, petit à petit, j’ai commencé à me rapprocher des féministes radicales sur d’autres espaces toujours en ligne, parce que j’étais jeune et que je n’avais pas forcément les moyens humains d’être dans des groupes militants en présentiel. 

Et, du coup, je suis un peu restée sur les deux tableaux en même temps : être à la fois sur Madmoizelle, et puis à la fois sur des espaces radicaux à essayer de trouver des compromis, aussi d’engager du débat en mettant en avant les arguments qui me semblaient plus cohérents. Mais j’étais de plus en plus confrontée à un mur, en fait. Moi, ce qui m’a frappée, c’est le changement qu’il y a eu. J’ai eu l’impression qu’on n’avait plus le droit à la pensée critique, qu’on n’avait plus le droit au dialogue, qu’il fallait être des perroquets et répéter des slogans jusqu’à ce que ce soit bien imbriqué dans la tête.

Moi, je me souviens par exemple des moments sur Twitter où il y avait juste des gens qui disaient par exemple “Les femmes trans sont des femmes” avec le petit smiley des mains qui clappent entre elles entre chaque mot et qui répétaient cette phrase à l’infini, et plein de gens la retwittaient. 

D’accord, très bien. Mais ce n’est pas un argument, de répéter une phrase ! Ça, j’avais beau le dire, on ne me répondait pas, ou alors c’était des insultes ou des bannissements, ou des avertissements. 

Donc, à partir de ce moment-là, moi je me suis dit que si on est tous d’accord pour adhérer à des idées qui ne sont pas basées sur du factuel (il n’y a rien d’objectif, il n’y a rien de mesurable, et rien de visible, le genre ce n’est pas objectif, ce n’est pas mesurable, ce n’est pas visible, c’est un truc on peut itérer, comme ça), mais qu’on base toutes nos idées sur ce ressenti là, indéfinissable, et qui en plus est différent selon chaque personne puisqu’il n’y a pas de définition, moi c’est ma définition d’une croyance ça. Se baser sur des choses qui ne sont pas objectives et qui sont différentes pour chaque personne, c’est une croyance. 

Moi je n’ai aucun problème avec ça, sauf que, ce que j’ai commencé à leur dire c’est que si on affirme que cette croyance est une vérité absolue, alors qu’elle n’est pas démontrable et qu’en plus on impose aux autres d’y adhérer (parce que sinon on est des méchantes Terf, il faut qu’on nous bannisse et qu’il ne faut pas qu’on parle), là, je n’appelle plus ça une croyance. J’appelle ça un dogme. Et si en plus, quand on n’accepte pas ce dogme, on est insultées, rejetées, ou considérées comme de mauvaises personnes, mises un petit peu à l’écart dans les groupes, dans ce cas-là, j’appelle ça une secte. 

Et quand j’ai commencé à mettre en avant ce malaise-là que je ressentais, la réponse a été immédiate : j’ai pris plein d’avertissements dans la gueule, et puis j’ai été bannie. Alors que pourtant je n’ai jamais eu de vocabulaire insultant, je n’ai jamais été désagréable, j’ai juste posé des questions et mis en avant des failles argumentatives, et demandé “Est-ce qu’on peut discuter ensemble pour essayer de trouver une définition commune ?”

C’est tout ce que j’ai demandé.

Donc voilà. Je trouve qu’aujourd’hui les débats d’idées sont très, très, différents dans le féminisme, et je trouve que c’est très dommage, parce que je pense qu’on aurait tous intérêt à discuter ensemble pour se mettre d’accord, et puis pour pouvoir avancer ensemble, parce que le but du féminisme c’est quand même défendre et protéger les femmes. Et pour moi, la base, c’est de pouvoir définir qu’est-ce que c’est une femme. Sinon, on fait comment pour la défendre ? Donc tout mon problème, c’était ça. 

RDG – Ça semble assez évident que justement c’est bien le fond du problème. C’est de défendre les femmes qui pose problème. On est clairement dans une idéologie qui est masculiniste. Dégommer l’idée même de ce qu’est qu’une femme, c’est le rêve profond des masculinistes.

Clara – Bah ouais. En fait, ça devient un club dans lequel on rentre. 

RDG – Tu n’as pas parlé du tout de tes études. Tu t’es retrouvée confrontée à des difficultés en tant qu’étudiante en psy, ou pas? Ça tu ne l’as pas du tout dit.

Clara – Et ben non. Quand j’y étais, on ne m’en a jamais parlé. 

RDG – Ok.

Clara – Enfin si, si, mais alors pas comme ça. C’est-à-dire que moi, quand j’étais étudiante en psycho, on n’avait pas mal de cours, mine de rien, sur la psychologie sociale. Et c’est dans les cours de psychologie sociale qu’on a introduit le concept de genre comme un construit social qui permet de différencier les sexes avec des stéréotypes.

RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie ? 

Clara – Je pense que cette idée peut devenir quelque chose de dangereux, et ça devient déjà quelque chose de dangereux, mais de façon hyper insidieuse. Je pense que le point de départ du danger de cette idéologie (et je n’utilise pas le mot idéologie avec un sens négatif, c’est juste le système d’idées) commence de façon hyper insidieuse, parce que ça commence par ce refus de la pensée critique. Et à partir de ce moment-là, il y a tout le reste, tous les autres dangers, qui arrivent comme un effet boule de neige. Parce que déjà, on nous impose une idée, on ne peut pas la critiquer et il faut l’accepter alors qu’elle n’est pas mesurable. 

À partir de là, moi je pense que ça cause beaucoup de difficultés sur plein de plans différents. 

D’abord au niveau du féminisme, parce que ça nous divise beaucoup, parce qu’on passe beaucoup de temps à parler de cette question-là, qui pourtant concerne d’après les chiffres majoritaires moins d’1% de la population, donc je trouve ça assez fou que ça prenne autant d’énergie. 

Ensuite, c’est aussi délicat parce que je trouve qu’on peut faire face à un retour en arrière aussi au niveau des idées féministes, dans le sens où j’ai l’impression que certains militants transactivistes mettent en avant des idées qui, pour moi, sont super rétrogrades, avec des paillettes par-dessus pour que ça fasse progressiste. Mais non. 

C’est à dire que, quand on lit des choses de gens qui décrivent un peu comment ils se sont rendus compte qu’ils étaient trans, et qu’ils expliquent que “Oui, moi quand j’étais petit, quand j’étais petite, je ne jouais pas comme les autres garçons, comme les autres filles, je n’avais pas les mêmes intérêts,  je n’étais pas comme ci, je n’étais pas comme ça…” Pour moi, se dire que, si je ne me conforme pas aux stéréotypes de genre, alors c’est que je ne suis pas une fille, je ne suis pas un garçon, c’est hyper rétrograde. C’est exactement ce contre quoi on combat depuis longtemps dans le féminisme. Pour moi, notre objectif c’est surtout de se battre contre l’idée qu’on devrait agir de telle ou telle façon si on est une fille ou un garçon. Donc là, on prend le problème complètement à l’envers d’après moi, et d’après les sciences sociales et d’après le consensus actuel. Le genre, c’est une construction sociale, une classe sociale, qui permet de conditionner les gens selon leur sexe. Alors que maintenant, dans idéologie un peu libérale transactiviste, on considère que le genre c’est une identité qui est autodéfinie, qui est ressentie, qui est un truc un peu à célébrer, alors que ça c’est complètement différent de ce que le féminisme disait depuis des décennies. Nous, on mettait quand même plus en avant l’idée que c’était une classe sociale qui se construit différemment selon sexe de l’individu, que c’est l’ensemble des comportements, des attitudes, des rôles qu’on attend selon qu’on soit une fille ou un garçon, ou un homme ou une femme. 

Là, on renverse complètement la définition. On confond, du coup, le genre et le sexe. Le sexe, c’est être un homme ou une femme. 

Le genre, c’est l’ensemble des stéréotypes qu’une société va coller selon le sexe qu’on a. 

Et du coup si on modifie cette définition-là, pour moi on ne fait que renforcer quelque chose contre lequel on se battait depuis le début, donc ça me dérange beaucoup. Puis il y a d’autres dangers que je vois aussi, c’est que du coup il y a plein de personnes qui sont très, très vulnérables à cette pensée-là, notamment au niveau des jeunes filles qui ne sont pas conformes au genre. Les jeunes filles qui sont lesbiennes, soit juste parce qu’elles aiment les filles, ce qui n’est déjà pas conforme au genre, soit parce qu’en plus elles ont des attitudes qu’on va qualifier de masculines, un peu butch etc, soit des filles qui vont avoir des difficultés avec la socialisation féminine attendue, souvent des jeunes filles autistes, donc qui justement ne vont pas forcément se conformer à une socialisation où on leur demande d’être douces, d’être sympa, de faire très attention aux autres, d’être très dans le social (les jeunes filles autistes ont plus de difficultés à se conformer à ça). Ces deux catégories de jeunes filles, les lesbiennes et les autistes, parfois les deux, sont très très vulnérables à cette idéologie-là parce que ça répond exactement à leur mal-être, à leur sentiment de pas être à leur place, on leur donne une réponse toute construite, où on leur répond “En fait, c’est toi le problème”, on leur envoie : “C’est toi qui est pas conforme à ce que l’on attend de toi, donc il faut que tu changes, donc il faut que tu changes de pronom, il faut que tu changes de nom, il faut que tu changes de corps.”

Moi, ça me dérange très fortement qu’on renvoie l’idée que le problème, c’est nous. Je ne suis pas d’accord avec ça. 

Ce que je vois aussi pas mal (mais alors là, c’est plus grave) c’est des petites filles ou des jeunes femmes qui ont aussi un vécu très compliqué avec le sexisme. Ça va soit d’un sexisme très oppressant pour elles dans leur quotidien, soit carrément à des traumas sexuels, et qui trouvent une réponse aussi comme un mécanisme de défense dans le fait de ne plus identifier à cette jeune fille ou à cette femme qu’elles sont pour se protéger. Si je suis un garçon, ou si je suis non-binaire, alors je ne suis plus une fille, je suis plus une femme, alors du coup on ne va pas m’attaquer, je ne vais plus subir tout ça, je vais pouvoir me comporter autrement. 

Ça, c’est aussi quelque chose que je rencontre souvent chez les personnes que j’ai côtoyées sur Internet, ou chez des amies qui ont été concernées par ces questions, ou chez mes patientes. Dans les trois cas, je vois beaucoup de misogynie internalisée, d’homophobie internalisée, et surtout une recherche de solutions pour ne pas souffrir. C’est pour ça que j’ai beaucoup d’empathie pour les personnes qui essaient de trouver des solutions comme ça. 

Et ce que je trouve dangereux, c’est que la réponse qu’on leur donne c’est “il faut transitionner.”

Dans le fond, je ne suis pas contre, je pense que ça peut en être une pour certaines personnes. Ce qui me dérange, c’est qu’on affirme que ce soit la seule, et qu’on ne développe pas d’alternatives qui ne soient pas invasives, parce qu’une transition (sauf si c’est juste une transition sociale) c’est invasif. Prendre des hormones contraires à celles qu’on produit naturellement, c’est invasif, ça a des conséquences sur le long terme qu’en plus on ne connaît pas encore très bien parce qu’on n’a pas le recul. Ce sont des hormones (je parle de celles qui sont les bloqueurs de puberté, on n’a pas encore trop ce phénomène en France, mais je pense que ça va arriver) qu’on utilise à la base comme des castrations chimiques pour les auteurs de violences sexuelles. 

C’est grave. 

C’est des histoires quand même particulières, ces hormones là. 

C’est des hormones qu’on utilisait aussi pour “soigner” entre guillemets les homosexuels. Il y a une histoire qui se répète, avec des relents pas très propres là-dessus, et ça me paraît important qu’on en parle et qu’on se questionne sur ce qu’on fait consommer aux gens. 

Surtout qu’en plus, il y a des discours vraiment très contradictoires, par exemple, ça je le vois en psychiatrie, où d’un côté on va avoir un discours anti-psychiatrisation de la dysphorie de genre, surtout sur les espaces militants. On va avoir des militants qui disent “Être dysphorique de genre, donc être une personne trans, ce n’est pas une maladie mentale”, mais qui, en même temps vont dire : “Si on ne nous donne pas de moyens de transitionner médicalement, on risque de suicider.” 

On ne peut pas tenir les deux positions en même temps, ce n’est pas possible. Surtout qu’en plus c’est une médicalisation, c’est un traitement, on parle dans ces termes-là, il y a un remboursement médical, donc il faut choisir : soit c’est quelque chose qui n’est pas un trouble mental et dans ce cas-là il y a pas besoin de traitement, il y a pas de risque de suicide si il ne se passe rien, soit c’est un trouble mental. 

La question est pour l’instant répondue par les communautés internationales scientifiques, que ce soit au niveau de la DSM ou de la CIM. On considère que la dysphorie de genre, c’est un trouble mental, parce que ça génère énormément de souffrance pour la personne. C’est juste comme ça qu’on définit que c’est un trouble. Bon moi, je suis plutôt d’accord avec cette définition-là, en tout cas pour certaines personnes trans, et du coup la question c’est : “Qu’est-ce qu’on leur propose comme solution?” Parce qu’il y a une souffrance, qui est là : qu’est-ce qu’on en fait ? Et pour l’instant, les solutions qu’on a, elles sont extrêmement médicalisées, elles sont extrêmement invasives, et il ne faut pas le questionner en tant que psychologue. Et ça, moi, ça me dérange parce qu’en tant que psychologue, j’aimerais travailler avec eux sur leur représentation du féminin du masculin, leur identification parentale, leur représentation du genre, leur vécu dans une société sexiste etc., avant qu’il y ait une prise en charge médicale sur laquelle ils ne pourront pas revenir. Donc, moi, dans mon travail, j’ai observé des choses qui me paraissent complètement aberrantes. Pour l’instant, j’ai eu une seule personne qui était à la base un garçon qui maintenant s’identifie comme une fille, qui a 18 ans. Toutes les autres personnes, c’était des jeunes filles qui s’identifient maintenant comme les garçons ou comme des personnes non binaires, et sans exception, toutes ces patientes-là – qui sont encore en questionnement – toutes ces patientes-là, c’est des patientes qu’on connaît depuis quand même un bon petit moment, qui ont des pathologies mentales lourdes, qui ont déjà été hospitalisées plusieurs fois. La majorité d’entre elles ont des troubles de la personnalité borderline, d’autres ont des traumas sexuels importants, et on ne sait pas encore ce que ça va donner au niveau du diagnostic psy : on est encore en questionnement, et d’autres ont des troubles qui se situent plus vers le côté schizophrénie. Donc, quand même des pathologies importantes qui ne sont pas encore stabilisées parce qu’elles sont toutes jeunes – toutes ont moins de de 25 ans. Et alors qu’on peut discuter d’absolument tout le reste de leur parcours, de leur vécu, etc., la question de la transition pour ses patientes-là, elle est indiscutable. On ne peut pas la mettre en lien avec leur vécu, on ne peut pas essayer de comprendre ce que ça veut dire pour elles. Il y a un blocage net, et il n’y a pas de dialogue entre nous, l’équipe psychiatrique, et l’équipe des endocrinos qui sont en face et qui les prennent en charge. On ne peut pas questionner parce qu’il y a un blocage au niveau des patients. C’est-à-dire que quand on commence à poser des questions sur “Mais d’où est-ce que ça vous vient, là, subitement, cette idée que vous ne seriez pas dans le bon corps ?” ça aussi, c’est un concept avec lequel j’ai beaucoup de mal, parce qu’on milite quand même depuis des années pour l’acceptation de soi, l’acceptation corporelle. Mais je travaille avec ça, avec mes patients, et puis d’un coup ils me disent “Je ne suis pas dans le bon corps”. Bon moi, je questionne avec eux : mais d’où ça vient  ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que c’est pour vous, du coup, être une femme ou un homme ? Et qu’est-ce qui fait que vous vous identifiez ou pas ? Et en fait toutes ces questions-là, elles sont systématiquement bloquées par le patient – quasiment toujours bloquées par le patient  – parce qu’il reproduit ce qu’il vit dans ces milieux  militants, je pense, tout simplement, parce qu’on n’a pas le droit de questionner dans ces milieux. Donc, on n’a pas le droit de questionner en thérapie non plus. C’est quand même dommage, parce que le but d’une thérapie c’est de tout questionner pour pouvoir se comprendre mieux. J’avais la chance d’être dans un service où on a le droit de questionner ces choses-là, donc on est dans un service où on pose des questions. En tout cas, entre nous, entre professionnels, ça nous questionne beaucoup de voir de plus en plus de patients jeunes qui ont presque toujours le même profil, qui se présentent avec une dysphorie de genre. On constate quand même que, de toute façon, en psychiatrie, il y a des mouvements de contagion sociale qui se font régulièrement chez les jeunes. Là, aujourd’hui, c’est la dysphorie de genre. Il y a 10 ans, c’était les troupes borderline et les automutilations. Dix ans auparavant, c’était encore autre chose. Bon, là, petit à petit, on est en train de passer aux troubles dissociatifs de l’identité. Il y a, entre guillemets, des “modes” en psychiatrie, on le sait très bien. Il y a eu l’anorexie, aussi. Mais ce qui change par rapport à d’habitude, c’est que là, c’est soutenu par des équipes médicales, donc qui ne sont pas les nôtres, qui sont en face ; des équipes d’endocrino, des associations. Elle est là, la différence, c’est qu’aujourd’hui, on valide le trouble du patient comme une réalité objective, et on ne va plus questionner avec lui pourquoi est-ce qu’il a ce trouble-là, pourquoi est-ce qu’il y a cette souffrance, et qu’est-ce que ça vient dire dans le fonctionnement psychologique de la personne. Et c’est ça la différence majoritaire. Et puis c’est surtout que, du coup, on a des patients qui passent à l’acte au niveau de ce symptôme-là, parce qu’ils se mettent dans des situations de transition médicale, soit hormonale, soit chirurgicale, dont ils ne pourront pas revenir. Ça aussi, c’est une grande différence par rapport à avant. Donc nous, ça nous inquiète, en tant que professionnels, en tout cas moi, dans mon service, ça nous inquiétait. On avait des politiques différentes sur les patients. Dans certains cas, on considérait que c’était important de discuter avec le patient si c’était possible, au moins en thérapie, de garder son nom d’origine et ses pronoms d’origine, juste pour qu’il y ait un espace de retour, quelque chose d’antérieur… Et puis si ce n’est pas possible pour le patient, eh bien évidemment on ne le fait pas : on n’est pas là pour le mettre mal. Ce n’est pas du tout le but. De voir avec lui si c’était possible de discuter, aussi, de ces questions ; si ce n’est pas possible, pourquoi ; et puis de discuter de “est-ce qu’on peut se mettre en lien avec l’équipe médicale d’en face qui prend en charge la transition”? 

Alors ça, ça quasiment toujours été refusé, je pense, parce que les patients savent très bien que si leur endocrino ou leur chirurgien savait qu’à côté de ça, il y a un trouble de personnalité borderline, il y a un trouble schizophrénique, il dirait non pour une transition et ça me paraît très complètement logique et normal. Parce que ce n’est pas éthique de proposer des choses aussi invasives à des patients qui ne sont pas stabilisés au niveau psy.

Moi, ce qui me questionne beaucoup, par exemple, c’est que j’ai reçu beaucoup de patients qui venaient pour des évaluations psychologiques dans le cadre d’une chirurgie bariatrique, donc pour se faire faire un bypass, une sleeve etc. Et, à ces patients-là, on leur demandait beaucoup de choses d’un point de vue psy ! On leur demandait d’attendre plusieurs mois… Ils avaient plusieurs rendez-vous avec des psychologues, on leur demandait des comptes-rendus de thérapie pour s’assurer qu’ils étaient bien stables, qu’ils n’avaient pas de troubles du comportement alimentaire, etc. C’est très cadré ! Alors qu’en face, si on voulait faire une mastectomie, si on voulait prendre des hormones contraires à son sexe, bah il suffisait d’un rendez-vous chez l’endocrino, c’était bon. Il n’y avait pas de contrôle de ce qui se passe au niveau psychologique ou psychiatrique. Moi, ça me choque énormément qu’on n’ait pas la même rigueur pour les interventions qui sont encore plus invasives, dans le cadre d’une chirurgie ou d’une hormonothérapie. Donc voilà, nous on est confrontés à ces questions-là ; ça nous pose beaucoup de questions et malheureusement on ne peut pas mettre en place un dialogue avec ces associations ou avec ces cliniques qui prennent en charge les transitions parce que, en face, elles refusent le dialogue. 

RDG – Donc, concrètement, ça signifie qu’il y a des patients qui sont pris en charge en psychiatrie, pour, donc, des problèmes sans doute lourds, et que donc vous ne pouvez pas leur apporter les soins qui sont probablement nécessaires, parce que ces patients refusent finalement d’aller au fond du problème, ce qui est quand même un peu l’objectif d’une thérapie, me semble-t-il… Et en même temps, avec la complicité des soignants qui les font transitionner.

Clara – Oui. Je vais peut-être donner un exemple d’une patiente, parce que je trouve qu’elle illustre vachement bien ; pour montrer à quel point, en fait, cette idéologie peut être dangereuse aussi du côté individuel pour les personnes en tant que telles, et surtout les plus fragiles et les plus vulnérables. Une patiente qui est représentative de quasiment toutes les patientes que j’ai, qui sont dans cette situation-là, c’est une patiente qui s’est toujours identifiée en tant que jeune fille comme les autres, qui avait sa propre identité, ses propres goûts, sa propre personnalité etc., qui allait plutôt bien. Puis, quand elle était adolescente, elle a vécu beaucoup de traumatismes sexuels qui se sont enchaînés. Elle avait une situation très difficile. Il n’y a pas eu de changement au niveau de son identité, par contre il y a un trouble de la personnalité borderline qui s’est manifesté en réaction à tous ces traumas, et puis des histoires de vie compliquées avec sa famille… Donc c’est à ce moment-là qu’elle est hospitalisée parce qu’elle faisait beaucoup de passages à l’acte auto-agressifs, automutilation, tentatives de suicide… Et à partir de ce moment-là, nous, on l’a prise en charge du côté psy. Et vu que moi, je suis psychologue, mon travail c’était de bosser avec elle sur les traumas familiaux et sexuels, pour qu’on essaie de mettre du sens à son mal-être et à ce qui se passe. Il se trouve qu’au bout d’un moment, elle a commencé à aller mieux, mais elle ne parlait plus de ses traumas. On n’arrivait plus à y accéder en thérapie. Bon, on en a quand même profité pour parler d’autres choses à travailler, mais au fur et à mesure des mois, elle a commencé à se présenter d’une façon un petit peu différente au niveau de ses vêtements, au niveau son attitude etc. Finalement, à me dire qu’elle voulait me parler de quelque chose. Je l’invite à m’en parler. Elle m’explique en fait, elle pense qu’elle n’est pas une femme, qu’elle s’identifierait plutôt à autre chose, elle ne sait encore trop quoi… Elle ne sait pas si c’est un homme, si c’est non-binaire… Elle ne sait pas trop, mais en tout cas elle veut que l’on parle de ça et que l’on ne parle plus du reste. Bon, moi, j’en ai profité pour voir avec elle ce qu’on pouvait en faire, de ces questions-là. Et ce qui s’est passé, c’est qu’à partir de ce moment-là, et pendant près d’un an, on n’a plus pu parler des traumas sexuels et des traumas familiaux. C’était inaccessible, et à chaque fois que j’essayais d’aller vers là, elle rembrayait sur la transition. Et plein de fois, elle a eu un discours qui, moi, me fait penser – et je ne suis pas la seule au niveau des professionnels – que c’était une solution qu’elle avait trouvée pour mettre à distance la souffrance qui était associée au fait d’être une femme ; pour elle, au fait d’être agressée régulièrement. Par exemple, vous pouvez me dire des choses du style “Moi, j’ai hâte de faire ma mastectomie, parce que comme ça, ce ne sera plus le corps qui s’est fait agresser”. ça, elle me l’a dit mot pour mot. Ce n’est pas la seule à m’avoir dit des discours comme ça, et c’est ça aussi qui m’inquiète beaucoup : c’est que l’on offre une solution un peu magique et illusoire à ces patients qui ont vécu des choses assez terribles, en leur présentant que toute leur souffrance, eh bien, ils n’ont pas besoin de passer par thérapie qui est souvent longue – parce que leur souffrance, elle est grande – et qu’il suffit, en fait, de changer de corps, de prénom, d’apparence. Et que tout ça, ce sera derrière eux… Parce que ce sera “la personne qui est morte”. ça aussi on me l’a dit. On m’a dit là – je vais inventer un nom – “la Mathilde qui s’est fait violer, elle est morte. Maintenant, c’est Damien.” Voilà, ça c’est des discours que j’ai beaucoup entendus, et c’est des discours qu’on sait être néfastes en psychothérapie. Ce n’est pas quelque chose qui permet le développement d’un épanouissement sain. C’est une fuite, c’est un évitement. Et moi, ce que je crains, c’est le moment – dans quelques mois, dans quelques années… – où ça va s’effondrer, parce que ça tiendra plus. Parce que c’est comme si on construisait une très jolie maison mais sur des fondations complètement bancales, avec plein de choses qui restaient à travailler, beaucoup de souffrance, et ça ne tiendra pas dans le temps. On le sait, et c’est dommage. Donc moi, j’en veux beaucoup aux médecins, aux associations et aux militants eux-mêmes qui présentent vraiment la transition comme un truc un peu magique où “si tu vas mal, bah c’est parce que tu es trans”, et puis du coup “prends tel traitement, fais-ci fais-ça et tout ira mieux, et ce sera génial ; et si tu le fais pas, surtout, tu vas te suicider.” ce que je trouve encore pire… à dire à des patients vulnérables… Moi, ça me choque beaucoup, et je suis très inquiète pour ces patients-là, à l’avenir. Pour l’instant, on a des petits indices de ce qui va se passer, en regardant un peu dans les pays qui avaient déjà de l’avance sur ces questions ; si on regarde la Suède, l’Angleterre… Mais en France, on ne sait pas. Donc voilà, nous en tout cas au niveau professionnel, on se questionne sur “qu’est-ce qu’on fait avec ces patients ? Est-ce qu’on les laisse faire et on rattrape les dégâts plus tard ? Ou est-ce qu’on essaie d’avoir des contacts avec les associations et les autres médecins pour discuter sur le fond du problème ? Est-ce qu’on essaie de développer d’autres thérapies qui sont moins invasives ? Qu’est-ce qu’on fait, quoi !” Et toutes ces questions-là, on ne peut pas les poser parce que dès qu’on essaie de faire des colloques ou des bouquins ou qu’on essaie de discuter ensemble, eh bien il va y avoir un groupe de militants qui va venir balancer des œufs et nous dire qu’on est transphobes. Enfin, le but c’est de travailler ensemble pour soulager les gens, ce n’est pas de les juger, ce n’est pas de les critiquer, ce n’est pas de leur faire du mal, au contraire ! Notre but, c’est d’éviter qu’ils se fassent du mal. Donc ça, j’aimerais bien qu’un jour, il puisse y avoir un dialogue entre nous. 

RDG – Il y a quand même un autre problème éthique, qui est la contagion, et notamment vers les enfants. Empêcher des jeunes adultes de se faire du mal, c’est une chose. Aujourd’hui, on a quand même des adultes qui font du mal à des enfants. Je veux dire, déjà, un médecin qui castre un enfant, pour moi c’est criminel. On ne peut pas juste dire “les pauvres enfants”… Tu vois, enfin… Il me semble que la responsabilité de notre société, c’est de protéger les enfants, y compris contre leurs parents abusifs. Je pense à ce petit garçon, là, dans le documentaire Petite fille, avec sa mère qui a manifestement un trouble – je ne sais pas lequel – mais qui est victime de ses parents, quoi. Quand on dit “congeler ses testicules”…

Clara – Moi, je ne l’ai pas encore rencontré parce que je travaille avec des adultes, et parce qu’en France, ce n’est pas encore trop démocratisé, les transitions pour enfants. Mais bon, je pense que ça va venir. Ce que je trouve très spécial, dans tous raisonnements-là, c’est de dire qu’on peut être à la fois dans un pays où il faut attendre sa majorité pour faire une chirurgie bariatrique, pour avoir un tatouage, pour boire de l’alcool, pour faire un piercing… Par contre, on est aussi dans un pays où on peut traiter un corps sain pour un problème qui est d’ordre psychologique. Et ça, moi, ça me questionne énormément parce qu’en soi, les corps de ces enfants, de ces adolescents et même de ces adultes, ils vont bien, ils sont parfaitement sains, ils n’ont pas besoin d’une prise en charge ni hormonale, ni chirurgicale. Ils sont en parfaite santé. Leur souffrance, elle n’est pas là. Leur souffrance, elle est dans leur esprit, dans leur représentation par rapport à eux-mêmes, par rapport au monde, par rapport aux autres. Et moi, ça me parait absurde que l’on puisse présenter la solution à un problème qui n’est pas d’ordre organique avec une réponse organique, et qui en plus est définitive. Et c’est encore plus grave s’il s’agit d’enfant, parce que la représentation de soi d’un enfant, elle est en perpétuelle construction, elle est mouvante tout le temps, particulièrement en plus à l’adolescence. Et du coup, on ne peut pas arrêter les choses. On ne peut pas prendre un adolescent ou un enfant qui est en questionnement par rapport à son identité de genre ou son identité sexuelle et lui répondre que “oui bah, c’est que tu as ça, c’est que tu es un enfant trans, c’est qu’en fait tu n’es pas dans le bon corps, donc on va te donner cette solution médicale”. 

Ça ne marche pas comme ça, le développement d’un enfant. ça marche pas comme ça. 

RDG – ça fait penser à un syndrome dont on parle de temps en temps : au syndrome de Münchhausen par procuration. C’est-à-dire des parents qui vont mutiler ou rendre malade – et c’est souvent des mères, d’ailleurs – alors, je ne sais pas à quel point ça correspond à la réalité, hein… Et qui ont mutilé leur enfant parce qu’elles en retirent un bénéfice social, on va dire ça.

Clara – Oui. En fait, je pense que dans les cas de transition d’enfant, en tout cas moi ce que j’ai pu observer dans les pays anglo-saxons, on va être face à plusieurs profils différents d’adultes, de parents. On va effectivement avoir, dans certains cas, des profils de Münchausen par procuration, qui sont vraiment visibles, où le parent retire un bénéfice secondaire important à la transition de son gamin, et où le gamin n’a jamais rien demandé. Mais comme il fait plaisir à son parent…

RDG – Ah oui, moi ça me fait penser, tu vois, par exemple la mère, là, de ce petit garçon, qui va sur tous les plateaux télé. Je veux dire, le bénéfice il est évident !

Clara – Ah oui !

RDG – Oui mais alors, du coup… Mais, enfin, c’est gravissime ! Normalement, on protège les enfants contre les parents qui abusent. 

Clara – Moi, je serais très curieuse de rencontrer les professionnels qui ont pris en charge ce gamin. Vraiment, je serais très curieuse de savoir quelles évaluations ils ont fait de la famille, quelles évaluations ils ont fait de l’enfant aussi tout seul sans qu’il y ait les parents à côté. Déjà, de voir s’il est vraiment malheureux, ce gamin et de voir s’il y a besoin de faire quelque chose, et s’il va vraiment mieux après. 

RDG – Oui, parce qu’elle a prétendu… Le moment où la mère dit “Oui, il a pleuré parce qu’il a dit qu’il aurait jamais un bébé dans son ventre.” Ben… Mais en fait, c’est la vérité. C’est la vérité, tu peux faire toutes les opérations que tu veux, tu peux lui couper le pénis et les testicules, mais il n’aura jamais un bébé dans son ventre.

Clara – C’est une discussion qu’on a eue avec pas mal de collègues, justement, pour essayer de comprendre un petit peu la contagion sociale et pourquoi est-ce qu’il y avait autant de personnes qui s’identifient comme ça, surtout des ados. Nous, ce qu’on a remarqué, c’est quand même un sacré déni de la réalité. Et ce qui est très dommage, c’est que ça fait partie de développement normal d’un enfant et d’un adolescent, de nier la réalité ; et c’est notre rôle, en tant qu’adulte, de la réaffirmer, de poser un cadre, parce que c’est ce cadre-là, cette réalité-là, qui rassurante. Quand on a un enfant qui – je sais pas – dit qu’il est Superman et qui peut aller voler en sautant du quatrième étage, on ne le laisse pas faire, parce qu’on sait qu’il ne peut pas. C’est la même logique avec le reste. Quand on a un enfant qui nous dit quelque chose qui n’est pas en accord avec la réalité ; par exemple, qui nous dit que “moi, en fait, à l’intérieur, je suis une petite fille ; mon corps il est pas bien ; je veux pouvoir faire autre chose etc. Je vais pouvoir un jour porter des enfants” bah, tout ça, ce n’est pas la réalité. Et c’est notre rôle, en tant qu’adulte, en tant que parents, de le confronter à cette réalité de façon rassurante, contenante, bienveillante. Mais souvent, on a peur de frustrer les enfants, on a peur de les blesser, on a peur qu’ils soient malheureux… Donc, du coup, on va les réassurer sur le court terme en disant que tout va bien, “elle est très bien ton idée”, ils sont parfaits, c’est le monde qui va mal, “ils peuvent être tout ce qu’ils veulent”… ça les réassure sur le court terme, mais sur le long terme, ça crée plein plein de problèmes parce qu’on a besoin, dans le développement affectif d’un enfant, d’un adolescent, d’être confronté à la réalité, d’être confronté au cadre. C’est notre rôle, en tant qu’adultes. Donc, si on va valider tous les fantasmes des enfants et des adolescents, on leur donne une toute puissance énorme qui ne s’arrêtera pas à la question du genre, du corps, etc. ça n’a pas de limite, la toute puissance. Donc, si on leur accède à ça, on va leur donner une satisfaction, un bonheur qui est de court terme. Mais une fois qu’ils l’auront, il y aura autre chose qui va venir après : il y aura d’autres demandes, il y aura d’autres fantasmes, et ça va être de plus en plus gros, et on n’arrivera de moins en moins à contenir. On ne leur rend pas service quand on fait ça. C’est important, quand on est face à des enfants, des adolescents, de les laisser exprimer leur imaginaire, leurs idées, leurs fantasmes ; c’est normal. Mais par exemple, si on a un petit garçon qui prend énormément de plaisir à mettre du maquillage, à porter des robes, moi je ne vois absolument pas le problème : qu’il s’amuse. Il n’y a pas de souci, au contraire : je pense que c’est le but du féminisme de dire qu’on peut faire ce qu’on veut, peu importe son sexe. Par contre, ne pas valider le fantasme que, du coup, un jour il deviendra comme maman. Non, ça n’arrivera pas. Et ça, c’est important de pouvoir cadrer avec contenance et bienveillance les enfants dans leur fantasmes. Et ça – on embraye sur un autre sujet – mais c’est aussi des critiques qu’on peut faire à la parentalité positive poussée à l’extrême, où là aussi on ne va pas mettre de limites aux fantasmes des enfants, et en fait on leur fait du mal sur le long terme, alors qu’on a l’impression de leur faire du bien. Donc, je pense que c’est très global, ce côté-là, de valider les gens dans leur ressenti sans jamais les confronter à la réalité. On leur fait plaisir sur du court terme mais sur le long terme ça crée beaucoup de problèmes. Et on les paiera plus tard… On les paye déjà dans certains pays.

RDG – Aujourd’hui, tu témoignes de façon anonyme. Pourquoi ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Est-ce que tu penses qu’il y a un danger dans ton entourage professionnel ou personnel, ou est-ce qu’au contraire tu te sens complètement en sécurité ? 

Clara – Alors, je témoigne de façon anonyme parce que je préfère être prudente, compte tenu du contexte actuel sur la question de la transidentité. Moi, je n’ai pas subi de pression particulière pour ne pas m’exprimer ; comme je le disais, au niveau de mon service à l’hôpital, on était très ouvert sur le dialogue. Pas de souci avec mes amis ; dans la majorité des cas, on peut encore discuter même quand on n’est pas d’accord. J’ai des amis qui sont tout à fait d’accord avec moi, puis d’autres qui sont très libérales, mais on arrive à échanger. Par contre, j’ai déjà perdu des amies. Certaines qui ne pouvaient pas du tout accepter mes questions, même quand je ne les posais pas ; c’est juste qu’elles savaient que j’avais ces idées-là, et c’était suffisant pour qu’on ne soit plus amies, ce que je respecte. Mais ce qui moi, m’inquiéterait si je ne témoignais pas de façon anonyme, c’est plutôt au niveau pro, parce que même si moi, ça ne m’a pas atteinte, ça m’a pas touchée, je connais et j’ai vu – on a tous vu – des exemples de personnes qui ont eu des carrières arrêtées, ou alors qui ont eu des manifestants ou des étudiants qui ne voulaient plus venir à leur cours… Enfin, des choses comme ça, parce qu’ils étaient critiques au niveau de la définition du genre ou qui posaient simplement des questions. Et ça, moi c’est quelque chose qui peut m’inquiéter pour mon avenir pro, parce que je ne sais pas dans quel service je serai après, je ne sais pas si on posera ces questions là, et puis je suis quand même encore en lien avec le monde universitaire, et les étudiants sont parfois … (et je m’inclus dedans, parce que j’étais pareille à leur âge, c’est normal, ça fait très vieux de dire ça mais c’est vrai), les étudiants ont souvent l’impression d’avoir beaucoup de réponses, et ne supportent pas d’entendre des questions. 

Mais en fait c’est notre rôle, en tant que profs, de leur faire prendre conscience qu’ils ont surtout des questions à poser, et pas encore des affirmations. 

Donc ça c’est aussi une des raisons pour lesquelles je préfère être anonyme. 

En fait, la raison pour laquelle j’ai voulu aujourd’hui faire cette interview-là, le  moment où j’ai pris cette décision, parce que j’écoutais déjà les podcasts de “Rebelles du Genre”, j’en avais entendu plusieurs, ils m’avaient beaucoup intéressée et puis j’étais super contente d’entendre en plus des jeunes qui posent ces questions-là, qui sont dans les mêmes milieux que moi, qui sont aussi de gauche. Parce qu’ il y a une sorte de méconception qui, je pense vraiment fait exprès de la plupart de certains militants transactivistes, de prétendre que quand on est critique du genre on est de droite. Et ça j’aimerais bien qu’on en parle (rires) parce que ce n’est pas vrai ! 

Moi je dirais qu’il y a trois courants au niveau de la question de “qu’est-ce que c’est le genre ?”, “qu’est-ce que c’est un homme ?”, “qu’est-ce que c’est une femme ?”. Je pense qu’ il y a un premier courant qui est celui du féminisme libéral, donc le mainstream où pour eux le genre c’est un ressenti, c’est autodéterminé et c’est à célébrer, c’est super. Bon. Ensuite on va avoir les féministes radicales qui vont dire : “Non, pour nous le genre c’est un construit social qui permet de justifier et pérenniser notre oppression sexuée” et ensuite on va avoir des conservateurs donc de droite qui vont dire : “Le genre c’est effectivement lié au sexe”, donc ils vont dire la même chose à peu près que les féministes radicales au moins au début, sauf qu’elles vont dire très très vite que c’est très bien ! En fait les personnes conservatrices, elles ont plutôt tendance à dire que on est en tant que femme ou en tant qu’homme, donc c’est à dire en tant que femelle ou en tant que mâle attiré par certaines choses, on a certains comportements et tout ça c’est justifié, faut qu’on le pérénnise. Et donc c’est pour ça que ces personnes-là souvent considèrent que si on est par exemple une jeune femme lesbienne, au fond c’est qu’on n’est pas vraiment une femme donc il faut qu’on transitionne. C’est pour ça qu’il y a plein de pays de droite où c’est plus facile d’être trans que d’être lesbienne par exemple.

Pour revenir au moment où j’ai décidé de témoigner, c’était un matin je m’en souviens très bien il y a je crois deux-trois mois quelque chose comme ça, j’étais tombée sur un compte Instagram qui m’a été proposé par Insta, d’un homme trans qui présentait des pancartes qu’il ne fallait plus utiliser en manif. Il y en avait une entre autres qui ne me dérangeait pas du tout, c’était un truc du style… Ah je ne sais plus mais en gros, ça faisait le lien entre le féminisme et notre corps. Notre corps sexué, qui est du coup celui qu’on viole, qu’on agresse, qu’on frappe voilà, c’est mon corps quand même.

RDG – Je crois qu’il y avait “lâchez-nous les ovaires” par exemple.

Clara – Ouais, je crois que c’était quelque chose comme ça. Dans  la description de la publication, ce mec trans disait : “Il faut qu’on arrête de parler comme ça, de lier le corps des femmes au féminisme parce qu’ il n’y a pas que les femmes qui subissent” et qui dit cette phrase : “Le sexisme n’est pas lié à notre sexe”. Alors ça moi quand j’ai lu ça, j’ai bondi de ma chaise et je n’ai pas pu m’empêcher de commenter en disant : “Mais ça n’a pas de sens ! C’est dans le mot, c’est dans le mot, dans le sexisme il y a le mot sexe! C’est nos corps qui sont attaqués ! Toutes les lois qui sont faites contre les femmes c’est par rapport à notre corps, toutes les agressions qu’on subit c’est sur nos corps. On s’en fout de notre genre quand on nous agresse enfin, tu as beau de sentir non-binaire ou un mâle à l’intérieur, le mec qui veut agresser il voit juste que tu es un corps femelle et c’est ça qui l’attire et c’est ça qu’il va agresser. Il s’en fiche du reste”. Et donc que l’ on puisse séparer comme ça le sexisme de nos corps, alors que c’est nos corps qu’on protège dans le féminisme depuis le départ, c’est le plus gros débat c’est ça, c’est l’IVG, c’est la contraception c’est le viol enfin, c’est l’excision, tout ça c’est un lien à notre corps. Donc j’ai mis un commentaire pour dire ça, pour rappeler cette importance du corps. Et comme cette personne n’a pas du tout apprécié mon commentaire, il m’a répondu et dans sa réponse il y avait l’accusation que j’étais droite ! (rires) 

Donc du coup je lui ai répondu que pour moi, défendre le corps des femmes contre toutes les oppressions qu’elle subissent et défendre l’importance de pouvoir avoir des définitions pour justement savoir qu’on parle, ça me paraît être un combat plutôt humaniste de gauche et féministe, alors que militer pour l’idée qu’il ne faut plus parler des droits des corps des femmes, qu’il ne faut plus utiliser le mot “clitoris”, qu’il ne faut plus utiliser le mot “ovaire” en manifestation, que finalement ce n’est pas parce qu’on est des femmes qu’on est agressée, mais c’est parce qu’on se ressent femme on est agressée, pour moi c’est ça qui serait hyper conservateur et hyper rétrograde. J’ai mis un long commentaire quand même pour expliquer ma pensée, à aucun moment encore une fois insultant, je n’ai pas non plus mégenré cette personne, j’ai vraiment été la plus respectueuse possible avec une personne qui n’est pas d’accord avec moi. Et la réaction a été que tous mes commentaires ont été supprimés, alors qu’il y avait plein de gens qui répondaient et la discussion était intéressante. Il y avait un vrai débat qui se mettait en place, qui était respectueux.  Mes commentaires ont été supprimés et j’ai été vraiment bannie. C’est-à-dire que ce compte, je ne peux plus le retrouver sur Instagram. Pour moi il n’existe plus. Évidemment si je me connecte à un autre compte il existe encore. 

Moi, ça m’a paru fou, parce que je voulais juste donner un autre point de vue. Et en plus de ça, rétablir une vérité qui était que non, les féministes radicales ne sont pas de droite. Et bien ni l’un, ni l’autre, n’étaient considérés comme acceptables. 

Et je considère que, quand on a un compte militant, le but c’est quand même de discuter, c’est pas bannir les commentaires des gens qui ne sont pas d’accord avec soi. Sinon, il n’y a plus d’échanges.

Et le militantisme c’est ça : c’est du débat d’idées, pour qu’on puisse trouver des compromis qui nous permettent de fonctionner en tant que société, c’est le but, quand même. Ce n’est pas de créer un petit monde entre soi, où on crée un petit village, où on est d’accord. 

Enfin ce n’est pas ça! 

Là encore, j’ai été confrontée au fait que pour ces personnes-là, le principe de réalité, il n’est pas acceptable. 

Dire des réalités comme “Notre oppression est basée sur notre corps”,  ou dire des réalités comme “Bah non, les féministes radicales, elles sont de gauche”, eh bien ce n’est pas acceptable. C’est très problématique!

RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme?

Clara – Ce n’est pas une anecdote, c’est quelque chose qui s’est répété maintes et maintes fois, et presque une expérience sociale que je fais depuis 10 ans. C’est-à-dire que, à chaque fois que je discute avec des personnes qui sont d’accord avec le féminisme libéral, et avec cette vision-là du genre, dans le débat il y a toujours un moment où je reviens à la base. C’est le principe de tout débat philosophique, c’est les définitions. Donc à chaque fois, je demande, avant qu’on parle du reste : “Pour toi, c’est quoi une femme, c’est quoi un homme, et c’est quoi la différence entre les deux, qui fait qu’on préfère s’identifier à l’un ou l’autre?” 

En dix ans, je n’ai jamais eu de réponse, jamais!

Je suis toujours estomaquée, et j’attends avec un espoir infini qu’un jour, quelqu’un daigne me répondre. 

Mais soit on me répond : “Ta gueule, sale Terf”, soit on ne me répond pas, soit mon commentaire est supprimé. C’est TOUJOURS ça.

Soit parfois, on me répond : “C’est différent pour chaque personne”, et à partir de là, moi, j’insiste un petit peu en disant que les mots ont quand même un sens, et ils servent à se comprendre les uns les autres. Donc qu’on ait des nuances dans la définition, je veux bien, mais il faut quand même qu’il y ait une base commune. 

Bon. Là, à ce moment-là, soit je suis une sale transphobe, soit je suis bannie, soit mon commentaire est supprimé…

Je pense sincèrement que, si on ne me répond pas, c’est parce que la réponse ne peut pas être en accord avec le féminisme. 

Je pense sincèrement que la réponse c’est : “Mais une femme, c’est quelqu’un qui s’identifie aux stéréotypes qu’on associe au genre”. Un homme, c’est quelqu’un qui s’identifie à ces stéréotypes-là!

Mais ça, on ne peut pas le dire, quand on est féministe, puisque c’est contre ça qu’on combat! Et donc, je pense que cette absence de réponse, et cette agressivité, elle vient d’une dissonance cognitive énorme entre, d’un côté, “je ne dois pas être transphobe” et, de l’autre côté, “Ah oui, mais être une femme, et être un homme, ça ne peut pas être des stéréotypes!” 

Et je pense sincèrement que l’agressivité, elle vient de là.

Si je retiens un truc de mes débats dans ce milieu-là, c’est vraiment ça.

L’autre chose qui me vient à l’esprit, c’est que je suis extrêmement heureuse d’avoir la chance d’avoir été élevée dans un milieu où on est critique, et où il faut poser plein de questions, et où il faut débattre.

Parce que si je n’avais pas eu cette chance-là, sincèrement, à l’âge où j’ai été en contact avec le transactivisme, je serais tombée comme mes patientes, j’en suis sûre. Parce que c’était un âge où j’étais extrêmement vulnérable, où je me posais aussi des questions sur mon orientation sexuelle (parce que, en tant que bisexuelle, on est toujours renvoyées à l’idée qu’on ne sait pas ce qu’on veut, etc.) donc du coup, je me questionnais beaucoup là-dessus.

Je me questionnais parce que j’étais une toute jeune femme, je venais d’avoir 17-18 ans, je ne savais pas comment me présenter vraiment au monde. Je ne savais pas si je voulais être féminine ou pas, dans mes attitudes, dans mes vêtements.

J’avais déjà subi plusieurs agressions sexuelles, et j’étais très, très en difficulté par rapport à ça. 

Parce que je n’avais pas les mots.

Parce que je n’en parlais pas.

Parce que ça me bouffait de l’intérieur.

Je n’avais pas de réponse, je ne me rendais vraiment pas compte de ce qu’il se passait.

Et en plus de ça, au niveau de ma socialisation genrée, ça a toujours été un peu particulier, parce que mes parents m’ont élevée dans quelque chose d’absolument neutre : j’ai toujours pu faire tout ce que je voulais, et autant avec des Barbies qu’avec des trucs de construction, j’étais autant en short qu’en robe. J’ai fait des sports de combat, je me déguisais en pirate…

J’ai pu être très libre là-dessus, et donc parfois en décalage avec d’autres petites filles.

Et c’était le cocktail parfait pour que l’argumentaire du : “T’es pas dans le bon corps”,  du “En fait, t’es pas une fille!” fonctionne.

Et il a fonctionné. Il a fonctionné un an, deux ans, où vraiment, je commençais à mettre des petits points quand j’accordais mes phrases, où je disais que j’étais agenre, qu’il ne fallait pas dire que j’étais une femme, parce que ça me blessait, parce que ça me mettait mal pendant des jours.

En fait, c’était le contact avec la réalité qui me mettait mal.

Parce que je n’étais pas prête à l’entendre. Et en plus, pendant un an, deux ans, ça m’a retardée de prendre rendez-vous chez des psy, et de traiter mes traumas sexuels. parce que j’avais la solution idéale : si je n’étais pas bien dans mon corps, bah c’est parce que j’étais pas vraiment une femme, et qu’il fallait que je change mon corps. 

Alors que si je n’étais pas bien dans mon corps, mais c’est parce qu’on m’avait violée pendant des années, enfin! 

A un moment donné, la réalité c’était celle-là! Mais elle était tellement plus dure à entendre que moi, le discours transactiviste, je l’ai acheté direct, c’était vachement plus facile! Plus difficile pour mon corps si j’avais continué, mais plus facile pour mon cerveau. Donc je suis extrêmement contente d’avoir eu la chance, au bout d’un moment, de revenir sur mon éducation, mon esprit critique.

Mais je l’ai vécu personnellement, ce danger-là! 

Je sais exactement comment j’aurais pu finir, je le vois chez mes patients tous les jours. Et du coup moi ça me gêne beaucoup quand les gens disent : “Oui, si vous critiquez le genre c’est que vous êtes transphobes, puis c’est tout, vous êtes des personnes haineuses”. C’est peut-être aussi tout simplement qu’on a été dans ces milieux là et qu’on a vu le danger que ça a pu avoir pour nous ou pour nos amis et qu’on est inquiète en fait tout simplement. Et que ça nous a fait souffrir et je pense qu’on peut aussi avoir de l’empathie pour nous, moi j’ai beaucoup d’empathie pour les personnes qui souffrent de dysphorie du genre parce que c’est dur, parce que même moi d’une certaine façon je l’ai vécu. Et j’aimerais juste qu’on puisse écouter les points de vue de tout le monde parce que quand on dit : “écoutez les concernés”, c’est écouter tous les concernés, pas que ceux qui sont d’accord avec soi.

Au niveau de mes patients, ce que j’ai eu comme chose qui nous a beaucoup choqué au niveau de l’équipe, c’était trois situations : la première c’était (alors je vais volontairement utiliser les pronoms de naissance de ces patients parce que nous quand on les a rencontrés, c’est cela qu’ils utilisaient et qu’ils ont changé du jour au lendemain et qu’en plus de ça, selon leur clinique, on considère que ce n’est pas bon d’utiliser d’autres pronoms parce que c’est un évitement donc c’est le choix que je fais et ces patients sont d’accord pour ça), donc le premier c’est un patient, c’est celui dont je parlais tout à l’heure de 18 ans, j’ai un jeune homme homosexuel, qui vient d’une famille religieuse, pour qui l’homosexualité c’est pas top et qui voit une réponse très rassurante dans la transidentité tant au niveau de lui pour être en accord avec ses parents, tant au niveau des parents. Parce que du coup pour eux, et je suis désolée pour les termes, mais c’est plus dur d’avoir un enfant “pédé” que d’avoir un enfant qui en fait sur une fille à l’intérieur. 

C’est le discours qui nous est venu des parents. Donc ce patient là : 18 ans, homosexuel, famille très homophobe et bien il va voir un endocrino très connu pour délivrer l’hormonothérapie très rapidement. En une séance, il a sa prescription. Et du coup en une séance, et bien il ne vient plus nous voir.

Donc il a arrêté son suivi psychiatrique, il a arrêté son suivi familial et toute la famille a trouvé une réponse convenable pour traiter son homosexualité. Parce que très concrètement, c’est ça dans le cas de cette famille. 

Donc il y a eu cette situation là, j’espère qu’il va bien aujourd’hui, la deuxième situation chez moi m’a beaucoup questionné, c’est une patiente qui est encore en questionnement, donc qui n’ est pas tout à fait décidée sur “est-ce qu’elle est non binaire ou pas ?”, qui a un diagnostic de structure psychotique, on n’est pas encore sûr si c’est une schizophrénie ou pas, elle est trop jeune et pas assez décomplétée  pour qu’on s’affirme là-dessus et parce qu’on est précautionneux mais en tout cas il y a vraiment quelque chose d’important au niveau de son fonctionnement et grave. Et cette patiente-là a rencontré un médecin généraliste qui est connu pour faire du lien avec les associations LGBT. Donc avant de le rencontrer, avec nous elle était en questionnement, on pouvait discuter de plein de choses, c’était super intéressant. Pareil d’ailleurs c’est une patiente lesbienne qui vient d’une famille religieuse. Et donc du jour au lendemain après ce rendez-vous avec le thérapeute et bien tout était un peu réglé pareil, on ne parlait plus des problèmes de fond et elle était très très heureuse d’avoir cette solution là et on lui proposait une hormonothérapie qui se mettrait en place au bout de deux à trois séances. 

Moi j’ai demandé à cette patiente si je pouvais avoir un contact avec le médecin pour que le médecin sache qu’ elle est quand même suivie en psychiatrie et que c’est important que l’on puisse faire du lien interdisciplinaire pour savoir si c’est la bonne solution pour cette patiente qui n’est pas tout à fait en état de consentir parce que délirante. Du coup je n’ai pas pu parce que la patiente ne veut pas puisqu’elle est délirante et le médecin n’a pas fait l’effort de savoir si elle était suivie ou pas.

On ne sait pas ce que ça va donner avec le mélange avec ses traitements anti psychotropes, on ne sait pas le mélange que ça va donner…

Voilà troisième anecdote : une jeune patiente aussi avec un personnalité borderline gravissime qui a fait beaucoup de passages à l’acte, beaucoup de passages aux urgences, plein de tentatives de suicide, qui a vécu de l’inceste, ensuite plusieurs viols adulte, enfin une histoire terrible ! Pareil, elle est allée consulter dans une asso, elle ne m’a pas dit laquelle donc je ne sais pas, mais dans une asso qui est plutôt pro transition on va dire. Alors elle par contre, elle leur a dit qu’elle était suivie donc c’est super qu’elle ait eu cette honnêteté-là. Mais d’après ce qu’elle m’a dit, ils lui ont répondu que ce n’était pas grave. Que du coup si en fait elle était borderline, c’était probablement pas vraiment à cause de ces traumas sexuels et de ses traumas affectifs, c’était parce qu’en fait au fond elle était un garçon et que parce qu’elle était un garçon elle allait mal, elle n’a pas eu les codes et c’est pour ça qu’elle s’est fait violer et c’est pour ça qu’elle a été agressée etc etc…

Donc un renversement complet de la lecture de son histoire de vie et du coup bah cette patiente c’est aussi celle dont je parlais tout à l’heure, qui considère que la “elle” qui a été violée, elle est morte et donc il faut changer, il faut être quelqu’un d’autre maintenant.

Moi je ne comprends pas comment ces médecins, ces psychologues, ces infirmiers,  ils peuvent ne pas questionner l’histoire psychiatrique des patients, ils peuvent ne pas rechercher s’il y a du délire, ils peuvent ne pas rechercher s’il y a de l’évitement, ils ne font pas de travail pour voir s’il y a un trauma… Bon, moi, en tout cas, comment je fonctionne avec ces patients-là? C’est que moi, je leur dis dès le départ que je ne vais jamais les pousser dans une direction, que ce soit vers une transition, ou pas. Je leur dis, par contre, que leur souffrance, elle est réelle, que je la vois, qu’ils vont objectivement mal. 

Est-ce que la transition hormonale et chirurgicale, ou juste sociale, ce sera une réponse? Je ne sais pas. 

Ils peuvent essayer.

En tout cas, ce que je leur dis, je suis très honnête avec eux, je leur dis : c’est une solution pour certaines personnes, il y a des personnes qui vont mieux après. Il y en a d’autres qui ne vont pas mieux, et qui restent comme ça, d’autres qui ne vont pas mieux et qui détransitionnent. 

Et on n’a aucun moyen de savoir qu’est-ce qui marche le mieux, et pour quel type de profil, parce qu’il n’y a pas d’études qui sont faites, parce que faire ces études-là, c’est considéré transphobe. 

Donc on ne sait pas, mais moi, mon rôle, c’est de les accompagner. 

Pour que d’abord, on explore “Qu’est-ce que c’est pour eux les représentations du féminin et du masculin, et pourquoi ça pose question ? C’est quoi leur rapport à leur corps? C’est quoi leur rapport aux autres ?” 

On va passer un bon moment à parler de ça, plusieurs mois s’il le faut. Ensuite, si vraiment on ne trouve pas déjà des pistes d’amélioration sur ça, pourquoi ne pas aller rencontrer un médecin pour commencer à parler de cette question de transition, et de garder à l’esprit qu’on y va petit à petit. 

Et on fait du moins invasif au plus invasif. On fait dans cet ordre-là, pas l’inverse. 

Parce que c’est logique : on commence par ce qu’on peut enlever, et on leur disant bien que ce qui compte, c’est eux, ce n’est pas ce qu’ils lisent sur internet. 

Si on leur dit sur internet que s’ils ne transitionnent pas, ils vont se suicider, c’est peut-être vrai pour plein de gens, ce n’est peut-être pas vrai pour eux.

De toute façon, nous on est là pour les accompagner, pour être avec eux au quotidien. Ça va aller, on est là au jour le jour, donc on y va doucement, et surtout avec l’idée qu’on peut reculer. 

On peut commencer, pourquoi pas, à faire une transition sociale, voir comment ça nous fait nous sentir, et puis finalement, on se rend compte qu’en fait, bah non, le problème de base il n’est pas parti. 

On revient en arrière, ce n’est pas grave. Ce n’est pas grave de se tromper.

Moi j’essaie de développer avec mes patients une approche plus exploratoire, où on peut dialoguer, et on verra ce qui est bon pour eux, rien que pour eux. 

Donc moi, c’est comme ça que je travaille avec mes patients.

C’est que je leur dis : “Je ne suis pas là pour vous dire quoi faire, contrairement à ce qu’on vous dit un peu sur internet. Je suis là pour que vous, vous trouviez la bonne solution, pour vous”. 

Et j’aimerais qu’on puisse avoir plus de recherche, pour qu’on puisse savoir quoi faire de ces dysphories de genre, parce que c’est effectivement, une souffrance, et qu’il faut qu’on sache quoi en faire, quoi. 

Donc voilà : mon vocabulaire avec eux, c’est ça. 

Et je m’adapte à chacun.

RDG – As-tu quelque chose à ajouter ?

Clara – Si je devais rajouter quelque chose, ce serait vraiment d’affirmer l’idée que je pense que c’est très important, parce qu’on vient en société, que de toute façon on vit tous ensemble, on n’a pas le choix, on ne peut pas s’enfermer les uns les autres dans d’autres pays, donc on vit ensemble, et on construit un projet de société ensemble.

À partir de là, ça me paraît impossible, même si on est en désaccord fondamental, de juste s’ignorer les uns les autres, de se bannir les uns les autres, de s’insulter dès qu’on n’est pas d’accord, et de partir du principe qu’il y en a un qui sera du bon côté de l’histoire, et puis les autres, ils seront effacés.

La question de la transidentité, c’est une question qui anime beaucoup les passions, parce que c’est une question qui nous touche tous, en fait. Parce que la question de “Qu’est-ce que c’est le genre, le sexe, l’identité ?” c’est une question par laquelle on passe tous, il n’y a pas besoin d’être trans pour ça.

Ça fait partie du développement psycho affectif normal, en fait.

Donc c’est des questions qui nous concernent. Si on change des définitions, ça va concerner tout le monde, ça va poser des problèmes, peu importe le choix qu’on prend, dans tous les cas il y a toujours des gens qui vont passer sous le bus. 

Donc c’est essentiel de pouvoir faire l’effort, quand on en est capable (parce que parfois on est trop dans la situation, donc on est trop émotionnellement impliqué, et c’est normal, dans ce cas-là, de se mettre à l’écart), mais de laisser ceux qui le veulent, pouvoir discuter ensemble.

Moi, j’adorerais qu’on puisse créer un, je ne sais pas, un collectif de féministes radicales et de féministes libérales, pour qu’on puisse discuter, et qu’on se mette d’accord, quoi. Parce que notre combat, de base, c’est le même. 

Sauf qu’à force de déployer tellement d’énergie à se tirer dans les pattes, on ne se bat même plus pour ce qui est le plus essentiel aujourd’hui. 

Et j’aimerais vraiment que les personnes qui écoutent, que ce soient des personnes qui sont d’accord, ou des personnes qui se questionnent, ou des personnes qui trouvent que je suis une grande méchante Terf, qu’elles entendent que, vraiment, en toute sincérité, je n’ai aucune haine à l’égard des personnes, soit qui se considèrent comme trans, comme non-binaires, comme dysphoriques de genre, comme transsexuelles. Parce qu’il y a plein de gens qui utilisent des mots différents, selon leur âge, leur génération, leur culture, etc. 

Peu importe comment elles se définissent, moi je vois des personnes en face de moi, avec lesquelles je ne suis pas d’accord, mais c’est tout!

Je ne suis pas d’accord avec certaines idées.

Parce qu’il y a des gens qui disent “Les critiques du genre, elles veulent qu’on arrête d’exister, les critiques du genre, elles nous haïssent, les critiques du genre, elles veulent que les trans n’existent plus…” 

Non. Ce n’est pas le sujet.

C’est à dire que si on n’est pas d’accord avec une idée, on ne veut pas que la personne disparaisse pour autant. 

C’est un petit peu comme quand on est un peu athéiste militant, et qu’on critique les religions : on ne veut pas que les croyants disparaissent, et meurent! On ne les déteste pas, on critique juste une idée.

Là, c’est pareil : l’idéologie aujourd’hui majoritaire dans les médias, de transactivisme, et bien on n’est pas d’accord avec. 

Ça ne veut pas pour autant dire qu’on veut que les gens souffrent.

Moi, je pense que le débat serait plus apaisé si on était un petit peu tous capables d’entendre que c’est une question de, vraiment, de définitions, et qu’est-ce qu’on met derrière, et quelles conséquences ça a.

Voilà, je suis très ouverte à l’idée de dialogue. 

RDG –

S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe :  womensdeclaration.com 

Rebelles du genre – Épisode 56 – Anna

Anna – Bonjour, je m’appelle Anna, j’ai 23 ans, je vis en Bretagne et je suis russe. Je vis en France depuis 7 ans. Je m’intéresse beaucoup au féminisme depuis que j’étais au collège, mais je m’intéresse également aux nouvelles technologies (comme la réalité virtuelle par exemple ou la réalité augmentée), à la sociologie (par exemple des mouvements qui semblent un peu autoritaires ou sectaires). Et je considère que le mouvement transactiviste est intéressant à étudier sur ces points là : des nouvelles technologies ou l’aspect sectaire.

Mon parcours de critique de genre est un peu en lien avec ma mère. Quand j’étais au collège, je passais beaucoup de temps sur Tumblr où j’ai goûté au féminisme libéral. Et quand je suis partie au lycée, j’ai migré en France. Pendant ce temps là, ma mère, qui habite en Russie, n’était pas féministe. Mais après avoir subi des violences misogynes, elle est devenue féministe radicale. 

Quand on discutait du féminisme, je n’étais pas toujours d’accord avec elle et je répétais tout ce que j’avais lu sur Tumblr : Libfems et transactivistes. Pendant ces années-là, donc il y a 7 ou 5 ans, Tumblr était vraiment le berceau de ces deux mouvements, bien que la réalité que j’ai vécue (en Russie surtout) et que ma mère a vécue ne s’appliquait pas vraiment aux idées que je pouvais lire en ligne. 

Quand j’ai fini le lycée et que j’étais en études supérieures, j’ai découvert, sur Reddit, un subreddit qui s’appelle “female dating strategy”. C’est un subreddit où il n’y a que des femmes. Les hommes sont éloignés de ce subreddit.

Ce qui était différent, c’est que c’était un subreddit critique du genre et sans être misogyne. Il parlait de la violence masculine et cela m’a ouvert les yeux. Notamment un thread sur des violences masculines, où il y avait des femmes de dizaines de pays différents qui parlaient de leurs expériences. Et c’est comme ça que je me suis rendu compte que c’était partout pareil.

En même temps, je passais mon temps sur un forum anonyme qui s’appelle “Lolcow”. C’est comme Fortune mais il est non mixte et critique du genre. Alors il y a une culture très particulière. Ça parle surtout des personnalités publiques ou influenceurs qui sont bizarres. La culture est assez hard. C’est pas très bienveillant. 

Mais un jour, je suis tombée sur un thread qui documentait des hommes transidentifiés. Je pense que c’est leur thread le plus populaire parce que les médias mainstream et les réseaux sociaux sont totalement sur ce type de contenu. Et quand j’ai vu cette face cachée du transactivisme, avec les autogynéphiles, le porno dans les toilettes, la pédocriminalité, ça m’a piqué, très très vite. Et j’ai fait le lien entre la violence des transactivistes et la violence masculine normale que j’ai vu sur Reddit.

Après, je me suis intéressée au contenu et aux idées purement radfems. J’ai commencé à lire des livres de théorie radfem. Alors les livres d’Andrea Dworkin, bien sûr, et le tout dernier livre que j’ai lu et qui m’a vraiment marqué, c’est le livre de Caitlin Roper qui s’appelle Sex Dolls, Robots and Woman Hating, qui est très récent et c’est vraiment bien écrit. 

Et maintenant je parle souvent du féminisme radical avec ma mère qui participe au mouvement antimilitariste et féministe en Russie et qui est très choquée d’apprendre la situation en France concernant la violence transactiviste. Parce que, quand on migre, et qu’on était dans une famille assez libérale de la classe moyenne, on a une image de l’Europe de l’Ouest très positive. C’est vraiment là où les droits des personnes homosexuelles ou des femmes sont respectés. C’est un peu le pays des bisounours. Quand on arrive et qu’on voit que non, pas du tout, que les féministes sont frappées et éloignées des manifs anti-avortements, on a un peu les rêves brisés. Ça rappelle un peu trop les violences anti-féministes dans le pays d’origine. En URSS, il y avait aussi des thérapies de conversion pour les personnes homosexuelles, notamment pour des lesbiennes, qui étaient envoyées en camp de travail, je crois que c’est au Kazakhstan. Et les médecins soviétiques, qui faisaient des recherches sur comment éradiquer l’homosexualité, les exposaient à la thérapie de conversion par des hormones et identifiaient les lesbiennes masculines comme des hommes.

NOTE : 1/ Sur les thérapies de conversion des homosexuels et en particulier des lesbiennes en URSS. Source : Functional female sexopathology, V. Zdravomyslov, 1985

Rebelles du genre – Donc ils faisaient transitionner les lesbiennes pour régler la question de l’homosexualité?

Anna – Oui. Dans leur livre, ces médecins Soviétiques avaient écrit en épilogue: “En espérant que, dans le futur, ce sera possible de commencer la thérapie de conversion par hormones le plus tôt possible pour éradiquer l’homosexuelité de ces personnes.”. Je crois que ce livre est en anglais.

Rebelles du genre – Ok… Je savais qu’il y avait de l’homophobie, par contre je ne savais pas que l’homophobie était réglé comme en Iran, par la transition. En Iran, c’est pareil, ils font de la chirurgie de réassignation sexuelle, comme ça ils n’ont plus d’homosexuels. 

Anna – Je ne sais pas si c’est vraiment pour se transformer en homme, ou juste pour que si on te donne telle hormone tu vas tu vas arrêter d’être attirée par les femmes. J’ai pas trop compris.

Rebelles du genre – De toute façon, ça ne marche pas comme ça. C’est un long sujet. Il faut juste foutre la paix aux lesbiennes. C’est juste ça : foutez la paix aux lesbiennes. Point. Elles sont très très bien là où elles sont : lâchez-les.

Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie ?

Anna – Pour la société et la démocratie : le transactivisme s’inscrit parfaitement dans le modèle “BITE” qui est développé par Steven Hassan, qui est un expert sur les dérives sectaires. Steven Hassan, qui a écrit un livre qui s’appelle Combating Cult Mind Control. Ça parle de dérives sectaires qui peuvent être religieuses mais aussi politiques par exemple, et quels sont leurs signes. Le transactivisme, c’est une croyance. On peut croire à Jésus, ou au Père Noël, ou qu’au fond de nous il y a un homme qui vit. C’est une croyance avec des signes de dérive sectaire parce que ça contrôle ces adhérents. Par exemple, ça limite l’accès aux informations.

Note : 2/ Sur le modèle BITE : L’acronyme B.I.T.E. désigne le schéma de contrôle de l’esprit appliqué dans les sectes à structure pyramidale : le B c’est pour “Behaviour”, le contrôle du comportement, le I pour le contrôle de l’information, le T pour “Thoughts”, le contrôle des pensées, et le E pour celui des émotions.

Rebelles du genre –  Oui, par rapport à cette question, à ce point, par exemple on peut nous dire : “ Allez signaler ce compte mais surtout ne lisez pas ce qu’il y a dedans.”.

Anna – Oui. En fait, ça limite l’accès aux informations en disant qu’il ne faut pas aller regarder ou lire certaines personnes qui ne sont pas d’accord avec le dogme. Ça ressemble un peu aux sectes religieuses qui disent : “N’allez pas dire tels livres ou n’allez pas parler avec certaines personnes, ils sont influencés par Satan”. Bah là, ils sont influencés par les terfs, surtout n’allez pas parler aux personnes qui sont sorties de la secte (donc ici c’est les personnes détrans). Il faut toujours contrôler ce que les autres disent, donc si votre adepte dit quelque chose que vous ne pensez pas correct, il faut toujours faire la chasse aux sorcières, dénoncer.

On a aussi affaire à ce que l’auteur appelle les Thoughts Stopping Affirmations : ce sont des informations, des phrases, qui coupent complètement la réflexion. 

On le connaît tous, c’est “Trans women are women”qu’on dit à chaque fois qu’on nous demande de réfléchir un peu. 

Ce que je trouve intéressant dans les sectes, c’est qu’il y a aussi des phrases qu’on doit tout le temps répéter, ou même une pratique de chanter certaines choses. Ça m’a fait penser à la réunion de Nous Toutes (je sais pas si vous avez vu la vidéo) où il y a toute une salle de personnes, de femmes, qui chantent “La transphobie tue, la transphobie tue!”. 

Non, elle tue une personne en moyenne en France, si je ne me trompe pas. Et ça aussi : pourquoi donner à des personnes des statistiques erronées qui vont leur faire peur, qui vont les convaincre qu’elles sont isolées et persécutées? 

Ça aussi, c’est une technique de secte. 

Rebelles du genre – Alors, juste pour dire, quand même, les personnes trans qui sont tuées, il y en a quand même pas une par an et, en France, les deux dernières fois où ça s’est produit, c’était des personnes qui malheureusement étaient victimes de traite prostitutionnelle et qui étaient assassinées par leur proxénètes ou par les prostitueur, clients-violeurs. Ce n’est pas les trans. Enfin, je ne sais pas si on peut appeler ça de la transphobie. Moi je pense que c’est surtout de la violence masculine et ce ne sont certainement pas des féministes. 

Les féministes n’ont jamais tué qui que ce soit. Jamais. 

Peut-être qu’elles devraient s’y mettre et elles deviendraient crédibles à ce moment-là, peut-être, mais dans tous les cas, jusque là, les personnes trans qui ont été tuées ne l’ont jamais été par des féministes. 

Anna – Oui, c’est parce que j’ai lu un article de RadCaen. Dans la source qu’elle donnait, c’était une association qui veille sur les meurtres de personnes trans et effectivement, en France, c’était ça, en moyenne. Mais c’était tous genres et motivations de crime confondus. 

Mais je ne suis pas sûre qu’il y ait des études qui parlent vraiment de violence et de meurtres transphobes, qui touchent disproportionnellement des femmes trans comme on aime le raconter.

Cette croyance, pour moi, de transactivisme, n’est pas juste sur les marges de la société, mais elle est imposée au niveau légal dans certains pays, comme le crime de mégenrage, ou le crime de non-reconnaissance du genre de la personne. Cette croyance ne respecte pas la liberté de la parole (ça on l’a bien vu avec toutes les féministes qui sont harcelées, censurées). 

C’est une croyance qui est violente, sans presque jamais être punie. 

Et en dehors du cadre légal, les transactivistes censurent non seulement des personnes individuellement sur les réseaux sociaux, avec les chasses aux sorcières où ils signalent en masse le compte de quelqu’un, mais ils ont aussi le pouvoir de faire disparaître des sites entiers qui dénoncent et qui documentent leur comportement. 

C’était le cas de Kiwi farms. 

Kiwi farms, c’est un site qui est un peu comme Lolcow : c’est un forum anonyme où on documente, de manière pas très bienveillante, les comportements de personnes en dehors de la norme. 

Notamment il documente Chris Chan, un homme transidentifié qui a violé sa mère. 

Il documentait aussi Keffals. C’est une figure de transactivisme très intéressante. C’est un influenceur, on peut dire, un streamer twitch, un homme transidentifié, qui “groome” des enfants. Parce qu’avec son pote (qui est un peu aussi streamer et homme transidentifié, Bob Posting), ils avaient ouvert un serveur Discord avec des mineurs, des jeunes garçons, à qui ils exposaient leur kink de “catgirl”. Ça sort de la culture manga, c’est des filles avec des oreilles. Je ne sais pas pourquoi mais les transactivistes adorent ce type de personnage et le cosplay souvent de manière assez sexualisée. 

Donc sur ce Discord, Keffals révélait son kink aux enfants, et les encourageait à s’habiller de cette façon et à être sexuel. 

Pour moi, c’est du grooming. 

Et pourquoi il faisait ça, à part pour le plaisir sexuel? Il fait (ou faisait) la promotion d’un site “DIY  HRT” qui vend des hormones de transition aux mineurs sans être une entreprise pharmaceutique, qui est connue sans aucune licence. Et ça, ça ne passe pas dans les médias mainstream. Et ça passe à côté de toutes les lois, j’ai l’impression.

Je sais que c’est un sujet que, si tu ne passes pas 10 heures par jour sur Internet, peut-être tu n’es pas forcément au courant. Mais je ne trouve pas ça normal qu’un mouvement puisse, limite, avoir des dealers dans ses rangs et… personne ne fait rien!

Je trouve que c’est un mouvement purement capitaliste et autoritaire. 

RDG – Qu’est-ce qui t’a décidé à témoigner sous ta réelle identité? Est-ce que tu as déjà subi des pressions,  des menaces,  est-ce que tu perçois un danger ou est-ce que tu te sens en sécurité pour parler librement? 

Anna – J’ai décidé de témoigner sous ma réelle identité… 

J’ai subi des menaces de « doxxing » : j’ai dit à quelqu’un que les hommes transidentifiés sont des mâles et la personne m’a répondu “voilà : ton université, je vais les contacter”, etc… 

Mais mon entourage proche partage mes valeurs et mon entourage pro… le monde pro est… difficile à joindre. J’ai quand même pris des mesures pour protéger mon identité en ligne. 

Je suis d’avis que si vous ne voulez pas être une personnalité publique et vous êtes une femme, évitez de donner votre nom, votre ville, votre métier, sur les réseaux sociaux, ou de poster votre photo, parce que n’importe quelle personne “chasseuse de Terf” peut prendre votre photo Instagram, la passer  sur un site de reconnaissance faciale, et après, trouver tous les endroits en ligne vous apparaissez : donc ça peut être votre LinkedIn, ça peut être votre page Facebook, etc. 

Et j’ai décidé de témoigner avec mon vrai prénom, parce que je suis inspirée aussi par ma mère qui est assez courageuse à faire son activisme dans un pays autoritaire, sans se cacher. Elle était déjà censurée par son entreprise et par les réseaux sociaux mais elle continue et je pense que je dois faire pareil.

RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme? 

Anna – Alors j’ai deux anecdotes :  le premier c’est que un jour j’ai reposté sur Instagram un poste qui parlait de la violence sur les femmes, mais le compte s’appelait “a woman is not a feeling” et j’ai une amie très proche qui est venue dans mes DM en disant “mais c’est quoi ce compte de Terf que tu repartages?” 

Mais en parlant avec elle, j’ai compris qu’elle était d’accord avec le message lui-même. Et quelques semaines après, cette amie qui avait déjà conscience de la violence masculine a “peak” très vite en voyant la violence des transactivistes partagées sur un compte radfem. 

RDG – Donc en fait quand elle t’en a parlé elle était déjà en train d’ouvrir les yeux c’est ça?

 Anna – Oui. En fait, elle habite en Égypte et elle a bien conscience de la violence masculine qui l’entoure, je pense que c’est pour ça que c’était plus facile de voir la violence, qui ressemble à ce qu’elle vit.

RDG – Autrement dit, c’est pas parce qu’une femme dit que tu es une terf qu’elle n’est pas, elle-même, prête à en devenir une bientôt!

Anna – Oui  je pense, oui. 

RDG – Des fois c’est la dernière réaction, la dernière façon de se défendre.

Anna – Mais j’ai entendu ça de quand j’ai écouté le podcast de Marguerite Stern où elle parle avec des jeunes femmes Radfems, et là aussi il y avait un témoignage qui parlait des amies qui sont d’accord avec les messages de terfs, mais que qui chassent ces mêmes terfs en même temps.

Ma deuxième anecdote est un peu plus récente : quand j’étais à Nantes, j’ai vu un sticker de NousToutes qui parlait de la violence “de genre” envers les femmes et naturellement, ça m’a interpelée. Je n’étais pas du tout d’accord, donc je l’ai pris en photo et je l’ai posté sur mes réseaux sociaux en disant que “Non, les femmes, elles sont violentées, opprimées… que les violences que subissent les femmes sont fondées sur leur sexe, et pas leur genre.” 

Et j’ai donné plusieurs exemples : des fœtus femelles avortées parce que ce sont des femelles. 

Ou l’absence de l’accès à l’avortement. 

Ou les féminicides… 

J’en ai posté 12 exemples, je crois, à peu près. Et NousToutes a répondu à ma story en disant en gros que : “Non, on ne parle pas de violence de sexe, mais de genre, parce qu’ils sont concernés… parce que ça concerne aussi des personnes trans, mais ça se voit, vous n’êtes pas ouverte à la discussion.” 

Et à la fin, elles ont dit clairement :  

“Occupez-vous des violences de sexe, nous on va lutter contre les violences de genre.” 

Et pour moi c’était hallucinant qu’une association qui est censée protéger les femmes, elle s’en fiche clairement des violences de sexe, à part quand il faut ramasser l’argent dans leur cagnotte. Là, c’est bien une lutte antisexiste. Et ma mère était très choquée quand je lui ai raconté cette petite anecdote.

RDG – Évidemment. Mais bon, Nous Toutes ne cessera jamais de nous surprendre par la profondeur des abîmes dans lesquelles elle tombe sans s’arrêter. C’est effrayant, le vide. 

Le vide de la pensée, le vide de la pensée stratégique et le vide du féminisme surtout.

Anna Mais même ça je ne trouve… Enfin, j’ai du mal à vraiment comprendre, parce que même les personnes trans elles sont discriminées ou elles sont violentées à cause de leur sexe. Un homme trans ne peut pas accéder à l’avortement, c’est pas à cause de son genre, c’est à cause de son sexe. 

Ou quand les femmes, les hommes transidentifiés américains sont enrôlés dans l’armée alors qu’ils ne veulent pas, ça aussi c’est une discrimination à base de sexe, pas à base de leur genre.

Si vous avez vu que Dylan Mulvaney, un homme transidentifié assez populaire qui était invité à la Maison Blanche très récemment, c’est tout simplement un évènement marketing de la part de la Maison Blanche, parce qu’ils ont signé une loi qui enrôle tous les hommes transidentifiés dans l’armée dans le cas d’une guerre. 

Donc c’est bien une discrimination à base de sexe.

RDG – C’est à dire qu’en fait cette loi elle dit qu’en cas de guerre, les hommes, peu importe la façon dont ils s’identifient, sont enrôlés, c’est ça ? 

Anna – Oui, c’est ça.

RDG – D’accord, donc autrement dit, le genre c’est du bullshit.

Anna – Oui. En fait, on respecte le genre des hommes transidentifiés pour qu’ils puissent aller aux toilettes des femmes ou dans leurs prisons, mais quand il s’agit de l’armée tout de suite, ils ont une vision très lucide de du sexe et du genre. 

C’est très récent. Personnellement, je pense que c’est juste pour que quand les gens ils cherchent “transwoman – Biden”, je ne sais pas quoi, ils tombent sur le résultat de rencontre Biden – femme trans et pas…

RDG – Ils ont allumé un contre-feu quoi (rires). D’accord.

Anna – Oui. Comme il y avait vraiment très peu de temps entre ces deux news, je pense que c’était juste pour cacher…

RDG – Ils ont allumé un contre-feu, clairement. C’est assez amusant…

Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ?

Anna – Oui. J’aimerais parler des espaces un peu uniques en ligne et des nouvelles technologies qui sont liées au transactivisme et qui posent un danger pour les enfants ou les personnes vulnérables et ce qui est très peu réglementé.

On peut parler déjà de tous les espaces en dehors des réseaux sociaux, donc, comme des forums anonymes comme Lolcow ou Kiwi Farms ou même Mumsnet qui sont des forums critiques de genre, qui documentent les dérives du mouvement transactiviste, qui sont menacés. Parce qu’il ne faut pas croire que si vous êtes censuré sur Twitter ou Instagram à cause de vues critiques du genre, vous pouvez échapper à ça et être… et parler librement sur les autres sites parce que les autres sites sont aussi sous l’oeil de transactivistes et qui peuvent les faire disparaître comme c’était le cas de Kiwi Farms.

J’aimerais parler aussi de la réalité virtuelle et de son lien avec le transactivisme. 

Les applications de réalité virtuelle comme VRChat sont des espaces en ligne que n’importe qui peut y accéder en portant un avatar qui peut… qui peut ressembler à n’importe qui ou n’importe quoi. Pour les personnes qui passent des heures et des heures par jour dans ces espaces, il aiment bien aussi avoir des avatars customisés qui sont souvent commandés ou achetés pour des centaines voire des milliers de dollars. La personne qui essaie de s’échapper du vrai monde et qui achète des avatars et du matériel assez coûteux s’investit beaucoup dans ces milieux et pour ça il faut vraiment avoir des motivations très profondes, c’est pour ça qu’ il y a autant de personnes transidentifiées de ce monde.

Alors je n’ai pas lu d’études précises mais j’ai juste vu un questionnaire d’un influenceur qui a demandé à son audience qui utilise la réalité virtuelle à leur identité et un peu moins de 20% de ces personnes des utilisateurs de la réalité virtuelle étaient des personnes transidentifiées, ce qui est énorme parce que si je ne me trompe pas, il y a entre 1 et 0,5% de population transidentifiée dans le monde. Et ça semble assez logique que ces personnes, qui sont mal dans leur peau, et qui sont un peu en guerre avec la réalité, elles puissent accéder à ces espaces-là.

Beaucoup de personnes qui utilisent la réalité virtuelle sont assez vulnérables et ça, ça attire énormément de prédateurs, notamment de pédocriminels. 

Dans la réalité virtuelle, par exemple sur VRChat,  il y a des pratiques un peu sexuelles, ça s’appelle “erotic role play” donc toi, habillé dans ton avatar, tu peux jouer un jeu de rôle sexuel avec d’autres personnes et très souvent ces personnes-là peuvent être des enfants, sont des enfants.

RDG – C’est-à-dire que… Tu es en train de me dire que dans certains mondes de réalité virtuelle, il y a des enfants qui jouent à des jeux sexuels avec des adultes. Mais quel genre de jeux sexuels ?

Anna – Alors, ça peut être l’imitation de l’acte sexuel, par exemple.

RDG – D’accord, ils simulent des rapports sexuels en ligne.

Anna – Oui. Et il n’y a pas… Ce n’est pas très réglementé donc personne n’est puni quand ça se passe

RDG – Et en plus, enfin dans les mondes de réalité virtuelle, il y a… Dis-moi si je me trompe mais il y a d’autres personnes autour en fait qui sont témoins de ce qui se passe.

Anna – Oui, c’est ça.

RDG – Donc en fait il y a par exemple un adulte qui va abuser d’un enfant… puisque là on ne peut pas parler de rapport sexuel quand on a un adulte et un enfant et il y en a d’autres autour qui regardent ?

Anna – Il y a des clubs sexuels dans VRChat où il n’y a pas vraiment de limite d’âge.

RDG – VRChat ça s’écrit comment ?

Anna – VRChat. Voilà, où il y a des… Dans ces espaces-là, ces clubs euh… je ne sais pas comment le dire… Libertins ? il y a des personnes qui imitent les actes sexuels, qui peuvent être parfois des viols, vu qu’il s’agit de la pédocriminalité. Et aussi il y a un processus de grooming vu que souvent, ces actes sexuels ou ces viols, ils sont… enfin on expose les personnes aux fétiches, notamment quand l’avatar, c’est pas une personne humaine mais un animal donc il y a des gens qui s’habillent en animaux et qui… 

RDG – Et qui et qui ont des rapports sexuels avec des enfants habillés en animaux ?

Anna – Ça peut être des enfants, ou ça peut être d’autres adultes.

RDG – D’accord et ça, c’est complètement… avec aucun contrôle de rien, quoi ?

Anna – Il y a très peu de contrôle de ça, que ça soit dans les applications elles-mêmes, dans les applications elles-mêmes il y a peu de contrôle mais au niveau légal si je ne me trompe pas, il n’y a rien qui réglemente ça en fait.

Ce qui est pire aussi, on a observé que certaines personnes qui sont… quand elles utilisent la réalité virtuelle, elles ont ce qu’on appelle “phantom touch” donc en fait, elles sentent quand quelqu’un les touche.

RDG – C’est quoi, c’est une sorte de tenue que tu portes en fait ?

Anna – Non, non. En fait, c’est comme les personnes qui n’ont pas une jambe ou une main, qui ressentent leur membre mais là ils ressentent…

RDG – D’accord. Ils sont tellement immergés dans la réalité virtuelle qu’en fait, ils ont l’impression de ressentir physiquement ce qui leur arrive dans leur… à leur alter ego en fait. C’est ça ?

Anna – C’est ça, oui. Voilà. Et une autre chose pour la réalité virtuelle, c’est intéressant de regarder quels avatars exactement portent les utilisateurs, alors on a déjà dit que certains ils peuvent porter des avatars qui ressemblent à des animaux ou à des furies ou à des, des humains avec des traits un peu animaliers mais en fait c’est presque un meme que les personnes, enfin les hommes transidentifiés en réalité virtuelle ils portent des avatars de filles manga très sexualisées avec des oreilles de chat, avec des uniformes un peu particuliers et je pense que c’est assez révélateur que les hommes transidentifiés qui vont en réalité virtuelle, ils portent pas pour alléger leur dysphorie de genre, ils portent pas des avatars de femmes normales mais ils portent vraiment des avatar hyper sexualisés, pas du tout conformes à la réalité. Et d’ailleurs, si vous lisez les témoignages de femmes transidentifiées qui utilisent des avatars dans la réalité virtuelle qui les représentent pas de la façon très fidèle, souvent elles disent qu’elles portent des avatars d’hommes pour échapper à la sexualisation et l’objectivisation.

RDG – Donc une femme, les jeunes femmes qui souffrent de dysphorie, elles elles vont être en homme pour échapper en fait à la violence sexuelle et les hommes vont eux se déguiser, enfin s’habiller ou je ne sais même pas comment on peut appeler ça, se transformer en jeunes femmes hyper sexualisées ou en animaux un peu chelou avec de la fourrure pour se livrer à des pratiques sexuelles sur les enfants qui sont présents et devant eux.

Anna – Oui. Mais d’ailleurs, pour les victimes de ces pratiques sexuelles, les enfants, c’est des enfants de tous les sexes et même si ça ne se passe pas dans la réalité virtuelle, après ça continue sur discord mais dans la réalité virtuelle c’est… ce n’est pas juste des mots dans le chat, c’est vraiment… une espèce de réincarnation et d’immersion, et d’immersion complète.

RDG – C’est cette fameuse sensation de vivre pour de vrai ce que ce qui est dans ce monde virtuel. Et alors du coup, tu as parlé de discord et sur discord il se passe quoi ?

Anna – Alors sur Discord. Discord c’est une application qui est utilisée souvent par… dans le monde du gaming ou de la tech mais aussi pour des gens qui aiment bien la réalité virtuelle. Il y a beaucoup d’anonymat. 

Souvent, les personnes qui utilisent discord, elles n’utilisent pas leur vraie identité et les serveurs discord, donc des espaces un peu privés on va dire, sont gérés par des personnes en particulier. Il y a moins de censure que par exemple sur votre compte Twitter qui est visible un peu à tout le monde.

Dans les Discords liés au gaming ou à la réalité virtuelle, il y a parfois des… des espaces, des chaînes qui sont concentrés plus sur la sexualité le role play érotique ou des choses comme ça et là il y a très peu d’espace qui limitent l’âge des enfants et qui refusent aux mineurs d’y accéder et ça finit par pas mal de mineurs qui accèdent à des espaces où ils sont malheureusement groomés ou ils sont des victimes de pédocriminels.

RDG – Et du coup, toi tu as déjà assisté à des choses comme ça, en ligne ?

Anna – Alors, moi personnellement, non mais je regarde ce qui se passe dans les autres chaînes de, enfin j’observe et je vois… Mais c’est presque… comment dire, c’est presque un mème, ces espaces-là, mais je veux dire c’est… c’est pas non plus très caché, personne ne sait ce qui se passe.

RDG – Ouais, d’accord, en fait tu veux dire que… Tu es en train d’expliquer que finalement, c’est quelque chose qui est plutôt culture pop quoi, un truc un peu marrant, que tout le monde sait.

Anna – Oui, en quelque sorte. Je veux dire quand vous allez sur Tumblr et vous avez des mineurs qui sont dans des milieux un peu gamers, transidentité, etc., ils parlent souvent de discord qui sont en lien avec… où ils ont des expériences un peu sexualisées.

RDG – Ben dis donc… 

Anna – Et ce qui est inquiétant, c’est que c’est très peu réglementé par la loi donc la réalité virtuelle, les espaces en ligne, les applications comme discord, la technologie elle avance trop vite pour les lois qui ne suivent pas du tout ce qui se passe et c’est un peu no man’s land.

Pour les parents ou les personnes qui sont inquiets pour des proches vulnérables, je conseille d’être surtout proches d’eux et qu’ils puissent vous faire confiance, essayer de leur parler de ce qu’ils font en ligne, essayer quand même d’avoir un minimum de contrôle parental si la personne est très jeune, essayer de lui dire que si il va là, il s’expose à des risques comme ça, enfin je pense que le plus important c’est de vous informer vous-même et après de prévenir votre enfant de ce qui peut lui arriver, d’être là pour lui, pour parler des choses qu’il peut trouver traumatisantes.

Je sais que moi, je passe beaucoup de temps en ligne, dès que j’étais très petite et mes parents ne savaient rien du tout de ce que je faisais, je sais que parfois juste ils me prenaient mon portable pour que je ne passe pas trop de temps en ligne mais en soit ils étaient… on ne parlait pas du tout de ce que je faisais, quand j’ai vu des trucs un peu traumatisants j’ai pas pu en parler avec mes parents, essayer d’éviter ça.

RDG – On est très proche à la fois de la pédocriminalité et de la pornographie. Et donc ce sont des expériences qui sont clairement traumatisantes pour des enfants aujourd’hui en fait, des enfants ou des préadolescents ou des adolescents d’ailleurs, des mineurs en général. Il y a quelque chose qui est de l’ordre du traumatisme de l’agression sexuelle, même si c’est virtuel comme tu dis, cette fameuse phantom touch, que oui effectivement j’y avais pas réfléchi mais c’est évident, quand tu passes beaucoup de temps en ligne, tu finis par… Ça finit par devenir ta maison quoi.

Anna – Oui. Et en fait les personnes en  général mais les enfants qui passent beaucoup de temps en ligne, c’est mon avis personnel mais… quand tu passes 10 heures par jour sur TikTok ou dans la réalité virtuelle, c’est parce que tu essaies de fuir quelque chose dans ta vie réelle, t’as pas peut-être d’aide psychologique pour ce que tu vis en dehors de ça, tu es en situation de mal-être et c’est pour ça que tu y vas.

RDG – C’est ça, oui mais du coup tu renforces le problème.

Anna – Oui. Et c’est ça qui est visé par les transactivistes, c’est les personnes qui sont vulnérables, peut-être qui ont une relation avec leur corps qui est un peu fragile. Une personne totalement heureuse et qui a une sexualité épanouie, qui est en paix avec soi-même, pourquoi elle irait se shooter à la testo ?

RDG – Oui, bien sûr. C’est vrai que les enfants et les préadolescents n’ont pas nécessairement de sexualité justement, à priori c’est le fait de leur en imposer une qui pose problème déjà, surtout avec des adultes d’ailleurs.

RDG – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.

S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe :

www.womensdeclaration.com

Rebelles du genre – Épisode 55 – Lilou

Rebelles du genre – Bonjour, aujourd’hui on va faire une interview un peu particulière, puisque c’est Lilou qui va parler, Lilou qui est une amie à moi, et que je suis particulièrement heureuse d’interroger aujourd’hui, et de recevoir dans notre podcast.

Lilou –  Je m’appelle Lilou, j’ai 18 ans. Je suis une activiste féministe radicale et étudiante en sociologie en région parisienne, depuis septembre.

J’ai fait plusieurs années de danse orientale. La danse est une pratique qui me passionne, qui me transporte, et j’exprime ma colère aussi, en dansant, ma peine, ma douleur, mon indignation. Je vis la danse comme une expérience collective sorore, forte et fédératrice, mais aussi comme profondément intime et corporelle. Se mouvoir d’une telle façon, diriger ses gestes pour réaliser un mouvement ou en enchaîner plusieurs, de manière fluide ou fragmentée. Je me rends compte que mes années de pratique de la danse m’ont permis de mieux connaître mon corps, d’expérimenter la liberté de mouvement dont nous sommes si souvent privées, en tant que femmes, dans les sociétés patriarcales. Et, à mes yeux, des espaces et des temps entre femmes uniquement, par exemple consacrés spécifiquement aux danses ou bien à d’autres activités, pourraient être bénéfiques pour contribuer à la libération des femmes. 

Et j’en ai fait l’expérience quelquefois, et c’est merveilleuse.

Du coup, je dirais que ma conscience féministe, je la développe depuis que je suis petite, mais sans avoir pu, réellement, mettre des mots sur ce que je vivais, ce que j’observais des conditions et des droits des femmes de mon entourage social et familial.

Avec ma sœur et mes cousines, on était très proches durant notre enfance, grâce à nos mères, elles-mêmes sœurs. Nous avons pu tisser des liens sorores et solides. On a vécu des moments extrêmement forts, ce qui fait aussi que je suis aujourd’hui une femme qui pense que les femmes peuvent réussir à se reconnaître, à s’allier, à se rassembler et à s’organiser, malgré la division et la rivalité que les hommes nous imposent et nous font intérioriser. Aujourd’hui, je me dis qu’heureusement j’ai été éduquée par une mère qui a de nombreuses réflexions féministes et qui voulait nous permettre, à ma soeur et à moi, de nous faire notre propre vision du monde, détachée des stéréotypes et des étiquettes sociales qui collent à la peau des femmes. C’est sûrement aussi grâce à cela que je construis mon esprit critique, petit à petit, depuis mon enfance. 

Et je pense que cet éveil à la critique du genre et elle apprentissage de savoirs assez distanciés des normes sociales et du cadre académique (j’ai fait l’école à la maison pendant 5 ans) a pour conséquence, actuellement, que je m’interroge sur les faits sociaux, que je cherche à comprendre les “pourquoi” des phénomènes que j’observe et identifie les croyances, dogmes et arnaques masculinistes qui colonisent de plus en plus nos espaces de filles et de femmes.

Ce qui me semble aussi important de souligner, c’est que ma mère nous a toujours dit, à ma sœur et à moi, qu’elle nous accepte comme on est, que nous pouvons ne pas être conformes aux stéréotypes et aux modèles sexistes. 

Elle nous a appris à connaître notre corps, à l’écouter, à l’aimer, à en prendre soin, à dire quand on a mal.

Je me rends compte maintenant, qu’en tant que fille dans une société qui hait, objectifie et sexualise les corps des filles et des femmes, j’ai eu beaucoup de chance d’avoir été éduquée comme je l’ai été, et je remercie, du coup, ma mère.

J’ai commencé à militer lorsque j’ai rencontré les femmes de l’association Osez Le Féminisme ! en septembre 2020 lors d’une action poignante qui a résonné fort en moi, intitulée “Je te crois”. J’avais 16 ans.

Puis j’ai fait la connaissance des activistes de la collective l’Amazone Avignon, tellement badass, dont j’admirais les collages depuis quelque temps.

La découverte de ces formes d’engagements politiques pour les droits des femmes m’a énormément enrichie. 

Elle est allée de pair, ou plutôt de mère, avec la découverte de la sororité politique, d’expérience en expérience, de partage en partage, d’actionne en actionne entre femmes.

J’ai compris que les liens que peuvent nouer les femmes entre elles sont incroyablement puissants.

Et cela m’a fait du bien.

Et à partir de là, j’ai enfilé mes lunettes violettes de féministe en apprentissage, qui appréhende la monde avec curiosité et détermination.

Du coup, par la suite, ça m’a fait comprendre que ces formes d’engagement politique pour les droits des femmes me paraissaient vraiment nécessaires, et je comprends que toutes les femmes ne peuvent pas s’engager de cette manière-là. Mais moi, en tout cas, c’était c’était vraiment ce dont j’avais besoin à ce moment-là, ça me parlait, et du coup j’ai pu découvrir à ce moment là d’autres formes de sororité, plus politiques, à travers les actions, à travers les caféministes, les discussions qu’on a eues, les manifestations, aussi. Et en fait, ça m’a confortée dans l’idée que, malgré la domination patriarcale, les femmes peuvent quand même réussir à nouer des liens qui sont forts, qui peuvent inspirer d’autres femmes, et qui nous rendent puissantes et qui.. qui oui, qui nous permettent aussi de surmonter les difficultés qu’on a, chacune dans notre quotidien. Tout s’enrichit mutuellement.

Et c’est à partir de là, du coup, que j’ai pu aussi en apprendre de plus en plus en me renseignant par des podcasts, des articles, notamment sur Instagram, également. 

RDG – Peut-être aussi par la formation féministe que tu as pu avoir dans Osez le féminisme, avec notamment les feminist camps?

Lilou – Oui, le feminist camp d’octobre 2021 m’a aussi permis  de connaître des femmes de toute la France, ce que je n’avais jamais expérimenté jusqu’alors et de comprendre, en fait, qu’il y avait plusieurs dimensions d’oppression patriarcale, enfin dans plusieurs sphères de la vie des femmes, et donc qu’on pouvait spécifiquement réfléchir à certains sujets, comme l’écoféminisme ou comme la lutte antiraciste, avec le féminisme… comment elle s’imbriquent. Et de partager aussi d’autres moments qui font du bien, enfin qui… oua qui nous lient et qui nous donnent de l’espoir pour continuer. Surtout parce que on pourrait se dire qu’avec toutes les violences que les femmes peuvent subir dans plein de sphères différentes, bah on pourrait ne plus avoir d’espoir pour continuer à militer, ou  justement on va être découragées, et c’est totalement légitime… mais justement ces moments-là, je pense qu’ils sont très fédérateurs et ils nous permettent de continuer.

RDG – De garder l’espoir?

Lilou – Oui, de garder l’espoir,  de… de ne pas céder.

RDG – De résister.

Lilou –  Oui, j’ai participé aux réunions mensuelles dans un premier temps. J’avais du temps que je voulais passer à m’investir dans cette association-là, parce que je sentais que j’y étais bien, j’avais été super bien accueillie, et que j’étais en surtout en accord avec les valeurs,  parce que je trouve que les valeurs, c’est très important. Et, même si j’étais en questionnement, parce que je débutais,  au fur et à mesure j’ai commencé à faire partie du conseil d’administration, et ça m’a permis aussi de partager des idées que j’avais, de mettre en commun des projets que plusieurs femmes pouvaient avoir, pour les réaliser concrètement.

Et puis j’ai aussi intégré le conseil d’administration national et ça donne une plus grande part de responsabilité vis-à-vis des membres de l’antenne locale, pour essayer aussi de faire le relais. Et ça m’a permis, par la suite aussi, d’intégrer un groupe de travail spécialement centré sur l’abolition du système porno-prostitueur, ce qui était un enjeu que je ne connaissais pas du tout avant et qui m’a complètement révoltée. Je me suis dit “Comment c’est… comment c’est possible que, dans une société qui se dit démocratique, et même à l’échelle mondiale, dans plein d’autres pays qui se disent défenseurs des droits humains, qu’il y ait la moitié, enfin même plus de la moitié de la population, à savoir la peuplesse des femmes, qui soient vendues, marchandisées, achetées? Qu’il y ait également du proxénétisme?” 

Enfin, tout ça, ça m’a complètement sidérée, et je me suis dit : “Je ne peux pas rester impuissante face à ça, en fait. C’est juste impossible. Et le fait d’intégrer le groupe abolition, je me suis dit que c’était un bon moyen de mettre ma motivation en commun avec d’autres femmes, agir par des campagnes sur les réseaux sociaux de sensibilisation, des actions plus “coup de poing”, par exemple pour le 25 novembre, voilà. Du coup, j’ai cheminé petit à petit.

RDG – Je vais te poser une question complémentaire. En fait, il y a un point que tu n’as pas développé, mais qui, à mon avis, est important : c’est le fait que quand tu as été, finalement, à l’âge un peu crucial, à l’âge où les enfants rencontrent les premières violences, en fait, notamment pornographiques, toi, tu étais à l’abri, puisque tu n’étais pas à l’école. Est-ce que tu peux développer?

Lilou – Pendant les 5 années de primaire, mes parents, donc, ont décidé de nous donner l’instruction à domicile, avec ma sœur. Et je n’étais pas confrontée au discours, au comportement des autres enfants qui étaient à l’école. Et une grande partie de certainement exposés à des images pornographiques. Le fait qu’on soit à l’écart de ça, ça m’a aussi protégée.

RDG – Moi je ne peux pas m’empêcher de penser que, quand on sait qu’en CM2, un garçon sur deux a déjà vu un film pornographique, et aussi de très nombreuses filles… Ne pas fréquenter beaucoup d’enfants qui sont victimes de ces violences-là, ça permet aussi, pendant ces années où on construit son identité d’être protégée relativement. Et c’est peut-être ce qui fait que, du coup ça t’a gardé intacte cette capacité de rébellion que tu as, et qui, aujourd’hui, est à mon avis une des sources de ton militantisme? Le fait d’avoir brutalement découvert le monde à un moment où tu étais déjà capable de comprendre qu’une violence est une violence en fait. Parce que quand on est petit, on ne fait pas la différence entre les choses, et on ne comprend pas que c’est de la violence. Et on s’habitue. Et toi tu n’étais pas habituée.

Lilou – Oui, c’est ça. Je n’étais pas du tout… même ma mère, avec ma sœur, nous a toujours expliqué que la violence ne réglait aucun problème, et que ça ne servait à rien. Et pire que ça : que c’était complètement destructeur et contre-productif. Même, du coup, l’arrivée au collège, ça fait un peu un effet de claque, en fait, qu’on se prend dans la figure, parce que je sortais un peu du monde des bisounours, si on peut dire ça comme ça, et du coup c’est assez violent quand on se rend compte que, finalement, c’est comme si j’avais un peu vécu dans une bulle. Même si j’avais des amis qui étaient à l’école, et je les voyais, et on passait du temps ensemble. Mais j’avais quand même cette sorte de barrière, un peu protectrice, qui a fait que quand j’ai su qu’il y avait autant de violences qui étaient commises contre les enfants, et particulièrement contre les filles, et également contre les femmes… ben c’était juste inimaginable. Et je me suis dit : “bah en fait, je ne peux pas laisser passer ça, quoi! Enfin, je ne peux pas vivre ma vie comme si je connaissais pas.” Alors que j’en prenais conscience enfin, voilà.

RDG –  Je pense que ça a préservé ta capacité d’indignation, en fait! En ce qui concerne, donc, le genre, la notion du genre : à quel moment tu t’es dit que tu étais critique du genre? Est-ce qu’il y a eu un moment où tu as eu une révélation? Qu’est-ce qu’il s’est passé pour que tu te dises aujourd’hui que tu es critique du genre?

Lilou – Il n’y a pas eu un déclic. C’est plus une suite d’événements qui m’ont fait prendre conscience que le féminisme est forcément critique du genre. Je pense ça à l’heure actuelle, mais c’est quand même assez récent. Même si en fait, je me dis : “Pourquoi créer d’autres cases, d’autres catégories, pour enfermer les filles et les garçons, donc les enfants, dès le plus jeune âge, alors qu’on pourrait tout simplement laisser les enfants jouer à ce qu’ils veulent et laisser les enfants se comporter comme ils veulent?” 

Critique du genre, sans nommer ça comme ça, mais je l’ai aussi pensé assez jeune. Mais là, c’est vraiment grâce à l’engagement associatif, et au militantisme et aux actions : j’ai pu comprendre les enjeux, avec la montée du transactivisme. Qu’en fait il fallait réaffirmer le fait qu’on soit critiques du genre, que ça n’allait pas de soi. Et j’ai aussi appris, notamment par les réseaux sociaux, qu’il y avait d’autres courants féministes, qui ne se disaient pas du tout abolitionnistes des stéréotypes sexistes de genre, mais qui prônaient un discours ultra-libéral…

RDG – …Avec bien sûr tout ce qui est le BDSM, la pornographie!

Lilou – Voilà ! Le non-abolitionnisme qui m’a complètement consternée… Et oui, par rapport à l’usage, aussi, des mots… La première fois que je suis tombée sur l’expression “travail du sexe”, je…  ça m’a laissée assez perplexe, et je me suis dit : “Ok, il y a certaines personnes qui se revendiquent du féminisme qui utilisent ces termes-là”… Moi je voyais que dans OLF, on utilisait “abolitionniste” et j’avais vu les campagnes qui avaient été menées par rapport à ça, contre à l’industrie pornographique aussi, et je me suis dit : “Bah déjà, la loi, qu’est-ce qu’elle dit?” Et la loi de 2016 est clairement abolitionniste. Donc, déjà par rapport à ça, ça m’a un peu mis la puce à l’oreille, et je me suis dit : « Comment peut- on prôner le libre choix, alors que la majorité des personnes prostituées, en fait, c’est des femmes? La majorité des actes sexuels, c’est des viols. Et en fait, les femmes qui sont les plus victimes de cette industrie-là sont des femmes précaires, marginalisées, racisées, étrangères, qui migrent. Enfin, l’âge d’entrée, entre 13 et 14 ans à l’échelle mondiale…” Je me suis dit : “Comment on peut oser défendre une industrie, qui en plus est multimilliardaire, alors qu’en fait il s’agit d’humaines,  d’enfants et de femmes, quoi?” Ça m’a paru complètement lunaire.

Je voulais évoquer aussi la découverte de Typhaine D, merveilleuse artiste, comédienne qui a créé la féminine universelle, qui est un mode de langage qui a pour but de féminiser la langue. Pour moi, en fait, ça a joué aussi un rôle important dans mon cheminement féministe depuis deux ans, parce qu’on m’a appris au collège, comme toutes les autres, que le masculin l’emportait sur le féminin, et toutes les règles de grammaire mascouillinistes. En fait, de l’entendre dire de la bouche d’une femme, qui exprimait explicitement que le langage était masculiniste, pour telle telle telle raison… Et qu’en fait ce n’était pas du tout neutre, comme on avait pu nous le faire croire, que c’étaient les académiciens du 17e siècle qui avaient instauré ces règles de masculinisation du langage… C’est quelque chose que j’aurais aimé savoir plus tôt. Mais que, déjà, je suis très heureuse de connaître maintenant.

Parce qu’on peut se dire : “Oui, l’école c’est trop bien, on nous apprend à parler, on développe plein de compétences, on a des liens sociaux aussi qui se créent grâce à cette instance de socialisation. Mais il y a quand même ce problème de la langue, que je ne considérais pas du tout avant, et que maintenant je prends en compte, parce qu’en fait le langage, comme Typhaine le dit,  structure la pensée. Et on ne peut pas se projeter dans l’avenir si on n’a pas les mots qui nous permettent de voir notre avenir, de voir comment on voudrait être plus tard, d’envisager des professions qui pourraient nous intéresser, mais en fait on ne sait même pas qu’elles existent pour les femmes. Je pense par exemple “autrice”, des mots de notre matrimoine qui, justement, ont été ressortis du passé, et qui, justement, étaient utilisés avant cette Académie française, et qui, en fait, ont été complètement effacées. Et c’est ce qu’explique très bien Titiou Lecoq dans son essai : “Pourquoi l’histoire a-t-elle effacé les femmes?” Et en fait, ce n’est pas l’histoire qui a effacé les femmes, c’est les hommes! Et tout ce qu’ils ont institué et organisé. Oui, ça fait mal, aussi, de comprendre qu’on n’existe pas dans le langage et on est quand même censées construire nos vies et avancer, alors que tout, dans le langage, est créé pour les, pour les hommes, quoi!

RDG – Pourquoi penses-tu que l’idéologie du genre est une menace pour les droits des femmes, pour les enfants ou pour la société, ou pour la démocratie?

Lilou – Déjà en fait je me suis questionnée par rapport à ça, et en fait avant même d’avoir compris que l’idéologie transidentitaire était une menace certaine pour les droits des femmes, l’acronyme LGBTQ+ me posait déjà problème. Et en fait, je me disais : “C’est quand même vraiment bizarre et tordu de mettre sur le même plan, le combat contre l’homophobie et contre la transphobie, et pour les personnes trans, d’en faire en somme, en faire des luttes indissociables. Je me disais : “Mais pourquoi?” Parce que pour moi, de ce que j’avais compris en tout cas, c’était quand même deux choses complètement distinctes, entre ce qu’on prétendait être, comment on voulait qu’on se définisse, et l’orientation sexuelle. 

Donc du coup, je me disais : “Mais pourquoi mettre toutes ces lettres accolées, enfin, les mettre ensemble, quoi?” 

Et du coup, entre-temps, je me suis questionnée, j’ai lu des livres, des articles, des communiqués, des tribunes. J’ai écouté aussi des podcasts, notamment ceux de Marguerite Stern, qui donne la parole aux femmes, parce qu’en fait, parce que c’est elles que j’ai envie d’entendre, et que malgré le fait que j’ai quand même fait l’école à la maison, bah j’ai pas échappé aux cours d’histoire du collège et du lycée, relatant l’histoire des hommes, en effaçant les femmes. Et en fait, j’ai compris aussi, progressivement, ben les derniers mois, les dernières années, là, qu’en fait l’idéologie de genre, elle est profondément homophobe et donc lesbophobe. Parce que, pour ne donner qu’un exemple, il est courant de lire ou d’entendre que les lesbiennes peuvent avoir des pénis, que les lesbiennes doivent aimer les femmes qui ont des pénis… ça, ça m’a complètement retournée quand j’ai lu ces phrases-là, notamment sur les réseaux. Je me suis dit : “Mais il y a rien qui va! C’est complètement justement contre l’homosexualité! Parce que si tout le monde doit aimer tout le monde, dans ce cas-là, il n’y a même plus d’orientation sexuelle… c’est, c’est… ouais, c’est complètement dangereux à ce niveau-là!

Et par rapport aussi aux enfants, je me suis dit que je ne pouvais pas tolérer une idéologie totalitaire qui, en plus, se répand de plus en plus, et qui vise en majorité des jeunes, qui mutile plus spécifiquement des adolescentes et des jeunes femmes encore en développement, encore en croissance. Parce que j’ai aussi appris que le cerveau se développait jusqu’à 25 ans, donc je me dis : “Pourquoi des traitements hormonaux, des transitions, seraient autorisés sur la simple autodétermination des enfants avant 25 ans?” 

Et donc je me suis dit, en fait, permettre à des adolescentes de prendre des hormones pour effectuer une transition médicale ou pire les y inciter sous prétexte qu’elles seraient nées dans le mauvais corps… bah en fait, c’est complètement absurde pour moi.

Et en fait, la société patriarcale dans laquelle on vit, elle est problématique, ainsi que toutes les conséquences qui en découlent, en termes de violences machistes. Et donc si en fait on ne  prend pas en considération la structure sociale, on ne peut pas expliquer pourquoi les individus auraient tel goût, telle envie, tel choix, tel comportement. 

Il y a une dimension sociologique à analyser, qui est pour moi nécessaire. Et en fait je me rends compte qu’on est obligées de rappeler aujourd’hui, que noues sommes nos corps : il n’y a pas une essence, qui serait l’esprit, et le corps, quelque chose de simplement matériel et utile. On est un tout!

RDG – Je reconnais bien là quand ton goût pour la philosophie, je vois déjà le moment où je vais illustrer ce témoignage avec le fameux collage “noues sommes nos corps” que tu avais fait l’an dernier.

Lilou – En fait, je me dis, oui, qu’une fois qu’on a aussi compris certains aspects, on peut réfléchir aux mécanisme sociaux qui s’opèrent et au rôle des instances de socialisation dans la construction des normes de féminité, en se demandant pourquoi elles sont maintenant telles qu’elles sont. Et même historiquement, c’était pas les mêmes il y a 200 ans, il y a 300 ans, au Moyen-Âge… Et ça montre bien, en fait, qu’elles varient au cours du temps, et donc elles ne sont pas naturelles ou biologiques, comme pourraient le dire certains idéologues du genre.

Je voulais aussi évoquer que, dans tous les cas, charcuter des corps en bonne santé ou bloquer la puberté – qui est quand même naturelle – d’adolescentes ou d’adolescents, en faisant totalement abstraction, premièrement, de l’état de santé psychologique des enfants et également des normes sociales et des attentes qui pèsent sur elles et eux, ne fait d’aucune personne quelqu’une de progressiste ou de bienveillante ou bienveillant. Alors que les transidentitaires essaient de nous persuader du contraire.

RDG – Oui, parfois la bienveillance c’est savoir dire non, en fait.

Lilou – D’autant plus que la réalité, c’est que les conséquences des transitions médicales, sur le développement tant physique que psychologique des jeunes concernés, sont en fait, irréversibles. Et maintenant on sait que c’est prouvé que les conséquences sont irréversibles. Que des psychiatres, que des médecins se permettent de dire dans des articles, dans des livres, même à l’université pour des profs qui défendraient l’idéologie du genre, que ces personnes-là se permettent justement de prôner le contraire, et de faire croire à des enfants (c’est de la manipulation) que c’est réversible, qu’ils pourront reprendre leur puberté 5 ans après la prise d’hormones… en fait, c’est criminel, quoi!

RDG –  J’ai même lu récemment que beaucoup de filles qui subissent une mastectomie pensent, en fait, que quand elles reprendront des hormones féminines ou qu’elles arrêteront la testostérone, leurs seins vont repousser. Et évidemment, le jour où elles s’aperçoivent que, bah non, en fait, elles ont infligé à leur corps… enfin “on” a infligé à leur corps des dommages irréversibles. C’est dramatique.

Lilou – Surtout que les enfants sont en situation de vulnérabilité. Et donc en plus, en tant qu’adultes… Enfin, selon moi, les adultes ont aussi une responsabilité vis-à-vis des enfants, en général, dans le domaine de la santé, et savoir que, justement, des adultes les manipulent à des fins financières ou idéologiques… bah c’est complètement aberrant! 

RDG – Oui. C’est incroyable. 

Lilou – Je ne pensais pas être confrontée à ça un jour. Enfin…

RDG – Oui, c’est dur.

Lilou – Je voulais aussi ajouter que devoir sans cesse répéter que les femmes n’ont pas de pénis et que les lesbiennes n’aiment pas les pénis, en fait, c’est une forme de rabaissement intellectuel, comme le dit Marguerite Stern. Puisqu’en fait, toute personne sensée en a bien conscience, et c’est la biologie. Il n’y a pas besoin de faire des études de science poussées pour le savoir. Et en tant que féministe radicale, je sais que… bah en fait on est épuisées de devoir le rappeler à longueur de temps, alors qu’en fait, on a des droits à défendre, on a des stratégies et des formes de mobilisation et d’engagement à créer et à développer concrètement, à imaginer aussi. Et ça nous… en fait ça nous… c’est pas que ça nous empêche, mais ça nous prend de l’énergie et du temps : ce temps qu’on met, justement, dans la défense de notre biologie, alors que c’est censé aller de soi.

RDG – On pourrait presque penser que c’est une stratégie masculiniste!

Lilou – Voilà! Et en fait, on est obligées de se battre contre ça, parce que sinon ça prend une telle ampleur, ça colonise tellement d’enfants, notamment, et surtout de filles… qu’on ne  peut pas laisser passer ça. C’est aussi pour ça que ce podcast existe, et c’est pour qu’on parle et que ça se sache, et qu’il n’y ait pas de complaisance, en fait, par rapport à l’idéologie transidentitaire.

Par rapport à l’acronyme TERF aussi. Je voulais revenir là-dessus, parce que c’est, en fait, une nouvelle forme de dire féminazi, hystérique, folle et compagnie… sorcière, évidemment. Et c’est une insulte en fait, ça, il faut bien le dire, je pense, qui permet de justifier, de banaliser les violences contre les femmes, comme le harcèlement, la diffamation, le lynchage (dont notamment a été victime Dora Moutot pendant plusieurs années et en particulier sur les réseaux sociaux, mais ça va au-delà) et ce n’est pas parce qu’il y a une majorité de jeunes, et même de gens, en général, qui l’utilisent de plus en plus, on le voit partout sur les réseaux, utilisé, en fait à toutes les sauces. Dès qu’en fait, une femme ose critiquer la construction sociale et l’outil d’opression qu’est le genre : BAM! TERF! Transphobe! tada! direct! C’est-à-dire qu’il y a aussi une censure, et c’est là aussi où je voulais en venir : c’est que la censure, elle passe par le fait que les transactivistes assimilent toute critique ou tout questionnement, tout cheminement par rapport à la question du genre, comme de la haine, comme de la peur envers les trans, en utilisant, justement, cette expression “transphobe”, alors que, comme le dit Marguerite Stern également, on ne se bat pas contre des personnes, ce n’est pas du tout l’objectif des féministes radicales. C’est, en fait, c’est toute idéologie qui va à l’encontre des trois des femmes contre lesquelles on s’élève, et qu’on ne laissera pas passer, sous aucun prétexte. 

Et du coup, pour évoquer la démocratie aussi, en fait le principe même, c’est qu’il existe le droit de dialoguer, de débattre, d’échanger ses idées, de les confronter au sein de la société. Et donc, en fait cette idéologie, elle est contraire à ce principe-même de démocratie, et d’échanges entre les individus. Parce que si on est tout de suite taxée de Terf, de transphobe, on ne peut même pas exprimer ce qu’on a à exprimer. On ne peut même pas argumenter, défendre nos prises de position, expliciter, donner des exemples, parce qu’on est direct censurées. 

Du coup je voulais évoquer le rassemblement pour l’IVG qui a eu lieu le 28 septembre à Paris, mais également dans d’autres villes. Et comme je l’ai dit tout à l’heure, je suis arrivée à Paris en septembre. J’ai participé à cette manifestation avec les Amazones. Donc en fait, pour établir les faits, on s’est rendues place de la Bastille pour cette mobilisation, à l’occasion de la Journée internationale pour le droit l’avortement. On portait des pancartes relatant nos expériences de l’avortement, exprimant que nous refusons un retour en arrière avec les méthodes des ceintres, et autres, qui sont très dangereuses. Et au bout d’une demi-heure de marche, alors que nous étions en tête de cortège, des adolescentes et des adolescents nous ont repérées, épiées. Ils se sont précipités derrière nous en hurlant “Terf, hors de nos luttes” et “Assez de cette société qui ne respecte pas les trans, les gouines et les pédés. Alors, déjà on peut noter, première chose, c’est que pour les trans, ils disent “trans”, mais pour les lesbiennes et les gays, ce sont des insultes, et donc, en soi, une agression lesbophobe dès le début, contre laquelle nous n’avons rien fait. Ensuite, l’une d’elles a arraché par-derrière une des pancartes, qui disait “Avorter m’a sauvé la vie” qu’une des activistes de l’Amazon brandissait, et les autres se sont rués sur des activistes, dans lequel je faisais partie. Nous sommes aussitôt allées interpeller les organisatrices en leur demandant de faire venir la police. Elles sont restées passives, et nous sommes donc allées chercher la police par nous-mêmes. Par la suite, une organisatrice a dit à l’une d’entre nous, qu’à cause de nous, elles avaient, je cite : “les flics au cul”… Donc ce renversement classique de la culpabilité qui est une technique d’agresseur, on le connaît très bien, et c’est d’autant plus insupportable en manifestation qui se dit féministe, pour défendre un droit si durement acquis. Et donc cette même organisatrice a ensuite arraché le téléphone de l’une d’entre nous pour le donner à nos agresseuses et à nos agresseurs et lui a hurlé dessus, encourageant au passage les agresseurs à se ruer sur la victime. Nous avons ensuite changé de trottoir, et avons demandé au service d’ordre de nous protéger. Certaines organisatrices nous ont dit qu’elles savaient qu’on était toujours agressées… voilà. Mais sont restées passives, et finalement des hommes autoproclamés féministes nous ont poussées et culpabilisées, certains nous ont dit que nous n’avons rien à faire là…

RDG – En manif féministe!

Lilou – En manif féministe, tout va bien, voilà! Alors que nous sommes des femmes, directement concernées par le droit à l’IVG, et nous sommes évidemment totalement légitimes à manifester ce jour-là, c’est une évidence. Et en fait, le pire, c’est qu’on est convaincues qu’on est à notre place, qu’on a le droit d’être là, que ce qu’on fait, bah… c’est juste! Alors qu’on essaie de nous faire croire le contraire, en fait, en permanence. Y compris en manifestation! Et ça, c’est quelque chose de vraiment douloureux. Je sais que moi, j’étais sidérée, en fait, juste après le rassemblement, parce que c’est une dissonance cognitive. Tu te dis “Je sais que je suis là pour la bonne cause”. Tu en es complètement convaincue. Mais il y a quand même des gens qui s’infiltrent, qui colonisent nos espaces, qui se font passer, en plus, pour des féministes, et d’autres qui se font passer pour des femmes, qui se croient tout permis. La police, d’autant plus, est à côté. Ils sont là, ils sont dans la rue, ils ne font rien. Le service d’ordre, c’était également… pas ça. Et c’est…

RDG – En fait, c’est le fameux, comment dire… le fameux panneau de Noustoustes qui disait :  “Terfs, hors de nos luttes!” Littéralement, ils sont en train de faire ça, c’est-à-dire qu’ils sont en train d’exclure les femmes qu’ils jugent des Terfs, hors de nos luttes… C’est-à-dire qu’ils exproprient les féministes des luttes féministes. Et c’est vrai que… ça pique un peu.

Lilou – Oui. Et pour citer un autre rassemblement qui a eu lieu à Paris, et auquel j’ai aussi participé. On s’est rassemblées en soutien aux femmes iraniennes le 24 septembre, donc quelques jours avant la manifestation pour l’IVG. Et une femme iranienne, quelques minutes après que nous soyons arrivées, s’approche de nous et nous dit : “Vous savez, des non-binaires aussi sont tués en Iran!”  Alors là, on reste bouche bée. 

RDG – C’était une femme iranienne, tu es sûre?

Lilou – Il me semble, oui.

RDG –  D’accord.

Lilou – Pour moi cette phrase montre à quel point, en fait, cette femme était colonisée par l’idéologie transidentitaire, parce que tout est ramené aux trans, aux non-binaires, aux  genderfluid… et bla bla bla,  alors qu’en fait, on était mobilisés pour les femmes, parce que on est des femmes, et qu’on voulait soutenir nos soeurs en Iran. Et c’est quand même… c’est pareil, en fait, que la manifestation pour l’IVG : c’est nous déposséder de nos propres actions, mobilisations, alors qu’en plus, on reprenait le slogan “Jin, Jiyan, Azadi” des femmes iraniennes qui veut dire “femme, vie, liberté”. Et, en fait, on pensait bien faire, mais apparemment, ça n’a pas été reçu comme un soutien!

RDG – Là, il ne s’agit que d’une seule femme.

Lilou – Après, oui c’est sûr. Jusqu’à preuve du contraire, il y a quand même peu, voire pas du tout d’hommes qui sont obligés de porter le voile en Iran, donc le voile est bien un outil patriarcal, et pas un vêtement anodin. 

On peut également faire un parallèle entre les mobilisations féministes d’aujourd’hui et les luttes, par exemple, qu’ont menées les suffragettes en Angleterre dans les années 1920, par exemple, à propos du droit de vote. Imaginons que les femmes féministes à cette époque-là avaient crié haute et forte qu’elles “se sentaient hommes”, comme le disent les transactivistes aujourd’hui, aucune loi n’aurait permis aux femmes d’être éligibles et de voter. Et donc on en serait encore au suffrage – dit universel – uniquement masculin! 

Et donc enfin, pour moi ça montre à quel point le transactivisme est absurde et contraire à la défense des droits des femmes basés sur le sexe. Pour répondre à celles et ceux qui croient en une convergence des luttes.

RDG – La question du droit de vote, le droit à l’avortement, ou demain le droit de ne pas porter le voile, c’est bien basé sur le sur le sexe en fait! 

Lilou – Et du coup depuis septembre je suis à la à la fac et j’ai constaté que l’idéologie du genre est aussi très présente dans le milieu universitaire, autant du côté des profs, en fait certaines et certains utilisent le mot “genre” pour “sexe” et inversement, donc ça crée un flou, surtout pour la majorité, je pense, des étudiantes et des étudiants qui ne sont pas forcément sensibilisés sur ces questions-là. Bah en fait, ça noie… l’un est utilisé pour l’autre, on ne sait plus la frontière entre les deux. Enfin notamment, en plus je suis en sociologie, donc je me dis que c’est quand même particulièrement problématique. Même au niveau des statistiques :  comment on peut mesurer les inégalités sociales et économiques et les violences commises par les individus si on ne garde pas cette variable du sexe ? Parce que si on la remplace par la variable du genre, et qu’en plus certains individus disent changer de genre tous les jours, toutes les semaines, tous les ans… ça devient hors sol, on n’a plus de statistiques, et on ne peut pas faire des études qui soient scientifiquement correctes et rationnelles, quoi. 

Ça montre aussi que, du coup, le transactivisme est complètement irrationnel, en plus d’être misogyne, lesbophobe, et contraire…

RDG –  Et bien sûr derrière les études qu’on ne peut pas faire, il y a toutes les décisions publiques qu’on ne peut pas prendre, de protection. 

Lilou – Oui, toutes les mesures de protection qui découlent des statistiques établies, varient selon les résultats de ces statistiques, donc qui protéger quand on ne sait pas qui commet les violences et qui les subit? Oui, c’est problématique!

RDG – Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner sous ta réelle identité? Est-ce que tu as déjà subi des pressions ou des menaces, ou est-ce que tu te sens en sécurité? Est-ce que tu peux parler librement?

Lilou – Je ne me sens pas en danger de prendre la parole sur ce sujet, que ce soit dans mon cercle familial ou amical. Mais néanmoins, je sais que toute femme qui critique ou s’oppose au transactivisme à l’heure actuelle, prend le risque de subir du harcèlement, de la diffamation, ou des menaces. Mais il y a quand même cette question qui me préoccupe toujours : “Allons-nous céder à cette violence?”

Personnellement, je témoigne sous ma réelle identité, parce que je ne veux ni me taire ni me cacher. 

Et également parce que j’ai décidé de dénoncer toute forme de misogynie, qu’elle vienne des masculinistes, de l’extrême-droite, ou de ceux qui se prétendent aujourd’hui progressistes, donc les idéologues du genre ultralibéraux. 

Et tout simplement parce que c’est insupportable de devoir vivre dans une société,  et même dans un monde où les femmes, en tant que classe sociale, sont assassinées, torturées, violées, vendues, harcelées, agressées, humiliées, insultées par la classe sociale des hommes. 

Et en sachant ce que je sais aujourd’hui, je n’ai plus envie d’être complice de toutes les atrocités que les femmes sont obligées d’endurer au cours de leur vie. Ce n’est même pas une question, en fait. Je ne peux pas faire autrement, quoi!

Je souhaite aussi témoigner au nom des femmes de ma famille qui sont décédées aujourd’hui et qui ont été silenciées et violentées par des hommes. Parce que je pense que ça joue aussi dans mon engagement aujourd’hui, et que, ouais, mon histoire aussi fait que j’en suis là aujourd’hui, et que je n’aie pas envie de perpétuer ce silence, en fait, qui leur a été imposé. 

Je comprends tout à fait qu’elles n’aient pas pu parler, que c’était trop dur. Du coup, je me sens aussi responsable de prendre la parole aujourd’hui.

RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme?

Lilou – Oui, du coup j’ai une anecdote.

En octobre, je suis allée voir un des spectacles qui étaient proposés dans un des théâtres de ma fac, qui était une conférence spectaculaire intitulée “Histoire de graffeuses”, créée et animée par une enseignante d’histoire de l’art et comédienne qui se revendique féministe… et queer. 

Alors déjà ça m’a fait un peu hausser les sourcils. Je me suis dit “Je vais quand même y aller, et je vais voir comment elle présente les choses.” Elle a donc présenté plusieurs dizaines d’oeuvres de street art réalisées par des femmes au cours des époques de l’histoire. Bien sûr en les nommant,  ça paraît assez cohérent, en insérant des anecdotes de sa vie personnelle de temps en temps… jusqu’au moment où des collages, notamment “Stop féminicides” apparaissent sur la toile du vidéoprojecteur. Et donc, à ce moment-là, j’attends avec impatience qu’elle nomme Marguerite Stern, créatrice des collages contre les féminicides en février 2019 à Marseille, je la rappelle. 

Mais non. Au lieu de cela, elle enchaîne avec la présentation d’autres œuvres, laissant le doute s’installer chez les spectatrices et les spectateurs : qui a bien pu inventer cette technique des lettres noires peintes sur des feuilles blanches A4, elles-mêmes collées sur des murs de plusieurs villes de France? 

On n’en sait rien!

A la fin de la conférence, je me permets alors de m’approcher d’elle et de lui rappeler que, par souci d’honnêteté intellectuelle, bah elle se doit de nommer Marguerite Stern… à part si, bien sûr, elle n’en a pas la connaissance, mais bon, ça me paraissait assez évident.

Et que de plus, sans Marguerite Stern, les collectives de l’Amazone ne seraient pas nées partout en France, à Berlin, à Londres… et les féminicides n’auraient pas eu la visibilité autant médiatique, et l’impact en fait, sur l’opinion publique qu’ils ont aujourd’hui. 

Et pour moi, c’est une réalité objective, et donc non discutable en fait. Elle a créé les collages, voilà!

Pourtant, elle me répond qu’elle a choisi de nommer seulement les artistes qu’elle aime et qu’elle apprécie et justifie cela par la subjectivité de son travail.

Alors déjà, ça commence à me mettre en colère… et après elle me dit quelque chose comme “Marguerite, avec les positions qu’elle tient maintenant par rapport aux personnes trans, c’est trop violent, c’est transphobe.” N’argumentant en rien ce qu’elle avance, bien sûr. Et pour moi, cela prouve bien qu’elle sait déjà, premièrement, QUI est à l’origine des collages. Parce que quand je lui ai dit “Marguerite Stern”, j’ai vu qu’elle connaissait. Et en plus, elle sait les positions qu’elle tient aujourd’hui. Donc ça prouve bien qu’elle est au courant et en fait, en refusant de dire que c’est Marguerite Stern qui a inventé la technique des collèges comme mode d’activisme radical, aux valeurs bien précises et contre toutes les violences machistes, elle la dépossède de sa création, et participe en même temps à l’effacement des femmes et des féministes de l’histoire. 

Et pour moi, ça, c’est c’est complètement insupportable.

Et ces mots m’ont attristée et m’ont mise à la fois en colère, parce qu’oser invisibiliser la créatrice des collages, tout en se prétendant féministe… mais quel culot!

RDG – Dernière question : est-ce que tu as quelque chose à ajouter? 

Lilou – Oui j’aimerais rajouter que, malgré la cancel culture, le lynchage misogyne, notamment celui de Dora Moutot, comme je l’ai évoqué tout à l’heure, le harcèlement, la diffamation dont sont victimes de nombreuses féministes radicales en France et même dans d’autres pays, comme JK Rowling, malgré aussi la peur que nous avons, de parler de la réalité des violences que nous subissons chaque jour – parce qu’on est tout le temps culpabilisées – les mascus et les transidentitaires essaient de nous expliquer ce qu’est une femme, alors qu’on est des femmes…

… malgré tout ça, j’aimerais inviter toutes les femmes qui la peuvent à lutter contre notre oppression systémique par les hommes et les idéologues du genre, aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre. Parce que nous sommes toutes légitimes et surtout, plus nous serons nombreuses à nous mobiliser, à prendre la parole, à initier des actions, à créer des espaces aussi en non-mixité pour les femmes, moins les anti-féministes pourront déverser leur haine sur nous, tant sur les réseaux que dans la vie réelle.

Car on sait bien qu’ils ne peuvent pas être sur tous les terrains, sur tous les tableaux. 

Donc c’est ça que je voulais rappeler.

Et je finirai par une citation d’Andrea Dworkin qui résonne très fort pour moi, qui est une féministe abolitionniste lesbienne brillante que j’aurais énormément aimé rencontrer. 

Elle dit, s’adressant aux femmes : “Souvenez-vous, résistez, ne cédez pas.” 

S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe : 

http://www.womensdeclaration.com 

Rebelles du genre – Épisode 47 – Sara

Sara – Bonjour. Je m’appelle Sara, j’ai 28 ans, j’habite en région parisienne. Je suis d’origine tunisienne, je viens d’une famille musulmane, et en fait je suis ingénieure en informatique.

Même si je viens du monde de la littérature, je faisais à la base une fac de lettres, et je me suis reconvertie parce que le seul débouché possible c’était prof et c’était pas vraiment fait pour moi… alors  du coup je suis partie faire de l’informatique. 

Sara – Quand j’étais petite, moi j’ai vécu dans une famille musulmane. Alors musulmane mais modérée on va dire, c’était pas extrémiste mais on m’a éduquée dans la religion, voilà on m’a expliquée que c’était important de bien respecter tous les dogmes, de bien pratiquer, tout ça. Quand j’étais petite, je ne me posais pas forcément la question…. Je faisais un peu ce qu’on disait et voilà donc j’ai jamais été trop me poser de questions puisqu’en fait les questions elles sont venues quand j’ai grandi donc quand je suis devenue adolescente. 

En fait, ce qui s’est passé, c’est que mes parents se sont séparés. Ils ont divorcé et ma mère, en fait, est partie et je suis restée vivre avec mon père. Et ma mère c’était vraiment celle qui maintenait, en fait, toute la culture, celle qui vraiment nous apprenait un peu la religion,  tout ça. Mon père n’était pas trop là-dedans finalement, il n’était pas plus que ça dedans : il suivait le mouvement mais il était pas plus dedans que ça.

Du coup quand je suis restée vivre avec mon père, ce qui s’est passé c’est que ben du coup on a plus vraiment trop été dedans enfin on ne parlait plus vraiment de la religion, on était plus vraiment éduqués là-dedans et en plus moi j’ai commencé à grandir et j’ai pu traîné avec pas mal de personnes qui étaient pas forcément musulmanes comme moi… 

Donc ça m’a aussi permis de voir un peu comment d’autres personnes vivaient. 

C’est là que les questions ont commencé à affluer. Ce qui commençait vraiment à me perturber, c’était la place des femmes dans la religion, et pas forcément que chez les musulmans hein… C’est un peu la même chose dans toutes les religions monothéistes!

 Donc les femmes sont globalement inférieures aux hommes: elles sont censées se soumettre à leur mari, leur frère, leur père, tout ça et surtout moi ce qui me perturbait beaucoup c’était le port du voile. Je comprenais pas pourquoi c’était aux femmes de devoir porter le voile et pas les hommes, et surtout la raison pour laquelle elles devaient porter le voile c’est que finalement fallait qu’elles se cachent du regard des hommes parce que sinon ça pourrait voilà attirer l’oeil des hommes, en gros faudrait pas les tenter quoi!

C’est ça l’idée globale du voile et donc moi j’avais posé la question à ma mère en disant “Pourquoi en fait les femmes devraient forcément être soumises aux hommes,  pourquoi elles devraient porter le voile en fait ?”. Je ne comprenais pas pourquoi on était censées être soumises aux hommes.

Rebelles du genre –  “Est-ce que ta mère portait le voile?”  

Sara – Quand j’étais petite, non. Mais là, maintenant, elle le porte. 

Rebelles du genre – “Et toi est-ce qu’on t’a demandé de le porter?”

Sara – Non. Non, non, on ne m’a jamais demandé… Enfin ma mère elle a toujours dit qu’elle aimerait bien que je porte le voile, mais moi j’ai toujours été claire sur le sujet que je n’ai jamais voulu donc même quand j’étais petite et que je me posais pas plus de questions que ça je m’étais jamais imaginée le porter donc… Elle respecte, elle ne me forcera  jamais à porter le voile ni rien!  

C’est juste que dans son idée à elle, elle aimerait bien que je le fasse, mais je ne le ferai pas.

Et donc, du coup ma mère, en fait à chaque fois qu’elle me répondait, c’était toujours : “Faut pas chercher à comprendre, c’est comme ça, c’est la religion.” Voilà. C’est un peu blasphématoire de poser ce genre de question mais moi je comprenais pas comment on peut nous demander d’avoir la foi d’y croire si on peut même pas avoir au moins une réponse ? Pouvoir se poser des questions c’est quand même naturel, tous les êtres humains posent des questions, tout le monde se demande pourquoi telle ou telle chose existe donc moi j’ai jamais compris en fait le truc de jamais pouvoir se poser de questions, de toujours devoir croire aveuglément alors qu’on nous demande de croire des choses assez  incroyables! 

Même en dehors de tout le délire un peu misogyne et homophobe, il y a quand même des mythes pas vraiment prouvés donc je veux dire on m’a toujours dit de pas trop me poser de questions, juste de pratiquer, d’y croire, comme ça j’irai au paradis entre guillemets.

Du coup, j’ai commencé de plus en plus à m’éloigner, en plus c’était plus vraiment dans mon environnement, parce que comme j’ai dit j’ai commencé à traîner avec d’autres types de personnes,  qui étaient pas forcément dans la religion donc du coup ça s’est fait naturellement on va dire… Sans forcément un jour me déclarer athée, d’ailleurs je ne me considère pas comme athée mais en tout cas je ne crois pas en la religion  comme elle est actuellement. 

Je me suis éloignée naturellement de ça, je me suis tournée de plus en plus vers la science parce que c’est ce qui répondait le plus à mes questions et c’était des choses qui étaient vérifiées, prouvées, donc pour moi c’était l’évidence en fait. 

Je crois actuellement plus en la science qu’en n’importe quelle religion… J’ai pas de haine envers les croyants, y a pas de problème, ma mère est toujours croyante et même si on s’entendra jamais là-dessus je respecte le fait qu’elle elle ait envie d’y croire parce que j’aime pas en fait dans la religion c’est vouloir imposer ses croyances aux gens, nous imposer de ne pas nous poser de questions surtout, c’est pas du tout en cohérence avec mes valeurs.  

Moi le fait qu’on dise que les femmes sont inférieures aux hommes, c’est pas dans mes valeurs, j’y crois pas et je vois pas pourquoi je devrais y croire. Et aussi, l’homophobie dans la religion, ça aussi c’est pas dans mes valeurs du tout!  Pour moi, la religion à la base, elle servait surtout à donner on va dire une voie morale et moi, en fait, ma morale je l’ai déjà, j’ai pas besoin d’avoir une religion pour ça! J’ai envie d’être quelqu’un de bien, c’est pas la religion qui me force à l’être, je n’ai actuellement pas besoin de ça pour essayer d’être quelqu’un de bien tous les jours. Du coup voilà, je me suis éloignée de la religion, complètement.

Et j’ai commencé à me renseigner de plus en plus sur le féminisme, mais assez tardivement finalement, c’est arrivé je pense vers mes 18-19 ans où j’ai commencé vraiment à me renseigner sur le féminisme parce que voilà en fait. Avant, même si j’avais déjà des pensées qui étaient féministes, c’était pas si bien vu que ça encore, à l’époque on traitait facilement les féministes d’hystériques… Enfin, dès qu’on osait dire que les femmes devraient avoir… je ne sais pas… les mêmes droits que les hommes, c’était tout de suite assez mal vu et tout donc du coup je n’osais pas encore me dire féministe quand j’étais plus jeune j’ai commencé vraiment le dire vers mes 18-19 ans quand j’ai vraiment commencé à me renseigner à fond là dessus, à regarder.

Et du coup en fait naturellement, ce qui est le plus visible en fait, je me suis tournée vers le féminisme libéral en fait, qui prônait un peu l’inclusivité… Ce que j’aimais bien c’est qu’on parlait aussi des femmes racisées, des femmes voilées, tout ça et tout!

Donc je me suis tournée naturellement vers ce féminisme là qui allait aussi dans le sens que les femmes trans étaient des femmes.  

Au début, je ne me suis pas poseé plus de questions que ça et d’ailleurs je ne me posais pas plus de questions que ça sur la transidentité, je me souviens juste qu’une fois je m’étais posée la question sur: c’était quoi se sentir femme pour les personnes trans…? 

 Je me souviens m’être posée cette question en disant “Qu’est-ce que c’est?” 

Parce que moi je ne me suis jamais “sentie” femme, je sais pas ce que c’est que ce sentiment de femme… Enfin, les seules fois où je me sens femme c’est quand mon corps me le rappelle en fait,  quand j’ai mal au ventre à cause de mes règles ou ce genre de chose, mais j’ai pas un sentiment, je ne me réveille pas le matin en me disant “Oh je me sens femme!”

Ça n’est jamais arrivé en fait… Du coup, je m’étais une fois posée la question mais voilà. Et en fait, j’avais rejoint un groupe sur Facebook à l’époque, qui était un groupe de féministes, voilà on parlait entre nous comme ça et je sais qu’il y avait une personne trans, du coup un homme transidentifié, qui était dans le groupe. Il posait pas plus de problèmes que ça, on parlait, il était là, je sais pas trop d’ailleurs à quoi il servait mais il était là.

J’en parlerai plus tard je pense, c’est une anecdote…

Et en fait, qu’est-ce qui m’a fait me tourner vers le féminisme radical ? C’est que en fait moi je suis une youtubeuse, elle s’appelle Antastésia, elle à témoigné chez vous donc c’est vraiment une femme que j’aime beaucoup… Son contenu…

Rebelles du genre – Oui ! Antastésia, elle a témoigné et vous pouvez aller écouter son témoignage  dans notre historique. 

Sara – C’est une youtubeuse que j’aime beaucoup, j’aime beaucoup son contenu et tout, et ça faisait quelque temps que je suivais ce qu’elle disait, tout ça… Et en fait, je me souviens qu’une personne l’avait accusée de transphobie! Et j’ai été choquée parce que comme moi ça faisait quand même vraiment au moins un an ou deux que je la suivais, je me suis dit “franchement elle, transphobe?” Je comprenais pas parce que pour moi c’était quelqu’un de bienveillant, d’ouvert d’esprit, je la vois pas du tout tenir des propos transphobes. 

Du coup je suis allée voir la vidéo en question pour la personne qui l’a accusée de transphobie. 

Je sais qu’elle disait que le fait que les personnes trans puissent entrer dans les milieux qui étaient en non mixité pour les femmes c’était pas forcément justifié et qu’il n’y avait pas de raison qu’un homme transidentifié veuille absolument rentrer dans des associations pour femmes, d’être dans les catégories pour femmes, dans le sport, tout ça… 

Elle disait que c’était transphobe parce qu’en fait dans le sport, les femmes trans n’avaient pas autant d’hormones que des femmes normales, qu’il n’ y avait pas d’inégalités, tout ça, donc que par exemple c’est normal qu’une femme trans, enfin homme transidentifié, veuille entrer dans les associations pour femmes parce que c’est normal qu’elle veuille se renseigner, elle se sent femme donc elle a envie de se renseigner sur les discriminations faites aux femmes…

Ce genre de choses… Donc moi j’avais regardé ça en me disant ok… peut-être que c’est transphobe de dire ça, je sais pas en fait??  

Du coup, j’ai regardé la vidéo en réponse qui expliquait par a+b son point de vue et en fait ça m’a fait comme un déclic parce que je me suis dit: mais en fait c’est très logique ce qu’elle dit, tout ce qu’elle dit a du sens pour moi, ça me parle et c’est logique, il n’y a pas de transphobie là dedans. 

A aucun moment elle tient des propos haineux envers les personnes trans, elle dit juste des choses qui sont logiques en fait!

C’est pas parce qu’on doit ouvrir des droits aux personnes trans qu’il faut réduire des droits pour les femmes, il n’y a pas de raison à ça! 

Alors en fait au début, ce qui s’est passé, c’est que j’étais d’accord avec ce que disait Antastésia mais je me suis dit : “Mince, peut être que moi aussi je suis transphobe!”. J’ai peut-être la transphobie intériorisée comme ils disent! Ah ah ah!

Du coup, je sais pas en fait, j’étais dans une espèce de dissonance cognitive à ce moment-là, vraiment, je suis d’accord avec ce qu’elle dit mais en même temps peut-être c’est transphobe… Pendant quelques semaines j’étais pas bien, je ne me sentais pas bien vis à vis de ça… J’ai envie d’être bienveillante, d’être inclusive envers tout le monde, en même temps ce qu’elle dit est vrai!!

C’est logique ce qu’elle dit donc pendant quelques semaines j’étais pas bien donc j’ai commencé à vraiment me renseigner sur les revendications des personnes trans,  j’ai découvert plein de concepts merveilleux, ah ah!

Et du coup, j’étais choquée en fait, je me rendais pas compte à quel point ça pouvait aller loin en fait leur délire. Parce que eux en fait, ils partent vraiment dans un vernis de couches progressistes, et tout le monde y croit finalement, parce que quand on les entend ils cassent les codes du genre, ils révolutionnent le genre, la société donc on a envie d’y croire en fait et au début moi c’est ce que je faisais, j’y croyais, ouais c’est vrai et tout. Et finalement quand, enfin, on va vraiment à l’intérieur de leur truc, tu te rends compte de toute l’arnaque du délire et en fait c’est là, depuis quelques mois, que je me revendique officiellement critique du genre, en tout cas féministe radicale, et je l’assume mais j’essaie d’en parler avec mes proches c’est pas évident mais j’essaye et du coup voilà. Voilà mon cheminement.

Rebelles du genre – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie ?

Sara – C’est un danger pour les femmes en premier parce que je pense qu’il faut qu’il y ait des endroits qui soient dédiés uniquement aux femmes. Le danger en fait, ce qui se passe avec les personnes trans actuellement, c’est qu’ils essaient de s’insérer dans des endroits en fait qui sont faits pour les femmes donc c’est à dire le sport, les prisons, les vestiaires, les refuges,  les refuges faits pour les femmes qui sont victimes de violences masculines. Déjà dans le sport, c’est complètement injuste en fait. On a pu voir récemment avec quelques anecdotes, un transidentifié qui fait de la natation et qui du coup, concourt dans la catégorie des femmes. On voit qu’il explose tous les records qu’aucune femme n’a jamais pu faire et du coup c’est juste dégueulasse, c’est injuste quoi je veux dire. Il y a des femmes qui se battent toute leur vie pour faire du sport, on s’est battues pour faire du sport en fait, nous les femmes, et il y a des hommes qui arrivent à s’insérer comme ça dans notre catégorie sans raison, enfin il y a pas de raison en fait. En soi on peut très bien faire une catégorie pour les personnes trans si vraiment ils veulent pas concourir dans leur sexe d’origine, mais je vois aucune raison, bon bref, voilà.

Rebelle de Genre – Du coup voilà par exemple gagner des médailles.

Sara – Oui voilà pour la triche aussi, ah ah! Voilà j’ose pas le dire mais moi je pense qu’il y à de la grosse triche derrière, personnellement. Mais mettons que cela leur crée de la dysphorie. Dans ce cas-là, on peut très bien créer une catégorie faite pour les personnes trans, hein, je veux dire ya rien qui l’en empêche. Et c’est pareil dans les prisons, on a pu le voir là, il y a quand même des hommes qui sont accusés de violences, de viols envers les femmes et qui rentrent dans les prisons pour les femmes! Et là on voit pas de problème en fait, là tout va bien. On a pu voir des femmes carrément qui se faisaient du coup violentées par ces mêmes hommes, transidentifiés. Tout va bien en fait, personne ne dit rien. En plus j’ai même vu des photos des hommes, ils n’ont même pas fait l’effort en fait de ressembler à des femmes. Il suffit qu’ils se disent femmes, ils se ressentent femmes et du coup ils rentrent dans les prisons pour femmes tranquillement, sans problème. Et ça, ça ne pose de problème à personne en fait, visiblement. Donc oui c’est dangereux, c’est pareil pour les refuges en fait, il faut juste comprendre qu’en fait il y a des femmes qui sont traumatisées par les hommes et qu’elles ont le droit pour leur sécurité, pour leur bien-être, de pas vouloir se mélanger avec des hommes, même des hommes transidentifiés. Je peux entendre que ça peut être violent pour eux, je peux l’entendre, mais en fait il faut entendre aussi le sentiment des femmes, je ne vois pas pourquoi ce serait les sentiments des hommes qui iraient au dessus en fait du sentiment des femmes. Je pense que leur sécurité, elle est aussi importante. Et puis je veux dire, il y a déjà des endroits, il y a déjà des refuges pour les personnes trans. Je vois pas en fait pourquoi il faudrait absolument les insérer dans nos endroits à nous, en fait. Pareil pour les vestiaires. Désolée mais moi en tant que femme j’ai pas du tout envie de voir des hommes dans les mêmes vestiaires que nous, je serai pas rassurée en fait. Dans nos espaces à nous, ça, c’est pas rassurant. Je dis pas que toutes les femmes trans, enfin tous les hommes transidentités, sont forcément violents et qu’ils veulent nous violenter, mais je veux dire ça peut l’être, ça peut être un danger. S’il y a un doute, je ne vois pas pourquoi on devrait laisser rentrer n’importe qui dans nos espaces. Donc déjà, en premier lieu ça c’est dangereux pour nous.

C’est aussi un danger pour les femmes parce qu’il existe un mot spécial pour décrire les femmes qui sont critiques du genre, c’est “terf”, qui veut dire “trans exclusionary feminist radical”.  Donc ce mot il existe, en gros c’est pour dire que toutes les féministes radicales excluent les femmes trans de leur lutte. Ce qui est faux au passage puisque les femmes transidentifiées ont parfaitement le droit d’entrer dans nos luttes, je tiens quand même à le préciser. Et du coup ce mot là il existe, c’est une insulte pour les femmes, pour pouvoir justifier en fait les agressions envers nous. Pour pouvoir nous menacer, nous agresser, nous harceler, même nous cancel en fait parce qu’il y a même des femmes qui peuvent se faire virer, quand on se fait insulter de terf on se fait virer de notre travail tout bonnement quoi. On a pu le voir avec JK Rowling qui se fait insulter depuis maintenant presque deux ans je pense. Alors elle, elle se fera jamais…  de toute façon, parce qu’en fait, parce que c’est une personne qui est très connue, qui a une importance pour pas mal de gens, donc voilà. Mais ils essaient malgré tout. Et en fait, on a pu voir aussi avec le cas de Marguerite Stern, qui clairement s’est fait déposséder de son propre mouvement du collage contre les féminicides. C’est elle qui l’a initié, c’est elle qui a appris aux femmes comment faire et finalement on l’a complètement dégagée de ce mouvement-là, de ce groupe. Il y a même un livre qui est sorti, qui parle de ces collages… et où on ne la cite même pas. Enfin, je veux dire, on a le droit de pas être d’accord avec tout ce que raconte Marguerite Stern mais il faut quand même pas lui enlever tout ce qu’elle a pu faire pour le féminisme. 

Et là, on l’a purement et simplement dégagée. Encore récemment, j’ai pu voir qu’ ils avaient essayé aussi de virer son compte Twitter, heureusement elle a pu le récupérer. Mais voilà, on peut voir aussi avec Dora Moutot qui s’est fait harceler. C’est une insulte qui est là pour justifier en fait toutes les violences qu’on peut faire aux femmes. A partir du moment où on est traitée de terf, il y a plus aucun problème en fait à nous harceler, à nous agresser. On a pu voir aussi en manif hein où il y a des femmes qui sont frappées en fait par des transactivistes, totalement au calme en fait, parce que je vois aucun mouvement de gauche qui dénonce ça. Là on dit que c’est normal quoi, il y a pas de problème avec ça. 

Et en fait, ce qui est bizarre c’est que, c’est là que je vois que c’est vraiment une insulte vraiment misogyne, parce qu’il n’y a même pas d’équivalent pour les hommes en fait. Il n’y a pas d’équivalent pour traiter un homme de transphobe en fait. Alors que dans les faits, ceux qui vraiment tuent les personnes trans ce sont les hommes, dans le cadre de la prostitution. Alors qu’en plus, bizarrement ils considèrent ça comme un travail comme un autre, je veux dire, ils soutiennent complètement la prostitution, alors que dans les faits les personnes trans se font tuer majoritairement dans ce cadre-là. Et ce sont donc du coup les hommes qui les tuent et là bizarrement, il n’y a aucune équivalence, on n’a pas de mots pour décrire les hommes qui tuent des femmes trans. Donc c’est, oui, c’est clairement misogyne, c’est clairement pour justifier une haine des femmes ce mot-là donc voilà. Et je voulais juste aussi préciser qu’ils passent leur temps à dire qu’en fait les féministes radicales, et les critiques du genre plus généralement, c’est un mouvement en fait d’extrême droite, violent, haineux et tout ce qu’on peut entendre comme conneries quoi. Mais en fait, si on regarde vraiment la violence, d’où elle vient et de quel camp elle est, concrètement, qu’est-ce que disent les féministes radicales ? Qu’est ce que disent les critiques du genre ? Ils disent juste que le sexe a une importance, qu’on peut pas oublier le sexe au profit du genre. Qu’en fait, le genre c’est avant tout une construction sociale qui est là pour justifier des discriminations qu’on peut faire aux femmes, comme ça c’est bien dans l’intro, bref. En fait, nous tout ce qu’on dit, c’est que le sexe a une importance , mais nous tout ce qu’on veut dire c’est que les gens sont bien comme ils sont, ils n’ont pas besoin de changer, ils n’ont pas besoin de modifier leur corps, de prendre des médicaments à vie pour se sentir bien, ils ont le droit de pouvoir s’habiller comme ils veulent, se comporter comme ils veulent en fait finalement. C’est pas le sexe qui définit ce que tu dois être ou ce que tu dois faire en fait enfin c’est tout ce que disent les féministes radicales. Et à côté qu’est-ce qu’on entend, en fait, du côté des transactivistes? On entend « Bute une terf, sauve un trans. », « Une terf un œuf » et encore d’autres joyeusetés. Concrètement, d’où vient la violence ? Il faut vraiment se poser la question parce qu’il y en a un peu marre d’entendre toujours la même chose, toujours les féministes radicales sont des blanches bourgeoises qui sont là pour défendre certaines parties des femmes et qui ont une haine des personnes trans. Ce qui est faux. Alors que nous on n’est juste pas d’accord avec leur idéologie en fait. Je suis désolée mais moi actuellement je ne sais pas ce que c’est qu’un ressenti de femme. Je ne sais pas. Je veux dire, quand je pose la question à une personne trans «Qu’est-ce que c’est une femme ? », il me dit « N’importe quelle personne qui se sent femme ». Et du coup moi quand je leur dis « Ca me dit toujours pas moi ce que c’est qu’une femme », ça pour moi c’est une définition qui est circulaire. Déjà en fait, pour qu’une définition soit valide, il ne faut pas qu’il y ait le mot qu’on essaie de décrire dans la définition tout simplement. Moi quand on me dit « Une femme c’est qui se ressent femme », bah ça me dit toujours pas ce que c’est. C’est comme si je disais « Une chaise c’est ce qui ressemble à une chaise ». Bah je saurai toujours pas ce que c’est qu’une chaise. Ils sont toujours dans l’incapacité de me le dire ou enfin en fait les seuls moments où ils peuvent le dire c’est « Oui moi je me sens femme parce que, parce que moi quand j’étais petit par exemple j’adorais mettre des robes, me maquiller, j’étais quelqu’un qui était plutôt doux, donc voilà je me suis toujours senti femme ». Mais en fait ça ce sont des stéréotypes de genre en fait, c’est pas du tout ce qui fait de moi une femme en fait, moi personnellement je me sens pas femme parce que j’adore me maquiller ou parce que j’ai les cheveux longs. Une femme peut très bien porter des vêtements dit masculins, avoir les cheveux courts et ça fera pas d’elle pour autant un homme. C’est juste une femme qui n’a pas envie de jouer des stéréotypes féminins, c’est tout. Et du coup, les seuls moments ils sont en capacité de m’expliquer ce que c’est qu’une femme c’est quand ils me disent « Oui c’est parce que moi j’aime me maquiller, j’aime porter des robes et machin ». Et moi j’ai envie de leut dire « Non c’est pas ça, c’est pas ça qui fait de toi une femme en fait ». Et c’est insultant et c’est sexiste. Je veux dire, on a le droit de le dire en fait, si je dois faire la comparaison avec le mouvement transracial qui existe,je veux dire il y a des personnes qui disent se sentir noir par exemple. Simplement ils disent se sentir noirs parce qu’ ils aiment la culture afro… Les personnes racisées à juste titre disent que c’est raciste. Et c’est normal en fait oui, c’est raciste parce qu’en fait là ce sont des stéréotypes raciaux qui ne s’attachent à rien. C’est pas ça qui fait de toi un noir, une personne noire. Mais quand nous on dit qu’une femme trans, un homme transidentifié, se sent femme parce qu’il aime les robes et tout, on dit que ça c’est sexiste, c’est une insulte pour les femmes de dire que ça c’est censé faire de nous des femmes, là nous on est traitées de transphobes. C’est aux hommes de dire ce que c’est qu’une femme en fait, nous les femmes on n’a pas le droit de le dire. C’est pas mal. Je suis née femme, je sais ce que c’est que d’être une femme. Je sais ce que c’est qu’être discriminée pour être une femme. C’est pas un homme de me l’expliquer en fait. Donc on est tout à fait en droit de dire que non je suis désolée, c’est pas parce que tu aimes porter des robes que tu es une femme. Tu as parfaitement le droit d’en porter et je t’encourage vivement à le faire si tu en as envie en fait. Et au contraire voilà enfin je veux dire il faut combattre les stéréotypes de genre moi je suis complètement pour. Ca veut pas dire que ça fait de toi une femme. Et c’est en fait tout ce que disent les féministes radicales. Et ça c’est de la violence pour eux en fait, ça c’est ce qu’ils considèrent comme étant violent. Et à côté, nous dire que nous on a le droit de tuer une femme parce que quand on dit « Une terf au bûcher » c’est clairement une menace de mort, là il y a pas de problème, là personne trouve rien à redire. Enfin je veux dire c’est quand même assez aberrant en fait. Ca me fait halluciner de voir en fait que les gens n’ouvrent pas les yeux à ce niveau là enfin je veux dire c’est quand même assez clair, c’est devant nous mais la majorité des gens en mainstream on va dire qu’ils sont dans le milieu féministe libéral continuent à soutenir ce mouvement qui, finalement est quand même assez violent, vraiment c’est un truc que je comprends pas. Après le truc c’est que, ils sont dans la victimisation constante. Quand on les entend, c’est la minorité la plus marginalisée, nous les femmes cis on est privilégiées par rapport à eux, machin truc et tout. Mais en fait, quand regarde dans les faits concrètement ce qui se passe, c’est qu’en fait leur mouvement, il avance à une vitesse incroyable. Ca me fait halluciner parce que quand on regarde ce mouvement là tel qu’il existe actuellement ça doit pas faire plus de 10 ans qu’il existe, je pense ça doit faire peut-être 5-6 ans qu’il existe comme tel, comme il est actuellement et en fait ils ont quand même le droit de changer de sexe à l’état civil. Ils ont le droit à des transitions médicales complètement gratuites en fait, complètement remboursées par la Sécurité Sociale. Ils ont droit à l’ALD (l’Affection Longue Durée), on voit même récemment qu’ils arrivent récemment à obtenir des postes à haute responsabilité, ils ont droit de concourir dans la catégorie qu’ils veulent,  ils obtiennent énormément de droits. Je ne suis pas en train de nier qu’il existe des violences transphobes en fait, effectivement il en existe, effectivement faut pas tolérer ça, c’est évidemment répréhensible, mais de là à dire qu’on est dans le système transphobe, je suis pas vraiment d’accord avec ce qu’ils disent; au contraire,  je pense que l’État fait le maximum pour que les personnes trans se sentent intégrées. Bien sûr que c’est pas parfait et bien sûr qu’il existe des discriminations, je ne nie pas en fait qu’il existe des violences contre les personnes trans mais à côté, quand on voit tous les droits qu’ils obtiennent et rapidement,  je veux dire attendez…  J’ai vu récemment qu’ils avaient le droit aussi de se faire épiler au laser gratuitement, enfin dans le cadre de leur transition, et si une femme par exemple a envie de se faire une épilation au laser, elle la paye ce n’est pas gratuit pour elle mais pour les femmes enfin pour les hommes transidentifiés, c’est gratuit. Alors déjà ça pose question pour la cohérence du truc parce qu’il faut pas oublier que les femmes ont naturellement des poils, on nait avec des poils, donc je vois pas du tout l’intérêt déjà que des hommes transidentifiés aient droit à une épilation laser gratuite et puis en plus, on voit bien que c’est vraiment l’idée de ressembler à un stéréotype de femme parce que clairement, voilà comme on dit les femmes naturellement on voit leur poils. Et donc si on compare avec le mouvement féministe, vu que nous on est tellement privilégiées les femmes cis,  le mouvement féministe occidental ça fait une centaine d’années, évidemment on a avancé nos droits des femmes faut avancer,  mais ça fait 100 ans que ça existe et on en est encore quand même actuellement à devoir prouver qu’ une femme qui se fait violer, c’est pas de sa faute, c’est pas parce qu’elle a bu de l’alcool ou qu’elle s’est habillée en jupe qu’elle est fautive de son viol. On a encore énormément de mal à faire punir nos agresseurs, ils agissent quasi en  impunité en fait en toute impunité. Il y a encore énormément de choses à faire et là je parle vraiment juste en France,  je ne parle même pas à l’étranger c’est encore plus catastrophique enfin dans certains pays en tout cas. On a encore énormément de choses à faire pour les droits des femmes actuellement et du coup c’est là que je me dis quand même qu’il y a un truc quoi. Que tu me pose vraiment la question comment ils font les transactivistes pour avancer aussi rapidement parce qu’ils ont des fonds énormes aussi, je me doute bien que il y a un aspect financier, parce que je pense que sans verser dans le complotisme, je pense qu’on peut clairement dire que les labos pharmaceutiques ça les arrange bien d’un point de vue financier de médicaliser des milliers de personnes à vie parce que c’est une rente et je pense que c’est pour ça qu’ils ont autant de financement. Mais je veux dire quand même on voit à quel point ce mouvement là il est agressif en fait, il avance à une vitesse hallucinante et pourtant les transactivistes continuent à se victimiser, continuent constamment à dire que sa population est extrêmement à risques, qu’ils se font tuer alors que nous quand même, on a des faits, on a des chiffres, il y a plus d’une centaine de femmes qui sont tuées chaque année en France et c’est pas pour faire une course à qui est le plus opprimé, ce n’est même pas la question, c’est juste pour dire qu’il faut qu’ils se remettent un peu dans la réalité des choses en fait à un moment donné ces personnes-là et tout parce que non, je ne pense pas qu’ils soient les plus opprimés ou les plus marginalisés au contraire. Au contraire, leur mouvement avance à une rapidité folle, la plupart des gens accèdent à leur revendications. Par exemple, là actuellement, j’entends souvent qu’ils veulent absolument dépathologiser la dysphorie de genre, alors qu’à côté on entend quand même constamment que si on a le malheur de les mégenrer ils se suicident. Enfin plus généralement, faut être cohérent quand même, si je t’appelle “il” à la place de “elle” et que ça, ça peut te pousser au suicide, c’est que peut-être il y a un problème et ce n’est pas péjoratif de le dire, ce n’est pas méchant, c’est même eux qui font la psychophobie comme ils arrêtent pas de dire, en disant que ça c’est péjoratif, mais enfin je suis désolée moi je me suis reçue plein de choses blessantes, enfin n’importe quel être humain il se reçoit plein de choses blessantes, après j’entends que ça peut être blessant d’être mégenré comme tu dis, mais si moi personnellement je ne genre pas les personnes, moi j’utilise le pronom par rapport à son sexe, pas par rapport au genre des gens mais bref,  je peux peut-être entendre que ça peut te faire de la peine, mais si ça te pousse au suicide c’est qu’il y a peut-être un problème et qu’il faut effectivement que tu te fasses accompagner par un psy et c’est parfaitement normal, je vois pas où est le problème. Et en plus à côté de ça je vois encore l’incohérence de ce mouvement :  ils veulent qu’on dépathologise la dysphorie de genre mais quand même à côté, se faire rembourser par la sécurité sociale entièrement. Mais si c’est pas une maladie, il y a aucune raison que ce soit remboursé en fait, non dans ce cas-là faut être cohérent jusqu’au bout dans l’idée. En fait ils veulent tout : le beurre, l’argent du beurre et si on n’accepte pas leurs revendications on est transphobe ! C’est comme ça de toute façon, on est dans un système comme ils disent “CIS-tème” quoi en gros, dans le “système transphobe”, enfin bref je veux dire, c’est incroyable alors que non, on n’accepte pas toutes les revendications comme ça, il faut quand même qu’il y ait une justification. De toute façon je le vois, là, en Angleterre, en Suède aussi je vois qu’ils font quand même machine arrière. Notamment sur le fait que non, je ne vois pas pourquoi par exemple une femme trans devrait entrer dans les catégories de femmes dans le sport. Ca c’est injuste et c’est prouvable en fait et ce n’est pas parce que vous ça vous arrange et que vous vous sentez bien dans cette catégorie là, que les femmes doivent juste la fermer et accepter ça tranquillement. En plus j’ai vu un truc qui m’a fait halluciner, c’est que j’ai vu une femme transidentifiée, donc un homme trans, qui concourait aussi avec les femmes. Logique d’un côté si elle allait concourir chez les hommes, bien évidemment qu’elle n’allait jamais gagner donc elle est quand même restée chez les femmes. Donc en fait il font un peu ce qu’ils veulent, c’est vraiment à la carte quoi : je me sens femme donc je vais aller concourir chez les femmes, mais je me sens homme mais je vais quand même concourir chez les femmes malgré tout… Enfin je ne sais pas il y a un moment faut être cohérent dans votre truc, enfin évidemment qu’il ne faut pas vous discriminer, mais ça veut pas dire qu’il faut accéder à n’importe laquelle de vos revendications. Et si on y accède pas on est des transphobes, c’est hallucinant quoi. Mais bref. Oui c’est aussi un danger pour les enfants parce que tout simplement, en fait, d’un point de vue santé c’est dangereux, tout simplement. En quoi c’est normal d’aller donner des bloqueurs de puberté à des enfants de 11 ans ? Je crois que, en plus, c’est un médicament qui s’appelle le Lupron qui, à la base est utilisé pour castrer les hommes, bah les violeurs quoi en gros, castrer chimiquement.

Rebelles du Genre – Et aussi pour le cancer de la prostate, de mémoire.

Sara – D’accord. Je ne savais pas.

Rebelles du genre – Bien sûr c’est… il me semble, je ne veux pas dire de bêtises mais je crois que c’est ça aussi. 

Sara – Donc on encourage des enfants à prendre ce type de médicaments là, donc des bloqueurs de puberté. Ils arrêtent pas de dire qu’il y n’a aucun problème, que c’est réversible… Moi j’ai juste envie de dire qu’on a aucune preuve en fait que ce soit réversible, parce qu’en fait c’est tellement récent qu’on ne sait pas encore ce que ça peut donner. Mais il y a même des études qui ont prouvé qu’en fait c’est même plutôt dangereux en fait.

Rebelles du genre – C’est prouvé que c’est irréversible. Ils prétendent que c’est réversible, c’est prouvé que c’est irréversible. En fait la puberté si tu la fais pas ben tu la fais pas. Tu ne la repousses pas. Tu peux la repousser d’un an maximum en fait, donc voilà c’est uniquement dans le cas où il y a des pubertés précoces vers 7 ans ou 8 ans et tu peux la repousser que d’un an.

Sara – D’accord ouais ouais donc oui voilà effectivement. Et en plus, ils n’ont pas conscience que la puberté a de l’importance, c’est pas juste pour que les femmes elles aient leurs règles, la pousse de seins, pour que les hommes muent de la voix. C’est aussi ce qui nous permet de renforcer nos os. C’est ce qui nous permet de devenir adultes, d’un point de vue biologique. Et donc affirmer comme ça qu’il n’y a aucun problème de santé, qu’une personne qui bloque sa puberté jusqu’à ses 18 ans et après qui va prendre hormones, machin et tout ce qui s’en suit, que ça ya pas de problème d’un point de vue santé pour les enfants mais je trouve ça hallucinant. Et c’est dangereux. Et franchement ça me met en colère car il y a des gens, des médecins, des psychiatres, qui acceptent ça en fait. Qui disent « Oui on va aller dans ce sens là ». S’il y a des parents qui ont le malheur de dire non, « Non je n’ai pas envie que mon enfant prenne des médocs à vie alors qu’il est sain. Son corps est très bien comme il est ». Et si un parent à le malheur de dire « Non j’ai pas envie qu’il prenne des bloqueurs de puberté, non je n’ai pas envie qu’il prenne des hormones. Et pour autant il a le droit de s’habiller comme il veut, il a le droit de porter des perruques s’il en a envie, mais je n’ai pas envie qu’il prenne de médicaments », là on peut carrément enlever la garde d’un enfant, à son parent parce que d’un point de vue santé il n’a pas envie que son enfant soit en danger en fait. Ça, les médecins, les psys, tolèrent ça, ils vont dans le sens des personnes trans. Franchement, ça me fait halluciner. Après, j’ai vu qu’en Angleterre, ils avaient fermé une clinique qui faisait subir ça aux enfants, et tout. 

On peut le voir, quand même, qu’à l’étranger les gens commencent à faire machine arrière, du coup on peut quand même, là, ouvrir les yeux en fait juste sur la réalité de la chose. S’il y a des gens qui commencent à se poser des questions, qui voient qu’en fait c’est pas bon pour les enfants en fait, de prendre ce genre de médicaments, peut-être que nous on peut y réfléchir. Je ne comprends pas le truc de même pas aller regarder à l’étranger, parce que nous finalement, dans la question de la transidentité, d’identité du genre, tout ça, on est quand même assez en retard par rapport aux pays anglophones. Mais du coup, ça peut être un avantage pour nous, on peut voir ce qui se passe à l’étranger et essayer de contrôler ce qui se passe. Là j’ai pas l’impression qu’on va vraiment dans le sens parce que, alors effectivement, je pense que, pour moi de toute façon, les enfants n’ont quand même pas le droit de faire d’opération tant qu’ils sont encore mineurs. Encore heureux. Mais il bénéficient quand même des bloqueurs de puberté quoi, alors que…

Rebelles du genre – En fait, il y a fréquemment aujourd’hui des doubles mammectomies qui sont faites avant 18 ans, à partir de 16 ans en fait. 

Sara – Ah ouais, carrément d’accord je savais pas moi je pensais que toute opération c’était quand même… 

Rebelles du genre – Les hystérectomies non, mais les mammectomies oui. 

Sara – Les mammectomies, d’accord ok génial… Et même d’un point de vue, sans même parler d’un point de vue santé, d’un point de vue psychologique, est-ce que vraiment c’est sain de dire un enfant « Oui tu as raison, tu es né dans le mauvais corps, ton corps il est pas bien, il faut que tu le modifies »? Même pour l’estime de soi de l’enfant, en fait, je vois pas en quoi c’est génial, c’est progressiste de dire à un enfant « Oui tu as raison, si tu aimes porter des robes ou si tu aimes faire du foot, c’est forcément que t’es né dans le mauvais corps donc oui ton corps n’est pas bien, il faut que tu modifies, il faut que tu prennes des médicaments ». Je vois pas en quoi ça c’est positif en fait, j’arrive même pas à comprendre comment les gens voient ça comme étant du progressisme en fait. Ca c’est violent, ça va juste marquer les gosses, parce que faut pas oublier qu’en fait quand on est jeune on est tous passés par là. L’adolescence est difficile pour tout le monde. Moi je me souviens que quand j’ai commencé à faire ma puberté vers 12-13 ans, j’étais extrêmement mal dans ma peau, je me sentais vraiment mal, je, je me sentais pas bien parce que le truc c’est que j’avais déjà dans l’idée que quand on commence à faire notre puberté, les femmes sont extrêmement sexualisées. Le harcèlement dans la rue pour moi il a commencé, et je pense pour la majorité des femmes, il a commencé très tôt vers l’âge de 12-13 ans et j’en avais conscience, et du coup je faisais tout pour cacher mes seins, je faisais tout pour essayer de d’être le plus neutre possible physiquement parlant. Je pense que limite j’aurais, je pense que je serais peut-être pas allée  jusqu’à me médicaliser mais je pense que à 11 ans on est très vulnérable et que on peut, ouais, on peut se dire ouais « J’aime pas mon corps, je n’aime pas ce qu’il est donc oui peut-être pas née dans le bon corps. » et valider ça et dire « Oui tu as raison, je ne suis pas née dans le bon corps. ». Je ne comprends pas et je ne vois pas en quoi c’est positif. Je ne vois pas en quoi ça c’est du progressisme. C’est comme si moi je disais à une personne qui était anorexique, qui se sent grosse, est-ce que vraiment pour le bien de la personne je vais dire « Oui tu as raison, tu es grosse. » donc on va aller dans son sens. Ou on va dire « Non tu n’es pas grosse, tu es très bien comme tu es, on va t’aider. On va t’aider à aller mieux. ». Et c’est la même chose pour les personnes qui sont dysphoriques de genre. Personnellement, mon point de vue là-dessus c’est que je ne pense pas que la transition soit une solution pour tout le monde.

Je peux entendre que ça peut être une solution pour certaines personnes qui souffrent d’une dysphorie très très intense et qui n’arrivent pas à aller au-delà. Je peux entendre que si tu es majeur, que si tu as conscience de tous les risques que ça peut avoir d’un point de vue santé, bah fais ta transition médicale si c’est vraiment ce qui te fait sentir le mieux. Mais je pense que la majorité du temps ce n’est pas la solution en fait. Et certainement pas pour les enfants: on a vu que dans la majorité du temps, l’inconfort de genre passait une fois qu’on grandissait, ça passe pour la majorité des gens. Je ne vois pas pourquoi il faudrait absolument précipiter les choses et tout de suite aller leur donner des bloqueurs de puberté, leur faire faire des mammectomies, ce genre de choses en fait, alors que je pense que la majorité du temps ça s’arrange en fait en grandissant. Qu’est-ce qu’on préfère finalement ? On préfère dire aux enfants “ Vous êtes très bien comme vous êtes et habillez-vous et comportez-vous de la manière que vous voulez, ce n’est pas votre sexe qui va le définir. ” ou on va dire “ Vous avez raison, vous êtes nés dans le mauvais corps donc on va vous médicaliser à vie alors que vous avez un corps sain, on va carrément vous couper le pénis (parce que, c’est ça, c’est un peu cru ce que je dis mais c’est ce qui se passe), on va vous couper les seins et couper le pénis, parce qu’on va vous empêcher de ressentir du plaisir comme n’importe qui. ”. Parce que faut pas croire, quand on fait une “vaginoplastie” comme ils le disent (je le dis entre guillemets parce que pour moi c’est pas un vagin à la fin mais bref), quand tu fais une vaginoplastie, jamais tu retrouveras la même sensation que quand tu avais un pénis et c’est la même chose que quand tu te fais construire un néo-pénis et de toute façon, ce ne sera jamais un vagin enfin je veux dire, je ne vois pas non, ce ne sera jamais un vagin, ce ne sera jamais un vrai pénis. Non je ne vois pas l’intérêt de faire subir ça à des enfants, je ne comprends pas. Je voulais juste dire une dernière chose, c’est aussi du coup un danger pour la société parce que finalement on n’a même pas le droit de poser des questions, il faut qu’on aille dans leur sens tout le temps. C’est purement une idéologie que moi j’associe à une religion personnellement, on n’ a même pas le droit de poser la question et puis finalement si nous on ne s’attache pas à des faits réels, des faits matériels et qu’on s’attache juste au ressenti des gens, où est-ce qu’on va aller comme ça en fait ? Je veux dire, finalement, si une personne se sent arbre et qu’ elle me dit qu’elle se sent arbre et que moi je dois aller dans son sens, du coup je dois aller dans son sens et lui dire “ Oui tu es un arbre ”, c’est ça qui va se passer en fait. Non en fait, il faut quand même qu’on s’attache à la réalité des choses, à des choses matérielles qui sont vérifiables, prouvables par des faits tout simplement, c’est juste logique. Et même pour les personnes trans je pense que c’est un danger cette idéologie, ils ne s’en rendent peut-être pas compte, mais par exemple une femme et un homme ne vont pas forcément réagir de la même manière pour une même maladie. Par exemple, une femme qui a une crise cardiaque ne va pas avoir les mêmes symptômes qu’un homme qui fait une crise cardiaque, donc qu’est-ce qu’on fait dans ces cas-là ? Mettons qu’il y a un homme transidentité qui me dit se sentir femme qui a une crise cardiaque, je fais quoi ? Je fais semblant que c’est une femme et du coup comme les symptômes ne correspondent pas à une femme, je vais essayer de chercher une autre cause alors que c’est évident que c’est une crise cardiaque ou je la soigne comme un homme ? C’est pour ça qu’il faut quand même qu’on garde cette notion de sexe, elle est importante malgré tout en fait. Le genre ne peut pas transcender le sexe et c’est pareil d’ailleurs pour la sexualité, le sexe a une importance en fait. Une femme qui est lesbienne va vouloir relationner avec une femme biologique, pas une femme qui dit se sentir femme et ce n’est pas violent de le dire et c’est pas haineux de dire ça en fait, c’est ça l’homosexualité, on ne va quand même pas remettre ça en question non plus, parce c’est qu’ils sont en train de faire finalement. Parce que si une femme dit se sentir femme, une lesbienne doit coucher avec, enfin je veux dire non, ça s’appelle juste du viol si tu veux faire ça en fait, si tu veux faire subir ça à une femme, non. Désolée que ça vous dérange. Oui le sexe a une importance et il faut qu’on garde cette notion là en fait.

Rebelles du genre – Qu’est-ce qui t’a décidé à témoigner sous ta réelle identité ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Est-ce que tu te sens en danger ou est-ce que tu te sens en sécurité pour parler de ce sujet librement ?

Sara – Alors ce qui m’a poussé à témoigner à visage découvert c’est que déjà j’ai pas une réelle visibilité dans les réseaux sociaux donc j’ai pas vraiment une crainte de me faire harceler ou quoi que ce soit par les gens sur les réseaux sociaux parce que je n’ai pas vraiment cette peur là et en fait après mon entourage, alors ils sont pas d’accord avec moi clairement, je sais que j’ai essayé de leur expliquer mon point de vue, je sais qu’ils sont pas d’accord avec moi, en tout cas mes amis sont plutôt dans ce féminisme libéral donc ils soutiennent la cause trans, mais même si on n’est pas d’accord ils ne vont pas m’attaquer en fait donc je j’ai pas vraiment cette peur là au niveau de mon entourage, même si je sais qu’ils sont pas d’accord avec moi. Après le truc, pourquoi j’ai voulu témoigner à visage découvert, c’est que tout simplement j’ai pas honte, je n’ai pas peur de mon point de vue enfin je ne dis rien de méchant, de haineux envers les personnes trans, vraiment je n’ai aucune haine envers les personnes trans, je défends juste le droit des femmes en fait. Je ne vois pas pourquoi je devrais me cacher pour ça. Et je n’ai pas envie de faire le jeu des transactivistes en ayant peur de mon avis, de mon point de vue, je n’ai pas peur et je n’ai pas à avoir peur, je n’ai pas envie d’avoir peur en tout cas.

Rebelles du genre – Est-ce que tu as une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme ?

Sara – Oui j’en ai deux en fait d’anecdotes. Alors comme je disais au tout début, je me suis inscrite sur Facebook à une page féministe donc qui était féministe libérale et dedans il y avait une personne trans qui s’identifiait femme. Comme je disais, elle ne  posait pas particulièrement plus de problèmes que ça, bon elle participait. On parlait juste des droits des femmes les plus basiques, donc égalité au niveau des salaires enfin ce genre de choses quoi. Je me souviens qu’une fois j’ai été parler à cette personne trans du coup et je lui ai demandé (je me posais sincèrement la question, ce n’était pas du tout pour l’attaquer, ce n’était pas, je posais sincèrement la question), je lui disais “ C’est quoi en fait pour toi un ressenti de femme ? Parce que moi je n’ai jamais eu ce ressenti là et du coup, qu’est-ce que tu appelles toi ressenti de femme en fait ? ”. Et je lui demandé vraiment de manière sincère, c’était vraiment pour comprendre son point de vue. Et là, la personne a assez mal réagi en fait, elle a été assez agressive, elle m’a dit “ Cette question là elle est transphobe, c’est fatiguant, vous les personnes cis vous passez votre temps à demander aux personnes trans de se justifier… ”, enfin ce genre de choses, je lui dis “ Enfin non pas du tout, c’est pas du tout le but en fait, c’est juste que j’essaie de comprendre.

Parce qu’en fait, pour être honnête, moi je ne sais pas ce que c’est qu’un ressenti de femme. Donc je te demandais ça juste pour savoir, en fait, vraiment! Pour avoir ton point de vue. ”.

J’avais essayé de chercher sur internet, je voyais rien de vraiment probant. On nous parlait des stéréotypes, il y avait pas vraiment… et après elle m’avait dit que c’était pas à elle de m’éduquer, de faire de la pédagogie, qu’elle en avait marre de faire ce genre de choses, qu’elle était fatiguée, et donc que si j’avais envie de savoir, je n’avais qu’à me renseigner et m’éduquer. Du coup, je m’étais sentie super mal après ça. Je m’étais  dit : “ Ok ”. Je ne voyais pas ce que j’avais dit qui était transphobe, en fait. Je posais juste la question. Je voulais juste son point de vue. Tout ce qu’elle m’a renvoyé à la gueule c’est que je suis transphobe. Je n’ai qu’à me renseigner, m’éduquer. Bon, du coup je l’ai fait au final. Voilà ce que ça a donné, ah ah!

Mais tu vois à quel point ils ne veulent jamais répondre à nos questions. En fait, dès que ce ne sont pas des questions qui vont dans leur sens, ils n’y répondent pas. Ils vont direct dans l’attaque, tu es transphobe si tu poses une question qui ne va pas dans leur sens. Et je pense que c’est parce qu’ils sont dans l’incapacité, eux-mêmes, de répondre. C’est quoi un ressenti de femme? Je veux dire concrètement? On n’a jamais su prouver qu’il y avait un cerveau typique de femme et un cerveau typique d’homme, donc… à part me dire tu te sens femme parce que tu aimes les robes, il n’y à rien, tu vois! Mais je pense que c’est pour ça qu’il n’a pas voulu me répondre, en fait. A la suite de ça, moi je me suis éloignée de ce groupe-là. Je ne me sentais plus très à l’aise, vu qu’il participait, et tout. Je me suis même éloignée du mouvement trans. Je me suis dit ” Bon,  je n’y comprends rien, donc voilà. ”.

C’est plus tard que je me suis, que j’ai commencé à réellement me renseigner là-dessus.

Et la deuxième anecdote s’est passée assez récemment. C’est l’association Féminicides par ex ou conjoint qui s’est faite insulter, voilà, de…  une association qui serait soit-disant transphobe parce qu’ils ne comptabiliseraient pas les personnes trans dans leur comptage,  alors qu’en fait… Il n’y a juste aucune personne trans qui s’est fait tuer par un ex ou un conjoint! Et donc, du coup, j’ai vu que Nous Toustes s’était désolidarisé de cette association, alors qu’ils utilisaient allègrement leurs chiffres,  au passage,  ils s’en servaient tranquillement. Mais du coup ils ont fait le jeu des transactivistes et ils se sont désolidarisés de ce groupe sans aucune raison valable, puisque, encore une fois, il n’y avait aucune personne trans qui était comptée. Donc on voit, en fait, qu’ils n’en ont strictement rien à foutre des femmes, de toute manière. Eux, ce qu’ils veulent, c’est juste qu’on parle d’eux constamment, en fait. Ils n’en ont rien à foutre des femmes. Et ça, ça m’a énormément choquée. En fait, j’étais vraiment en colère, quand j’ai vu ça je me suis dit “ Mais jusqu’où ils vont aller, en fait? Jusqu’où ils vont aller, et qu’on continue à les soutenir dans leur délire, en fait? ”. Parce que le pire, c’est pas qu’ils essaient de faire ça. C’est qu’on les soutient dans leur délire. Que Nous Toutes s’est solidarisé. Qu’il y en a pleins qui disent “ Oui, c’est vrai, c’est transphobe. “. 

Mais attendez, il y a un moment, il faut ouvrir les yeux. C’est comme ce qui s’est passé au Canada. Il y a un refuge pour femme qui a fermé. Et en plus, avant ça, ils avaient même carrément cloué un rat sur leur porte. Enfin, un truc horrible, quoi! Et du coup, ils ont réussi à faire fermer ce refuge pour femmes parce qu’ils refusaient d’accueillir un homme transidentifié dans leur refuge. Et ils étaient contents de ça, en fait!  Pour eux ils étaient ok. Les transactivistes étaient ok, en fait. 

Qu’est-ce que sont devenues ces femmes? Où est-ce qu’elles ont pu aller? Est-ce qu’elles ont pu trouver de l’aide ailleurs? 

On n’en a rien à foutre, parce qu’en fait, quand il s’agit des femmes, on s’en  contrebalance complètement. 

Le but des transactivistes, c’est juste, eux, de gagner, d’avoir gain de cause dans leur truc. Je veux dire que toi, tu es blessé qu’on n’ait pas voulu accueillir un homme, ok, peut-être, et alors? Il y a des refuges qui existent pour les personnes trans qui sont en difficultés, vas-y! Je ne vois pas pourquoi il faudrait absolument que les femmes aient la charge mentale de s’occuper d’absolument toutes les oppressions, en fait! Ça n’a jamais été le but des femmes de parler de la question trans. On a déjà énormément à faire de notre côté, voilà. 

Chacun son mouvement, il n’y a pas de problème que vous militez pour vos droits, mais il n’y a pas de raison de demander aux femmes en plus de s’occuper aussi de la question trans.

Et du coup, ils ont réussi à faire fermer ce refuge en disant voilà, on a réussi à avoir gain de cause, ils étaient vraiment hyper fiers d’eux, ils n’en avaient rien à foutre que les femmes, ben… On ne sait pas où est-ce qu’elles ont pu aller, et on s’en fiche, finalement, c’est même pas l’idée. Donc, du coup, ce mouvement il est vraiment…  Il y a une haine des femmes en fait, il y a vraiment une haine des femmes. 

Rebelles du genre –  Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ?

Sara – Oui la chose que j’ai à rajouter, c’est juste : dès qu’on vous présente quelque chose, une idée, une idéologie, essayez de vous renseigner au maximum. Faites le travail d’essayer de penser par vous-mêmes, de douter de vos propres croyances. C’est vraiment super important, en fait. Moi, je l’ai fait deux fois, en fait : avec la religion et avec le transactivisme. Et vraiment, c’est ce qui, vraiment, te garantit une réelle liberté de penser, en fait. 

Et je pense, du coup, que c’est super important de faire ce travail-là, même si ce n’est pas toujours évident. Même si oui c’est chiant d’aller se renseigner à droite et à gauche.

Faites-le.

Faites-le, même pour vous, en fait. Voilà.

Pour toujours être garantis que vous pensez par vous-même.

Osez penser par vous-même,  et osez l’exprimer,  si vous le pouvez, en tout cas, voilà.

Rebelles du genre – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible. S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe.

http://www.womensdeclaration.com 

Rebelles du genre – Épisode 41 – Élisabeth

Elisabeth – Je m’appelle Elisabeth, j’ai 25 ans et je travaille dans la musique. J’ai découvert progressivement le féminisme et ça a été très libérateur pour moi, et émancipateur. Et je pense vraiment que je n’aurais pas été la même femme si je n’avais pas lu des livres, découvert des grandes penseuses qui m’ont inspirées, et qui m’ont montré que j’étais aussi valable qu’un homme. Elles m’ont permis de combattre la misogynie internalisée, qui fait tellement de ravages en nous toutes, et j’ai un respect infini pour ces femmes, je les remercie profondément, et je suis régulièrement émerveillée par la profondeur de leur pensée, combien tout ça est créatif et inspirant pour nous toutes.

Je pense, en fait, que j’ai toujours été critique du genre, parce qu’en fait, dès que j’ai commencé à regarder un peu des choses féministes, et quand je suis tombée sur des paroles de femmes qui faisaient scandale à ce sujet, en fait, je ne voyais pas quel était le problème. J’étais immédiatement d’accord avec elles : par exemple, le tweet de J.K Rowling, qui a fait un gros scandale, ou le thread sur tweeter qu’avait fait Marguerite Stern, moi quand je lisais ça, je ne la connaissais pas, mais je me suis tout de suite dit : « bah elle a raison, je vois pas, enfin, où est-ce qu’il y a un débat quoi ? ». Et ça m’a tout de suite parlé en fait. Et moi, enfin, ce que j’ai vraiment envie ici de rappeler, par rapport à tout ça, c’est que l’oppression des femmes, c’est ça qui me touche, c’est qu’elle dure depuis littéralement des siècles, qu’elle est systématique, et qu’elle se fonde sur notre biologie. Et que, plus on parle de genre, plus on change et on invisibilise cette réalité historique et sociale. Et moi, je suis souvent bouleversée quand je pense à toutes ces femmes à travers l’histoire, qui ont souffert, qui ont été violées, mariées de force, qui ont fait des enfants alors qu’elles n’avaient pas envie, qui n’avaient pas le choix de se poser la question de ce qu’elles voulaient faire dans la vie.

Par exemple, à une certaine époque, j’étais en études de droit, et j’avais vu que dans le code d’Hammourabi, qui est un des plus anciens écrits de droit, il y avait déjà des règles du style : si un homme a des dettes, il peut vendre sa fille pour les rembourser. Ou, s’il doit subir une condamnation à mort, il peut être remplacé par sa femme ou sa fille. Enfin, il faut imaginer le truc quoi ! Moi je trouve ça vraiment dingue, et à chaque fois, ça me bouleverse de voir que depuis si longtemps, c’est la même logique.

Et voilà, je trouve que c’est super important pour moi de rappeler constamment que dans le féminisme, on se bat pour les femmes à travers l’histoire, et les femmes dans le monde, et pas juste pour des débats qui moi, m’apparaissent juste comme… qui n’ont rien à voir avec le sujet.

Ce dont je veux le plus parler, c’est le viol que j’ai subi, de la part d’un homme, qui m’a violée en tant qu’homme, mais qui m’a annoncé plus tard s’identifier en tant que femme.

Et déjà, ce que je veux préciser, c’est que moi je n’utilise jamais cette histoire dans des débats, à chaque fois que j’en ai sur ce sujet, parce que je trouve que mon vécu, par ailleurs, n’a rien à voir avec mes convictions politiques. Enfin, je déteste qu’on me dise : « tu penses ça parce que t’as vécu ça ». C’est faux, c’est plus complexe que ça quoi. On peut partager une opinion politique sans avoir subi ce que le gens, les principaux concernés quoi… donc voilà, mais je sais maintenant que, après avoir vécu ça, je ne pourrais jamais changer de position, tout simplement. Mais j’ai vraiment besoin de parler de cette histoire parce qu’actuellement, c’est une sorte de tabou dans ma vie, parce que du coup, quand je raconte ça, si je parle de mon viol, il faut aussi que je parle de cette suite. C’est à dire que, la personne qui me l’a infligé, enfin, l’homme qui me l’a infligé s’est ensuite dit comme femme, et en fait je sais qu’il y a plein de gens à qui je dirais ça qui pourraient réagir en mode :  non mais, du coup, ELLE a fait ça, du coup respecte son genre, ou j’en sais rien. Mais en fait je trouve ça dingue, c’est cette idée que le viol, qui est une violence de base qu’on fait aux femmes, devient un nouveau tabou quand c’est fait par des personnes trans, en fait.

Voilà. Pour raconter cette histoire, et je vais la raconter avec des détails parce que, pour moi c’est important, pour essayer de décrypter le sens de ce qui est dit, et de ce que moi je dis. Donc en fait, à cette époque, c’était un homme. Et il était venu dîner un soir chez moi, et moi je venais de rompre avec quelqu’un avec qui j’étais depuis très longtemps. J’étais assez perdue, inquiète sur ma désirabilité, etc, et en fait je le voyais vraiment comme un ami.

Pour moi, c’était la friendzone, et je n’avais même pas imaginé qu’il pouvait se passer quelque chose d’amoureux entre nous, ou de sexuel. Et en fait, la soirée s’est terminée très tard, vers 4h du matin, et au moment où il allait partir, je ne comprends pas trop ce qu’il fait parce que, il se rapproche de moi. Genre, si je vais à un endroit dans la pièce, il se rapproche très près de moi, je change d’endroit il se re rapproche très près, et je ne comprends pas ce qu’il veut. Et en fait, au bout d’un moment, il m’embrasse sans rien dire, et on couche ensemble. Donc sur le moment, j’étais un peu sonnée, mais en un sens j’étais contente d’avoir suscité du désir chez un homme, parce que j’étais un peu inquiète de ça après ma rupture, et en même temps ce n’était pas très clair pour moi ce qu’on faisait, dans le sens où moi, j’avais pas pu exprimer de consentement clair, ni envers lui ni envers moi, je n’étais pas très sûre de le vouloir en fait. On devait se revoir quelques semaines plus tard, et j’avais réfléchi entre temps, et je m’étais dit : en fait, je n’ai pas spécialement envie d’avoir une relation de ce type avec lui, et je vais lui en parler, et voilà. Et le soir venu, une fois avec lui, en fait je ne sais pas comment lui dire, et je n’y arrive pas. Et, je ne sais pas comment formuler ça, et on ré entame un rapport sexuel. Et je ne me sens pas vraiment de refuser, déjà parce que je l’ai invité, parce qu’il est chez moi, parce qu’il est tard, parce que j’ai le sentiment de lui devoir quelque chose. Enfin là j’explique tout ça un peu froidement, mais c’est parce que j’ai analysé depuis, parce que ça s’est passé quand même il y a quelques années. C’est juste la mécanique horrible du viol. Je suis désolée, du coup il y a des travaux chez mes voisins, donc vous allez entendre un peu de bruit. En fait, si ça s’était arrêté là, ça aurait fait partie de la zone grise à la limite. Sauf que, il y a une suite malheureusement. En fait, à un moment donné, il était dans mon dos en fait, et il me pénètre l’anus, sans préparation, sans rien, sans consentement, sans contact visuel. Et en fait, moi je suis vraiment, à ce moment-là, très choquée, et je ne comprends pas ce qu’il se passe. Et je me dis dans ma tête : mais qu’est-ce qu’il se passe ? Est-ce que c’est réellement ce que je crois qui est en train de se passer ? Mais je me dis : mais non, c’est pas possible, personne ne fait ça, on ne fait pas ça, enfin. Donc il y a un moment en fait où je… en fait, je n’arrive même pas à réaliser. Et de toute façon, enfin je ne sais pas si vous voyez mais ce truc où parfois en tant que femme, quand on nous fait de la violence, on se dit : mais est-ce que c’est moi qui invente ? Est-ce que je suis en train de rêver sur le moment ? Et du coup, je ne savais même pas quoi dire ou faire. J’avais juste envie que ça se termine le plus vite possible. Et en fait, dans les jours qui ont suivi, je comprends petit à petit en parlant avec des amis que c’était un viol. Du coup, je me dis qu’il faut que je fasse quelque chose au moins pour alerter, pour dire stop. Donc, j’envoie des messages, pour lui dire que ce qu’il s’est passé n’est pas normal, qu’il n’est pas question de se revoir, et qu’il n’est pas question que ça se reproduise. Et lui, il réagit en me disant qu’il est effaré, qu’il ne comprend pas, qu’il ne se souvient pas avoir fait ça. Donc, premier choc pour moi. Ouais, il ne se souvient pas avoir fait ça, comme c’est commode quoi. Et donc, moi je ne lui parle plus pendant des mois, et je décide de ne pas porter plainte parce que je ne vois pas, en fait, comment prouver, de toute façon, ce qu’il s’est passé. Enfin, on m’aurait forcément dit que c’était la zone grise, que c’est parole contre parole, etc… Et je me disais, en fait, au bout d’un moment je commençais à ressentir le besoin, au moins, de le revoir une fois, et de faire, entre guillemets, de la pédagogie. Déjà, j’ai prévenu les filles que je savais qu’il connaissait, et ensuite, je voulais au moins, essayer de… enfoncer un petit clou dans sa tête quoi, et je veux dire, ça tu ne peux vraiment pas le faire. Du coup, je le contacte et je lui propose un rendez-vous dans un parc, et j’avais très très peur, et c’est ça aussi que je veux dire sur les violences sexuelles, c’est que, même quand c’est, entre guillemets, pas sous la contrainte, en fait, la terreur elle reste. Et, alors même que, moi on ne m’a pas mis une main sur la bouche, on ne m’a pas tenu les bras ou je n’en sais rien, mais par contre, la terreur reste en fait. Et ça fait que la seule solution que j’ai trouvé, en tout cas pour ça, c’était de le voir à l’extérieur, dans un parc hyper fréquenté, avec mon meilleur ami qui était caché un peu plus loin, parce que j’avais besoin de savoir qu’il y avait quelqu’un de bienveillant, qui pouvait venir dès que… en fait, j’étais encore dans la sensation de pouvoir me faire violenter, tout simplement. Donc, je lui explique mon point de vue, je lui explique que c’était un viol, tout simplement. Et lui il s’excuse, il continue à dire qu’il ne comprend pas ce qu’il s’est passé, et voilà. Mais moi je me dis au moins j’ai fait mon « travail ». De prévention. En principe ça pourrait s’arrêter là.

Sauf que j’ai d’abord reçu un mail de sa part. Enfin, de sa part… d’une femme que je ne connais pas. Puis, quelques mois plus tard, un message facebook. Et les deux c’était le même contenu : et donc c’était lui, qui me dit qu’il est parti à Berlin, qu’il est plus à l’aise sous son identité de genre de femme, et, je n’ai plus le mail parce que sinon je pourrais le lire, franchement, c’est une pépite. Il me propose de se revoir, il dit qu’il a besoin de discuter, qu’il se sent coupable, il évoque même la possibilité qu’on devienne amiES, avec un « es ». Donc voilà. Moi, déjà, j’aimerais parler de la terreur en fait, de juste recevoir un mail de la part de mon agresseur. Un message facebook et un mail. C’est-à-dire que la personne insiste, et que contrairement à moi, moi je n’ai pas son contact, je n’ai pas son adresse, j’ai rien, et lui, il a ça sur moi en fait.

Et c’est juste horrible de s’imaginer que ça peut être une bonne idée à un moment donné de me contacter. En fait, j’ai passé, juste le temps d’écrire un message… j’ai passé des moments d’angoisse intenses quoi. Et donc finalement, j’ai répondu en disant que je trouvais ça totalement insultant en fait, qu’il se sente femme, par rapport à ce qu’il m’avait fait, et je lui ai dit de ne plus jamais me recontacter parce que sinon, je porterai plainte pour harcèlement. Je suppose que ça a marché parce que jusqu’à présent, je n’ai jamais reçu de nouvelles. Et tant mieux, clairement.

En fait, je détaille ce viol, parce que pour moi c’est vraiment important, et je pense que ça montre vraiment pourquoi ça n’a aucun sens, que cette personne qui m’a violé, dise être une femme, alors que c’est un homme. En fait, déjà, il faut imaginer que ça veut dire, et ça, ça me met dans une colère folle personnellement, que je pourrais aller dans un groupe de parole par exemple, réservé aux victimes de violences sexuelles, et, pour peu que ce groupe de parole soit ouvert aux femmes trans, du coup aux hommes transidentifiés, je pourrais me retrouver avec mon agresseur. Genre : tiens, salut ! Enfin, je trouve que ça ne fait pas sens 2 secondes quoi. C’est horrible de penser que même dans des espaces qui devraient être des espaces de sororité, de solidarité, d’entraide entre femmes, je pourrais trouver là, la personne qui m’a fait du mal. Et en plus, cette personne évolue dans un milieu artistique, culturel, etc… très privilégié. En fait, d’imaginer que les gens vont le respecter, vont le valoriser pour être… potentiellement, une femme trans, donc un homme transidentifié, reconnu pour son travail, etc… enfin moi je trouve ça grave en fait. Parce que cette personne est un violeur, et en fait on va les valoriser, ou je ne sais pas, alors même que c’est des hommes qui ont fait du mal à des femmes.

Surtout, ce que je veux dire aussi, et pour moi… c’est pour ça que je veux vraiment décrypter cette situation, c’est que… cet homme a violé en utilisant sa socialisation en tant qu’homme. C’est à dire que, il a tiré avantage du fait que je suis une femme, que j’étais flattée à l’idée qu’un homme me désire, que je ne trouvais pas de raison, sur l’instant, de refuser… parce que c’était un mec beau, sympa, etc, et que je le vivais entre guillemets comme une sorte d’honneur quoi. Et ensuite, il a tiré avantage du fait qu’il était chez moi, tard, que c’était moi qui l’avait invité, que du coup je ne me sentais pas de lui refuser du sexe, parce que je l’ai invité. Et voilà, depuis, j’ai vachement déconstruit toutes ces idées en moi, mais à l’époque, j’étais encore jeune et je pensais encore comme ça, tout simplement. Et je veux dire aussi qu’il a fait ce qu’en tant qu’homme, on lui a appris à faire : c’est à dire que, je suis une femme, il m’a regardé comme un objet, il a déduit mon consentement du contexte, mais il n’a pas du tout cherché à le vérifier. Puis, tout simplement, il m’a violé avec son sexe, son pénis, qui est un attribut masculin par excellence, et il a fait ce que font les hommes depuis… depuis toujours en fait. C’est à dire, forcer les femmes, tirer leur plaisir d’un corps qui n’est même pas partant, qu’ils jugent à leur disposition. Et je me dis : en fait, le plus incroyable c’est qu’il ne se rappelle pas de ce qu’il a fait. Et pour moi, c’est un peu le truc ultime : est-ce qu’il est vraiment bête, est-ce qu’il est dans le déni, est-ce qu’il ment vraiment, enfin explicitement ? Je ne sais pas. Mais le simple fait qu’il ne se souvienne pas, pour moi, prouve, enfin, est la preuve même, qu’il ne m’a pas regardé en tant qu’humaine, et que j’ai juste été utilisée dans un fantasme solitaire de sodomie.

Mais du coup, c’était pour ça aussi que, au tout début de mon témoignage je remerciais vraiment les féministes, et je disais à quel point j’étais reconnaissante envers elles, parce qu’en fait, c’est vraiment tous ces écrits, et toutes ces réflexions qu’elles ont eues qui me permettent aujourd’hui de prendre autant de recul sur la situation. Enfin, moi… c’est vraiment horrible, mais juste après le viol, je me disais : j’ai essayé la sodomie. Il y avait un truc où je me disais : bon ben ok, j’ai un sentiment un peu de malaise, mais… j’ai fait une nouvelle expérience sexuelle quoi. Et, dans les jours qui ont suivi, j’ai réalisé tout ce qui n’allait pas, j’ai réalisé combien je me sentais mal, etc, mais… il y a effectivement une sorte d’influence aussi, clairement, de la pornographie, où en fait, on ne se pose même plus la question pour soi : de ce qu’on veut, de notre propre consentement, et des situations. Et je pense que c’est ce que j’imagine a aussi pu se passer pour lui quoi.

Mais du coup, pour continuer… enfin, moi ce que je me demande par-dessus tout, c’est : pourquoi ? Et je trouve vraiment qu’il faut poser cette question. Pourquoi est-ce que cet homme, a besoin de me dire à moi, qu’il se sent femme ? Est-ce qu’il veut un pardon ? Est-ce qu’il veut une absolution ? Est-ce qu’il veut que je l’accueille à bras ouverts et que je lui dise : oh, t’es ma sœur, t’inquiète, on est toutes victimes du patriarcat ? Je veux dire, c’est hyper drôle ! A quel réaction il s’attend de ma part quoi ? Enfin… (rires). Non mais c’est clair quoi (rires) ! En fait, moi je crois que c’est juste un moyen de gérer sa culpabilité, de passer dans le camp des gentils, de se débarrasser de son pénis ou de son nom d’homme, et de se débarrasser de comme ça de l’arme du crime quoi. On dirait vraiment que c’est ça. Et moi je trouve que c’est super facile en fait. Il y a un truc qui est beaucoup trop facile là-dedans. Et je trouve que c’est tellement insultant ! Moi, je me suis faite violer par un homme, à raison de son éducation d’homme, de mon éducation de femme, et ensuite, j’entends qu’il se sent être une femme. Et donc avec tout ça, en fait, avec toute cette expérience, je ne peux juste pas adhérer à l’idée que les femmes trans sont des femmes. Les hommes restent des hommes, peu importe comment ils s’habillent, peu importe quelles opérations ils subissent, etc. C’est une question de construction mentale, qui commence très tôt. Donc, pour moi, toute cette idéologie transactiviste met les femmes en danger, parce qu’en fait, ça revient à nier tout plein de choses qui se construisent dans l’enfance. C’est une idée qui revient à nier qu’une foule de choses se construisent dans l’enfance… et c’est juste absurde parce qu’un homme qui prétend être une femme a appris à être dominant, et a appris à en tirer avantage. En fait, toute cette idée du transactivisme et qu’il peut y avoir des femmes trans qui sont des hommes transidentifiés, reposent sur la bonne foi des hommes. C’est à dire qu’il faudrait qu’on suppose qu’ils sont de bonne foi, ce qui n’a juste pas de sens pour moi. Je veux dire, l’histoire nous a suffisamment appris qu’on ne pouvait pas leur faire confiance.

Ensuite, il y a aussi les réactions de mon entourage par rapport à ça. Par exemple, j’ai une très grande amie, qui a vu que je suivais des comptes féministes sur instagram, et, elle m’a dit qu’elle ne m’en voulait pas, parce qu’elle savait que c’était à cause de ce qui m’était arrivé. Je trouve ça, en fait, horrible, hyper insultant, et méchant envers moi. C’est vraiment cette idée qu’en fait, si je n’avais pas vécu ça… en fait, je n’aurais pas de raison d’être critique du genre. Alors que je réagis juste par rapport à un ressenti, quoi. Puis du coup, elle essaye d’appeler poliment cet homme : « cette personne », parce qu’elle ne voulait pas le mégenrer, elle ne voulait pas non plus l’appeler « elle » devant moi… En fait, ce que je ne comprends pas, c’est : pourquoi est-ce qu’on fait comme si le désir de changer de sexe n’était pas questionnable ? Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas pointer le fait qu’il y a certainement des mauvaises raisons de transitionner en fait ? Voilà, tout simplement, et parmi ces mauvaises raisons de transitionner, tout simplement, le fait de ne pas supporter d’être dans le mauvais camp, et de ne pas être en paix avec ce qu’on a fait. Et tout à coup, de pouvoir se déclarer femme, ça permet de, j’imagine, de gérer sa culpabilité.

Rebelles du Genre – De sortir du camp des violeurs en fait.

Elisabeth – Oui c’est ça. Exactement.

Rebelles du Genre – C’est vachement facile.

Elisabeth – Oui.

Rebelles du Genre – Pourquoi est-ce que tu penses que cette idéologie est une menace, pour les femmes, pour les droits des femmes, pour les enfants, plus globalement pour la société ou pour notre démocratie ?

Elisabeth – Pour moi, cette idéologie est dangereuse parce qu’elle va contre la réalité historique et sociale. C’est-à-dire qu’on entend tout le temps dans la théorie du genre, que les dominants, c’est les cisgenres, donc les gens qui sont en accord avec leur sexe biologique, et que les femmes trans, donc les hommes transidentifiés, sont plus en danger que les femmes. Et donc, il y a cette idée aussi que les luttes féministes sont terminées, ou en tout cas quasi terminées, ou en tout cas, maintenant, la lutte principale c’est la lutte des minorités de genre. Et moi, je trouve que c’est complètement faux, et que c’est très, justement, je trouve que c’est un féminisme extrêmement bourgeois. Précisément. Puis, tout simplement, j’ai l’impression que plus on intègre la question trans dans les luttes féministes, plus on dilue et on dévoie la notion de femme, de ce que ça veut dire le mot femme, profondément. Et pour moi, c’est une menace surtout, vraiment, pour la démocratie, ça je veux vraiment insister là-dessus, parce que ça crée vraiment une façon de faire de la politique, où on se base uniquement sur le ressenti, et pas sur les données sociologiques. En fait, il suffit de s’autodéterminer. A partir de là, on ne peut plus discuter, parce qu’en fait, on n’est même plus sur le plan de la discussion, du débat, on est juste à dire : je me sens offensé, je suis blessé, donc j’ai raison. J’ai l’impression que ce n’est que ça en fait. Parce que, d’un côté du coup, on a les féministes qui essaient de démontrer que leur oppression repose sur un constat, à la naissance de leur sexe, et que de ce constat découlent plein de formes de contraintes, de violences, et de l’autre, on a les transactivistes, qui disent qu’on peut se sentir femme et que ça ne doit pas être questionné. Mais, j’ai déjà entendu ça dans les podcasts de RDG, et je suis totalement d’accord avec ça. On ne choisit pas son oppression, et on ne peut pas choisir son oppression. Enfin, on se découvre violentées par un système social, mais on ne choisit pas de se rattacher à une communauté violentée par un système social, ça n’a pas de sens. C’est comme si les gens se déclaraient racisés alors qu’ils ne le sont pas, c’est comme si… enfin, je n’en sais rien, tout le monde trouverait ça scandaleux, alors pourquoi là ça ne choque personne ?

Rebelles du Genre – Il y en a qui le font quand même !

Elisabeth – Ah, il y en a qui le font mais les autres leur disent « ta gueule » !

Rebelles du Genre – Il y a des trans coréens ou des trans afro-américains. Évidemment, tout le monde trouve ça choquant, mais il y en a. Ils n’ont honte de rien, il y a même des trans handicapés.

Elisabeth – Mais c’est horrible !

Rebelles du Genre – Il y a même des trans animaux !

(rires)

Elisabeth – Mais c’est horrible. Enfin, je ne comprends pas qu’on puisse s’insurger contre ça et pas contre les trans du genre. Pour moi, cette idéologie est aussi dangereuse pour les droits des femmes à grande échelle, parce que c’est comme si les violences auxquelles sont soumises les femmes à travers le monde n’existent plus. En fait, se poser la question de : « c’est quoi mon genre en fait ? », ça me paraît vraiment être un luxe inouï. Je trouve que c’est complètement déconnecté de la réalité des femmes qui sont prostituées, violées, exploitées et excisées dans le monde. Et du coup j’ai envie de citer quelques chiffres qui moi personnellement me mettent très en colère : par exemple, selon l’estimation mondiale de l’OMS, 35 % des femmes, soit près d’une femme sur trois, indiquent avoir été exposées à des violences physico-sexuelles de la part de leur partenaire intime ou de quelqu’un d’autre au cours de leur vie. Et, ce quelqu’un d’autre, la plupart du temps du coup, c’est un homme.

Rebelles du Genre – Je lève la main, comme toutes les femmes !

Elisabeth – Ben oui, mais c’est ça !

Rebelles du Genre – Comme beaucoup de femmes, surtout quand elles sont jeunes.

Elisabeth – Exactement.

Rebelles du Genre – Enfin, je dis quand elles sont jeunes… ça arrive tout le temps.

Elisabeth – Oui. En fait, je trouve ça intéressant ce que tu dis, parce que pour moi, c’est aussi la base du patriarcat, de couper la transmission entre les femmes, quand tu dis les jeunes femmes, je trouve ça intéressant, parce qu’en fait, il y en a plein d’entre nous, qui sont larguées, entre guillemets, dans le grand bain de la soi-disant maturité affective et sexuelle, mais en n’ayant pas du tout été prévenues, sensibilisées… enfin, moi par exemple, et je le regrette vraiment, en fait je me rends compte a posteriori que, quand j’étais au lycée, j’ai des amies qui m’ont fait des récits de viols, et je ne les ai pas reconnus comme tels, parce qu’à l’époque, je ne savais pas reconnaître ça en fait. Et je l’ai appris petit à petit, mais c’est aussi en ça qu’on doit se préparer et qu’on a vraiment besoin, du coup, de pouvoir se reconnaître les unes des autres : c’est qu’on a besoin de se transmettre nos savoirs, pour que ce genre de choses ne nous arrivent plus. Tout ça pour dire qu’une femme sur trois dans le monde a été violentée par un partenaire intime ou un proche au cours de sa vie, et en fait, ce n’est pas du ressenti. C’est des données chiffrées, ça ne se décrète pas, ça ne se choisit pas, ça nous est infligé. Tant que ces chiffres seront si écrasants, si massifs, moi je me concentrerai juste sur les droits des femmes, et je me battrai contre toute idéologie qui nous empêche d’utiliser le mot femme.

Et pareil, je voudrais parler de ça parce que, pour moi ; ce chiffre m’a vraiment choquée, je l’ai découvert récemment, ce n’est pas tout à fait dans le sujet mais sur la prostitution : en 2020 en France, 22 % des hommes majeurs ont déjà eu un rapport sexuel avec une prostituée. Alors, les personnes prostituées, c’est à plus de 90 % des femmes, donc il faut imaginer qu’un homme sur cinq majeur qu’on fréquente a utilisé une femme. Moi je trouve ça hyper grave, j’essaie d’imaginer les hommes que je croise, mes profs, mes collègues, des amis de mes parents, et d’imaginer qu’en fait, ces hommes peut-être, la veille, la semaine dernière, ont baisé une fille de mon âge, qui était peut-être forcée, esclavagée, enfin de toute façon était une situation de prostitution, donc je pense, pour ma part, pas très consentante… En fait, je ne vois pas comment on peut être d’accord avec ça. Je ne vois pas comment est-ce qu’on peut faire semblant que ce n’est pas un problème.

Rebelles du Genre – Là, du coup, je vais intervenir aussi parce que tu fais le lien, mais je crois que tout est lié. Tu parles de prostitution, heureusement, maintenant, depuis le 13 avril 2016, on a une loi abolitionniste qui protège les personnes en situation de prostitution, et qui met les torts là où ils sont, c’est-à-dire sur les acheteurs d’actes sexuels, sur les violeurs et sur les proxénètes également. Donc au moins, la France va dans la bonne direction en mettant les bons mots. Maintenant, il faudrait des actes, bien sûr, et notamment la vraie verbalisation des violeurs, et notamment d’acheteurs d’actes sexuels sur les mineurs. C’est un combat, c’est incroyable…

Elisabeth – Oui, c’est horrible.

Rebelles du Genre – Parce qu’on a un grand nombre de femmes en situation de prostitution qui sont des jeunes femmes, voire très jeunes femmes, et ce n’est pas reconnu comme des viols aujourd’hui. Ce n’est jamais, jamais, jamais traité aux assises, alors que ça devrait être systématiquement le cas.

Et un autre lien qui me vient, c’est avec la pornographie, qui est en fait de la prostitution filmée, des violences sexuelles filmées, et c’est complètement lié. Et ton histoire en fait, malheureusement moi ce qu’elle m’évoque, c’est l’histoire d’un mec gavé au porno, dressé au porno, qui n’a pas réagi, et qui a considéré que ça le dédouanait, que ça lui donnait des droits sur le corps de toutes les femmes, et notamment le corps de sa meilleure amie. Enfin, ça semble incroyable, si on sort ça du contexte de la pornographie. Notre société est gavée au porno et c’est une plaie. Et c’est pour ça qu’il y a un lien très étroit, donc tu dis je ne suis pas sûre que ce soit dans le sujet, mais si, c’est complètement dans le sujet ! Il y a un lien direct entre la transidentité, l’utilisation de pornographie, et les violences sexuelles. Et effectivement, là tu le démontres vraiment très très bien, et c’est intéressant que tu aies pu le dire. Et puis, autre chose aussi, les féministes, elles sont là pour ça. Elles sont là pour cette transmission, elles sont là pour mettre les mots sur ce qui se passe, dire qu’un viol est un viol. Oui, moi c’est seulement depuis que je milite que j’ai pu comprendre qu’à 20 ans, j’ai été violée en fait. J’ai mis des années avant de mettre le mot dessus, et plus vite on comprend ce que c’est, plus vite on peut se battre, et sortir son grand sécateur, et faire le nécessaire.

Elisabeth – Exactement.

Rebelles du Genre – Parce que c’est vraiment ça qu’il faudrait faire. Voilà !

Elisabeth – Mais par rapport à ça, moi j’ai beaucoup réfléchi après cet évènement aussi, au concept de zone grise, que je trouve très grave. En fait, il n’y a pas de zone grise.

Rebelles du Genre – Non, il n’y a pas de friendzone non plus d’ailleurs !

Elisabeth – Non, non, non bien sûr… Mais c’est juste qu’il n’y a pas de zone grise dans la mesure où en fait, à partir du moment où il y a un malaise, il y a un truc qui n’est pas clair, c’est qu’il y a un viol. Et c’est juste que…

Rebelles du Genre – Il y a du désir ou il n’y a pas de désir.

Elisabeth – Exactement ! C’est pas : « hum, je sais pas trop », enfin, « je ne sais pas trop », c’est non en fait.

Rebelles du Genre – C’est ça. Tant que ce n’est pas un oui tout à fait franc et permanent, c’est un non.

Elisabeth – Oui. Mais en fait, tu parlais de pornographie, et je trouve ça hyper intéressant, et de prostitution parce qu’on peut faire des lois pour, et c’est très bien, il y a quelques procès historiques, il y a le procès Jacquie et Michel en ce moment qui est super important, mais en fait, avant tout, c’est la culture qui doit changer en fait. Tant que la culture ne change pas, les problèmes resteront les mêmes. Tant que c’est admis, ça c’est un chose que j’avais entendu Marguerite Stern dire, et que je trouve extrêmement juste, c’est qu’en fait le problème d’une société dans laquelle la prostitution existe, c’est que ça fait que toutes les femmes sont prostituables. Que n’importe quel homme peut passer, et peut croire qu’il peut t’acheter. Moi, je trouve ça gravissime en fait. Mine de rien, ça irrigue plein de formes de violence, ça irrigue plein de violences, de harcèlement au travail, de harcèlement sexuel en tout genre, parce que c’est que des hommes qui se disent : « j’ai le pouvoir sur les femmes, parce que de toute façon je peux en acheter une, je l’ai fait toute à l’heure, je l’ai fait hier… ». C’est ça en fait. C’est la disponibilité sexuelle physique, mentale, des femmes. Et en fait, le transactivisme se nourrit de ça aussi, parce que par exemple, moi, actuellement, les seules personnes qui me soutiennent inconditionnellement, finalement sur cette histoire, ce sont des amis garçons. C’est mon copain, et c’est mes amis garçons. Alors j’ai quand même quelques amies filles qui sont plus sensibles à ça, mais je suis assez frappée, en fait, de voir à quel point c’est plus facile pour des hommes un peu sensibilisés au féminisme, de condamner ça, que pour des femmes. Parce qu’il y a encore ce truc d’être un peu trop formatées à l’empathie et ne pas oser questionner le ressenti de quelqu’un, ne pas oser dire : « ce ressenti n’est pas légitime, c’est un abus de pouvoir. » Tout simplement.

Rebelles du Genre – Qu’est-ce qui t’a décidé à témoigner sous ta réelle identité, est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces, est-ce que tu perçois un danger dans ton entourage, professionnel personnel, ou est-ce que tu as peur pour tes proches ? Ou est-ce que tu te sais parfaitement en sécurité pour parler librement ?

Elisabeth – En fait, moi j’ai envie de témoigner avec mon nom et ma voix, c’est vraiment important pour moi, justement parce qu’en fait, je me sens très souvent obligée de me censurer. J’ai l’impression de devoir me cacher constamment d’être une féministe radicale, tout simplement parce que j’ai peur. Et en fait, à raison, quand on voit les réactions d’un certain nombre de personnes, toutes les femmes qui prennent la parole et qui sont harcelées… Donc, tout ce que j’ai eu pour l’instant, c’est des débats un peu animés, et des amis qui ont de la tolérance pour ce que je dis, parce que, comme mes amis ils savent que je me suis fait violer… donc voilà, moi je suis gênée par cette sensation qu’on m’accorde une sorte de bénéfice, ou de sursis, avant de m’insulter de transphobe, parce que mes amis savent ce qui m’est arrivé… comme si ça décrédibilisait ma paroles et mes opinions politiques en fait. Et j’ai envie de témoigner parce qu’en fait, le viol est une thématique centrale des violences faites aux femmes, et en fait, il redevient tabou et inaudible quand il est commis par des personnes trans, donc des hommes transidentifiés. Et je ne trouve vraiment pas cela normal en fait. Et j’ai besoin, vraiment, d’exprimer ma colère et mon incompréhension. Voilà, tout simplement. Et en fait, je n’ose pas parler de mon histoire plus publiquement, alors même que j’ai besoin de le faire je pense, parce que je pense que ça a une portée politique. Tout simplement parce que je n’ai pas envie qu’on piétine mon histoire, qu’on piétine mon récit. Donc, c’est vraiment hyper important pour moi, et je suis très reconnaissante à ce podcast d’exister, parce que j’ai toujours eu la sensation que cette histoire avait une portée politique, et j’avais l’impression jusqu’à présent de ne pas avoir pu en faire quelque chose. Pour moi, ça fait vraiment partie de ma reconstruction en fait, de témoigner là, et je suis super heureuse de penser qu’il y a des femmes, des sœurs, qui vont être d’accord avec moi, et qui… peut-être que ça va aider, ou juste être en mode… en train d’applaudir et en mode « you go girl » en m’écoutant. Et j’ai envie de dire vraiment que mon vécu n’est pas marginal. Je ne suis pas tombée sur l’exception qui confirme la règle, parce que moi, toutes les fois où j’ai été le plus gravement violentée par des hommes, c’était donc des hommes soi-disant sensibles à ces questions de queers, sensibles au féminisme etc. Pour moi, c’est la plus vaste arnaque justement.

Rebelles du Genre – Comme c’est pratique…

Elisabeth – Oui, comme c’est commode oui, comme c’est pratique. Mais vraiment, franchement… voilà. Et je voulais dire aussi, je suis vraiment, en fait, tellement en colère, que le transactivisme prenne tant d’ampleur et tant de place dans le débat public. Je trouve ça indigne et dégoûtant. Et je suis aussi en même temps émue de pouvoir parler à des personnes dont je sais qu’elles me comprennent, et de donner une forme politique à cette histoire et à ce récit. Voilà, donc, vraiment pour ça, merci de m’enregistrer.

Rebelles du Genre – As-tu une anecdote à raconter sur un évènement qui t’a marqué concernant la transidentité ou le transactivisme ?

Elisabeth – Oui, alors moi ce n’est pas vraiment des anecdotes, mais c’est plus des… enfin, j’ai vraiment entendu des pépites dans le podcast, d’anecdotes, et je n’en ai vraiment pas des aussi stylées, mais je voudrais vraiment poser des questions philosophiques en fait. Parce que, par exemple, une chose qui m’a beaucoup marquée, c’était une réflexion de Dora Moutot où elle disait qu’en fait, le transactivisme reposait sur une croyance, c’est-à-dire qu’il y a un genre rattaché à l’âme ou à l’esprit. Parce que si on n’est pas né dans le bon corps, ça veut dire que ce qui fait le sexe est rattaché à quelque chose de plus profond, de plus intérieur, donc potentiellement, à l’âme quoi. Et en fait, c’est une idée métaphysique, c’est une croyance. Donc, on devrait avoir le droit de la questionner. Et supposer qu’il faille changer de sexe pour correspondre à un ressenti interne, c’est, paradoxalement, renforcer l’importance du genre. Ils réaffirment le genre comme structurant et fondamental, et ça s’oppose à la lutte des femmes, qui depuis des siècles, cherchent à distinguer leur nature biologique et leur destin genré. Qui cherchent à s’échapper entre guillements, de ce que leur impose leur biologie. Et là, on dirait qu’il faut retomber dedans en quelque sorte. Donc, j’ai l’impression, tout simplement, que les idées du transactivisme et du féminisme ne coïncident pas à la base. Et aussi, vraiment, moi c’est une question que… j’en ai marre qu’on ne la pose pas, d’un point de vue écologique et philosophique : en fait, c’est toujours cette idée qu’il faut tordre la nature, qu’elle ne correspond pas, qu’elle est mal faite, qu’elle n’est pas fonctionnelle, que c’est une entrave au développement humain, et qu’au lieu de puiser dans ses ressources intérieures, et trouver une façon de vivre son sexe biologique en accord avec ses valeurs, très loin des stéréotypes et des destins tracés, ça renforce l’idée que le sexe biologique est à l’origine d’un destin. Et ça montre qu’au final, encore dans nos sociétés, c’est plus facile de changer en tant qu’individu, que de changer les normes sexistes. Et je trouve ça juste hallucinant.

Rebelles du Genre – C’est encore l’individu qui prime sur la société…

Elisabeth – Exactement.

Rebelles du Genre – L’ultralibéralisme, au niveau du corps.

Elisabeth – Oui. Et c’est cette idée, à chaque fois, par rapport à l’écologie, qu’en fait, il y a un progrès technique, mais en fait on ne se pose même pas la question, est-ce que c’est éthique de s’en servir, est-ce que c’est bien, est-ce que c’est juste ? C’est tout de suite, on saute dessus, en fait, il n’y a aucune réflexion. En fait, je trouve ça hyper drôle de penser que les gens puissent à la fois se croire écolos ou se sentir concernés par ces idées, qu’ils puissent refuser les OGM, mais qu’ils ne soient pas dérangés par le concept de prendre des hormones pour changer de sexe.

Rebelles du Genre –  Sans oublier le fait que le progrès technique, si ça consiste à couper une bite en quatre dans le sens de la longueur, et à l’inverser, je n’appelle pas vraiment ça un progrès. J’invite celles qui nous écoutent à aller voir sur internet, c’est assez facile, on ne montre pas ce genre d’images dans notre podcast, mais allez voir, c’est un carnage ! Dans les deux sens, et c’est vraiment encore pire pour la chirurgie de réassignation sexuelle, pour les femmes qui essayent d’avoir un pénis. En général, elles sont amputées du muscle du bras pour pouvoir avoir un truc chelou entre les jambes. C’est… voilà, progrès technique c’est très très relatif, sans parler de tous les effets, sur la santé et sur l’environnement, de la prise d’hormones.

Elisabeth – Mais c’est vraiment la question de : est-ce que ça vaut le coup ? En tout cas, moi je n’ai pas l’impression.

Rebelles du Genre – Est-ce que ça a un sens ? Individuellement comme collectivement, non, et j’espère que la société s’en rendra vite compte quand même.

Elisabeth –  Moi aussi. Puis, il y a autre chose aussi, pour ça que je vais reprendre les propos de quelqu’un qui n’est pas dans le podcast, mais je trouve ça extrêmement juste, par rapport à cette question des transitions jeunes, de prendre des bloqueurs de puberté, de faire transitionner des enfants, etc. C’est vraiment cette question : puisqu’on considère qu’il ne peut pas y avoir de consentement au sexe avant 15 ans, pourquoi est-ce qu’on considère qu’il peut y avoir consentement à un tel changement médical ? Moi je ne comprends pas en fait. C’est juste aberrant. Si on ne peut pas consentir sexuellement, on ne peut pas consentir à changer de sexe. Ça me paraît l’évidence même.

Rebelles du Genre – Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ?

Elisabeth – Non, à part redire que ça me fait beaucoup de bien de témoigner et que j’adore écouter ces podcasts. A chaque fois ça me donne vraiment de l’énergie, ça m’enrichit, ça construit ma pensée, et c’est vraiment un super travail. Donc merci beaucoup.

Rebelles du Genre – S’il vous-plaît, signez la déclaration des droits des femmes basés sur le sexe,

womensdeclaration.com

Rebelles du genre – Épisode 38 – Salma

Salma – Bonjour. Alors je m’appelle Salma, j’ai 20 ans, je suis étudiante en lettres et sciences humaines, et à côté aussi, je travaille dans le monde du tourisme.

Moi, déjà, je me revendique en tant que féministe. Dès que j’ai découvert ce que c’était le féminisme, je me suis tout de suite dit : “ Oui, oui. Oui, c’est bon. C’est moi, je suis féministe. J’étais… je devais être au début du collège, j’avais dans le 10, 11 ans, un truc comme ça. Et on m’explique le féminisme, très clairement : “Oui, alors il y a le sexe, il  y a le genre. Le genre c’est une construction sociale emplie de stéréotypes. Et voilà. Vous, les femmes, vous n’avez pas à vous…”. Voilà. Bon on m’explique le féminisme, comme aujourd’hui on définit le féminisme radical.

Je n’ai pas des parents qui sont particulièrement féministes, loin de là mais j’ai quand même été inculquée avec des valeurs féministes: “Sois indépendante!”. 

Ma mère a arrêté sa carrière pour se consacrer au foyer, à son mariage, etc. Et elle m’a toujours dit : “Jamais ne fais ça pour un homme!” Donc moi, les valeurs féministes, en fait, je les ai toujours eues.

Et puis en 2016 j’ai découvert ce que c’était le monde trans, surtout à travers les réseaux sociaux, parce que moi j’avais été sur twitter pendant longtemps, juste en tant que compte fan des “one direction”, très clairement. Et puis quand les One direction, c’était fini, j’ai transformé mon Twitter en compte normal, voilà!  En compte militant, surtout : j’ai commencé à suivre beaucoup de comptes féministes et j’entendais de plus en plus, en fait, parler de cette question trans. Et à l’époque, au début des années 2010, ça s’appelait encore les personnes transsexuelles. Puis un jour, je vois un tweet, je me rappelle très bien, c’était : “oui maintenant, il ne faut dire personnes transsexuelles, il faut dire, personnes transgenres”.  Et après, de plus en plus, cette notion d’identité de genre, et puis la non-binarité… je ne voulais pas trop remettre en question, je me disais juste : “Ah ok. Ok, ok!”. Je prenais l’info comme ça “c’est ok ok”. Je ne comprenais pas la moitié des choses, mais je disais “ok, ok!”. 

Et je continuais à être féministe, je continuais de critiquer les hommes, de critiquer la société. Mais attention.

Là je commençais à dire : “Ha oui, le problème c’est vraiment les hommes cis!”.

J’ai utilisé pendant très longtemps le terme “cis”. J’ai quand même osé dire que moi, en tant que femme cis, j’avais plus de privilèges qu’une femme trans!!! 

Aujourd’hui, avec du recul, je me dis quand même : “oula oula, ça va!” J’ai un peu honte, un tout petit peu, quand même, d’avoir pensé ça, d’avoir osé affirmer ça. Je disais  aussi : “mais ça ne coûte rien de dire “personne à règles”, “personne à utérus”…”

Je disais vraiment que ça ne coûtait rien de changer mon vocabulaire alors que si, ça coûte. Ça coûte d’effacer le mot femme.

Mais voilà : là je crise un peu et je me dis : « ah là là.”. J’essaie de ne pas trop me culpabiliser, d’avoir été bêtement influencée par ça, mais je ne poussais vraiment pas la réflexion, je l’admets!

Je disais juste : “Non mais chacun a le droit de vivre comme il veut…  Et voilà, quoi! Le seul problème de la société c’est l’homme cis…” Non :  c’est l’homme tout court, point! L’homme. Pas besoin de rajouter des mots qui ne veulent rien dire.

Et j’ai aussi découvert, aux alentours de 2018, la non-binarité.

Et je me dis : “mais attends, les personnes non-binaires… qu’est-ce que tu qualifies comme être un homme? Qu’est ce que tu qualifies comme être une femme, pour affirmer  ah non moi je ne suis aucun des deux, en fait! Tu n’es pas, je sais pas, tu n’es pas un extra terrestre, tu n’es pas une créature qui n’est pas sexuée. Tu es ou un homme, ou une femme! Enfin, donne-moi ta définition de homme et femme.”

Et après j’ai vraiment commencé à chercher, et tout ça dans vraiment un but bienveillant. J’étais en mode : “Oui bon. Moi, ces personnes, je veux les défendre, je veux entendre leurs arguments, histoire d’être capable de comprendre.”

Et puis je me rendais compte que je n’arrivais pas à trouver des définitions logiques, correctes, où deux personnes qui se disent non-binaires avaient la même définition, en fait. Je fronçais juste les sourcils, je me disais : “ha peut-être peut-être que c’est juste pas la bonne chaîne YouTube… Vraiment je ne comprenais pas. Et on va dire que le principe de la non-binarité, ça peut partir d’une bonne intention, là. Juste l’intention d’effacer les normes de genre et que ce n’est pas ça qui me définit en tant que femme et homme. Ok. Mais, du coup, qu’est ce qui te définit en tant que femme  et qu’est-ce qui te définit en tant qu’homme? Si tu n’es pas capable de me donner une définition, eh bien moi, je ne peux pas discuter avec toi.

Et je me suis vraiment rendu compte que les transactivistes n’étaient pas capables de donner une définition de homme, femme, qui était claire, nette et précise. 

Parce que moi, tu me dis : “Non mais c’est toutes les personnes qui se sentent femmes, qui s’identifient comme des femmes…” D’accord! Mais ça ne m’aide pas plus. Parce que moi, imaginons que je suis vraiment une idiote qui ne sait pas ce que c’est, ok. Tu me dis “Une femme c’est une personne qui se sent femme”… Et du coup “femme”, ça veut dire quoi, même dans cette définition? Si tu n’es pas capable de donner une définition correcte, dans ce cas-là, on commence à voir l’arnaque.

En fait, j’ai eu mon peak trans quand la chanteuse Demi Lovato a fait son coming out de non-binaire… Et je me suis juste dit :”Ok putain… juste encore une célébrité qui veut attirer l’attention, et c’est juste parce que personne n’a écouté son album qui venait de sortir récemment. Et c’est vraiment juste pour attirer l’attention.”

Et c’était en 2021. Au cours de l’année il y a eu beaucoup de célébrités qui ont fait des coming out de non-binaires, et tout, et c’est vraiment là où ça m’a aidée à me dire : “C’est des bêtises, c’est vraiment juste pour attirer l’attention!” Et à prendre, en fait, conscience de l’ampleur du phénomène, et surtout dans la culture pop. Et je me suis détachée du féminisme libéral que je défendais pendant des années. C’est à dire : “Mais chacun fait ce qu’il veut de son corps”, parce que l’argument de “chaque femme doit pouvoir faire ce qu’elle veut de sa vie et de son corps” c’est un argument même du féminisme entre guillemets radical. C’est une conséquence, en fait, de la libération des femmes. Ce n’est pas qu’on base tout le féminisme sur juste ça.

Le féminisme “pro-choice” anglo-saxon, moi ça ne m’intéresse pas. Donc aujourd’hui je trouve ça triste qu’on doive diviser les féministes et catégoriser…

RDG – Est-ce que tu peux préciser cette histoire de pro-choice? Parce que normalement, pro-choice ça parle d’IVG, en théorie.

Salma – Le pro choice, à la base c’était : défendre les femmes et leurs choix de vie, de ce qu’elles font avec leur corps et leur sexualité, mais maintenant c’est devenu le n’importe qui, qui s’identifie à n’importe quoi, juste parce que c’est son choix. C’est à dire que si un homme choisit de s’identifier en tant que femme, bah c’est son pro-choice… c’est en fait une appropriation de ça, qui n’a pas de sens et qui vraiment est, je trouve, dégueulasse!

RDG – Oui en fait on a fait basculer des droits sexuels et reproductifs des femmes, à : “j’ai le droit de dire que je suis une femme, voilà!”

Salma – C’est juste une appropriation d’un concept féministe, encore une fois. ça c’est quelque chose qu’on retrouve beaucoup chez les transactivistes : juste s’approprier toutes les idées féministes, les modifier à leur sauce et dire : “oui, si si, c’est nous!”

Je ne vais même pas mentionner les collages de Marguerite Stern, ça c’est… et je pense qu’il y en a beaucoup, dans les épisodes précédents, qui en parlent à chaque fois, mais encore une fois c’est un exemple de : “on nous vole nos idées et on se les approprie, on se les modifie”. Ça n’a même plus de sens.

Et après, quand les féministes essaient de se les réapproprier on leur dit : “Ha non, non, non, par contre! Au bûcher! Au bûcher, les terfs!”Bon. Ok. Très bien. Encore une fois, on me demande de la fermer, super. Je veux dire, ça fait des siècles et des siècles qu’on dit aux femmes : “non tais-toi, toi-tais, tais-toi.” Aujourd’hui, c’est encore : “Tais-toi, tais-toi.”  Mais avec d’autres arguments, quoi. 

Apparemment on ne pourra jamais vraiment s’exprimer convenablement.

Mon peak trans c’était… une remise en question de, d’abord, la non-binarité.

Parce que , pour moi, je n’y arrivais vraiment pas… Mais je défendais encore les personnes transidentifiées, dans ce sens que je me disais encore, oui… j’étais plus, entre guillemets, une défenseuse du transmédicalisme, c’est-à-dire qu’ il faut faire une transition médicale pour être une vraie personne trans.

Aujourd’hui, je suis juste critique de toute forme de transidentité, même, en fait, la transition médicale, parce que malheureusement, enfin malheureusement, tu vas juste faire des opérations très coûteuses et prendre une drogue jusqu’à la fin de ta vie. Enfin je ne crois juste plus, en fait, à cette idée qu’un homme peut être une femme et qu’une femme peut être un homme, tout simplement.

Donc je ne défends juste plus rien de tout ce qui est de la transidentité, tout simplement :  je n’y crois juste plus.

Je voudrais juste aussi rajouter une chose.

RDG – Oui, vas-y.

Salma – Quand j’ai découvert les violences… Enfin mon père un jour m’avait raconté une anecdote, c’est que… enfin ce n’est pas une anecdote. Pendant la politique de l’enfant unique en Chine, les familles n’avaient le droit d’avoir qu’un enfant. Et quand ils découvraient que l’enfant, le premier enfant qu’ils allaient avoir, allait être un bébé fille,  ils l’enterraient vivante ou alors ils avortaient. Et donc les infanticides envers les les bébés de sexe femelle, ça a toujours existé. On ne t’a pas demandé comment tu t’identifies, comment tu te sens aujourd’hui, quelle est ton essence, est-ce qu’elle est plutôt féminine ou masculine. On te tue parce que tu es un bébé de sexe féminin. Et ça, ça a toujours existé dans l’histoire, quoi. Et ça pour moi, c’est vraiment… Bon, déjà c’est un des plus gros crimes dans l’histoire.

On ne peut pas voir ça, savoir ça, que ça existe, et dire “ah non, non, mais les violences et les meurtres qu’on subit, ce n’est pas par rapport à notre sexe! Je ne comprends pas qu’on puisse démentir ça, quand on sait que ça existe, quoi.

RDG –  Je crois qu’entre la Chine et l’Inde, il manque à peu près 150 millions de filles.

Salma – Oui.

RDG – Donc effectivement, tu as raison de parler du plus grand crime contre l’humanité, c’est évident.

Salma –  Et dans l’histoire, quoi! Ce n’est pas, ce n’était pas juste pendant la politique de l’enfant unique, c’est pendant des siècles!

RDG – Oui et c’est encore le cas en Inde, notamment.

Salma – Et même les excisions… Vraiment on ne te demande pas comment tu te sens aujourd’hui ma belle. Tu vas subir des violences, voire être tuée pour ça. Il n’y a pas de notion de… ça c’est vraiment très occidental, comme concept, la question d’identité de genre, de ressenti… Non. il y a, en fait, une réalité biologique : c’est ton sexe. Et parce que tu es de sexe féminin, tu subis tout ça. Et démentir ça, pour moi, c’est vraiment juste… c’est fou! C’est fou.

RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour les enfants ou pour la société?

Salma – Alors encore une fois,  bon je répète juste, mais pour les femmes c’est juste… si on ne peut plus qualifier ce qu’est une femme, si on ne peut plus donner une définition exacte, alors on ne peut plus se battre pour nous, pour nos droits. Voilà. Je répète juste ce que les autres rebelles ont pu dire, mais c’est vraiment… c’est un fait : si on ne peut plus parler de nos corps!

Moi, je me rappelle, il y a encore dix ans, si je parlais de mes règles, on me disait : « Ah! Mais c’est dégueulasse, tais-toi! »  Aujourd’hui on me dit : “Non! ne parle pas de tes règles parce que c’est transphobe!” Il y aura toujours une nouvelle…

RDG – C’est oppressif!

Salma – Oui : “C’est oppressif! Il y a des femmes qui n’ont pas leurs règles!” 

Bon, à chaque fois on trouve une manière de nous faire taire. Bon bah… moi j’arrête de parler, tout simplement!

Pour les femmes c’est un vrai danger.

Et pour les enfants aussi parce que, pour moi, rien que l’idée de bloquer une puberté, les bloqueurs de puberté, je trouve ça tellement violent comme terme. Et c’est censé être un médicament. C’est censé être quelque chose qui soulage la douleur, qui soigne les maux, (M A U X) mais en fait non, on prive un être humain d’avoir un corps sain, en fait. Tout simplement. Parce que la puberté, c’est juste le développement de ton corps, tout simplement.

RDG – Oui ce n’est pas une maladie.

Salma – Ce n’est pas une maladie, tout simplement. Et donc on veut priver les enfants de ça, pourquoi? Parce qu’un enfant, un petit garçon, veut se maquiller. Ou parce qu’une petite fille, je ne sais pas, veut faire des sciences ou jouer au foot. Et donc : “Ha, oui, oui, ma fille, tu es probablement un garçon, tiens, prends.”

Et puis les dingueries, comme ça : on croit une mère qui va faire tous les plateaux télé avec son enfant, qui va nous dire : “Oui moi j’ai ressenti quand j’étais enceinte que mon enfant était très différente…”

Enfin, et on le croit? Et l’aspect vraiment pécuniaire de la chose! Il y a aussi beaucoup de parents qui poussent leurs enfants à ça. Je ne sais plus où j’avais entendu ça, mais un enfant, le fait qu’on approuve, qu’on dise à un enfant qu’il est trans, pendant 3, 4 jusqu’à cinq ans, il va vraiment croire ça jusqu’à la fin de sa vie. Mais c’est pour ça que je trouve que les médecins qui acceptent les transitions à des enfants, c’est des criminels, voilà. Pour moi j’espère que, d’ici 10, 20 ans, quand tout le délire sera révélé, qu’on condamnera les médecins, les psychologues, et les psychiatres qui donnent des traitements hormonaux à tout va, qu’on les condamnera, vraiment. Parce que c’est criminel, tout simplement. Mutiler des corps saints, c’est criminel, voilà!

Et il y a aussi cet aspect, après je ne vais pas rentrer dans la théorie du complot, mais c’est aussi un fait : c’est un lobby. Je n’ai pas de chiffres qui appuient ça, mais c’est juste une impression, là, que je vais donner, mais j’ai l’impression qu’aux Etats-Unis, le pays du HealthCare, LOL, j’ai l’impression que là bas, on peut plus facilement avoir accès à un traitement de transition, plutôt qu’à un soin du cancer. J’ai l’impression que c’est bien plus facile. Les gens, là-bas meurent pour des rhumes, oui des cancers, et ne peuvent même pas se soigner. Mais par contre, attention : si tu veux transitionner, “Oui, vas-y!”. Tu as un énorme lobby, c’est financé par un tas d’hommes blancs, la plupart du temps transidentifiés aussi. Même le rapport avec le transhumanisme, tout ça, c’est… enfin c’est vraiment un autre délire, et je ne veux vraiment pas rentrer dans le côté théorie du complot, mais des fois c’est vraiment juste évident : quand tu vois des médecins parler (des chirurgiens spécialistes de réassignement de sexe), je les vois parler de clients, et pas de patients… Je me dis “Houlà. Bon, ok ! Est-ce qu’il n’y a pas un problème là dedans, quoi?” Quand tu les vois faire, pareil, le tour des plateaux TV, dire : “Ouais moi je suis spécialisé dans les vaginoplasties, machin…” Bon : tu es en train de te faire une pub à toi-même! Des fois, c’est juste flagrant, quoi!  Juste l’impression que j’ai , c’est que aux états unis tu as plus facilement accès à un traitement hormonal, ou tu as juste à dire “Je suis trans et je me sens mal dans ma peau”,  et plutôt que de soigner des maladies telles que des cancers ou des… je ne vais pas dire des vraies maladies parce que je ne suis pas médecin, et pour beaucoup la dysphorie de genre c’est une vraie maladie psychiatrique… encore une fois, je ne vais pas donner mon opinion sur ce sujet. Pour moi, c’est vraiment juste le résultat des stéréotypes de genre. Si tu te sens mal dans ta peau, c’est vraiment juste les stéréotypes de genre, quoi! 

C’est pas parce que t’es un homme et que tu te maquilles et que tu mets des robes, et que tu as les cheveux longs et que tu préfères être épilé, que ça fait de toi une femme! Par ce que ce n’est pas ça qui fait de moi une femme. A la limite,  c’est ce qui fait de moi une personne superficielle c’est pour ça que je me maquille, j’aime juste bien le côté apparence de la chose, mais c’est vraiment pas lié au fait que je sois une femme, ou que je sois de sexe féminin.

Après oui, il ya toute la question : “nous, les femmes on a telles oppressions de la part de la société”… mais je veux dire, les féministes, encore une fois, depuis des dizaines d’années se battent, voire même des centaines, en fait contre ces stéréotypes! Ca me paraît juste aberrant qu’on en est encore à répéter bêtement et simplement : “vas-y maquille-toi, mets du vernis sur tes ongles et ça fait de toi une femme…”

Et ça c’est quelque chose qui m’énerve dans mon combat féministe : moi, je trouve qu’on perd trop de temps à dire aux hommes : “ Ne vous inquiétez pas, les hommes. Vous pouvez être sensibles. Vous pouvez pleurer. Vous pouvez vous maquiller. Vous pouvez mettre des robes, tranquilou bilou!” Enfin, je veux dire, j’ai d’autres chats à fouetter que de me battre, en fait pour ça. Mais encore une fois, c’est juste, c’est une conséquence du féminisme, que les hommes, après, puissent être tranquilles, pleurer tranquillement s’ils veulent pleurer, mettre du vernis ou se maquiller ou mettre des robes, ou juste aimer d’autres hommes. 

Parce que là aussi – j’ai l’impression de passer du coq à l’âne – mais dans cette idéologie, il y a beaucoup d’homophobie, que ce soient intériorisée par les personnes qui se disent trans, ou par des parents qui préfèrent que leur enfant transitionne.  Aussi j’ai regardé une émission… sur Arte en plus, où la femme transidentitfiée, elle était jeune, elle avait eu tout un tas de troubles, de TCA, elle avait été hospitalisée pendant son adolescence, elle avait un mal être vraiment très visible. Et elle disait : “Ha moi, je ne suis pas du tout lesbienne,  je suis un homme trans, donc maintenant je suis hétéro maintenant !” Enfin, c’est pas grave. Personne ne te…

Vraiment, la façon dont elle insistait sur le fait qu’elle n’était pas du tout lesbienne, qu’elle était un homme, est du coup, vu qu’elle était attirée par les femmes, maintenant c’est un homme hétérosexuel. Et je me suis dit : “Oh la la…” Ça m’a fait vraiment fait beaucoup, beaucoup de peine pour elle, quoi.

Et puis le médecin qui l’a traitée, qui lui faisait son opération de réassignement, entre guillemets, c’était un médecin, du genre de médecin qui parle de clients et non pas de patients, donc bon… ça m’a juste fait beaucoup de peine pour cette personne quoi. 

Mais voilà : apparemment on ne peut pas en parler, parce que si on parle de ça, ou si on donne la parole aux détransitionneurs, alors on est là pour “remettre en question la vie de milliers de gens, de mellon de millions, de milliers de personnes trans, qu’on remet en question tout le temps leur vie, machin, qu’ils ont le droit de … “

Je n’ai pas dit que vous n’aviez pas le droit de vivre. 

Je n’incite jamais à la haine ou à la violence envers les personnes transidentifiées.

C’est juste que oui, je vais remettre en question certaines méthodes scientifiques, certaines pratiques, en fait médicales, parce que je ne trouve pas ça normal de dire que la mutilation d’un corps sain et la prise de drogue jusqu’à la fin d’une vie c’est une solution pour guérir un mal-être, tout simplement.

RDG – Qu’est ce qui t’a décidée à témoigner sous sa réelle identité? Est ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ou est-ce que tu perçois un danger, ou est ce que tu te sens en sécurité pour parler librement?

Salma – Alors moi, je me sens en sécurité pour parler librement. Tout simplement parce que je n’ai pas vraiment une présence sur les réseaux sociaux très active. 

Je… enfin je suis plutôt anonyme sur les réseaux sociaux, donc qu’on retrouve ou qu’on ne retrouve pas mon compte, je m’en fiche. 

Je sais aussi que je ne me mens pas moi-même, en fait. 

J’ai confiance en ce que je dis. 

J’ai confiance en ce que je pense : je sais que c’est juste la vérité, tout simplement.

Je ne me sens pas menacée par des mots : pour moi, c’est juste logique et raisonnable, ce que je pense et ce que je défends.

Donc, c’est comme quand j’étais petite et que je me disputais avec mes sœurs et que je commençais à m’énerver… Elles disaient : “Ah tu t’énerves, parce que tu sais que tu as tort!” Elles me disaient toujours ça, et ça m’énervait encore plus, et la plupart du temps j’ai l’impression que c’est la même chose avec les transactivistes qui s’énervent contre nous, qui nous menacent… “Quoi tu t’énerves, parce que tu sais que tu as tort ou quoi?” Enfin moi j’ai vraiment confiance en ce que je dis simplement. Je crois en ce que je dis. Je ne suis plus dans une phase où je me mens à moi-même. Non, non. Je sais ce que je dis. Je sais que, de toute façon, la science est de notre côté.

Et voilà, je n’ai pas, je n’ai pas honte. Je ne suis pas en train de… Je ne menace personne, je ne déteste personne. Je n’incite pas du tout à la haine et à la violence, quoi. C’est juste des faits, ce que je dis, et ce que je défends. Donc, à partir de ce moment-là, je n’ai pas de raison de ne pas assumer. J’assume, tout simplement.

RDG – Est-ce que tu as une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme?

Salma – Alors, comme je l’ai dit, je travaille dans le monde du tourisme. En fait, j’ai travaillé dans une auberge de jeunesse, une  grande auberge de jeunesse, en tant que réceptionniste, c’est donc vraiment première ligne, quoi. Et dans,  (je pense que c’est le cas de la plupart des auberges de jeunesse dans le monde,) mais dans l’auberge de jeunesse où j’ai travaillé, il y a des chambres exclusivement féminines, et il y a  la possibilité pour les clientes de louer un lit dans un dortoir avec que des femmes.

Et un jour, bon j’étais là. Je fermais ma caisse, et il y a un homme transidentifié qui arrive. Vraiment : 1 mètre 90, voix qui… encore grave, ça se voit qu’il essayait de parler de façon à l’adoucir, mais voilà… cheveux un peu longs, maquillé et habillé avec des vêtements qu’on retrouve dans les rayons femme, quoi : des vêtements associés au genre féminin. Et qui dit : “Bonjour, je veux juste un lit pour ce soir.” Et il me semble que ma collègue avait dit un truc du genre  : “c’est un dortoir mixte, c’est pas grave?” Et il dit un truc : “Ah bah, en fait je suis une femme trans, donc bon…” En gros, il disait que sa présence ne serait probablement pas acceptée dans un dortoir féminin, parce que bah c’est une “femme trans” (d’après ses mots). 

Et moi j’étais là, je comptais ma caisse, et je me disais :  “Mais tu sais que ta présence ne sera probablement pas la bienvenue… tu le sais!” 

Heureusement il n’était pas là en train d’insister et dire “voilà je suis une femme trans”… 

Je me dis, “mais pourquoi est-ce que tu as fait tout ça, toute cette transition et une opération, une augmentation mammaire… enfin même pas une augmentation mammaire, parce que tu n’as pas vraiment de seins à la base… Mais pourquoi tu fais tout ça, toute cette transition, si tu sais, au fond, que tu seras jamais entre guillemets “une vraie femme”?  Si tu sais que… juste pourquoi ne pas t’habiller comme ça, et te maquiller comme ça, et juste continuer d’assumer que, enfin continuer juste de dire que tu es …un homme, quoi!”

Et puis après, je sais qu’au sein de la communauté trans ils disent…  il y a tout un tas de débats,  ils aiment trop s’accuser de transphobe entre eux, donc à partir de ce moment-là, moi je me dis… j’ai plus rien hahaha.

Entre eux, il y a ceux qui disent : “Non mais toi tu défends les trans médicalistes, toi le “cispassing”, le machin… Enfin bon. 

Eux et leurs termes : au sein même de leur communauté, ils se font la guerre, donc moi, à partir de ce moment-là, je me dis bon.  

Je ne me sens pas trop coupable non plus!

Mais typiquement, si on utilisait leur vocabulaire, cet homme-là, ce client-là, c’était un homme qui avait pas un cis passing. Bon après, ils vont inventer tout un tas de discriminations contre ça… Mais bon, tu es juste clairement, un homme. Tu es juste un homme, tout simplement! 

Et tu sais que tu ne seras jamais accepté dans un espace réservé aux femmes, et tu en as conscience. Et ça ne te dérange pas, au fond, plus que ça. 

Parce que tu sais que tu es un homme.

Donc la question c’est : “Pourquoi tu transitionnes? Ou alors pourquoi tu veux te absolument te qualifier en tant que femme?

Enfin bref. Je ne sais pas. J’étais juste là : “Pourquoi?” 

La question que plus personne ne pose, on dirait :  “Pourquoi? Pourquoi tu veux être perçu et traité comme le sexe opposé?”

Eh bien peut-être parce qu’on vit dans une société qui perçoit et traite les gens selon leur sexe ? Oui bon. La notion de genre, voilà. Ce que les sciences sociales ont établi. Merci, au revoir!

Et c’était juste aberrant.

Et j’en ai vu après plusieurs. Heureusement je n’ai jamais été dans une situation où un homme exigerait d’être dans un dortoir féminin. Là j’aurais dit non, genre : “Non. A la limite, paie pour une chambre privée, mais non.”

Enfin… mais ouais, c’est juste aberrant… je me suis dit : « vraiment mais ces gens-là, ils savent en fait. Ils savent très bien!” Du coup, à quoi tu joues? à quoi tu joues? Pourquoi tu affirmes que tu es une femme si tu sais que tu n’es pas une femme, tout simplement? Je ne veux pas être méchante, mais je te le demande, très sincèrement. Je suis juste très curieuse, en fait. Je suis bête, et j’ai besoin qu’on m’explique les choses. Donc j’ai besoin que tu m’expliques. A la limite, poser la question à une femme transidentifiée : “Pourquoi est-ce que tu veux être perçue comme un homme?”

Et bien je pense que la réponse malheureusement, on l’a toutes :  c’est que dans cette société, je pense aujourd’hui plus que jamais, c’est difficile d’être une femme. Vu comme on est traitées, vu comme on est représentées, comme on est hyper sexualisées,  vu que… Pour mille et une raisons que le féminisme explique. C’est pour ça que je peux comprendre pourquoi une femme voudrait être perçue et traitée comme un homme. Parce qu’en fait c’est juste, la transidentité : juste faire en sorte physiquement d’être perçue et traitée comme le sexe opposé. Parce que moi je peux te garantir que si tu te retrouves sur une île déserte tout seul en tant qu’homme qui pense être une femme, personne ne va te valider ta pseudo identité, en fait. Personne ne va t’affirmer, personne ne va t’encourager dans ton délire, désolée. Mais voilà tu ne te retrouveras pas confronté à : “Mince, là,  j’ai mes règles qu’est ce que je fais?” Alors qu’une femme, elle se retrouve toute seul sur une île déserte, qu’on l’appelle Madame ou pas, qu’on l’appelle Miss ou pas, qu’on utilise des pronoms féminin ou pas, elle aura cette réalité biologique qui va la rattraper : elle aura ses règles, elle va devoir trouver une solution, elle aura ses crampes, les trucs comme ça… Enfin, il y a une réalité biologique qui fait que nous sommes des femmes et des hommes. Enfin,  c’est pas une question d’approbation, et de vocabulaire et de pronoms. C’est une question de réalité biologique et les transactivistes veulent effacer ça. Ils veulent effacer le sexe. Ils veulent effacer la réalité biologique, et moi, c’est ça qui me pose bien problème aujourd’hui, et qui pose problème aux féministes. Aux féministes parce que je sais qu’il ya beaucoup de gens de droite et d’extrême droite qui sont aussi contre ça, mais après c’est pas pour les mêmes raisons que les féministes. Pour moi, les féministes, on est juste bienveillantes, en fait, envers les femmes et envers les personnes transidentifiées qui, la plupart d’ailleurs, sont juste des victimes. Des victimes de la société, de l’industrie, du lobby. 

Je ne pense même pas être moins bienveillante envers les personnes transidentifiées qu’une personne qui se dit alliée. 

Parce que moi, je peux comprendre que tu as une souffrance, et tout,  mais je vais quand même questionner. Pas méchamment, juste par curiosité pure. “Et pourquoi est-ce que tu veux être mutilé? Pourquoi est-ce que tu veux faire tout ça et transitionner?”

Il y a aussi le délire d’appartenir à une communauté. C’est presque une secte, cette idéologie. C’est même pas  “presque” une secte : je regardais une vidéo tout à l’heure sur une secte. Quand la  youtubeuse et elle donnait les définitions de ce qui est qualifié d’une secte,  j’étais là : « ah, ça me fait penser à quelque chose!” Donc c’est vraiment plus un délire sectaire que vraiment des droits humains fondamentaux, quoi. Mais bon, voilà je m’arrête là!

RDG –  Je voulais te poser une question, mais du coup tu as répondu, puisque en fait la question que je me posais, c’était : “Finalement, du coup, pourquoi il le font?” Et clairement, oui c’est parce qu’ils sont dans une démarche sectaire, en fait. Je suis d’accord avec toi : il y a une démarche sectaire, et puis après il y a aussi ce besoin d’être, de se sentir intéressant et de pouvoir revendiquer une oppression. Surtout, sans la subir, par contre! Tu vois c’est comme la personne qui est “transraciale” ou « trans handicapée ».

Salma – Oui, oui. Mais d’ailleurs, je voulais rajouter, parce que là tu as dit donc il y en a beaucoup qui cherchent juste à subir toutes les oppressions possibles. Ca me rappelle il y a beaucoup d’hommes, en fait blancs, qui se disent : “Ouais non mais moi en fait je suis oppressé, parce que je suis une femme trans.”

Et ça me rappelle, il y a un compte d’un homme transidentifié qui a assumé avoir violé quelqu’un, qui a  dit, il a fait un tweet où il expliqué : “Ouais, moi j’ai effectivement j’ai fait,  j’en suis désolé j’ai violé… et en fait il se qualifiait de “femme ayant violé une autre femme”. Alors que non : “Tu es juste un homme qui a violé une femme!” Et déjà je ne comprends même pas pourquoi tu es en train de tweeter ça au lieu d’être au commissariat, est en train de …

Et oui je me rappelle ma sœur, qui m’a envoyé le tweet…  et là je n’en reviens pas en fait.

Ça, c’est quelque chose que beaucoup de féministes dénoncent :  le fait que ça modifie toutes les statistiques. On ne pourra même plus parler d’agression d’hommes envers les femmes… ça va juste faire monter les statistiques de femmes qui agressent d’autres femmes, des trucs comme ça. Alors que non, ce ne sont pas  les femmes qui agressent les femmes, ce sont les hommes qui agressent des femmes. Et le fait que…

RDG – J’ai même vu une fois un article aux États-Unis sur “une femme qui tuait une personne”… Alors en fait, c’était un homme transidentifié qui avait agressé une femme. Et donc, dans l’article, l’homme revendiquant être une femme, il était donc présenté comme une femme… et la femme qui avait été brûlée vive, n’étant pas là pour donner ses pronoms,  elle était “une personne”…  et donc l’article disait “une femme a brûlé une personne”! 

Enfin tout était à l’envers, en fait! 

Salma – Ouais, c’est le monde à l’envers! C’est comme… J’avais vu un… juste un titre d’article, je n’avais même pas lu l’article, mais d’un homme transidentifié dans une prison de femmes, qui avait mis enceintes deux de ses codétenues. Et dans les commentaires, pour la plupart des gens étaient tout simplement choqués, disant : “Voilà ce qu’on perd quand on n’a plus d’espaces, et voilà”.  Et puis il y avait des gens qui disaient “vous êtes tellement transphobes” juste parce que les gens faisaient  référence à ce violeur juste avec ses pronoms, en fait : des prénoms masculins, tout simplement. Et le problème c’était de qualifier ce criminel, d’homme,  enfin juste d’utiliser des pronoms masculins… Mais c’était ça le problème, c’était pas qu’il ait violé deux femmes. 

Parce que maintenant, le crime, c’est d’utiliser le mauvais pronom, pas d’être un violeur, apparemment.

Donc moi, ça me ça me dépasse. ça me dépasse. C’est le monde à l’envers… Je me dis mais : “Mais est-ce qu’on n’est pas juste dans une simulation, ou genre une espèce d’expérience sociale, tout simplement, on essaie de tester jusqu’où les gens sont débiles, ou les gens sont capables de se mentir à eux-mêmes”… Haha non, mais à ce stade, je n’arrive pas à trouver d’autres explications logiques à ce phénomène, tout simplement. J’ai vraiment juste l’impression que c’est une expérience sociale, je n’ai vraiment pas d’autres explications.

RDG – Eh bien écoute, cette partie que j’avais ajoutée, ce n’était pas,  je n’avais pas prévu de la garder mais je veux la garder parce que … Tu sais, c’est “the Truman show” haha.

Salma – haha

RDG – haha A quel moment les gens se réveillent?  Tu te rends compte que tu n’as que des acteurs autour de toi!

Salma – Ouais c’est ça :  tu racontes des bêtises, des mensonges, mais tu…

RDG – oui, et  plus c’est gros plus ça passe. 

Salma – “Oui : plus c’est gros plus ça passe!” C’est l’une de mes citations préférées! Voilà, tout simplement : plus c’est gros, plus ça passe! Et c’est vraiment ça, ça le confirme bien : plus c’est gros, plus ça passe. 

2 + 2 =  5 . Oui, oui, tout va bien.

RDG – C’est 1984…

Salma –  Oui.

RDG – C’est flippant.

Très bien.

Est ce que tu as quelque chose à ajouter?

Salma – Alors, j’ai une recommandation d’une chaîne YouTube. Si vous consommez du contenu en anglais, n’hésitez pas à les regarder sur la chaîne YouTube de King Critical, qui est un homme qui fait des vidéos où il explique… Il  est très logique, très clair, très net.  C’est juste un gender critical, tout simplement. Critiques du genre. Il ne  se qualifie même pas de féministes lui-même. Moi, je n’ai pas de problème avec les hommes qui peuvent s’auto qualifier… je m’en fiche. Pour moi, tant que tu es critique du genre, bon bah c’est très bien. Donc lui, il est très bien. Il fait du bon contenu, ses vidéos sont longues mais moi j’aime bien. A chaque fois, je les envoie à ma sœur, elle me dit “Waouh,  tu m’envoies une conférence, là!” Mais moi, j’aime bien, ses vidéos à lui sont très bien.

Aussi la chaîne YouTube “Whose body is this”. C’est, ouais pareil, un podcast sur YouTube, américain, pareil c’est juste en anglais. Mais on va dire que la plupart du contenu critique de cette idéologie est en anglais parce que dans les pays anglo-saxons, ce délire est quand même très répandu,  donc ça pourrait presque un jour déclencher une guerre civile, dans certains pays, on dirait.

Qu’est-ce que j’ai d’autre à ajouter?

Ayez confiance en vos propos, tout simplement. 

On n’est pas là pour propager la haine, on n’est pas là pour pousser des gens au suicide, ou je ne sais pas quoi… on est juste là pour dire :  “ah non désolée, moi je ne suis pas d’accord avec tes propos et voilà pourquoi, point A, point B…

La science est, entre guillemets, “de notre côté”, la raison est de notre côté. Ne culpabilisez pas, aussi d’avoir été, éventuellement, “alliées” de cette cause, et tout. Parce qu’ils utilisent des bons arguments. Et puis la plupart des arguments d’ailleurs, qu’ils ont volé au féminisme. C’est en tant que féministes, ça nous paraît logique au début d’adhérer à cette cause, parce qu’on est vraiment dans un but de… d’égalité. Enfin c’est très bien expliqué dans le générique de ce podcast, quoi : on veut juste être bienveillantes, on veut bien faire les choses, donc on adhère. Et ce n’est pas grave. Ne culpabilisez pas. C’est juste un renforcement des stéréotypes de genre, quoi. Des stéréotypes en plus, qui évoluent tout le temps, à toutes les époques.

Aujourd’hui, je suis sûre qu’à les écouter parler,  Louis XIV était une femme trans! Si on devait rester dans leur délire. Donc non, ne vous inquiétez pas, ne vous culpabilisez pas, n’ayez pas peur. 

Et puis surtout, tant que vous ne dites rien qui, on va dire, est hors la loi, ou tant  que vous ne menacez personne de mort, il n’y a pas de raison d’avoir peur.

D’ici 10, 20, 30 ans éventuellement, la société se rendra compte que ce phénomène est un peu plus dangereux que ce qu’on pense.

Mais juste restez… oui restons, restons soudées, surtout!

Enfin pour moi, le féminisme, ça n’a rien à voir avec la transidentité, est ça n’inclut pas les personnes transidentifiées parce que ça n’a rien à voir.

Et puis c’est surtout… le féminisme il n’y a même pas besoin de le qualifier de radical en fait, c’est même triste qu’on en soit venues à un stade où on doit le  qualifier ça de radical, alors que c’est juste logique : c’est juste lutter pour nos droits et pour l’abolition d’un système patriarcal, quoi. C’est triste qu’on en soit venues à dire que c’est radical de lutter contre les féminicides, de lutter contre les infanticides des bébés filles. C’est triste, enfin, de dire que c’est radical de lutter contre les mariages forcés, etc.

Ben non : c’est juste la base. 

Moi je suis issue d’une famille en fait… Enfin je suis arabe, je suis d’origine arabe, et donc dans les communautés arabo-maghrébines il y a énormément de misogynie, et de violence contre les femmes. Et mon père, c’est pas le plus grand des féministes, mais encore une fois, je veux dire que j’ai eu de la chance par rapport à d’autres. Je sais qu’il y a d’autres familles qui sont bien plus oppressantes envers leur filles, et les femmes de leur famille, que moi. Je trouve ça triste de devoir dire  d’ailleurs que c’est une chance de ne pas avoir été très opprimée, mais bon…bref.

Et j’ai toujours privilégié les femmes, et la parole des femmes, plutôt que les hommes de ma communauté. 

Et pour ça je peux être qualifiée de traître à ma communauté, de  traître à ma race ou je ne sais pas quoi… Mais pour moi, je ne me tairai jamais. Je vais dénoncer la misogynie et le traitement des hommes arabes envers les femmes arabes, plutôt que de dire : “Ah non, mais je vais la fermer, parce que sinon, ils vont être victimes du racisme… Si je me fais agresser par un homme d’ origine étrangère, maghrébine par exemple, de ma communauté, je vais le dire. Je ne vais pas me taire, parce que j’aurais peur des répercussions racistes envers lui. Parce que les répercussions racistes, elles existeront. Elles existent,  envers lui et envers moi. Ca je sais que c’est une problématique que beaucoup de femmes de couleur, en fait,  se posent. “Est-ce que je défends les hommes de ma communauté parce que, dans tous les cas, je vais être victime, moi aussi finalement, de racisme, et lui aussi, ou est-ce que  je défends…” Et donc moi c’est : les femmes. Toujours, tout le temps, je défendrai toujours les femmes, plutôt que les hommes, au cas où ils subiraient le racisme. Donc autant essayer de me défendre sur la partie sexisme, et dénoncer le comportement des hommes de ma communauté. 

Moi, je m’en fiche, je n’ai pas du tout de souci avec ça. Il y a un problème dans les communautés arabo-musulmanes,  arabo-maghrébines, enfin aussi dans la religion, on ne va pas mentir, dans toutes les religions il y a toujours un problème, c’est factuel en fait. Même si je le dénonce avec bienveillance, je le dénonce quand même. C’est un vrai problème, il n’y a pas de relativisme culturel qui tienne. “Mais c’est comme ça dans les autres pays parce que…” Non, non! C’est un problème, je le dénonce, je lutte contre, et voilà! Je serai toujours plus fidèle à ma catégorie de femme que de défendre des criminels, juste parce que on serait des mêmes origines, ou du même pays, ou qu’on a les mêmes références musulmane, ou qu’on mange les mêmes plats,  quoi! Enfin, oui : la culture c’est extrêmement important, mais pas des trucs comme ça, quoi. Moi je parle juste de mon vécu et je donne la parole aux féministes dans d’autres pays. Moi je ne vais pas parler à la place de mes cousines, sur le sujet des mariages : je vais leur laisser la parole. Parce que dans les autres pays, dans les pays en développement, les féministes sont capables de réfléchir par elles-mêmes et de parler, mais ce côté, en fait, d’être victime de sexisme, et de racisme, et de machin… on a l’impression qu’en fait on ne peut plus… Je peux me plaindre du racisme que je subis, je peux me plaindre du sexisme que je subis, je ne  vais pas me taire, juste pour protéger les hommes, en fait, tout simplement, je sais qu’il y a beaucoup de femmes qui se taisent. Mais moi, ce ne sera pas mon cas, et j’encourage toutes les femmes de couleur à ne pas se taire pour ça, par peur en tous cas,  des conséquences. Parce que les racistes, ils trouveront toujours une raison d’être racistes de toute façon! C’est comme quand les personnes, les noirs entre eux, ils se disent : “Ha mais tu parles trop comme un blanc, ou…”. 

J’ai des amis qui sont en mode : “Mais qu’est-ce que tu me racontes?  Enfin, j’ai une amie, une amie noire, qui reçoit les délires de sa propre communauté, disant “Tu parles trop comme une blanche..” Mais ça veut dire quoi, “parler comme une blanche?” Quand, si tu utilises un vocabulaire un peu, un peu soutenu : “Ha mais tu parles trop comme une blanche, en fait!”

En fait, pour moi c’est comme… c’est un peu… toi-même, tu classes ta communauté, en fait, de sauvage… parce que c’est pour toi, parler correctement ou être éduqué, c’est un comportement de blanc, c’est, je ne sais pas… tu ne valorises pas ta propre communauté. Je ne sais pas si tu comprends ce que je veux dire, il y en a beaucoup qui…

RDG – Oui, oui, oui.

Salma –  Ha là, tu fais trop la blanche… tu fais trop……… machin! Bah non.

RDG – Bah c’est un peu comme les enfants qui à l’école, vont dire : « ah t’es un intello!”… Ben ouais. Je réfléchis.

Salma – C’est ça! Pour moi, c’est pas un truc de ouf!

RDG – C’est du racisme intériorisé, en fait!

RDG – Oui c’est ça, sous prétexte que tu es arabe ou t’es noir, tu n’aurais pas droit de réfléchir, tu n’aurais pas le droit de parler correctement, tu n’aurais pas le droit, juste, de lire un livre? Enfin, associer tout… Ils sont là : ”Ouais, c’est de l’élitisme!” Ben, pas tout le temps, enfin… Ils aiment trop lâcher le terme « élitisme culturel” à tout va, juste pour se donner une excuse de pas s’éduquer, en fait. Ben non, tu peux très bien t’éduquer de ton côté! 

Voilà : je défendrai toujours l’éducation, la vérité, la vérité scientifique, et être critique de tout, en fait. Tout remettre en question, écouter tous les points de vue. Moi je veux bien aller entendre les personnes trans quand ils expliquent pourquoi…  Mais bon, c’est juste qu’après, je te dis : “ok, tu m’expliques pourquoi tu es trans, mais moi je te dis que ça… Mais oui ça ça revient encore une fois à ce que je t’ai dit dans le … On met juste en question les sciences, on ne croit plus en la science, c’est l’individualisme pur et dur. C’est comment ton ressenti personnel, ton identité… ça ne veut rien dire. Ça ne veut rien dire.

Et ça représente aussi un danger pour la société, parce que si on commence à mettre l’individu, ton ressenti personnel, en fait, dans ce cas-là, autant aller valider un pédophile : “Ah ouais, t’aimes bien les enfants? Ok! Bah c’est ton ressenti, c’est moi je…”

Ben non, en fait. Il faut bien poser des limites, à un moment.

RDG – Mais ils sont dans cette logique, aujourd’hui. Regarde le nombre de, honnêtement le nombre de dossiers, là, qui sortent actuellement, sur la… au Canada, il y en a un hier qui sorti. Pareil, quoi. Le mec a quasiment fait valider l’identité de genre dans les écoles, qui allait intervenir dans les écoles, etc… qui se retrouve avec des procès au cul pour pédocriminalité, quoi. Voilà.

Salma – Voilà. Le crime, c’est d’utiliser les mauvais pronoms, de ne pas utiliser les pronoms tu veux qu’on utilise pour toi, c’est un crime. Mais pas le fait que tu sois un violeur ou un pédophile, bon. 

Voilà, c’est pour ça que je me suis vite dit “Ouh la la”.  Ce délire des trans,  je vais me reculer, je vais prendre, on va revenir à la source. Pourquoi je suis féministe, pourquoi je défends les femmes, pourquoi… Quel est le problème?

Et puis après, quand on y réfléchit, qu’on arrête juste de se mentir à soi-même. C’est tout de suite logique, quoi. 

RDG – Tiens, regarde, je te montre un truc… Tu vois ce que c’est, là?

Salma – Une pierre?

RDG – Ouais. C’est bito, qui vient de m’envoyer la pierre avec laquelle on lui a repassé les seins. Voilà. Ça, c’est ça être une fille, voilà. Voilà.  J’ai juste envie de pleurer, là.

Salma – On ne lui a pas demandé : “ Comment tu te sens? Est-ce que tu te sens femme aujourd’hui?” Non, non.

RDG – C’est affreux, là. Ça me bouleverse. Elle a gardé “sa” pierre.

Salma –  J’ai pleuré en écoutant son… plusieurs fois en écoutant son…

RDG – Là elle l’a gardée! Si tu veux, elle a gardé la pierre!

Slama –  Ben c’est une preuve en fait…

RDG – Bon, bref. C’est atroce, franchement, en plus aujourd’hui Anissia, Pussik Riot,  elle a partagé un témoignage d’une femme sur le repassage des seins c’est… horrible.

Salma – Voilà ce qu’on subit.

S’il vous plaît, signez la déclaration des droits des femmes basés sur le sexe.

www.womensdeclaration.com

Rebelles du genre – Épisode 26 – Émilie

Je m’appelle Émilie, j’ai 29 ans.

Je suis ingénieure en modélisation statistiques, j’habite à Marseille et je suis féministe radicale, critique du genre.

Je suis devenue critique du genre … En fait, ça a commencé assez tôt, parce que, dans ma famille, mon père participe beaucoup aux tâches ménagères avec ma mère, je veux dire c’est 50/50, et j’ai toujours entendu les gens dire que ma mère avait de la chance, parce que mon père « l’aidait » à la maison. Et, déjà, je ne comprenais pas le mot « aider » : pourquoi mon père l’aidait, et que ma mère, c’était tout entendu qu’elle devait le faire ? Et ensuite, pourquoi, alors que mon père est valide – il a deux bras, deux jambes – pourquoi il ne peut pas participer aussi aux tâches qui incombent au domicile qu’il occupe communément avec ma mère ?

Donc, déjà, il y a eu ça, où je me disais, « pourquoi lui, ça paraît être un super héros des temps modernes, et pourquoi, pour ma mère, c’est normal ? » Donc : première question que je me suis posée, finalement assez jeune.

Après, ensuite comme j’étais plutôt forte en maths et en matières scientifiques « dures», j’ai toujours entendu dire que j’étais « forte dans ces matières, pour une fille». 

Donc déjà, pourquoi « pour une fille » ? Est-ce que mon cerveau été modifié parce que je suis une femme, et que du coup je dois être nulle en maths, et ne pas avoir de logique ?… Je ne pense pas ! Et puis surtout, ça m’amusait, mais ça m’énervait aussi, parce que je voyais au lycée, dans le regard de certains garçons qui étaient dans ma classe, que quand j’étais meilleure qu’eux, en fait ça les vexait encore plus que si un garçon avait été meilleur qu’eux. Et du coup, je me disais « Mais en quoi est-ce si honteux de te faire battre par une fille, en fait ? » Parce que oui, je suis logique, je sais résoudre une équation et je sais réfléchir, mais pourquoi si c’est moi qui suis meilleure que toi c’est plus humiliant pour toi que si c’était n’importe quel autre garçon de la classe ? Donc il y avait ça, là aussi je me suis questionnée, je me suis dit : « Mais en fait pourquoi, parce que je suis une fille, je devrais être nulle ? Je devrais être plutôt littéraire ? Je ne sais pas, voilà ». 

Toutes ces questions-là continuaient à se poser dans ma tête.

Après, il faut savoir aussi que moi, depuis que je suis jeune, j’ai des problèmes gynéco, j’ai eu une première opération des ovaires, j’avais 13 ou 14 ans. Et donc depuis cet âge-là, je vais quand même souvent chez le gynécologue. J’ai été très tôt confrontée à la gynécologie, c’est-à-dire… Désolée, mais devoir montrer ton corps à un parfait inconnu, avoir des chirurgies qui sont quand même invasives, (parce que quand tu as des opérations, tu sais qu’à un moment tu vas être toute nue sur la table d’opération, et être complètement endormie)… À l’époque, je n’avais pas encore entendu parler des histoires des toucher vaginaux illégaux, et tout ça… Parce que sinon, je pense que je n’aurais jamais pu être opérée. Voilà, il y a tout ça. J’ai eu vraiment des problèmes aux ovaires, des problèmes gynécos.

Et il y a aussi les règles. Alors je ne dirais pas que j’avais des règles hémorragiques mais j’avais des règles très abondantes, et comme je suis anémiée, ça me fatiguait énormément. Et je pense que la première fois qu’on m’a dit : « mais t’as tes règles ou quoi ? » , j’ai pété un câble…. Bien sûr, c’était un homme qui m’avait dit ça ! « Tu sais ce que c’est d’avoir ses règles ? Tu sais ce que c’est d’être fatiguée ? Tu sais ce que c’est de ne pas pouvoir ouvrir une bouteille d’eau, tellement tu es mal ? » Il y a eu toutes ces remarques. Là aussi, je ne comprenais pas en quoi c’est drôle de se moquer d’un truc qui est, pour certaines femmes, hyper handicapant ? Il n’y a rien de drôle dans tout ça. Et puis, pourquoi on te colle tout de suite le cliché de : quand t’as tes règles, t’es hystérique (d’ailleurs, mot hyper sexiste). Pourquoi on te dit que t’es folle quand t’as tes règles ?

Tu me dis ça mais tu ne sais même pas ce que c’est. Donc : juste, tais-toi !

Autre chose qui m’a interpellée, ensuite, dans mon développement, quand j’ai commencé à avoir plus de formes, c’est que j’ai bien vu que le regard des hommes changeait, et notamment, je me souviens, le regard hyper sale, alors qu’en fait j’étais toute jeune, par des vieux mecs. Je me disais, mon Dieu, que ça me dégoûtait ! J’étais hyper mal à l’aise avec mon corps à cause de ça. Alors que chez moi, à la piscine, avec mes parents, il n’y a pas de soucis. Mais à la plage, des fois il y a des hommes qui posent des regards sur toi qui te mettent très très mal à l’aise.

Et aussi autre chose : j’aime bien le sport, et on m’a toujours répété qu’il ne fallait pas y aller trop fort avec le sport parce qu’après tu n’as pas un corps qui est très féminin… Que trop d’épaules, ce n’est pas féminin. Que trop d’abdos, ce n’est pas féminin, etc… sauf qu’en fait, pourquoi je me priverais de faire un truc qui me fait, moi personnellement, me sentir très très bien dans mon corps et dans ma tête, pour juste correspondre à une image de ce que toi tu attends de la femme ?

Le pire, c’est que des fois, tu te prends des remarques de personnes que tu ne connais pas. Tu n’es pas mon copain, tu ne relationnes pas avec moi : pourquoi tu te sens obligé de me faire une remarque, en fait ? Truc que les femmes ne font jamais, et pourtant je pense qu’on pourrait s’en donner à cœur joie sur la plage, tu vois des gros mecs dégueulasses, hyper poilus, qui vont critiquer une nana… Mais eux, est-ce qu’ils sont Mister Univers ? Je ne pense pas ! Et je pense que la critique envers eux, serait beaucoup plus aisée. Et pourtant, on ne le fait pas.

C’est un peu tout ça, toute cette façon qu’on a de juger facilement les femmes. Même les femmes se jugent entre elles ! C’est tout un truc qui m’a toujours énervée, et qui m’a amenée à me poser des questions : « Pourquoi, puisque je suis une femme, les gens ont le droit de regard sur mon corps ? Les gens ont ce droit de blagues pourries qu’ils peuvent faire, et que tout le monde rigole, alors que moi, ça ne me fait absolument pas rire ? Et pourquoi, parce que je suis une femme, est-ce que je devrais faire des trucs littéraires, de la psychologie ou, comme on dit souvent, les métiers du care, où tu es dans le soin à l’autre ? Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse ! »

Voilà. Je ne comprenais pas pourquoi on voulait me faire entrer dans un moule qui ne m’allait pas, en fait. Tout simplement !

Et en plus, je trouve que ce moule est hyper étriqué. Tu as les injonctions à la maternité. On te dit toujours que le travail a libéré les femmes, mais franchement, moi je ne trouve pas. Il les a peut-être libérées financièrement, mais il ne les a pas libérées. Parce que si tu regardes, les femmes ont toujours les tâches ménagères, elles ont toujours à s’occuper des enfants, et en plus maintenant il faut qu’elles travaillent !

Et à côté de ça, il faut qu’elles soient–excusez-moi du terme–il faut qu’elles soient bandantes ! Donc en fait, on a des journées qui font 24 heures, il faudrait qu’on fasse du sport, à manger, s’occuper des gosses, et qu’on ait un super boulot. Mais à un moment, ce n’est plus possible ! Donc il faut peut-être un moment laisser les femmes vivre leur vie comme elles l’entendent, et  puis arrêter de les saouler, alors que les hommes sont capables de faire leur lot de choses pour les aider, mais qu’ils ne le font pas… parce que de toute façon, c’est très agréable pour eux.

Et tu sais, c’est l’autorité non fondée, on a toujours fait comme ça, donc pourquoi on va changer ? C’est un truc que je n’ai jamais accepté, je pense, l’autorité non fondée. Et je pense que c’est tout ça qui m’a amenée à me poser des questions sur le genre, vraiment.

Et après, par la suite, là où je pense que j’ai vraiment compris qu’il y avait un souci, avec tout ça, c’est–ce n’est pas mon cas quand j’étais petite fille, j’étais très stéréotypée, je ne voulais mettre que des robes, je ne voulais absolument pas mettre de pantalons !- c’est des choses : c’est des collègues qui vont te dire que des choses ne sont pas féminines, que tu fais un truc qui n’est pas féminin, que ce n’est pas beau de dire des gros mots quand t’es une fille…

En fait, j’ai juste l’impression que c’est nous mettre juste des barrières pour nous empêcher d’être tranquilles, nous forcer à être toujours dans une espèce d’hypervigilance. Toujours tout mesurer, tout ce qu’on fait, être sûres qu’on est bien dans la demi-mesure. Être sûre que quand on répond, ce n’est pas trop méchamment. Être sûre qu’on est bien gentille avec tout le monde, quitte à se laisser marcher dessus… et en fait, au final, c’est juste nous empêcher de vivre !

Donc c’est pour ça, je pense, que j’ai commencé à beaucoup critiquer toute cette idéologie-là, parce que je me suis rendu compte qu’elle allait vraiment à l’encontre de nos développements, à nous, personnels, pour être épanouies !

RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, leurs droits, pour les enfants, pour la société et pour la démocratie ?

Je pense que toute cette idéologie, notamment transactiviste, elle est hyper dangereuse pour nous.

Parce que déjà, truc tout bête, tu changes les définitions ! Donc en fait, si on change la définition de « femme », est-ce que je vais pouvoir lutter pour mes droits de la même façon ? Est-ce que je vais pouvoir revendiquer l’accès à des espaces qui sont basé sur le sexe, de la même façon ? Est-ce que je vais pouvoir parler des inégalités salariales de la même façon ? Etc. etc.

En fait, c’est un truc, je vais faire un parallèle hyper grossier,

si on dit qu’un éléphant est un chien, et bien les éléphants ne sont plus en voie de disparition, et ils n’ont plus à être protégés !

Donc là, c’est exactement la même chose. Je ne dis pas que les femmes, nous sommes une espèce en voie d’extinction, je dis juste que nous sommes une espèce qui est menacée, de par son sexe ! Et si on change les définitions des mots, on va nous dire qu’on n’est plus menacées, qu’il n’y a plus d’inégalités salariales, qu’on n’a plus à militer pour nos droits ! Déjà, il y a ça.

Ensuite, quand tu vois des personnes qui (je pense qu’ils sont très mal à l’aise avec leur corps, et je ne veux pas remettre en question ça, parce que je sais que ce sont des personnes qui souffrent, je le reconnais) qui, parce qu’elles souffrent, vont renforcer certains stéréotypes, c’est-à-dire dire que :

Parce que j’aime le rose, je suis une femme.

Parce que j’aime porter des jupes, je suis une femme.

Parce que j’aime me maquiller, je suis une femme.

Tu peux aimer porter des jupes, et te maquiller, et aimer le rose, et aimer la danse, et je ne sais pas quoi… ça ne fait pas de toi, pour autant, une femme !

Parce que si tu dis ça, tu enfermes des milliers de femmes qui, elles, sont contre tout ça, et à qui on va justement dire qu’elles ne sont pas féminines, et qui revendiquent, par exemple, un droit à ne pas se maquiller, un droit à ne pas s’épiler. Tu les enfermes ! Donc toi, pour te sentir mieux, tu enfermes des milliers de personnes !

Et je pense que c’est hyper illustrateur de la société actuelle, qui est d’un individualisme poussé à l’extrême.

Et que là, tu ne penses qu’à toi, plutôt que de penser à toutes les personnes qui sont en souffrance à cause de ces stéréotypes !

Et puis surtout, en fait, quand on y réfléchit deux secondes, c’est un serpent qui se mord la queue, en fait !

Parce que tu es mal à cause des stéréotypes de genre imposés à ton sexe de naissance, tu vas renforcer les stéréotypes de genre, de l’autre sexe ! Tu alimentes le système qui te fait souffrir, quelque part ! Enfin, l’autre penchant, mais c’est les deux revers d’une même médaille. Donc tu alimentes exactement le même truc qui t’a fait souffrir, de base. Je trouve que c’est complètement idiot, ce n’est pas une solution. Ça peut peut-être paraître une solution dans l’immédiat, mais en tous les cas, ce n’est pas une solution pour le long terme.

Je trouve aussi que cette idéologie-là, elle est hyper dangereuse autrement, parce que on te revendique l’accès à des espaces qui sont réservés aux femmes… Mais c’est hyper dangereux !

J’avais vu un post d’un transactiviste hyper influent… Alors, sur le post en question, (je crois qu’il a été supprimé depuis, mais sur le poste en question,) il était déguisé en fée, ça me dégoûtait ! Et en plus il disait que les petites filles n’étaient pas aussi innocentes que ça, et qu’il fallait arrêter avec cette idée-là ! Et je me dis, quand on voit ça, comment on peut laisser ces personnes-là, sous prétexte d’une idéologie de genre, accéder à des espaces où il y a des petites filles? C’est juste un encouragement à la pédocriminalité. Et en fait, ce qui m’énerve, ce que je trouve dangereux, c’est qu’il y a un tel discours victimaire de ces personnes, on en arrive à les plaindre, et que quand toi tu dis : « Réfléchis, si on laisse l’accès aux toilettes des femmes à n’importe qui qui prétend être une femme, c’est la porte ouverte pour tous les violeurs et les pédocriminels ! » tout le monde te répond : « Non, arrête, ce n’est pas vrai, c’est tiré par les cheveux, ces gens-là sont en souffrance etc. ». 

Oui. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas en souffrance. Mais on voit très bien ce que sont capables de faire certains violeurs, on ne va pas pour autant leur laisser la porte ouverte ! Enfin, je trouve que c’est surtout ce discours-là : ils sont toujours à se victimiser, ils sont toujours à abuser de l’empathie… des femmes, la plupart du temps… on se mettra avec eux et cautionner leurs agissements, qui au final ne sont pas innocents, on ne va pas se mentir non plus, pour certains ! Parce qu’ il y en a qui veulent juste se sentir mieux dans leur corps, mais ça laisse quand même la porte ouverte à des dérives qui me font, à moi, très très peur.

Et ce discours victimaire, justement, je pense qu’il faut le remettre en question, parce qu’on parle beaucoup des « crime contre les personnes transgenre ».

Oui. Bien sûr, il y a des crimes contre les personnes transgenre, et évidemment, ces personnes-là ont droit à la sécurité comme tout le monde…

Mais par contre, lors de la journée du souvenir trans, on s’est penchées sur les chiffres.

En fait, avec RadCaen, elle avait trouvé des sources qui recensaient tous les meurtres de personnes transgenres en France et aux États-Unis.

A partir de là, j’ai essayé de faire des statistiques inférentielles, pour voir si, vraiment, ces personnes-là étaient plus tuées que le reste de la population.

Donc je suis partie sur un chiffre qui était celui de l’Angleterre, je crois, qui donnait le pourcentage de personnes transgenres dans la population. Je l’ai appliqué aux populations françaises et américaines selon les données de l’INSEE et de la Banque Mondiale. Donc ça me donnait une estimation à peu près de la population transgenre.

J’ai regardé le nombre de meurtres en France et aux États-Unis des personnes transgenres. Et j’ai comparé ça au taux d’homicides pour les mêmes tranches d’âge (parce que j’avais les âges des personnes), pour les mêmes tranches d’âge et pour le même sexe. J’ai comparé ça aux taux d’homicides de la France et des États-Unis, que j’avais trouvé sur la Banque Mondiale.

…Et en fait, quand tu compares, ils ne meurent pas du tout plus que la population lambda !

Mais le problème, c’est que ça m’a demandé du temps, en fait, d’arriver à ces conclusions-là.

Et c’est dommage qu’on ne nous vende que le fait que les personnes transgenres sont plus agressées que la moyenne. Alors que pour débunker l’information, il te faille déjà un petit bagage statistiques, et en plus il te faille aller chercher un peu des données dans tous les sens ! Données qui ne sont pas forcément accessibles. Et c’est ça que je trouve dommage : c’est qu’on a un peu toutes les lumières qui sont mises sur ça, et on a aucune lumière qui est mise sur l’autre pensée, qui dit : « on va quand même vérifier l’information, et on va quand même voir si les choses que vous avancez sont vraies. »

C’est dommage, surtout qu’avec les réseaux sociaux on le voit, il y a énormément de cancel culture. Dès que tu dis un truc qui ne va pas dans leur sens, tu es une méchante terf, on va te bloquer, on va t’ empêcher de parler, et on va signaler ton post, parce qu’on va dire que c’est un appel à la haine !

Mais STOP, en fait. Il faut arrêter la pensée unique. De toute façon, pour pouvoir te faire une idée sur quelque chose, il faut que tu regardes de tous les côtés. Et je trouve qu’en ce moment, ils sont complètement en train de nous empêcher de faire ça, en fait ! C’est gravissime !

Et aussi, l’autre truc qui est dangereux, je pense, avec cette idéologie-là, c’est qu’on change la définition du mot femme, comme je le disais au début, mais la définition du mot femme, pour moi, elle est associé à tellement de choses, a tellement de combat, a tellement de souffrance, que je n’ai pas envie qu’on me l’enlève, ce mot !

Et en plus, ils sont gentils, mais on va te dire les «birthing people », « people who menstruate », etc… mais c’est juste une façade ! Tout le monde sait très bien qui sont ces personnes, tout le monde sait très bien qui donne la vie ! Donc il faut peut-être arrêter de chercher des paraphrases pour définir une femme.

Une femme, c’est une personne avec des chromosomes XX. Et tout le monde le sait ! Et juste pour leur faire plaisir, on va rentrer dans le délire, et dire « les personnes qui menstruent ? » Il faut arrêter de suivre cette masse-là, qui ne mène nulle part et qui est dangereuse pour les droits des femmes, et je suis profondément désolée qu’on soit si peu à s’en rendre compte.

RDG – Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner sous ta réelle identité ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Est-ce que tu as perçu un danger dans ton entourage professionnel, personne ? Ou est-ce que tu as peur pour tes proches ? Ou, au contraire, est-ce que tu te sais en sécurité pour parler librement ?

Emilie – Je témoigne avec mon vrai nom, mais en fait, je ne me sens pas spécialement en sécurité, parce que sur mon compte à moi, féministe, c’est anonyme : je filtre mes abonnés et je n’accepte pas n’importe qui, justement parce que j’ai peur.

Je me suis fait bloquer de plein de pages, parce que j’ai commenté des choses.

Et ce qui m’a fait réagir, en fait, c’est tous les posts, quand j’ai commencé à m’intéresser un peu au féminisme, tous les postes où déjà j’ai lu : « privilège de femme cis » … et où je me suis dit, « mais… explique-moi ce que c’est, mon privilège, parce que moi je ne le comprends pas ! »

Alors, si je passe outre le fait que, parce que certains hommes de mon entourage le disent, que eux aimeraient connaître ce que c’est la grossesse, c’est peut-être notre seul privilège. Parce qu’après, on a : le viol, la prostitution, donc du viol tarifé. Le porno, donc du viol filmé. On a le harcèlement de rue, on a le plafond de verre, on a les injonctions à la maternité, donc quand je lis tout ça, je me dis que cette idéologie est une vaste blague, en fait !

Et il faut vraiment faire quelque chose, parce que bientôt, on va nous faire croire que c’est un privilège d’être une femme, et de se sentir bien dans son corps (enfin, aucune femme ne se sent bien dans son corps), de se sentir à peu près à l’aise avec son sexe et ses stéréotypes de genre qui y sont accolés… donc, déjà, il y a ça.

Ensuite il y a le « terfs, hors de nos luttes ! » Celui-là, il m’a vraiment fait réagir, pour le coup. Parce que, comment tu peux exclure d’un mouvement, qui se dit féministe, les principales concernées, qui sont les femmes ? Comment tu peux faire ça au profit d’HOMMES transidentifiés ? C’est… Enfin… Le truc implose à l’intérieur. Moi, je n’ai pas compris. Je n’ai pas compris.

Ensuite, ce qui me fait aussi beaucoup réagir, pour en parler, c’est tous les trucs que tu vois, notamment sur les réseaux sociaux, où on te dit que les lesbiennes doivent accepter les hommes transidentifiés. Autrement dit… les « femme à pénis ». Mais en fait, moi, quand je lis ça, j’ai juste l’impression que c’est mon oncle, qui est homophobe, qui va te dire que les lesbiennes, en fait, sont juste aigries, et qu’elles n’ont pas trouvé le bon mec, et que c’est pour ça qu’elles sont lesbiennes… Et bien là, c’est pareil, si tu veux forcer une femme qui aime les vulves, à relationner avec un pénis ! Et après, le pire de tout ça, c’est que c’est nous, qui dénonçons ça, qui sommes traitées de fachos ! Vraiment, expliquez-moi, parce que je ne comprends pas. Il y a donc ça, aussi.

Et ce qui me fait réagir aussi, c’est la cancel culture, tu vois, c’est un truc tout bête, mais des fois, j’ai l’impression qu’on met sur le devant de la scène des féministes (qui sont souvent libérales, on ne va pas se mentir), et qui vont parler de l’idéologie queer, etc. 

Et en fait, du coup, je me mets à la place de mes parents, qui ne comprennent rien à tout ça. Ils voient ces féministes-là, qui soutiennent des hommes transidentifiés, ils vont se dire que les féministes sont folles. Et à côté de ça, on a des féministes qui sont hyper raisonnées, et qui sont logiques et qui ont du bon sens, comme toutes les féministes radicales, et qui elles, se font bloquer de partout, et qui sont victimes de la cancel culture, et qu’on n’écoute pas. Donc en fait je pense que ça dessert le féminisme, profondément, profondément ! Et que les gens pensent que tout le mouvement féministe, c’est le mouvement queer, alors que pas du tout ! Qu’on a tous perdu la tête et qu’on est tous en train de changer toutes les définitions… Il n’y a qu’à voir quand le « iel » a fait son entrée dans le dictionnaire, les réactions… Et tu vois des gens qui disent « Vite, que Zemmour monte au pouvoir pour contrer tout ça ! » Oui, c’est sûr… Super ! 

On va avoir Zemmour parce que tout le monde fait un amalgame entre les féministes et les queers, alors que pas du tout ! On n’est pas tous d’accord, et ça je me tue à le dire.

Et ensuite, moi j’ai peur qu’un jour, (et on le voit qu’il y a des vagues réactionnaires de partout), un jour il va y avoir une vague réactionnaire, et on va mettre tout le monde dans le même panier : les gays, les lesbiennes, les bi, les queers, les féministes. Tout le monde va trinquer juste parce que en fait, nous, on ne nous aura pas laissées parler, alors que je pense qu’on a un discours qui est beaucoup plus rationnel que la plupart des gens.

Ce qui me pousse à réagir, c’est le harcèlement que je vois partout, dont sont victimes, essentiellement Dora, Marguerite, Joanna, de « Bois mes règles », et aussi Anissia, quand elle avait parlé des thérapies de conversion, et qui s’était faite vraiment harceler aussi.

Et il y a aussi… moi, quand je dis des choses comme par exemple qu’une personne qui détient un pénis ne serait jamais une femme… J’ai déjà reçu des messages de haine, que je méritais de me faire violer avec du barbelé, et de me faire arracher les ovaires.

Voilà, il y a tout ça. Et en fait, je me dis, mais comment tu peux te dire féministe quand tu menaces des femmes, en fait ? C’est tout ce mouvement-là, qui paraît, c’est vrai qu’en surface, quand tu le vois de loin, il paraît très sympathique, très inclusif, c’est leur premier mot.

Mais en fait, quand tu regardes au final, il est très exclusif, parce que, dès que tu ne penses pas comme eux, c’est à la porte, et avec la violence.

Et tu te fais cancel. Donc c’est un truc que je trouve horrible.

RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme ?

Émilie – Alors oui, des événements, j’en ai plusieurs. Déjà, il y a ce post, sur les petites filles, qui vraiment m’a dégoûtée.

Ensuite, on m’a partagé des posts sur des hommes transidentifiés qui récupéraient les serviettes hygiéniques usagées pour « calmer leur dysphorie » Haha. Ça m’a « un petit peu » écœurée.

Et aussi, il y avait un post que je crois avoir vu sur la page « radical abolitionism » où, en fait, c’était un homme transidentifié qui expliquait qu’il avait dit à son patron qu’il devait partir plus tôt parce qu’il avait des douleurs de règles… alors qu’il n’a pas d’utérus ! Et en fait, ça m’a énervée. Parce que je sais qu’il y a des femmes qui souffrent énormément d’endométriose, et je ne trouve pas ça drôle d’utiliser leurs souffrances comme une excuse. Ce n’est pas un jeu. Ce n’est pas drôle. L’endométriose, ça touche des millions de femmes, il y a des femmes qui ne peuvent pas aller travailler quand elles ont leurs règles, donc utiliser cette excuse des règles quand tu ne peux pas les avoir, c’est juste cracher à la figure des femmes. Ça m’a retourné le ventre. Voilà.

RDG – Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ?

Ce que j’ai à ajouter, c’est tout simple, c’est : « Servez-vous de ce que vous avez entre vos deux oreilles, c’est-à-dire de votre cerveau.

Essayez de réfléchir, parce que c’est une idéologie qui est hyper dangereuse si on la laisse empiéter. Les droits des femmes vont reculer et tout, c’est ce que je disais au début, ce phénomène de transe identité c’est un serpent qui se mord la queue, et tant qu’on ne viendra pas à bout des stéréotypes de genre, personne ne sera à l’aise avec son corps. C’est ça, en fait, que j’ai envie de dire aux personnes qui soutiennent cette idéologie-là. Je pense qu’au fond on a la même envie : c’est que tout le monde puisse faire un peu ce qu’il veut. Mais juste, au lieu de renforcer ce qui nous fait du mal, luttez avec nous pour abolir ce qui nous fait du mal et ce qui vous fait du mal, aussi, à la base.

Et j’aimerais que les gens essayent un peu plus–bien sûr, sur votre page, la plupart des gens, la plupart des femmes sont d’accord avec ce qu’on dit là–mais j’aimerais vraiment que les gens commencent à réfléchir, à s’interroger sur toute cette idéologie, et qu’ils arrêtent de prendre le prêt-à-penser et qu’ils remettent, en question les chiffres et qu’ils essayent d’avoir une méthode de pensée qui est factuelle, en fait. Il faut toujours remettre en question les chiffres qu’on nous avance. On le fait pour les sondages à la présidentielle, et bien faites-le aussi pour tout ce qu’on vous avance, sur le discours victimaire des transactivistes, sur les histoires des droits des femmes, etc. Parce que ce n’est juste pas possible.

Et cette idéologie-là, en attendant, elle aide peut-être quelques personnes à se sentir mieux, quoique les statistiques prouvent que finalement, post-transition, on n’est pas plus heureux : le taux de suicide, je crois, et le même si ce n’est plus grave, je ne sais plus. Pour moi c’est juste un petit truc qui paraît être sympa, mais quand tu regardes derrière, ça ne changera pas les problèmes. Enfin, je ne sais pas…

Une petite fille qui va se faire exciser, elle ne va pas dire qu’elle est non-binaire pour y échapper, ça sera toujours le cas ! Donc les violences, elles sont sexuelles et il faut vraiment arrêter de penser que cette méthode-là, c’est la méthode qui va tout sauver, parce qu’elle ne change absolument rien, au contraire elle empire les choses.

S’il vous plaît signez la déclaration des droits des femmes basés sur le sexe www.womensdeclaration.com

Rebelle du genre, ép. 25 – Antastésia

Je m’appelle Emy, mais je suis surtout connue sous le nom d’Antastésia, parce que je crée du contenu en ligne, notamment sur YouTube.

En dehors, je suis également prof. 

J’ai 30 ans et j’habite à Paris.

Antastésia – Alors au départ, personnellement j’étais très sensible à la question de la transidentité, et je n’étais pas du tout opposée à tout ce qui relève de la transition, ni même aux discours qu’on pouvait entendre en ligne. 

Mais je vous parle de ça, c’était il y a environ 10 ans… Donc les discours ont quand même beaucoup évolué. 

On va dire que je n’ai jamais adhéré au genre en tant que sentiment inné, et réalité intime et personnelle et subjective. 

J’ai toujours été convaincue que le genre est un outil de l’oppression patriarcale. 

J’ai toujours été, en tout cas à partir du moment où je me suis revendiquée féministe, convaincue que c’était effectivement une construction sociale, que c’est un outil de l’oppression patriarcale. 

Mais de l’autre côté, de manière paradoxale et sans avoir à ce moment-là conscience que c’était quand même un petit peu problématique et assez paradoxal, j’étais  aussi très sensible à la question de la transidentité.

En fait, j’ai même fait quelques vidéos justement sur ma chaîne YouTube pour informer et pour alerter en étant une bonne “alliée”, et j’ai même participé à des financements avec des crowdfundings par exemple, pour des personnes trans qui souhaitaient avoir accès à des opérations.

Donc  je n’étais vraiment pas du tout dans une démarche critique vis-à-vis de la transidentité. Je tiens quand même à préciser, comme je l’ai dit, voilà, que c’était il y a quand même plusieurs années, et que – en tout cas ma connaissance – ce qui se passait sur les réseaux sociaux n’avait rien à voir avec ce qu’on peut trouver actuellement.

Et je pense que si ça n’avait pas été le cas je n’aurais pas été aussi, on va dire “ouverte” à cette idéologie, à ses revendications. Revendications qui, à l’époque, me semblaient plutôt acceptables et qui relevaient de la non-discrimination pour les personnes qui se déclaraient trans :  un parcours de soins adapté, et plus globalement d’ouverture dans la société.

A l’époque, c’était quelque chose qui me parlait totalement et je pense que c’est le cas pour beaucoup de femmes, et pour beaucoup de féministes.

Et de fil en aiguille, j’ai vu le mouvement transactiviste évoluer, à mon sens énormément évoluer,  je dirais même. 

Et il y a quatre ans il y avait déjà eu une première polémique avec l’autrice nigériane Ngozi Adichie qui avait dit qu’il y avait une différence fondamentale entre les femmes trans et les femmes “cis” ‘je précise que moi je n’utilise pas le vocabulaire “femme cis”, mais là je reprends les termes exacts du débat à l’époque. On lui avait posé la question : “Est-ce que les femmes trans sont des femmes?” Et  elle avait répondu “Elles peuvent être des femmes trans, mais en tout cas elles n’ont pas la même expérience que les femmes “cis”, et donc que moi.”

Et ça, ça avait déjà à l’époque provoqué un petit tollé et j’avais d’ailleurs fait une vidéo justement, il y a quatre ans, pour soutenir sa position et expliquer que je ne voyais pas en quoi c’était transphobe, et en quoi on n’aurait pas pu avoir ce genre de propos, tout en soutenant aussi, derrière, des personnes transgenre. 

Et à l’époque je me souviens que dans les commentaires, j’avais une vidéo qui est en anglais d’ailleurs, j’avais beaucoup de commentaires de personnes trans qui étaient tout à fait d’accord avec moi. 

Et le climat déjà à l’époque, en tout cas dans cette petite sphère YouTube, et en anglais, était pour moi très différent de ce qu’il est actuellement. 

Clairement, je ne pense pas qu’à l’heure actuelle, si une telle chose venait à se produire, il y aurait des personnes trans qui viendraient commenter de manière positive sous ce genre de contenu.

Et puis il y a deux ans (alors entre-temps bien sûr j’avais commencé à  en apprendre davantage, sur notamment les prisons et le sport, étant donné que c’était vraiment, je pense, les deux points saillants de discrimination) en tout cas dans le discours trans c’étaient les deux points saillants vraiment très importants, et où une résistance féministe commençait à s’opérer, et ça, ça ne passait pas du tout. 

Et donc j’étais très perplexe et très critique de ça, et j’ai commencé à en parler un petit peu sur Instagram, et à ce moment-là, une personne… alors un homme transidentifié qui à l’époque était très présent sur les réseaux ,et qui se disait “non-binaire” mais aussi “transféminine”… Donc, déjà rien que ça…  moi j’étais dans la perplexité totale… mais bon… est venu me faire la leçon en message privé,  justement sur Instagram, pour me dire que le fait que je relaie ce genre d’information, c’était transphobe. Donc on parle bien d’information qui visait à informer les gens de la situation qui se profilait de plus en plus précisément dans les prisons par exemple, ou dans le sport.

Lors de nos échanges, cette personne a continué en me disant “qu’il” vivait la même misogynie que moi.

Et je pense que ça, ça a été pour moi la petite, la dernière goutte d’eau.

Etant donné, je le précise, que cette personne n’a fait AUCUNE transition, donc n’a même pas une apparence qui pourrait être perçue comme celle d’une femme. C’était tout simplement un homme qui se teignait les cheveux, qui portait du maquillage, et de temps en temps, portait des robes. 

Donc quand j’ai entendu cette personne me dire qu’elle vivait la même expérience du sexisme et la misogynie que moi, ça a été très difficile à accepte

Donc quand j’ai entendu cette personne me dire qu’elle vivait la même expérience du sexisme et la misogynie que moi, ça a été très difficile à accepter, et j’ai vraiment senti à ce moment-là qu’il y avait deux options qui s’offraient à moi, qui était celle de “courber entre le dos” et de prétendre ne pas voir que c’était un homme, alors que c’était un homme, pour garder un discours consensuel. Ou alors oser affirmer que pour moi, se dire “transféminine et non-binaire”, premièrement n’avait aucun sens et deux, assumer le fait que je voyais clairement un homme en face de moi et que j’étais persuadée que je sais très  intimement que tout le monde voyait un homme également.

A ce moment-là j’ai été un petit peu, on va dire à “outée” donc j’ai un petit peu été exposée sur les réseaux sociaux avec certains relais justement de ces messages et de ces conversations. Ce que moi j’ai choisi de ne pas faire à l’époque, et j’ai donc fait une vidéo qui s’intitule : « Suis-je une vilaine terf? », qui totalise à l’heure actuelle plus de 100000 vues, dans laquelle j’étais encore un petit peu aux balbutiements de cette réflexion, ou en tout cas j’étais encore dans une façon de m’exprimer qui était pleine de tact. Voilà. 

Mais je parlais de la question du passing, de la réalité matérielle de l’existence des femmes, et de ma volonté de ne pas m’inscrire dans ce qui serait à mon sens, effectivement, une transphobie, c’est-à-dire discriminer des personnes parce qu’elles se diraient trans. 

Mais je refusais de continuer à participer à ce qui me semblait devenir un délire collectif.

Et là, cette vidéo, effectivement, ça a été un petit peu le point de bascule, étant donné qu’à partir de là, j’ai forcément été désignée comme une grande ennemie de la cause trans, sur les réseaux. 

Mon nom a beaucoup tourné. Une personne qui est à l’heure actuelle très connue dans le milieu du transactivisme français, un “homme trans identifié femme”, qui s’en est pris notamment à Dora Moutot entre autres, avait également fait des storys sur moi “à la une” , qui ont miraculeusement disparu quand il a eu un contrat pour écrire un livre, comme par magie : ça fait plus propre quand on a un contrat pour écrire un livre ou pour passer à la télé, ou dans la radio, de ne pas montrer qu’on a harcelé des femmes.

Donc voilà : ça a été un mélange de tout ça, et là j’ai commencé à me renseigner davantage. Je pense que, à ce moment-là, de plus en plus de femmes ont commencé aussi à prendre la parole.  On a eu accès à beaucoup d’informations sur des sujets divers, mais alors vraiment que je ne soupçonnais à l’époque absolument pas!

Et c’est à partir de ce moment-là que j’ai pu en fait réconcilier ma première critique du genre, ma pensée féministe qui est  que le genre est une construction sociale qui nous oppresse, et quelque chose qu’on doit chercher, à mon sens, à éradiquer, et le fait que c’était incompatible, tout simplement, avec la plupart des revendications des personnes trans, et potentiellement même, avec la manière dont la transidentité nous est présentée à l’heure actuelle.

RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, la société et la démocratie?

Antastésia – Je pense que je vais peut-être un petit peu répéter beaucoup de choses qui ont déjà été dit par les autres intervenantes, mais c’est un mouvement qui est extrêmement dangereux ; je pense aussi bien par ce qu’il propose en termes de contenu, que par la manière dont il opère.

Précisément, bien évidemment, pour les femmes, au niveau du contenu en tous les cas. C’est une réelle volonté de détruire les manières d’exprimer la réalité matérielle et douloureuse des femmes.

C’est une volonté de nous déposséder aussi bien de notre langage que de notre expérience (on a toutes, bien évidemment, des expériences personnelles, mais on a aussi, à mon sens, une sorte d’histoire collective des femmes, et ça je pense que c’est quelque chose que ces personnes essaient de détruire).

C’est nous déposséder des espaces qui nous sont réservés.

C’est nous déposséder aussi, tout simplement, par exemple, de nos avancées, par exemple en sport?

C’est nous déposséder, je pense aussi, d’une certaine manière, de tout ce qui a trait à la maternité et aux droits reproductifs, et alors là, ma réflexion n’est pas encore extrêmement aboutie, mais moi je pense qu’il y a quelque chose de profondément central qui se joue à ce niveau-là. Il me semble même que c’est l’un des pivots les plus importants dans la misogynie et dans le patriarcat, cette faculté qu’ont les femmes d’être mères, voilà, tout simplement.

 Je pense que c’est dangereux pour les femmes parce que, premièrement, il y a aussi des conséquences très très claires dans les prisons, dans les lieux de rencontres, par exemple lesbiens. 

Je pense que c’est un enjeu pour les enfants parce que le transactivisme, à l’heure actuelle, milite ardemment pour une tombée de toutes les limites et de toutes les barrières qui, à la base, étaient quand même mises en place par, notamment, tous les personnels soignants. Et ça, je trouve que c’est assez incroyable de voir le peu de réactions qu’il y a dans la sphère vraiment “lambda”, à ce titre. 

Quand on voit qu’il y a quand même des opérations qui commencent à être pratiquées sur des personnes qui sont mineures, quand on voit que la prise d’hormones est présentée comme quelque chose de totalement anodin, que les bloqueurs de puberté c’est aussi présenté comme quelque chose de totalement anodin, quand on voit que la plupart des personnes continuent à ne pas vouloir se poser de question : « Pourquoi est-ce que d’un coup, le nombre de personnes trans explose et pourquoi est-ce que ce sont, comme par hasard, des jeunes filles? » 

Moi je trouve que c’est assez incroyable.

Donc dangereux pour les femmes et pour les enfants. Globalement pour tout le monde, mais ça touche concrètement les femmes et les enfants, c’est une marchandisation, pour moi,  du corps.

C’est l’aboutissement d’un certain capitalisme qui associe au monde du médicament et je trouve ça absolument effrayant.

Et je trouve ça aussi vraiment aussi absolument incroyable, et j’ai toujours du mal à le croire, c’est cette capacité, quand même, à clore tout débat, toute question et toute critique.

A la limite, que certaines personnes soient convaincues corps et âme de ce qu’elles avancent, même si moi je trouve ça profondément dangereux et profondément sexiste, de toute manière c’est une réalité à laquelle on se heurtera toute notre vie,  je pense.

Mais là, ce que je trouve assez unique, c’est qu’on est quand même empêchées de critiquer ou même de questionner, et très honnêtement je n’ai pas vécu ça avec d’autres mouvements. C’est-à-dire qu’en fréquentant des mouvements, par exemple antispécistes ou animalistes, où il peut y avoir parfois  des des questions ou des désaccords, je n’ai jamais rencontré cette opposition-là et cette volonté de nous faire taire.

Et pour être tout à fait honnête, un grand nombre même d’hommes qui ne se disent pas trans, non-binaires ou que sais-je… qui sont de bons hommes “cis”  pour reprendre les termes, et qui sont par ailleurs sexistes… malheureusement je dois avouer que je les trouve, (dans mon expérience en ligne en tout cas) je les trouve moins violents que les transactivistes. Et ça c’est c’est quand même assez fou! 

Alors je ne dis pas que c’est le cas tout le temps, bien évidemment qu’il y a une violence incroyable qui s’opère chez les hommes, et de toute manière c’est celle que l’on retrouve chez les transactivistes à mon avis. 

Mais il me semble que chez les transactivistes, c’est encore plus décomplexé, parce que c’est soutenu, c’est présenté comme du progressisme, c’est présenté comme une violence venant des victimes et des opprimés. Et donc, forcément, elle est légitime. Tandis qu’on reçoit quand même une certaine part de soutien il me semble, lorsque ce sont des hommes qui n’ont pas cette “case de l’oppression” à remplir, qui est celle de la transidentité…

Et l’impossibilité, pour moi, de critiquer ou de questionner c’est…  c’est une forme de totalitarisme.

Et je trouve que le mouvement a clairement des dérives sectaires.

Je sais que ça peut paraître peut-être un peu poussé de le dire ainsi, mais pour moi, le fait de créer cette communauté trans qui vient supplanter tout autre communauté, le fait de chercher (il me semble quand même pas mal) à couper des liens avec des parents ou un entourage qui ne seraient pas forcément d’accord à 100 %… 

Le fait de repousser la science… 

Le fait de ne pas présenter ça comme une croyance, alors que ça repose quand même sur une croyance… 

La question de l’argent aussi, on n’en parle pas beaucoup mais il y a quand même énormément de demandes d’argent.

Et bien évidemment l’impossibilité de critiquer ou de questionner…

Eh bien pour moi, ça me fait quand même penser à un mouvement sectaire, clairement, voilà!

RDG – Qu’est-ce qui t’a amenée à témoigner à la fois à visage découvert et en reprenant ton nom de vidéaste sur YouTube?

Antastésia –  En fait la question pour moi ne se pose pas. Je suis sur les réseaux depuis très longtemps. Ma chaîne YouTube, je l’ai créée en 2007. J’ai commencé à publier vraiment des vidéos en 2009, et avant j’étais sur MySpace, et puis j’ai été sur Twitter puis j’ai été sur Instagram… bref.

Donc j’ai toujours été sur les réseaux, et j’ai toujours été sur les réseaux à visage découvert. Voilà. Sans doute aussi parce qu’à l’époque, c’était totalement différent comme climat, à tous les points de vue, c’était un espace vraiment beaucoup plus restreint, beaucoup moins mainstream. Il n’y avait pas de questions qui vraiment, se posaient.

Par contre, j’ai toujours fait le choix de ne pas mettre mon nom en ligne, même si mon nom a fuité et et que certaines personnes cherchent justement à me doxxer, donc à faire fuiter mes informations, donc mon nom, mais également les lieux où j’ai pu travailler, et j’ai l’impression que, à l’heure actuelle, c’est quelque chose qui engage… ce n’est pas une impression, ça engage beaucoup… que de témoigner de façon non-anonyme sur ces sujets-là. 

J’estime que je suis dans une position où je peux me le permettre, plus que beaucoup de femmes. Je ne pense pas que ça mette en danger mon activité professionnelle. Je ne crains pas pour les liens avec ma famille ou mes amis parce que j’ai la chance d’être avec des personnes qui ne sont pas du tout …“contaminées”, j’allais dire, c’est un mot un peu fort mais naturellement je vais le garder c’est le mot qui m’est venu. … contaminées par cette idéologie. 

Donc que je ne m’inquiète pas plus que cela, pour être honnête et quand bien même je m’inquiéterais, parce qu’il y a quand même une petite dose d’inquiétude étant donné que je sais ce qu’est le harcèlement en ligne et que j’en ai été la victime notamment par le transactivisme. 

Je tiens quand même à témoigner de la manière dont je me suis toujours exprimée en ligne, parce qu’il semble que c’est plus que nécessaire à l’heure actuelle.

Je ne juge pas les personnes qui ne peuvent pas le faire bien évidemment!

Mais moi, ça me semble très très important de pouvoir… voilà poser un visage et que ce soient être aussi des personnes qui par ailleurs regardent certaines de mes vidéos, se disent que d’habitude j’ai un discours plutôt cohérent et pas haineux, et que le fait que ce soit plus identifiable peut-être, et qu’elles puissent se dire : “Ah cette personne-là,  jusqu’à preuve du contraire, elle n’a pas eu de  propos vraiment haineux, elle n’a pas eu de propos discriminatoires. Donc pourquoi est-ce qu’elle se pose ces  questions-là?”

J’espère que ça peut être aussi utile, justement.

Et amener des personnes à la réflexion parce qu’il y a un lien peut-être qui s’était déjà créé, ou il y a un lien qui peut se créer parce qu’il y a une multitude de vidéos de moi disponibles en ligne…

RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme ? 

Alors concernant les anecdotes du coup, c’est surtout celle que j’ai déjà mentionnée avec ce jeune homme, parce qu’en plus c’était un homme qui était jeune, ce jeune homme “non-binaire transféminine”… ça m’a vraiment marquée parce que pour moi c’était… 

J’ai reçu à ce moment-là, lorsque j’en ai parlé, des messages de personnes qui me disaient : « Non mais c’est pas possible, tu vois bien que c’est une femme! Et moi je suis sûr que, dans la rue, elle se fait aborder comme une femme, et elle se fait harceler comme une femme »!

Et c’était, pour moi, la première fois que je voyais les gens me mentir à ce sujet-là d’une manière aussi frontale et assumée.

Parce que je ne peux pas concevoir que ce ne soit pas un mensonge quand on a quelqu’un, qui en plus n’a fait aucune transition (quand certaines personnes ont fait des transitions je veux bien, qu’effectivement, l’apparence puisse être, alors « trompeuse » c’est… en tout cas je veux bien que l’apparence puisse faire croire qu’on a en face de nous une personne qui serait « femelle », mais là, dans cette situation bien précise, ce n’était absolument pas le cas.

Je pense que ça, ça m’a vraiment marquée, parce que je me suis demandé jusqu’où ces personnes étaient prêtes à aller, et quelles étaient leurs véritables motivations. Finalement, pourquoi mentir à ce point ? 

Est-ce que c’était des personnes manipulées et qui n’arrivaient même plus à voir la vérité en face ou est-ce que c’était des personnes qui mentaient, très clairement ? 

Et j’ai un rapport à la vérité qui est assez, comment dire, en tout cas à une certaine réalité qui est assez important, même si certaines choses peuvent aller à l’encontre de mes idées premières, ou de mes convictions et de mes valeurs, à partir du moment où la réalité les dément, je suis obligée de faire avec. 

Et quand j’ai vu que certaines personnes s’en affranchissaient totalement, pour moi ça a vraiment été aussi en des moments où je me suis dit “Non mais là il y a vraiment quelque chose qui, fondamentalement, ne va pas du tout”. 

Une autre anecdote qui m’a, on va dire peut-être blessée sur un point plus personnel, c’est que lorsque j’ai publié ces vidéos, sur Twitter effectivement, de nombreuses personnes mon attaquée de diverses façons, et l’un des points qui est revenu le plus souvent c’est que j’étais prof et que, en fait, c’était une honte que je sois prof et que j’étais forcément un danger parce que j’étais une grosse transphobe, et que je ne pouvais pas être maintenue devant des élèves. Parce que : que se passerait-il si un jour j’avais un ou une élève trans ? Et certaines personnes parlaient même de faire remonter ça au rectorat. 

Bien évidemment, ce ne sont que des tweets, mais ça m’a vraiment blessée parce que je me suis dit « on est prêt à détruire quelqu’un, à venir salir ce que la personne fait avec tout ce qu’elle a, sans aucune preuve ». 

Et c’est ce qui se répète inlassablement avec toutes les femmes qui osent s’exprimer, c’est qu’elles ne sont plus bonnes à rien : 

Vous avez écrit un livre, mais vous êtes transphobe, en fait le livre ne vous appartient plus. 

Vous êtes une prof à la fac, avec des recherches intéressantes, importantes, vous êtes reconnue par vos pairs mais à partir du moment où vous êtes transphobe, vous n’existez plus non plus. 

Cette facilité à anéantir presque l’individu, une volonté de l’anéantir réellement, c’est-à-dire de faire fuiter les informations, de la faire virer, de la faire sauter des plates-formes, parce que c’est vrai que j’ai oublié de parler du fait qu’un autre élément qui m’a beaucoup marquée, c’est ce qui s’est passé avec Mégan Murphy, qui est une féministe canadienne, qui a été déplateformée, qui a été bannie de Twitter. 

C’est quand même incroyable quand on voit tout ce qui passe sur Twitter, qui en plus d’enfreindre les lois d’utilisation de Twitter, mais qui enfin juste les lois morales tout court et que ça passe, et que ça reste, quand vous voyez qu’il y a du porno sur Twitter, qu’ils ne sont pas fichus de faire dégager le porno sur Twitter, mais qu’ils peuvent bloquer pour toujours, dégager une femme qui a osé – attention ! – utiliser le pronom « il » pour une personne mâle, ça, ça m’avait vraiment marquée aussi. 

À la limite c’est l’anecdote peut-être, pas qui me concerne moi, mais c’est vrai que cette injustice-là et cette question qui est derrière, qui est quand même de : “Comment font-ils et comment font-elles pour arriver à faire progresser un mouvement aussi rapidement et pour avoir autant de poids auprès, soit d’institutions, soit de compagnies, qui ne s’embarrassent jamais de questions soi-disant des minorités ?”

RDG – As-tu quelque chose à ajouter ? 

Oui ! (sourire)

J’aimerais revenir un petit peu sur, (alors pas uniquement sur l’importance du langage), mais en tout cas sur l’une des tactiques les plus importantes du transactivisme, qui est de tout réécrire, et la façon avec laquelle ils s’inscrivent, vraiment, dans un monde de post – justement – vérité. 

Je trouve que c’est fou d’analyser à quel point il y a une réécriture et une déconstruction, une transformation de tout.

C’est-à-dire que,  quand on pense à la transidentité, on s’imagine, on pense, à la transition, à la modification du corps, qui est déjà en soi un énorme sujet. 

Mais quand on regarde bien, ils transforment absolument tout : transformer le sens des mots bien évidemment, transformer leur corps, transformer la réalité biologique.

Ça passe par des détails que nous acceptons la plupart du temps, en tout cas quand on n’y a pas réfléchi et quand on n’a pas été confrontées à certaines choses qui font qu’on a tout ce processus intellectuel. 

On accepte très facilement de ne jamais utiliser le « deadname », par exemple, le prénom que la personne avait avant. Ou on accepte très facilement l’idée qu’il ne faut surtout pas  partager de photos pré-transition. Voilà. 

C’est-à-dire que si on parle à des personnes qui ne sont pas critiques du genre, ou qui n’ont pas été familiarisées avec toutes les problématiques du transactivisme, c’est quelque chose qui est accepté comme allant de soi. 

Donc il y a une facilité à effacer ce qui ne nous convient pas, notamment aussi, une facilité à effacer tous les passés criminels ou illégaux de certaines personnes, qui occupent par ailleurs des places assez importantes dans le transactivisme, alors là je ne parle pas en France. Donc il y a la facilité à cacher tout ce qui ne convient pas. Mais aussi une facilité à cacher des passés qui peuvent être criminels ou illégaux. C’est le cas, pas en France mais à l’étranger, ça s’observe (je ne suis pas en train de dire que toutes les personnes qui font partie du mouvement transactiviste ont un asier, ce n’est pas ça que je dis), mais on trouve des personnes qui occupent des places pas trop minimes, et qui en fait, ne sont pas, justement, dans une situation d’avoir un casier vierge. Et ça, ça passe comme une lettre à la poste. 

Des déclarations “très étranges” sur les enfants, ça passe aussi comme une letre à la poste, parce que trans, parce que médiatisées, etc… 

Et puis modifier ce qui ne convient pas, c’est-à-dire modifier la réalité biologique.

Hier, j’écoutais une rediffusion de l’année dernière sur France 3, une édition régionale, je crois, pour la Nouvelle Aquitaine, où il avait une journaliste qui était avec un chirurgien et une “femme trans”  qui devait avoir la cinquantaine ou un peu plus. 

Et le chirurgien, donc, expliquait à un moment donné que grâce aux opérations, grâce à la vaginoplastie (déjà ce terme en lui-même, moi, me dérange, mais…)  grâce à la vaginoplastie, il était  en mesure de donner à ses patientes des “vagins totalement fonctionnels”… 

Et quand on se dit qu’à la télé, il y a  un chirurgien qui peut passer tranquille, et vous dire que… j’essaie de trouver un moyen de dire qu’il ne soit pas pas trop violent mais une… une… “cavité”, car “trou” c’est un peu violent,  mais une cavité artificielle créée via chirurgie, quand on est capable de nous dire à la télé que c’est (un chirurgien, hein!) que c’est la même chose qu’un vagin, que c’est totalement fonctionnel!… Je me dis, “mais dans quel monde vit-on?” et que la journaliste ne réagit pas… 

Et en fait, je suis à la fois fascinée dans un sens, mais horrifiée… c’est une fascination horrifiée aussi de voir l’aisance, et l’autoroute qui s’ouvrent à ces personnes pour tout réécrire : se réécrire, se transformer, transformer les opposantes (c’est-à-dire qu’on n’est même plus les victimes, finalement,  on est les horribles agresseuses,  et transformer une réalité biologique. Pareil : “les femmes trans ont leurs  règles”, ce genre de choses !

Et je crois aussi que l’un des aspects qu’on n’explore pas assez hors des cadres, où je dis qu’il faut vraiment réfléchir à ça, c’est le rapport au corps, et le rapport à la sexualité.

Finalement, le transactivisme a fait un très bon travail pour nous persuader que ça n’avait rien à voir avec le corps, que  c’était  une question de ressenti, que c’était une question de genre, et que SURTOUT ça n’avait rien à voir avec la sexualité! … sauf que pour beaucoup de personnes trans, quand même, ça vient d’un rapport au corps qui est absolument désastreux et qui doit occasionner beaucoup de douleur chez les personnes qui en arrivent justement effectivement à ces parcours-là!

Ce n’est pas du tout pour les marginaliser ou pour me moquer ou pour minimiser, mais d’un côté il y a une souffrance énorme qui peut d’ailleurs être liée à beaucoup d’autres choses, mais on n’a pas le droit de dire que ça a un rapport avec le corps. On  n’a pas le droit de dire que ça a un rapport avec le sexe. Et on n’a pas droit non plus de dire que ça a un rapport avec la sexualité. Sauf que moi, je suis convaincue que, pour en tout cas pas mal de personnes, ça a un rapport avec la sexualité. Que ce soit l’autogynéphilie par exemple, ou pour certaines femmes malheureusement, l’incapacité, à cause de la société dans laquelle on vit, à accepter d’être lesbienne aussi, par exemple.

Et je trouve que, pour un mouvement qui en fait, revendique tellement le droit de modifier son corps, et en plus de ne pas payer pour, bien évidemment, (mais ce n’est pas un trouble, mais quand même il faut que ce soit pris en charge) et pour un mouvement qui s’acharne tellement à vouloir nous arracher notre corps, en tout cas c’est ainsi je le ressens, moi! 

Ils sont très fort pour qu’on ne puisse jamais venir sur leur corps à eux,  leur sexualité, et poser les questions qui dérangent.

En tous cas pour moi, la transidentité, ça a énormément à voir avec la sexualité, et avec le corps sexué, et pas uniquement, et loin de là, avec un sentiment d’inconfort, et quelque chose qui relèverait de la perception vraiment spirituelle et émotionnelle qu’on a de soi.

RDG – Du coup, j’avais une question par rapport à ce que tu viens de dire, parce que tu parlais de spiritualité, et je trouvais que c’était une très bonne introduction à la question que je me posais. Finalement j’ai l’impression que le concept de transidentité, ça fait beaucoup référence au concept de la séparation, la dichotomie esprit et corps, qu’on retrouve notamment dans la tradition judéo-chrétienne, dans les religions patriarcales, et j’ai l’impression que c’est une espèce de renouveau dogmatique, où on ne doit pas remettre en question une spiritualité… En fait ça prend pour moi des airs de dogme et de religion!

Antastésia – Ah oui, totalement! 

Pour moi, à titre purement personnel, la difficulté que j’ai un tout petit peu à m’exprimer sur ce sujet, c’est que personnellement je ne suis pas opposée aux parcours de transition. Je pense qu’il y a des personnes qui souffrent réellement d’un type de dysphorie qui ne peut pas être allégé uniquement via la thérapie, via un changement de société. Je pense qu’il y a certaines personnes qui ont, effectivement, ce problème avec ce corps et avec ce corps sexué, et qui voudront quoi qu’il arrive en fait, reproduire de façon artificielle les caractéristiques sexuelles secondaires de l’autre sexe.

Je pense qu’il aura toujours un pourcentage infime, parce qu’en réalité ce sont de très rares personnes qui sont vraiment dans cette situation. Donc je pense qu’il y a vraiment ces personnes-là, et je ne veux pas nier leur existence, parce que moi je pense qu’elles existent, et je n’ai pas de problème avec le fait qu’elles soient prises en charge, et qu’il y ait tout un parcours adapté, à partir du moment où ces personnes ne veulent pas nous voler nos droits et nous voler nos espaces, et nier des réalités évidentes… Mais de l’autre côté, effectivement, j’ai du mal quand même à concevoir qu’on puisse logiquement présenter ça autrement que comme un trouble, parce que le présenter autrement que comme un trouble psy reviendrait à dire qu’il y a une âme dans le corps qui, parfois, peut être “propulsée dans le mauvais corps”.

Personnellement je n’y crois pas.

Que certaines personnes y croient… ça les regarde, j’ai envie de dire. Mais je suis pour vivre dans une société qui se base plus sur la science et la raison que sur le dogme, et pour une société laïque en fait! Et dans une société laïque, on ne peut pas, en réalité, accepter que des lois passent parce qu’il y a une idéologie qui n’est fondée sur rien, qui est fondée sur des croyances sur des ressentis. Pour moi, c’est totalement à l’opposé de la société que j’aimerais construire, et c’est une forme d’obscurantisme…  Pour moi c’est de l’obscurantisme : c’est le refus de la science, le refus de la raison, le refus de la critique, le refus de la discussion…

Et cette idée d’être “né dans le mauvais corps”… c’est marrant parce que maintenant beaucoup de trans ne veulent plus qu’on dise ça : qu’ils ou elles sont “nés dans le mauvais corps”. 

Sauf que c’est c’est essentiellement ce qu’ils nous disent, mais ils nous retirent cette phrase-là!  Alors pourquoi?

Parce que ça empêche certaines personnes qui refusent de modifier leur corps de se dire trans. 

Parce que maintenant, peut être trans qui veut. C’est-à-dire que si demain moi je ne change rien à mon apparence, je ne change rien à ma vie mais que je dis que je suis non-binaire, je suis non-binaire, point! Si je dis que je suis un mec,  je suis un mec, avec le nouveau transactivisme! 

Donc on ne peut plus dire “être né dans le mauvais corps” qui est une phrase qu’on entendait beaucoup chez les personnes qui, à l’époque si disaient transsexuels et pas transgenre. Maintenant on ne peut plus dire cette phrase-là parce que ça invalide une part quand même grandissante du mouvement transactiviste qui ne veut plus faire une vraie transition. 

Et moi je suis effarée de la porte ouverte à tout. 

Récemment, j’ai écouté des vidéos anglophones, et certaines de ces personnes ont mentionné deux cliniques aux États-Unis qui proposent désormais des opérations pour les non-binaires… On n’est plus sur des opérations qui visent à recréer un faux pénis ou un faux vagin, on est sur des opérations qui préservent par exemple le pénis mais qui vont perforer en dessous du pénis pour créer leur, soi-disant dans leurs termes c’est une vaginoplastie, où on préserve le pénis.

A quel moment on est dans quelque chose qui est acceptable? Non je suis désolée,  mais pour moi, c’est inacceptable! Et comment est-ce qu’on ne peut pas lier ça à,  je suis désolée, un rapport à soi qui nécessite d’être pris en charge par des thérapeutes psy. 

Et à quel moment est-ce qu’on ne se dit pas il y a quand même peut-être un rapport avec la sexualité là… Il y a quand même quelque chose à chercher.

Pourquoi est-ce qu’on voudrait avoir un pénis… et un trou en-dessous du pénis?

Il faut ouvrir les yeux!

S’il vous plaît signez la déclaration des droits des femmes basés sur le sexe www.womensdeclaration.com

Marie, rebelle du genre.

Je m’appelle Marie, j’ai 44 ans, je suis lesbienne et féministe matérialiste.

Je suis formatrice en lutte contre les violences sexo-spécifiques et contre la pédocriminalité et j’ai aussi beaucoup travaillé sur l’étude de la culture pro-pédophile des années 70.

Marie, rebelle du genre.

Est-ce que tu peux décrire le parcours qui t’a amené à devenir critique du genre et, en particulier, l’as-tu toujours été ou s’est-il produit un ou des évènements qui t’ont amenés à avoir une posture critique vis-à-vis de cette idéologie?

En ce qui concerne mon parcours au sujet du mouvement transactiviste, j’ai découvert le féminisme dans les années 2000. J’avais une vingtaine d’années et avant ça, je n’avais jamais pensé au genre en terme de construction sociale. Pour moi, le féminisme c’était quelque chose de très bien pour les femmes qui ont vécu des choses difficiles mais je ne me sentais pas du tout concernée.

Quand j’ai suivi les cours de sociologie des rapports sociaux de sexe, ça m’a vraiment permis de comprendre que ce genre que je pensais naturel, je ne faisais pas la différence entre sexe et genre, était réellement une construction sociale. 

Marie, rebelle du genre.

À Toulouse, j’ai  participé à mes premières réunions non-mixtes, c’est là que j’ai pris conscience que j’avais un commun avec toutes les femmes qui étaient présentes et que j’avais un  commun avec toutes les femmes.  C’est là que ma conscience politique qui jusque-là était une conscience simplement anticapitaliste est devenue une conscience féministe et là, j’ai envisagé les violences que j’avais subies comme des violences réellement sexo-spécifiques.

Une copine m’a passé l’Ennemi Principal de Christine Delphy et c’est un moment vraiment très important pour moi, j’ai compris cette notion de classe sociale de sexe qui me parlait vraiment étant donné que moi je suis issue de la lutte anticapitaliste, et que les classes sociales je comprends très bien ce que c’est : une classe  dominante qui extorque la force de travail de la classe dominée. Et en fait, toute l’appropriation de mon corps par la classe des hommes, l’appropriation de mon temps, de mon espace et de mon temps de travail était liée à mon appartenance à la classe sociale des femmes.

Quand j’étais à Toulouse,  je fréquentais aussi beaucoup de queers mais c’était dans les années 2000, les queers qui s’appelaient aussi trans-pédés-gouines. C’étaient deux luttes différentes mais on était potes, parce qu’il y avait une certaine solidarité. Alors, il y avait les “tapettes radicales” qui étaient des gens très drôles, très subversifs et il y avait plein d’amis. Comme des hétéros, des homos et des lesbiennes avec un certain respect les uns des autres et un désir de changer le monde.

Dans ce mouvement, il y avait des hommes qu’on genrait au féminin, mais ils savaient très bien qu’ils n’étaient pas des femmes. Ils avaient tout à fait conscience de ne pas du tout vivre la même situation que nous, les femmes et ce genrage au féminin était plus un pied de nez aux stéréotypes qu’une revendication d’ailleurs, ils se revendiquaient « pédés ».

Cela a aussi joué sur la lenteur de ma compréhension sur ce qui allait se passer plus tard.

Marie, rebelle du genre.

Quelques années après, un nouveau terme est apparu, c’est le terme de « mixité choisie ». Moi, à l’époque, je ne voyais pas vraiment la différence avec la non-mixité. Je ne faisais pas attention.

C’est un ami hétéro, qui est assez ami du mouvement féministe qui, le premier, m’a interrogée sur la présence des femmes trans dans les réunions de femmes.

Là, je lui ai dit : « Oh mais, ça doit être rare! Puis, ce n’est pas très grave… »

Et surtout, je me disais que ce n’était pas gentil de s’interroger comme ça. Ce qui est intéressant, c’est que la première personne autour de moi qui s’est interrogée est un homme, ce n’est pas une femme et ce n’est pas anodin. Parce que nous les femmes, on est tellement dressées à être gentilles qu’on a une espèce de gentillesse qui nous bloque totalement notre esprit critique. Et en plus, je ne flairais pas du tout le danger. Pour moi, les trans que j’avais connu étaient des gens gentils et rigolos qui ne venaient pas dans les réunions non-mixtes car de toute façon, ils n’en exprimaient pas le besoin et puis, ils se disaient PD donc je ne voyais pas le danger.

La première fois que je me suis interrogée, j’étais chez des ami.es qui vivaient en collocation et dans cette collocation, il avait un homme hétérosexuel qui m’a annoncé sa transition.

Là, il m’a invitée à une boum de transition et sa boum, elle était réservée à tout le monde sauf les mecs “cis” hétéros.

Du coup, je n’ai pas compris, parce que pour moi, une semaine avant, c’était un homme hétérosexuel. Et là, il se distinguait des autres hommes hétérosexuels…

Marie, rebelle du genre.

Moi qui n’a jamais aimé les “bonnes bandes”, moi qui n’ai jamais aimé faire partie des « cools » et en plus je n’étais pas du tout concernée, car je ne voyais pas à quelle catégorie on était censé appartenir ensemble, je ne suis pas allée à la boum. Mais malgré tout, je l’ai quand même genré au féminin car cela semblait lui faire plaisir et puis qu’à moi, ça ne me coûtait rien.

Puis, ce qui me gênait aussi c’est que la non-mixité à la base, donc la non-mixité femmes, c’est vraiment un outil politique et que là, de détourner un outil politique pour faire une boum de “cools”, je n’aimais pas trop. Mais voilà, je ne sentais toujours pas le danger arriver… Sauf que cet homme-là, quelques années plus tard (c’est-à-dire l’année dernière), je l’ai recroisé et il a passé un week-end entier à me harceler parce qu’il avait entendu parler du fait que j’étais étiquetée comme “TERF”, et il m’a totalement terrorisée pendant tout le week-end.

Il y a cinq ans à peu près, en septembre 2016, je suis en Bretagne. J’avais donc 39 ans, et j’ai commencé à faire ce que j’avais prévu de faire depuis mon adolescence, c’est-à-dire : écrire les violences et les mécanismes des violences sexuelles que j’avais subies à l’adolescence. Cela m’a permis d’effacer tous les traumatismes et de découvrir ma gnouinitude et là, de découvrir ma sexualité, de découvrir mon désir pour les femmes, de me dire que je ne coucherai plus jamais avec un homme… Et mes crises d’angoisse nocturnes qui dataient de mon adolescence ont disparu. Je me sentais vraiment mieux.

Quelques mois après, je croise un homme transidentifié et là, comme d’habitude, je ne me méfie pas. Parce que je l’assimile à mes potes queers de l’époque de Toulouse et je le genre au féminin parce que c’est comme ça qu’il se présente et que je ne me pose pas de question.

Et il vient en Bretagne, sauf qu’arrivé en Bretagne, il commence à me mettre très mal à l’aise. Puisqu’il parle sans arrêt de sa “néo-chatte” à toutes les femmes présentes…. Je trouve cela complètement déplacé.

Il drague, mais en utilisant la culpabilité. Il parle d’un squat « trans-pédés-gouines » de Toulouse qui serait, selon lui transphobe car les lesbiennes refusent de coucher avec lui et il me met vraiment mal à l’aise.

Marie, rebelle du genre.

Et là, je me dis que bon, c’est juste une mauvaise personne, c’est quelqu’un de malsain mais je n’imagine pas du tout que c’est à un mouvement général et mondial. Entre-temps, je lis la brochure de Julia Serrano le privilège cis sexuel donc, qui explique que les femmes “cis” donc, les femmes “cis”, c’est nous, ce sont les femmes, on est privilégiées et qu’on a de la chance on est nées dans le bon corps et il se fait passer pour une victime.

Après, j’entends parler du concept du « plafond de coton », qui explique que les lesbiennes qui refusent de coucher avec des hommes transidentifiés sont transphobes et là je me dis que c’est vraiment un problème mondial. Je commence à parler de ce que je découvre avec mon entourage. Mais le problème est que j’ai du mal à m’expliquer car j’utilise le langage des transactivistes. C’est-à-dire que je dis « femmes trans », donc les gens ils ne comprennent pas. Alors je dis : il faut dire une femme si la femme se sent femme parce qu’il faut gentille et il faut respecter le genre de la personne! Et donc du coup, tout en critiquant une mouvance, j’embrouille les gens et je fais de la propagande transactiviste sans même m’en rendre compte et, comme j’ai complètement intégré le langage, et que leur langage est complètement différent du langage commun, cela me coupe du reste des gens.

Mais maintenant, ça y est! Je parle d’hommes et de femmes dont certain.es sont transidentifié.es et je me rends compte que c’est beaucoup plus clair pour tout le monde. Évidemment, c’est plus près de la réalité en fait.

Pour autant, je voudrais préciser que je distingue vraiment les personnes. Alors, c’est très rare mais je distingue les personnes trans – c’est-à-dire qu’ils ne sont pas conformes aux stéréotypes et qui sont transsexuels ou autres et les trans de la vieille école aux transactivistes – qui en fait, n’ont rien à voir.

Ce n’est pas une haine contre les trans, c’est une remise en question d’une idéologie qui est dangereuse. Ce n’est pas contre des personnes. C’est une idéologie anti-femmes.

Marie, rebelle du genre.

Là où j’ai commencé à déchanter vraiment, c’est quand j’ai parlé de cette idéologie aux copines du Planning Familial en Bretagne. Où donc, je pensais être entourée de féministes. Je leur faisais part de mes questionnements et à partir de là, j’ai reçu un déferlement de haine en cascade, des menaces, c’était très (très) violent!

J’ai compris que le Planning Familial, qui au départ est un mouvement féministe, était noyauté par cette idéologie transactiviste.

Pourquoi est-ce que tu penses que cette idéologie est une menace et dans ce cas, pour qui?

Pour moi, le transactivisme c’est une menace politique à différents niveaux.

Pour les femmes, puisqu’on réinvente totalement le concept de femme. Une femme jusqu’ici désigne une personne née avec une vulve dans un monde patriarcal et là, ce qu’ils nous disent c’est que non en fait, une femme c’est « toute personne qui se sent femme ». Ce qui fait que nous n’avons plus de mots pour désigner les femmes et donc, plus de mots pour penser l’oppression des femmes et l’appropriation des femmes par les hommes…

Le patriarcat, c’est un rapport social de domination des femmes par les hommes et les masculinistes vont utiliser la notion de “nature féminine” pour justifier cette domination.

Et “l’essence féminine magique” en fait c’est à la base c’est un concept de masculinistes réactionnaires et là, ils reprennent ce concept en l’appelant identité de genre et ils nous disent qu’il y a bien une essence féminine magique, il y a bien une “identité de genre” de femmes, ce que nous en tant que féministes on réfute depuis des années et ce qu’ils font aussi c’est de nous faire croire que nous tous, nous toutes, je ne sais pas… Les femmes, les trans et tout le monde on a un ennemi commun qui serait le mec “cis” hétéro, mais c’est une grosse arnaque!

Parce qu’en fait il disent : notre ennemi commun c’est le mec “cis” hétéro, sauf qu’ils n’appellent pas à violer et à tuer des mecs “cis” hétéros! Ils appellent à tuer des “TERFS”.

C’est-à-dire, des femmes qu’ils désignent comme “TERFS”!

Marie, rebelle du genre.

Quand ils disent, “ bute une TERF”, leurs vraies ennemies ce sont les féministes et lesbiennes, et ils utilisent le mec “cis” hétéro comme quelqu’un qui va cacher le reste de toute la violence masculine. Car quand on voit qu’il y a des gays qui revendiquent le droit à la GPA, quand on voit qu’il y a des hommes hétérosexuels qui se disent “lesbiennes” qui revendiquent le droit d’accéder aux corps des lesbiennes, on voit bien que c’est une appropriation des femmes par les hommes.

Puis surtout, le féminisme c’est un projet politique, ce n’est pas un projet haineux.

Monique Wittig, j’aime quand elle dit qu’elle est pour la disparition des hommes en tant que classe et pas en tant qu’individus. Parce qu’effectivement, le couple hétérosexuel, globalement, c’est toujours plus bénéfique aux hommes qu’aux femmes. Pour autant, des hommes s’engagent dans la lutte contre les violences faites aux femmes mais ces hommes peuvent êtres autant des hommes hétéros, que des trans, que des gays… Ça n’a rien à voir.

En plaçant le mec “cis” hétéro comme un ennemi commun, ils font disparaître la classe sociale des hommes.

C’est un danger aussi pour les enfants, puisqu’ils expliquent à des enfants qu’ils sont nés dans le mauvais corps. C’est perturbant et complètement faux!

Il y a une explosion de transitions chez les jeunes filles et moi, je vois un parallèle avec les arguments que j’ai beaucoup étudiés, les arguments de pédocriminels des années 70 qui disaient qu’un enfant est capable de consentir quel que soit son âge, qui disaient que l’enfance n’existait pas, qui disaient qu’il fallait couper les enfants de leurs parents parce que les parents sont forcément contre la liberté des enfants. Et je retrouve dans ces argumentaires toute l’idéologie des transactivistes sur la capacité des enfants en bonne santé à consentir un traitement lourd et sur le fait que tout parent qui veut essayer de protéger son enfant, ces parents qu’on va dénigrer comme étant des parents liberticides et aussi sur le fait de nier la réalité :

L’enfance n’existe pas, disaient les pédocriminels,

Les femmes n’existent pas disent les transactivistes.

Un autre danger pour les enfants, c’est qu’on diabolise auprès des jeunes filles le féminisme matérialiste. Ce qui fait qu’on leur dit : n’allez surtout pas voir là-bas, ce sont des méchantes! Ce qui fait qu’on coupe les filles de la culture qui est la nôtre, la culture des femmes.

Marie, rebelle du genre.

C’est un danger aussi pour les homosexuels, puisqu’on redéfinit l’homosexualité. Un homosexuel n’est plus une personne attirée par une personne du même sexe mais du même genre.

En fait, une lesbienne c’est quand même une personne qui est née avec une vulve dans un monde patriarcal et qui de ce fait, est socialement et sexuellement destinée aux hommes. Ce qui n’est pas du tout le cas pour les hommes qui se prétendent lesbiennes. Les lesbiennes, nous avons dû remettre en question notre dressage et pour certaines c’est long, et je suis très bien placée pour le savoir.

C’est aussi un danger pour les transsexuel.les. Parce qu’ils parlent au nom des trans sans définir ce que c’est d’être trans. Ils réfutent le terme de transsexuel qui pourtant existe. Les personnes transsexuelles ont des besoins spécifiques, notamment d’avoir une hormonothérapie suite à des opérations. Et il y a des transsexuel.les qui se rebellent en disant : on n’est pas du tout d’accord avec ce mouvement transactiviste violent envers les femmes et qui nie notre existence de transsexuel.les.

C’est un danger aussi parce que c’est au-delà du féminisme, c’est la victoire du libéralisme. Ils n’ont pas de projet de société.

Je rêve d’une société égalitaire sans classe, sans capitalisme ni patriarcat, sans prostitution et avec de la solidarité et du respect entre les gens. Eux ne pensent pas à une société égalitaire, ils veulent une société où chaque groupuscule et/ou chaque communauté va tirer la couverture à soi au détriment des autres, et ils nient complètement les rapports inégalitaires et structurels de la société. Eux, ne pensent qu’en termes d’émancipation individuelle. C’est totalement libéral!

Ils disent aussi que si tu es opprimée en tant que femme, il ne faut pas chercher à changer le monde! Il faut que tu te changes toi-même et que tu deviennes un homme!

Ils disent aussi, parce qu’ils sont également pro-prostitution, qu’elle est un choix et non, une contrainte économique liée à la pauvreté des femmes dans le monde.

Qu’est-ce qui t’a amené à décider de témoigner sous ta réelle identité? Est-ce que tu subis, ou est-ce que tu as subi des menaces, des violences ou du harcèlement?

Quand j’ai voulu parler de ce qu’il se passait au sein du Planning Familial car, je pensais être entourée de féministes, ça m’a valu des mois de harcèlement moral.

J’ai reçu une première lettre d’intimidation dans laquelle je suis traitée de “TERF”, tout en sachant qu’en me traitant de “TERF”, ça pouvait engendrer des violences. Je suis traité de “TERF” parce que je refuse le pénis.

Mon refus du pénis a tout de même été discuté en réunion quand je n’étais pas là…

Marie, rebelle du genre.

Le fait que je ne me considère pas comme privilégiée d’être née avec une vulve et le fait que je ne milite pas pour les traitements hormonaux sur les enfants qu’on appelle trans.

On m’a aussi intimidée pour que je me taise au sujet des violences que j’avais subies, au motif que la personne violente faisait partie du milieu et ça, ça m’a fait super peur en fait.

Le milieu? C’est quoi ce milieu? C’est une mafia ou quoi? On m’a dit “maintenant tu vas te taire, cette personne fait partie du milieu!”. J’ai donc informé le planning de ces tentatives d’intimidation, en expliquant bien que je n’ai de haine contre personne, et les seules réponses que j’ai eues c’est de dire : « Marie se sent en danger, mais ses propos dérangent ».

Je n’ai jamais su ce qui pouvait déranger dans mes propos, et on a nié le fait que j’étais réellement en danger. Cela a eu un impact sur ma santé, pendant des mois j’ai eu très (très) peur. J’avais des crises d’angoisses. J’avais des retours de mes angoisses liées aux violences que j’avais subies dans l’adolescence, puisque de nouveaux on m’imposait des rapports. Enfin, on tentait de m’imposer des rapports hétérosexuels, et j’étais en panique totale parce que jusqu’ici, ce qui m’avait protégée, c’était le mouvement féministe. Je me sentais totalement impuissante et là, depuis quelque temps j’arrive à retrouver un sommeil à peu près satisfaisant.

Alors oui, je suis en danger mais je me dis que me cacher ne va pas changer grand-chose à ma situation. Cela ne va pas améliorer ma situation. Et oui! Je veux témoigner et dénoncer ouvertement. Parce que j’en ai marre de me plier à leurs diktats qui me disent maintenant, tu vas te taire!

Puis, depuis que je parle publiquement, depuis qu’avec des copines on s’organise, je me sens moins impuissante et ça fait que je commence à aller mieux.

Marie, rebelle du genre ou la parole qui libère.

Donc non, je ne vais plus me taire! Même si je sais que je suis en danger!

Merci Marie! Est-ce que tu as quelque chose à ajouter à ton témoignage?

Oui! Ce que je veux ajouter c’est ce dont j’ai envie. C’est que nous les femmes, ensemble, nous retrouvions du pouvoir politique, du pouvoir collectif et qu’ensemble, les femmes, nous nous sentions plus fortes contre le patriarcat.

Merci d’avoir écouté notre parole, merci à Marie pour son précieux témoignage et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.

S’il vous plaît signez la déclaration des droits des femmes basée sur le sexe :

https://www.womensdeclaration.com/fr/

N’hésitez pas à prendre contact avec nous pour apporter votre témoignage, en remplissant ce formulaire et en nous laissant un moyen de rentrer en contact avec vous : https://linkfly.to/rebellesdugenre

Mercie les femmes!

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