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Rebelles du genre – Épisode 72 – Frann
Frann – Je m’appelle Frann, je vais avoir 31 ans. Ça fait 6 ans maintenant que je suis dans le milieu militant. Ma porte d’entrée, ça a été le féminisme et puis ça a été avec la découverte de tous les systèmes d’oppression, jusqu’à arriver à la case de l’écologie. Aujourd’hui, le grand sujet de ma vie, c’est l’écoféminisme. J’ai fait pas mal de militantisme de terrain et un peu de théorie aussi parce qu’il faut. Aujourd’hui, je m’investis dans un mouvement qui s’appelle Deep Green Resistance, en abrégé DGR, qui est présent en France et dans plusieurs autres pays du monde et qui est le seul mouvement écolo à garantir une ligne féministe radicale. Je suis là aussi pour y veiller entre autres choses.
Rebelles du Genre – Bonjour et bienvenue sur le podcast Rebelles du genre. Nous sommes des femmes, militantes, pour l’affirmation et la protection des droits des femmes basés sur le sexe, et donc notre biologie. Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes et le genre en est le moyen.
Nous sommes les rebelles du genre.
Nous observons aujourd’hui avec fureur des hommes qui envahissent nos espaces, agressent nos sœurs, revendiquent nos droits.
Conditionnées à la gentillesse et touchées par leur victimisation, les femmes mettent en général un certain temps à comprendre l’arnaque du mouvement transactiviste et commencent souvent par soutenir cette idéologie.
Puis, elles ouvrent les yeux, constatent sa violence et la refusent. Ce podcast est là pour donner la parole à des femmes qui expliqueront pourquoi et comment elles sont devenues critiques du genre et qui témoignent de leur parcours. Écoutons leur parole.
Frann – Moi, j’ai grandi dans une famille où il n’y avait pas de valeurs féministes et personne dans notre entourage n’était féministe. Je pense qu’un des éléments qui a amené au fait que je développe une conscience féministe est le fait que j’ai trois soeurs et pas de frère. Malheureusement, on avait aussi un père violent et ça, associé à toute l’ambiance et tout le patriarcat qui est présent dans notre civilisation, a fait que j’ai fini par m’égarer et que j’ai subi pas mal de violences. Puis, j’ai fini dans une relation toxique et je pense que ça a été un peu l’élément déclencheur pour moi, pour ma conscience féministe parce qu’à un moment, j’ai commencé à me dire “mais, en fait, tout ça ce n’est pas normal.”Puis tomber sur une phrase féministe qui m’a fait faire un peu tilt dans ma tête, ensuite lire un article juste comme ça et, de plus en plus, tu lis des articles, tu lis des livres, tu commences à aller à des conférences, des événements… À l’époque, je venais d’arriver à Paris. J’étais toute seule. J’y allais toute seule. J’étais super timide, je ne parlais jamais, mais par contre j’engrangeais beaucoup d’informations partout où j’allais. Ça a fini par m’aider à développer vraiment une compréhension du patriarcat et une conscience féministe. Puis, #MeToo est arrivé et j’ai eu la chance de faire partie des femmes qui ont organisé le premier rassemblement #MeToo en France qui a eu lieu à Paris, place de la République en 2017. Lors de la préparation de l’organisation de cet événement, se sont posées des questions. Notamment, on voulait mettre en place un espace de parole pour les femmes sur la place de la République donc en plein Paris et on se posait la question de comment, pratiquement, on pouvait faire. Puis il y a une femme qui a commencé à dire : “les personnes trans, vous en faites quoi?” et moi ayant, un peu bêtement, assimilé toutes les phrases qu’on trouvait déjà un peu à l’époque sur les réseaux sociaux, même si c’était beaucoup moins présent qu’aujourd’hui, j’étais “oui, les personnes trans, c’est important. Il faut les inclure dans l’espace”.
Je crois que la grande chance que j’ai eue dans ma vie et dans mon parcours, c’est qu’il y avait une féministe radicale parmi les organisatrices qui a pris le temps de me prendre à part à la fin de la réunion et qui m’a dit: “Alors, ok, tu parles des personnes trans, etc.
Moi, je vais t’expliquer ce que c’est exactement l’idéologie qu’il a derrière.” Je me revois encore, elle était en face de moi et moi, j’étais là en train de prendre des petites notes sur mon carnet. Commencer à me dire: “alors voilà, il y a une insulte ça s’appelle terf”. A noter “terf” et du coup qu’est-ce que ça veut dire… Ça m’a évité de m’égarer et de plonger dans cette idéologie et de me mettre à ressortir un peu les phrases que tout le monde sort bêtement aujourd’hui sans vraiment aller chercher le sens qu’il y a derrière. Cette femme que je remercie infiniment, mais que je ne vais pas citer pour la protéger m’a orientée aussi sur des bons contenus : tout ce qui est analyse matérialiste des conditions de l’oppression des femmes même si à l’époque je n’étais pas encore trop politisée. C’est vrai que me parler d’analyse matérialiste de Marx, j’avais un petit peu de mal, mais c’est venu avec le temps. Suite à cela, j’ai eu la volonté de vraiment toujours de comprendre et de continuer à plonger de plus en plus profond dans les rouages de tous ces systèmes d’oppression et de comment ça s’imprime au quotidien. Ça m’a aidée aussi beaucoup, notamment le milieu féministe, (Ou le milieu féministe m’a aussi beaucoup aidée ?) à mettre des mots sur mon vécu personnel, notamment tout ce qui est le chapitre des violences et de tous les traumatismes qui en découlent. Voilà. Au fil de mon expérience, j’ai fini par atterrir dans le milieu de l’écologie et à porter aujourd’hui beaucoup tout ce qui est les valeurs écoféministes.
RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace ? Pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie ? Et même en tant que militante éco-féministe pour la planète, la nature ?
Frann – Ouais moi, avec un regard éco-féministe, je dirais que ce n’est pas juste une menace pour les femmes et les enfants, mais en fait, c’est une menace pour l’avenir du monde vivant tout entier. Carrément.
Je m’explique parce qu’il y a un peu d’analyses à voir derrière et moi, je pense que c’est quelque chose que j’ai mis un peu de temps à comprendre. L’analyse de base dans l’écologie chez DGR, c’est une analyse qui est radicale, dans le sens où l’on retourne aux racines du problème. Parce que c’est un peu le meilleur moyen de régler un problème c’est de retourner à la racine, la cause profonde. Pour nous, en fait, ce sont les origines de la civilisation, là où on est entré dans l’ère de la domestication du monde. La domestication des animaux, la domestication des sols avec l’agriculture, la domestication des femmes. On les a renvoyées dans la sphère domestique, parce qu’elles avaient un rôle reproducteur qui était important. Cela permettait aux tribus de gagner en force de frappe, et surtout gagner en productivité parce que les enfants deviennent soit des petits soldats, soit des petites mains qui vont dans les champs. Voilà.
C’est aussi le moment où a été mise en place toute l’idéologie du genre.
Le genre, c’est un discours qui vient justifier le fait qu’un sexe puisse dominer l’autre. Ce discours, cette idéologie a mis en avant le genre masculin au détriment du genre féminin. Je pense qu’il est important d’avoir des mots de vocabulaire pour décrire ces deux genres. Le genre masculin, notamment, c’est celui qui va être l’expression du pouvoir, de la violence et du contrôle. C’est aussi le fait de ne pas respecter les limites. Les limites des femmes, les limites des enfants, les limites de la planète, les limites des animaux. Et de ne pas être capable de percevoir ce qu’il y a autour de soi comme son alter ego, donc l’altérité des gens. En fait, se dire qu’en face de moi j’ai des entités qui ne sont pas des entités politiques dans le sens où elles vont avoir leurs besoins propres, leurs finalités propres qui peut-être n’ont rien à voir avec les miennes, mais de se dire “tout ce qui m’entoure est là pour moi et pour me servir”. Le masculin, la masculinité, c’est ça. Cela s’exprime aussi à travers des démonstrations de force en permanence. Pour montrer que c’est “moi le plus fort physiquement” et moi je suis désolée mais la force physique à mettre en parallèle avec le fait d’être malin, ça ne vaut pas grand chose.
C’était le fondement de la civilisation, du patriarcat, de la domestication qui est le fond du problème.
Après, je vous invite vraiment à aller décortiquer et creuser ce sujet encore plus, notamment à travers un podcast sur l’écoféminisme que j’ai enregistré avec une camarade de DGR. Il est disponible sur Floraisons.
Ce qu’il faut comprendre, après tout ça, c’est que les finalités de cette analyse, ce que ça veut dire… Alors oui, il y a aussi un autre truc très important, c’est la notion de Dieu et des religions monothéistes. Notamment les dieux qui expriment un peu la toute-puissance, la transgression de la mort, de la maladie, toutes ces choses. C’est aussi la base de cette idéologie qui dit qu’il faut réussir à dépasser les conditions matérielles et faibles de l’homme. Ce sont des faiblesses, et l’homme ne doit pas être faible, il doit être fort. Tout ce discours-là, petit à petit, était remplacé par le discours du progrès et aujourd’hui du transhumanisme. Dans le sens où ce qui au début s’imprimait dans le discours qu’on entendait, avec les dieux dans les religions monothéistes s’est peu à peu transposé dans un discours où c’est la technologie qui va nous sauver. Le transhumanisme est l’aboutissement de tout ça. C’est, en gros, dire que grâce à la technologie, l’homme va réussir à vaincre toutes les maladies, toutes ses faiblesses physiques, tout ce qui était matériellement pénible pour lui. Le fait de se lever le matin, de devoir cultiver son champ, tout ça est remplacé par la technologie. Tout ce discours va postuler que c’est la technologie qui va nous sauver. Et transposé au transhumanisme c’est tout ce qui commence à être fait comme expérimentation aujourd’hui. Par exemple, les biotechnologies. C’est un sujet très important dans le féminisme, notamment le féminisme radical qui critique la gestation pour autrui (GPA), mais aussi la procréation médicalement assistée (PMA). Tout cela recourt à la technologie. On en arrive aujourd’hui à dire qu’on peut remplacer les femmes, notamment toutes leurs fonctions reproductrices, grâce à des utérus artificiels et tout un tas d’autres artefacts et d’autres moyens qui sont tout aussi abominables. Parce qu’en plus de ça, ce qu’il y a derrière c’est vraiment la volonté de contrôle et de pouvoir. Aujourd’hui encore, ce sont les femmes qui portent les enfants, et ça l’idéologie masculine ne peut pas le supporter parce qu’elle n’a qu’un contrôle partiel sur le corps des femmes, même si au fil du temps on l’a beaucoup vu avec la chasse aux sorcières, on a privé les femmes de tous leurs savoirs et de toute leur autonomie sur leur corps, sur les méthodes pour faire venir un enfant au monde, sur la grossesse, même sur tout ce qui va être les soins gynécologiques…
Et tout ça, le mettre entre les mains des hommes, faire que ce sont les hommes, seuls, qui détiennent toutes ces connaissances.
Et du coup, les femmes deviennent dépendantes des hommes.
Et aujourd’hui, en fait, c’est la même chose.
Et le transactivisme, il y a un lien très, très, très fort avec le transhumanisme, puisque cela prône l’intervention de la technologie, donc de toutes les technologies médicales. Pour dire que, en fait ce qui va se passer, c’est qu’on va aller faire des expérimentations, parce que ce sont des expérimentations, quand vous regardez dans le détail, c’est horrible toutes les conséquences, de toutes les mutilations génitales qu’il peut y avoir.
D’aller prélever de la peau sur un autre endroit du corps pour faire un faux pénis, par exemple, toutes ces choses-là sont encore au stade d’expérimentation. C’est faillible, il y a plein d’effets secondaires indésirables. Et même la prise d’hormones.
Et puis ça finit avec la transplantation d’un utérus artificiel sur un homme qui se prétend femme. Et puis bien du coup, au final, on a plus besoin des femmes, puisque on avait besoin de leur fonction reproductrice pour assurer la pérennité de l’espèce humaine.
Et que, bien du coup, c’est bon. Et on en arrive à l’effacement total des femmes et, in fine, avec ça aussi, le fait de remettre en question toute cette vérité biologique, le fait que ce sont les femmes qui portent les enfants. Et, au final, on remplace absolument tout par des machines.
Et même toute la nature qui nous entoure, quoi. Par exemple, ça se voit aujourd’hui avec des cellules de viande qu’ils élèvent en laboratoire pour, derrière, avoir des steaks qui ne proviennent pas d’animaux. Ça se voit aussi avec, par exemple, tous les OGM. c’est pour avoir un meilleur rendement et par exemple, on peut faire un parallèle avec ça, et une femme qui aurait des difficultés à avoir un enfant. On va la blinder de produits, et tout ça, pour que derrière, l’aider à procréer. Et il y a un parallèle très très fort à faire entre l’exploitation des femmes et l’exploitation de la nature, et cette volonté de tout remplacer par la technologie, parce que ce sont les hommes qui sont aux mains des technologies. Et qui du coup ont le contrôle, et ont le pouvoir, puisque derrière, les femmes et la nature, elles sont totalement appauvries, et sont obligées de se tourner vers les hommes pour avoir ce dont elles ont besoin pour survivre.
Voilà. Donc en fait, on va dire que la grande finalité de tout ça, c’est la masculinité qui devient hégémonique, qui devient totalitaire, qui est partout sur la planète.
Mais du coup, pour moi, c’est aussi synonyme de mort, en fait.
Parce que ça veut dire plus du tout de biodiversité, ça veut dire renoncer à toute forme de nature, et de tout vouloir contrôler pour ne plus avoir à accepter les aléas de ce qui nous entoure, que ça soit je ne sais pas, une tempête, une inondation, des animaux qui vont venir bouffer dans ton champ, des choses comme ça, en fait.
Voilà pour moi la menace, elle est là, en fait. Et vraiment, quand vous observez dans le détail, c’est un discours qui est de plus en plus présent partout, quoi.
RDG – Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner, de façon anonyme ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces, est-ce que tu perçois un danger dans ton entourage personnel ou professionnel ? Ou est-ce que, éventuellement, tu as peur pour tes proches? Ou au contraire est-ce que tu te sais parfaitement en sécurité pour parler librement ?
Frann – Alors, je dirais que dans mon entourage proche, j’ai la chance d’avoir fait mon cheminement féministe, et ça a fini par convaincre aussi mes soeurs, même si au début, j’ai eu quelques petits tacles me disant que j’étais transphobe. Aujourd’hui,
Elles sont toutes parfaitement pro Radfem. En revanche, une très grosse partie de ma vie, c’est le milieu militant, dans l’écologie.
Et ça, c’est une catastrophe, en fait. L’idéologie transactiviste s’est totalement insérée dans ce milieu, et donne lieu à des discours qui sont absolument hallucinants. Et à part DGR, il n’y a aucun mouvement qui se revendique du féminisme radical, et qui ait l’approche, l’analyse, et qui garantisse la ligne féministe radicale.
RDG – Est-ce que tu peux développer, là? Tu dis : “des discours hallucinants” notamment des écologistes, cela semble un peu incroyable. Parce que la chirurgie, les mutilations, les hormones, ce n’est pas très écolo, tout ça ?
Frann – Non, pas du tout. Mais en fait, c’est un peu le discours dominant dans la gauche, quand tu veux un peu te dire féministe, et écolo, et anticapitaliste et tout ça, et que, au final, tu n’as juste envie de froisser personne, et que tu rassembles tous ces discours-là et tu ressors des phrases. Mais notamment, il y a toute une vague qui s’appelle « éco-queer». Voilà : c’est l’écologie par et pour les queers. Et il y a une femme que je trouve très, très dangereuse, qui est à fond dans cette idéologie, qui est empreinte de tout le courant poste moderne, en fait, qui s’inspire de Judith Butler, qui est une des grandes théoriciennes de l’idéologie queer. C’est Myriam Baafou, qui a écrit récemment un livre qui s’appelle « Des paillettes sur le compost ». Et alors dedans, elle se décrit comme étant une espèce de “chamane post-porn”. Elle a fait une interview sur Reporterre, qui est hallucinante, où elle parle de cul tout le temps. Voilà.
Moi j’ai vu un documentaire, réalisé par son groupe et écoféministe qui s’appelle “Voix Déterres” où, en gros, ce qu’elle dit c’est : il faut du cul. Il faut du sexe. Le porno c’est cool, moi j’aime courir à poil dans la forêt, s’il n’y a pas de salope dans ton groupe, ce n’est pas normal, voilà.
Alors déjà, pardon, mais c’est totalement déconnecté de l’écologie.
Et puis voilà, en fait, tout son livre… déjà, c’est incompréhensible. Mais c’est basé, notamment, en gros, vraiment, sur la glorification de l’idéologie queer. Et d’ailleurs, elle a préfacé un livre qui est un livre emblématique d’une femme éco féministe, qui s’appelle Françoise d’Eaubonne qui s’inscrit dans la vague féministe des années 70 en France, le MLF (mouvement de libération des femmes), que j’admire beaucoup pour tout ce qu’elles ont fait. Et Françoise d’Eaubonne, tenait un groupe, dedans qui s’appelait « Écologie et Féminisme ». C’était une femme incroyable. Moi, j’ai vu des extraits de discours qu’elle a tenus. Elle était vraiment hyper cash dans ses propos, alors qu’elle était entourée d’hommes. Et elle s’en foutait. Et en plus, c’est une femme qui a joint la pratique à la théorie, puisqu’on lui doit notamment, le fait d’avoir dynamité une partie d’une centrale nucléaire à Fessenheim, parce qu’il y avait une très grosse vague anti-nucléaire dans les années 70.
Et en fait, cette femme, Françoise d’Eaubonne, elle a écrit un livre qui s’appelle « Le féminisme ou la mort ».
Voilà, ça revient un peu à ce que je disais tout à l’heure. La finalité du transhumanisme et de la masculinité, c’est pour moi comme la mort.
Et en gros, Françoise d’Eaubonne tient un discours un peu similaire, et elle dit que le féminisme, pour elle, va plutôt représenter tout ce qui est la vie, le fait de porter les enfants, c’est aussi le rôle du care, de prendre soin de soi, des autres, et du monde qui nous entoure. Et ce livre, « Le féminisme ou la mort », a été réédité récemment et préfacé par Myriam Baafou et une autre femme, dont le nom m’échappe.
Et il démarre comme ça.
La première page, c’est en gros la phrase de Françoise d’Eaubonne qui démarre son livre en disant : “Je suis une femme, qu’est-ce qu’une femme ?”
Et en dessous, on a droit à toute une note de bas de page, qui bouffe la moitié de la page où, les deux femmes qui l’ont préfacé sont en train de dire : “Alors, Françoise d’Eaubonne disait ça dans les années 70, donc voilà, son discours il est carrément réac, d’ailleurs, elle était contre la prostitution. C’est vraiment pas cool. La prostitution, c’est très bien. Voilà. Et donc, nous devons le redire aujourd’hui, dans les années 2010, (en gros, c’est fin années 2010 ou début années 2020, je ne sais plus trop), une femme ce n’est pas la définition que Françoise d’Eaubonne en donne. Une femme, c’est un peu toute personne qui peut se sentir femme. Et d’ailleurs, rappelons-le à ce sujet, les femmes ne sont pas le sujet principal du féminisme.
Moi, j’ai lu ça, je trouve que c’est une aberration.
J’ai eu envie de me taper la tête contre le mur.
Imagine cette phrase transposée…
RDG – “Les femmes ne sont pas le sujet principal du féminisme”. Wouahhhh
Frann – Imagine ça transposé, par exemple, à tout le discours suprémaciste blanc.
RDG – Oui, les noirs, les personnes noires ne sont pas le sujet principal du racisme. Ben non!
Frann – Ça n’a aucun sens.
RDG – C’est complètement absurde.
Frann – Oui c’est complètement absurde. Et c’est là-dessus que se base l’oppression et l’exploitation des femmes.
RDG – Évidemment.
Frann – C’est sur leur corps et leur capacité, le fait de les oppresser. Donc, c’est quoi le sujet du féminisme ? Tu ne sais pas? Et puisque le sujet du féminisme ce ne sont plus les femmes, on ne sait pas trop en fait. Moi, j’ai essayé de chercher, j’ai essayée de comprendre. Je n’ai jamais compris. Tu n’as pas de vraies phrases, en fait.
RDG – Mais là, il n’y a rien à comprendre, c’est de la merde en fait.
Frann – Oui, c’est de la merde. C’est de la merde. Et moi, je trouve ça tellement… J’adore Françoise d’Eaubonne. Moi qui porte des valeurs écoféministes, je veux dire, j’admire cette femme qui était une des seules à porter l’écologie dans les années 70, là où les autres femmes ne voulaient pas en entendre parler. François d’Eaubonne, on peut quand même lui reprocher certaines choses, et notamment le fait d’avoir signé une pétition qui est sortie dans les années 70, portée entre autres par Gabriel Matzneff.
C’était une pétition pour faire sortir de prison plusieurs hommes qui étaient accusés de pédocriminalité, il me semble. Voilà, et qui, du coup glorifiait un peu le fait d’avoir des penchants, des attirances sexuelles pour des enfants et des adolescents, quoi. Voilà, Françoise d’Eaubonne a signé cette pétition et je le regrette énormément. Si elle était encore de ce monde aujourd’hui, j’aimerais bien lui demander des explications à ce sujet. Voilà, malheureusement, elle ne l’est pas, et je trouve ça encore plus dommageable. Pour moi, avoir signé ça, c’est de ne pas avoir compris, quand tu as un regard écoféministe sur les choses, l’importance aussi des enfants dans tout ça, quoi. Ils sont quand même beaucoup laissés de côté, je trouve.
Voilà, après, bah, c’est vrai que les années 70, c’était post-mai 68, qui, pour moi, était une révolution des hommes, par les hommes, pour les hommes. Soi-disant la libération sexuelle, mais en fait, c’est faux. C’est juste la mise à disposition des corps des femmes pour les hommes. Où là, en plus, elles ne pouvaient même se prémunir en disant : “Bah non, parce que je tiens un peu à mon intégrité physique, et que ça ne se fait pas de faire ça.”
Donc, voilà, je pense qu’il y a aussi ce cadre qui explique ces choses-là, mais voilà, c’est à ne pas oublier pour le reste.
Et donc, en fait, voilà, tout ça. Donc, ça, c’est Myriam Baafou, et c’est un peu tout ce qui s’est inséré dans le milieu de l’écologie aujourd’hui.
C’est tout ce discours queer qui est présent aussi. Et donc, nous, DGR (Deep Green Resistance) en France, vous pouvez taper sur internet : il y a un tas d’articles qui appellent à nous « cancel », qui nous dénoncent pour “transphobie”.
Enfin, il y a une belle collection, voilà. Il y en a d’autres, comme « Brûle DGR ». Ou par exemple, il y a un collectif qui se vante d’avoir dégagé quelqu’un de DGR de leur weekend militant écolo, parce qu’il est de DGR, donc il est “transphobe”. Notre camarade avait juste été pris à parti de manière assez malhonnête, en lui demandant des explications et de rendre des comptes, sur : “alors DGR, vous êtes taxés de transphobes, donc voilà, explique-toi”. Et au final, il a essayé d’expliquer aux gens, et bah c’est ça le problème, c’est qu’on ne nous laisse jamais nous expliquer, voilà. Donc nous, à Rennes, on a été dégagés d’une interorga écolo sous le même motif.
Et en fait, tout ça fait que aujourd’hui, moi, de DGR, si j’y suis, c’est parce que j’estime que c’est le seul mouvement écolo qui ait une analyse qui soit aussi juste et réaliste des choses, et aussi honnête, et qui, en plus, propose une stratégie et propose de s’organiser de manière efficace. Parce que le milieu écolo, ça fait quand même 50 ans qu’on perd aux luttes, à part la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Il faut voir le temps que ça a demandé, le nombre de personnes que ça a mobilisées, toute l’énergie qui a été déployée dessus, et ça a été sauvé temporairement. On n’est pas à l’abri qu’un nouveau projet vienne dans les années à venir en disant : « Mais en fait, on réquisitionne cette zone pour la bétonner. » Donc c’est une victoire partielle, et moi j’en ai assez de perdre nos luttes, et de voir que jour après jour, c’est 150 espèces qui sont exterminées et qu’on ne retrouvera plus, puisqu’elles ont disparu de la surface de la planète. Et que ben, on le voit, tout le monde pose le constat aujourd’hui. On voit toutes les modifications du climat qu’il y a. On voit maintenant, je veux dire, même en France, des zones entières… Je vous parle aujourd’hui, là, on est tout début Mai, et il y a quelques semaines, dans le sud de la France, il y a 1000 hectares qui sont partis en fumée. On n’est même pas en été, et c’est de pire en pire.
Et DGR propose vraiment une stratégie et propose de s’organiser efficacement. Et parce qu’on est taxés de transphobie, et parce que notamment ça fait partie de notre analyse, le féminisme radical, et ça en est même une des bases et un des fondements, bah du coup on est inaudibles partout, on ne nous laisse pas parler, on ne nous laisse pas nous exprimer. Alors je vois pas d’autres mouvements aujourd’hui qui ont une analyse des choses aussi juste et pertinente, et qui proposent aussi une stratégie qui, pour moi, est la seule viable.
J’aimerais, j’ai pas trouvé, et nous on nous empêche de nous exprimer à cause de ça, et donc ça devient extrêmement difficile derrière de pouvoir s’organiser. On doit faire face en permanence à ces accusations, voilà.
On a eu plusieurs événements qui ont été perturbés, et voilà. Moi j’ai ça aussi qui m’a poussée à m’exprimer. En fait, j’en ai marre de me taire et de laisser d’autres, qui n’ont pas une analyse aussi profonde et pertinente, s’exprimer librement, juste parce qu’un peu, bah il y a ce dogme de « toi, tu peux parler, toi tu dois te taire, toi tu parles, toi tu parles, toi tu te tais ». Voilà.
RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marqué concernant la transidentité ou le transactivisme ?
Frann – Ben je vais en revenir moi, j’ai eu la chance, entre guillemets, là aussi, à l’organisation du premier rassemblement #MeToo à Paris, où du coup, il y avait ces « trade femme » parmi les organisatrices qui m’avaient alertée en fait, et expliqué ce qu’était effectivement cette idéologie du genre. Et je l’ai vu en action pendant le rassemblement, en fait, les méfaits de cette idéologie. Et quelque part, ça m’a permis de me rendre compte vraiment très vite des conséquences matérielles de ce que ça entraînait.
C’est que, en fait, du coup, on s’était décidées sur le fait d’avoir un espace qui soit réservé aux femmes, au sens biologique du terme, je trouve ça très nul de devoir le préciser, c’est pour que, en fait, ces femmes puissent avoir des cercles de parole et parler entre elles, ce qui est hyper important. Parce que, en fait, c’est notamment quand on partage un vécu commun, qu’on se rend compte qu’on n’est pas seules, et qu’on est énormément, et qu’en fait, on partage toutes ce même vécu. Et ça permet de prendre une conscience de classe, en fait, qu’on appartient à une classe, celle des femmes, qui est dominée par la classe des hommes.
Et donc, pour satisfaire tout le monde, il avait été convenu qu’à côté, il y ait un espace qui soit réservé à la non-mixité “choisie”, c’est-à-dire les trans, les femmes qui ont envie d’y aller…
RDG – C’est-à-dire à la mixité, quoi.
Frann – Voilà, un peu tout le monde, voilà. Si tu te reconnais dans l’idéologie du genre, tu peux y aller. Donc, il y a un groupe queer qui a décidé de faire une batucada, et en fait, qui est venu se positionner (exprès, je l’ai appris à la fin de l’événement), juste devant l’espace qui était dédié exclusivement aux femmes “biologiques”, et qui a fait un maximum de bruit pour être certain que derrière, ça dérange les femmes qui étaient là pour parler de leur vécu. Donc, tu as des femmes qui sont dans un espace public, où, qu’on avait quand même réussi à bien délimiter et à protéger un minimum, qui parlent des violences sexuelles, des violences physiques, des violences psychologiques qu’elles subissent par les hommes, par le patriarcat. Et juste à côté, tu as un groupe qui est en train de faire plein de bruit pour empêcher ces femmes de s’exprimer. C’est aberrant, je me dis, ouais, c’est d’accord. Donc, en fait, c’est ça l’idéologie queer, l’idéologie du genre, c’est ça qu’il y a derrière. Et puis, bah, suite à ça, en fait, il y a eu plusieurs assemblées #MeToo, qui ont été faites dans des facs, et qui ont fini par s’arrêter. Mais c’est des assemblées, on était tellement, enfin je veux dire le féminisme avant #MeToo, moi j’avais l’impression d’être seule au milieu du désert, et me dire je peux pas en parler, quoi, je ne sais même pas si les gens ils savent ce que ça veut dire ce mot, en fait, quoi. Et quand #MeToo est arrivé, c’est une explosion, enfin on a pu parler, et donc ces assemblées ont été mises en place, il y a eu jusqu’à, je crois, plusieurs centaines de personnes, essentiellement des femmes.
Et puis ben, un jour il y a une personne qui est levée dans l’assistance et qui a dit, “ouais, mais là vous êtes en train d’employer le mot vagin, vous parlez de règles, moi je me sens oppressée, je me sens oppressé par l’utilisation de ces termes-là”, et ça a été vraiment frappant, parce qu’on était plusieurs centaines de personnes, essentiellement des femmes, il y a une personne qui s’est levée qui a dit, “ah non, puisque là ce que vous dites ça ne correspond pas à l’idéologie dont moi je me réclame”, ben on a modifié le discours, et en fait, pour vous dire, il y a eu quelques assemblées, et puis ça a fini par se déliter, ça menait à rien de concret en termes d’organisation, si ce n’est, il y a eu d’autres manifs, et puis voilà.
Voilà, c’est comme ça que ça finit, et ça a été une énorme frustration, mais pour moi ça a été aussi riche d’enseignement, puisque j’ai vraiment compris très vite, en fait, ce que ça signifiait, très exactement, l’idéologie transactiviste qu’il y avait derrière, et à quel point ça signifiait la silenciation, l’effacement des femmes, en fait. Et puis après, ça a été quasiment 6 ans émaillés d’accusation de transphobie, tu vas dans des événements féministes, tu dois toujours un peu te masquer, tu ne dois pas afficher haut et fort et convictions, tu dois toujours un peu faire attention en fonction de qui est en face de toi, de ce que tu dis, parce que tu as un intérêt à rester dans cet espace d’organisation politique, donc voilà, faut pas t’afficher trop ouvertement, “terf”, c’est très chiant, c’est très pénible en fait, c’est moi je trouve ça dégueulasse, c’est super injuste en tant que femme de devoir me protéger et avancer un peu à tâtons dans des espaces qui sont censés des espaces fait pour moi et pour mes sœurs, quoi, voilà.
Et ça a mené jusqu’à une conférence qu’on a tenue avec DGR sur laquelle j’ai travaillé pendant un an sur l’éco féminisme, pour en présenter une vision barradicale politique avec une analyse en profondeur qui s’inscrivait dans tout un week-end où on allait aussi faire une projection d’un film, où on allait faire tout un atelier pour les femmes le dimanche pour retracer un peu l’histoire des femmes dans la Résistance écolo et féministe.
Et en fait on l’a co-organisé avec Floraisons, qui est un podcast, et ben en fait on s’en est mangé plein les dents par les tenanciers de l’idéologie queer en face, qui taxent aussi Floraison de “haute transphobie”, et DGR est perçu comme “hautement transphobe”, et Floraisons aussi, les deux, mis ensemble, c’était, c’était la fin du monde pour eux.
RDG – Mais c’est la classe, dis-moi! la “haute transphobie”! Il y a une médaille, il y a un galon à prendre ou pas, là? Parce que waouh!
Frann – Je ne sais pas, mais s’il y a un podium en tout cas, je serais curieuse de voir, qui…
RDG – J’espère que je serais sur le podium, quand même!
Frann – Ouais, ça, plus tout un tas d’autres qualificatifs donc.
“Putophobes”, par exemple, puisque bah du coup, quand tu es pour l’abolition de la pornographie, de la prostitution, t’es putophobe aussi.
Enfin à DGR on a vraiment une liste d’adjectifs à notre actif qui est, bah qui s’étoffe de mois en mois, c’est chouette!
Et donc notamment notre conférence, elle était tenue par moi et par Amal. Moi, j’ai quand même travaillé un an dessus.
Et suite à ça, il y a plusieurs collectifs “écolo-queers” qui se sont mobilisés, et qui ont notamment publié tout un manifeste en disant, “pas d’écoterfs dans nos luttes”.
Voilà, ils ont, ils ont inventé des nouveaux mots pour nous. Tu avais “terf”, et puis bah après, tu as “éco-terf”, voilà, pour remplacer “éco-féministe”.
Donc en gros, ça a commencé avec une dénonciation sur les réseaux sociaux : ils ont commencé à appeler à cancel, puis, il y a eu encore plein de petites menaces et insultes.
Ça devait être acueilli par la maison de l’écologie à Lyon. On s’était assurées auprès d’eux et elles que c’était ok, qu’ils avaient conscience qu’ils risquaient d’être attaqués.
Et en fait il y a eu un raid, une semaine pile avant l’événement, il semblerait que ça a été fait exprès pour qu’on n’ait pas le temps de se retourner et de s’organiser ailleurs. Et en fait, ils ont harcelé la maison de l’écologie, par mail, en leur disant, “c’est transphobe, vous devez annuler. C’est transphobe, vous devez annuler”. Voilà.
Et comme ce sont quand même des gens qui sont très, très forts pour s’organiser sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et Instagram (Facebook beaucoup moins, toutes les jeunes générations aussi, c’est les outils numériques qu’ils utilisent), ils ont réussi à avoir une bonne force d’impact, et du coup le samedi soir, la maison d’écologie a communiqué, sans même nous prévenir, nous.
En disant : “Le week-end est annulé.”
Voilà, le samedi soir tard.
Donc moi, je me suis réveillée le dimanche matin, et j’ai vu ça, plus tous les messages qu’on commençait à s’échanger : “mais c’est horrible! Qu’est-ce qu’on fait?”
Et je ne vais pas vous mentir, moi j’ai pleuré de rage, de frustration, de un an de travail en fait, un an de travail réduit à néant, et surtout tous les espoirs, que moi je place là-dedans, et à quel point j’ai envie de faire découvrir l’écoféminisme aux femmes. Parce que moi, ça m’a permis de mettre des mots sur tellement de choses que on voulait vraiment rendre ça accessible.
Mais, comme on est un mouvement, DGR, qui prône l’efficacité et l’organisation, en cinq jours, on a réussi à faire une levée de fonds, à trouver un nouveau lieu pour nous accueillir, à faire appel à un service de sécurité pour être sûres que les femmes et les hommes aussi qui viendraient assister à la conférence, soient en sûreté.
Et puis on a aussi réussi à mettre en place un système de filtrage pour aller vérifier le profil de chaque personne qui voulait venir à l’événement, pour être sûres qu’on ne soit pas infiltrées par des queers qui allaient finir par tout casser à l’intérieur, et voilà.
Et on a fait la conférence. On a fini par faire la conférence, et j’en suis très fière.
Elle est disponible sur le podcast Floraisons.
Malheureusement, on a dû un peu abandonner le reste du week-end, mais voilà, l’atelier « Femmes et résistances », on va le reproposer dans d’autres cadres. Et puis, en plus de ça, comme ça a pas mal remué sur les réseaux sociaux, ça nous a permis de gagner en visibilité, aussi sur Facebook.
Donc bon, bah, c’est le petit bonus à côté.
Et puis, on a eu plusieurs autres demandes pour tenir cette conférence dans d’autres endroits en France, et en plus maintenant on sait comment faire pour ne pas être annulées. Donc c’est…
RDG – On va les remercier!
Frann – Oui, on les remercie, d’ailleurs dans notre conférence, on leur dit merci au début, c’est gentil pour la visibilité. Bisous cœur, et puis voilà!
RDG – Bisous cœur haha! (rires)
C’est paradoxal, mais le fait est qu’on finit par devenir performantes et compétentes sur des choses qu’on n’aurait pas imaginé avoir besoin de faire.
Ne serait-ce que pour moi, faire un podcast, je n’avais jamais enregistré quiconque. Parce que c’est la nécessité qui nous y amène, c’est la nécessité.
Frann – Oui c’est la nécessité, mais c’est aussi pour moi, le fait de vouloir résister, et c’est la combativité. On est capables de faire preuve. Moi, quand je vois toutes les femmes qui résistent et tout ce qui est déployé comme moyens, et le fait que, malgré tout, on arrive quand même à se faire entendre.
Et il y a toi avec tes podcasts, il y a plein d’autres super…
RDG – C’est vraiment juste, en fait. C’est cette culture de résistance, qui est aussi le mot-clé du podcast Floraisons.
Frann – Oui. Et c’est un des mots-clés chez DGR aussi, d’ailleurs, c’est de mettre en place une culture de résistance. Et là, on est en plein dans le sujet, en fait.
RDG – En tout cas, voilà, bon, vous aurez l’occasion, petit spoiler, d’en reparler.
Pour terminer, est-ce que tu as quelque chose à ajouter ? Est-ce que tu voudrais t’adresser à celles qui nous écoutent et leur dire quelque chose ?
Frann – Oui, moi je voudrais dire qu’on ne libérera pas les femmes et les enfants si on n’entreprend pas de libérer en même temps la nature et la planète.
RDG – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.
S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe :
womensdeclaration.com
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Rebelles du genre – Épisode 71 – Banshee
Banshee – Bonjour, je m’appelle Banshee. Comme vous pouvez le deviner, je ne suis pas française. Je suis irlandaise mais j’habite en France.
Tout d’abord je vais décrire un peu comment je suis devenue féministe.
En tant que femme irlandaise, j’ai été endoctrinée par l’Église catholique, et donc j’ai découvert le féminisme un peu plus tard dans la vie, plutôt à l’université.
Et mon premier engagement dans le féminisme a été la lutte pour le droit à l’IVG en Irlande. Et pour mieux comprendre mon parcours, je vais expliquer vite fait la place de la religion dans la société irlandaise.
Rebelles du Genre – Bonjour et bienvenue sur le podcast Rebelles du genre. Nous sommes des femmes, militantes, pour l’affirmation et la protection des droits des femmes basés sur le sexe, et donc notre biologie. Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes et le genre en est le moyen.
Nous sommes les rebelles du genre.
Nous observons aujourd’hui avec fureur des hommes qui envahissent nos espaces, agressent nos sœurs, revendiquent nos droits.
Conditionnées à la gentillesse et touchées par leur victimisation, les femmes mettent en général un certain temps à comprendre l’arnaque du mouvement transactiviste et commencent souvent par soutenir cette idéologie.
Puis, elles ouvrent les yeux, constatent sa violence et la refusent. Ce podcast est là pour donner la parole à des femmes qui expliqueront pourquoi et comment elles sont devenues critiques du genre et qui témoignent de leur parcours. Écoutons leur parole.
Banshee – Après 800 ans d’oppression et de violence, l’Irlande a gagné son indépendance de l’Empire britannique en 1922. Et ce n’était pas l’île entière qui a gagné l’indépendance, parce qu’il y a toujours une partie de l’Irlande (l’Irlande du Nord) qui est toujours sous le contrôle de l’empire, du Royaume-Uni pardon. Mais on a gagné un peu d’indépendance en 1922. Et pendant les années de domination coloniale, les catholiques ont été traités comme des citoyens de seconde classe. Donc le fait d’être catholique est devenu un élément très, très important de l’identité irlandaise. C’était un presque un acte de résistance. Donc il y a 100 ans, le nouvel État irlandais était fondé, la République.
Mais malheureusement, ça a été fondé par les conservateurs catholiques. Ils ont remplacé la puissance coloniale. Donc la situation pour les femmes et les enfants, ça restait pareil : ils ont continué de souffrir. Parce que dès l’indépendance, en 1922, les ordres religieux ont ouvert les établissements pour “tenir” les femmes considérées déchues, considérées comme immorales, et ils ont ouvert des “Magdalene Laundries”, ce sont des blanchisseries, et il ont aussi ouvert des “Mother and Baby homes”, ce sont des maisons pour mères célibataires et leurs enfants.
Et l’État irlandais a commencé à financer les blanchisseries en ayant recours à leurs services pour laver le linge des hôpitaux, et pour laver le linge des prisons, et même le linge des ministres ont été lavés par ces femmes. Et les femmes étaient emprisonnées dans ces blanchisseries. Elles étaient forcées de faire ces travaux épuisants, sans aucune rémunération. Et c’était quoi leur crime? Elles étaient classées comme “des femmes déchues”.
On y trouvait des femmes enceintes hors mariage, des femmes violées, des femmes victimes d’inceste, ou des femmes jugées “trop attirantes” ou “trop sensuelles” par l’Église. Donc c’était un crime si un homme te trouvait attirante. Et ces femmes-là étaient considérées comme une influence néfaste sur la société irlandaise. Et certaines femmes étaient même envoyées dans ces prisons-là parce que parce que leurs sœurs, elles ont eu un enfant hors mariage, et puis les prêtres ont cru que ça montrait qu’il y avait une faiblesse dans cette famille. Mais bien sûr cette faiblesse dans la famille, ça ne touchait que les membres féminins de la famille.
Et vraiment, à cette époque-là toute femme irlandaise pouvait se retrouver dans ces institutions-là : des femmes de classe moyenne, des femmes pauvres, des femmes bourgeoises… elles pouvaient se retrouver dans ces institutions-là.
Et à leur arrivée, leur prénom était changé, on leur rasait leurs cheveux, elles sont devenues des criminelles. Et certaines y sont restées pendant toute leur vie. Et toute la société irlandaise était complice de ça.
RDG – Mais qui décidait de mettre ces femmes dans ces blanchisseries?
Banshee – C’étaient les médecins, c’étaient les prêtres. C’étaient les travailleurs sociaux, et c’étaient les familles qui ont placé leurs filles dans ces maisons-là.
RDG – Tu parles de “maisons” mais, en fait, c’était des prisons. Des travaux forcés, en fait.
Banshee – Oui. Oui, oui. Sans rémunération. Et ça, c’étaient les blanchisseries.
Il y avait une autre institution qui ressemblait un peu à des blanchisseries, et ça s’appelait des “Mother and baby Homes”. C’était pareil, des femmes qui ont été considérées comme immorales qui étaient envoyées dans les “Mother and Baby Homes”. C’étaient des femmes qui ont eu des enfants hors mariage. Et pareil, elles ont été traitées comme des criminelles et leurs enfants ont été considérés comme illégitimes par l’État iralandais. Et – c’est horrible – contre les volontés des mères, leurs bébés ont été vendus. Donc, non seulement ces femmes étaient esclaves, elles ont été forcées d’aller dans ces prisons-là, mais leur enfant ont été vendus à des riches couples catholiques américains. C’était des adoptions illégales. Leurs enfants ont été vendus, et ces femmes, bien sûr, elles n’ont pas reçu l’argent : l’argent est allé où? L’argent est allé aux ordres religieux. Donc vraiment, c’était un marché de vente des bébés. Les femmes n’avaient pas leur mot à dire, parce que c’étaient des femmes déchues, c’était des femmes “immorales”.
Certains bébés n’étaient pas vendus. Comme vous pouvez l’imaginer, c’étaient des bébés avec des handicaps. Et qu’est-ce qu’on fait avec ces bébés-là? Parce que c’était un marché. Ces ordres religieux ils ont voulu faire du fric, donc ils ne voulaient pas que les bébés restent dans les maisons. Ils ne voulaient pas nourrir les bébés. Donc ces bébés étaient négligés. Les bébés qui n’ont pas été vendus, ils étaient négligés.
Et, il y a quelques années, à Tuam, Galway, on a trouvé une fosse commune avec des centaines et des centaines de cadavres de nouveau-nés, et des cadavres d’enfants de 3 ans, de 4 ans. Donc les enfants qui n’étaient pas vendus, ont été négligés jusqu’à la mort. Et ces femmes, quand leur enfant était vendu, ou si leur enfant n’était pas vendu, finalement, elles avaient le droit de quitter cette maison, (cette maison pour les “mères et des bébés”, mais, comme tu as dit, c’était vraiment une prison), elles avaient deux possibilités : soit leur famille les accepte, soit elles sont accueillies chez elle, ou soit la famille dit “non, on ne veut plus de toi”, elles étaient envoyées dans les blanchisseries.
Donc elles étaient emprisonnées pendant toute leur vie.
La raison pour laquelle je parle de tout ça, c’est parce que ce n’est pas une relique du passé. La dernière “Magdalene Laundry”, la dernière blanchisserie, a été fermée en 1996. Pendant MA vie!
Et la dernière blanchisserie qui a fermé, c’était à Dublin. Elle s’appelait “Sean McDermott Blanchisserie” et ce qui est encore plus choquant, c’est que cette blanchisserie n’est pas fermée en raison de ces violations des droits de l’Homme, en raison de ce que cette blanchisserie a fait aux femmes et leurs enfants, mais non. La blanchisserie a été fermée pour des raisons économiques. Donc les blanchisseries n’étaient tout simplement plus viables financièrement.
Donc les machines à laver ont fait plus pour abolir ces institutions que l’État ne l’a jamais fait.
RDG – Je suis effarée d’entendre ce que tu racontes. Alors je suis peut-être très inculte, mais je découvre complètement ou presque complètement ce que tu racontes-là. Est-ce que tu as une idée du nombre de femmes et d’enfants qui ont été victimes de cet esclavage et de cette traite des êtres humains, pour les enfants?
Banshee – Je ne sais pas, parce que vu que les adoptions étaient illégales, il n’y avait pas de traces. Et c’est des ordres religieux qui ont géré ça. Et pendant longtemps, l’État ne voulait pas se mêler de ça, ils ont dit que c’est des affaires privées.
Et aussi, ce qui est horrible, quand les enfants étaient adoptés, leur mère n’avait pas le droit de contacter. Donc il y a beaucoup d’enfants maintenant, d’environ (ils étaient les enfants) il y a beaucoup d’adultes d’environ 50 ans aux États-Unis, maintenant, et ils cherchent ; ils reviennent en Irlande pour trouver leur vraie mère, pour demander : “Qu’est-ce qui s’est passé quand moi j’ai été vendu?” Mais malheureusement beaucoup de ces femmes, maintenant, sont très vieilles. Elles ne peuvent pas repenser à ça, parce que c’est horrible, c’est traumatique. Et il y a beaucoup de ces femmes-là, aussi, qui sont mortes.
Et c’est … scandaleux.
Et c’est si récent aussi.
Même en Irlande aussi, cette histoire est toujours un tabou.
Il n’y a pas un musée qui raconte l’histoire de ces femmes, ni de leurs bébés vendus. Même, je te dis que la dernière blanchisserie a été fermée en 1996.
Et le gouvernement irlandais qui est toujours motivé par le capital, ils ont voulu vendre ce site-là à une chaîne hôtelière japonaise, mais en raison de la colère féministe, ils n’ont pas pu faire ça.
Mais quand même, il n’y a même pas un musée, donc…
RDG – Aujourd’hui seules quelques féministes, dont tu fais partie, entretiennent la mémoire de ces femmes et de ces enfants qui ont été vendus par l’Église et par l’État?
Banshee – Oui.
RDG – Main dans la main.
Banshee – Si ça intéresse des femmes qui écoutent, il y a un film qui a été fait sur les “Magdalene Laundries”, sur les blanchisseries, et je pense que ça s’appelle “Magdalene Laundry”, et il y a un autre film qui a été fait plus récemment, et qui s’appelle “Philomena”, et ça parle d’une femme qui a été envoyée dans une de ces “Mother and baby homes” et elle essaye de retrouver son fils.
Oui c’est… c’est une partie très sombre de notre histoire. Et il y avait la complicité, vraiment, de toute la société : il y avait les ordres religieux, il y avait l’État, il y avait les médecins, il y avait les travailleurs sociaux, il y avait les familles… Parce que les familles avaient peur de ce que les voisins diraient, donc il faut…
RDG – Tu parles de l’histoire, mais c’est quand même très récent, en fait.
Banshee – Oui. Oui, oui.
RDG – C’est encore… C’est de l’histoire dont l’encre n’est pas encore complètement sèche.
Banshee – Tout à fait. Et c’est juste un exemple de l’emprise de l’Église catholique en Irlande. J’ai expliqué un peu vite fait, mais il y a une histoire compliquée avec les religions en Irlande, parce que pendant longtemps, on n’avait pas le droit d’exercer notre religion. Donc c’était un peu lié aux mouvements de résistance. Et puis quand le nouvel État est né, ça a été fondé par les catholiques, et il y avait des gens qui ont dit : “Oui mais quand même, au moins c’est des Irlandais qui nous gouvernent maintenant”.
Mais c’était l’Église catholique, et petit à petit, la situation change. Mais même actuellement en Irlande, 98 % des écoles primaires sont tenues par l’Église catholique. Donc en Irlande il faut qu’un enfant soit baptisé pour accéder à l’éducation facilement.
Et bien sûr, avec cette éducation catholique, oui… On est endoctrinés. La seule chose qu’on apprend sur les relations sexuelles, c’est que ces relations sont réservées aux couples mariés, hétéro bien sûr. Et les cours de religion sont obligatoires. Et bien sûr, on ne parle que de religion catholique.
Je me souviens que, dans le cours de religion, on a dû regarder un documentaire. Et ce documentaire nous a dit qu’en Angleterre, les femmes sont accro aux drogues, sont accros à l’alcool… et elles sont accros aux IVG! Elles sont accro à l’avortement. Comme si c’était possible de le faire chaque jour, elles sont complètement accro à l’avortement. Et nous, les irlandaises, on doit être reconnaissantes que l’État dise que l’avortement est illégal.
Donc ça, c’était un peu, oui, l’éducation que j’ai eue.
Et aussi, quand j’ai réfléchi à ce podcast-là, oui, j’ai repensé à mon éducation, il y avait un truc que j’avais oublié, et ça c’est choquant, quand même. C’est au lycée. Il y a une pièce de théâtre qu’on étudie, et ça s’appelle “An triail” ce qui veut dire “le procès” en français. Et c’est obligatoire, et je pense que les élèves l’étudient toujours.
Ça raconte l’histoire d’une jeune fille, Maire, qui est célibataire et elle fait honte sa famille parce qu’elle tombe enceinte hors mariage, par son professeur. Donc clairement c’est un viol parce qu’il est beaucoup plus âgé qu’elle, et qu’il n’y a pas un équilibre des pouvoirs. Et elle donne naissance à une petite fille, et par conséquent elle tue sa fille… parce que c’était une fille. Parce que c’était un bébé de sexe féminin. Elle n’a pas demandé le genre à sa fille, elle a su que c’était une fille, dans CE monde, et en la libérant de la vie, elle l’avait libérée de la misère d’être une femme, dans ce monde.
Et nous avons tous étudié cette pièce de théâtre, comme s’il s’agissait d’une conclusion normale. Que, bien sûr, c’était une histoire triste, mais quand même, Maire avait joué avec le feu, parce qu’elle a eu une relation sexuelle avant le mariage.
RDG – Et, c’est pas le problème parce que… attends, la relation sexuelle, c’était un enseignant c’est ça?
Banshee – C’est ça!
RDG – C’est ça c’est pas l’enseignant qui a un problème en fait, c’est elle!
Banshee – Non, non, non. C’est pas l’enseignant, c’est elle. Elle était, je ne sais pas, sensuelle, attirante… Et je me souviens que c’était presque vu comme normal qu’elle ait dû tuer sa fille, parce que ça c’est le, comme dit-on, c’est le destin pour les filles dans cette société. Donc il faut la tuer pour qu’elle ne revive pas les horreurs que sa mère a vécues. Oui, j’ai eu des cauchemars suite à ça. Je me souviens très très bien que j’avais si peur de tomber enceinte. L’IVG était illégale, et je ne savais presque même pas comment ça se fait les enfants. Je me souviens, au collège je ne savais pas parce qu’il n’y avait pas de cours d’éducation sexuelle. Bien sûr, il y avait des garçons, bourrés de porno, qui ont dit : “ Il faut faire ça.” Ils ont dit tout et n’importe quoi, parce que ça, c’était leur éducation. Et mon éducation, c’était… juste inexistante.
Au lycée, je savais un peu comment ça se fait, et j’étais vraiment traumatisée par cette pièce de théâtre. Et même, au lycée, je me souviens bien aussi, s’il y avait une lycéenne qui était absente pendant quelques jours, il y avait toujours des ragots.
C’était toujours les garçons qui l’ont dit, qui l’ont répété. Et le ragot, c’était “She took the boat”. Ça veut dire qu’elle “a pris le bateau”. Et tout le monde sait ce que ça veut dire, cet euphémisme-là, que “she took the boat”. Et ça veut dire que elle, la fille ou la femme, elle est allée elle illégalement à Liverpool pour avoir un avortement. Et tout le monde sait ça. C’était un euphémisme. On n’osait pas dire le mot IVG, mais on a dit “elle a pris le bateau”.
Et ça, c’était considéré comme le plus grand échec.
Et j’ai dit tout ça pour vous expliquer que mon chemin vers le féminisme était long et compliqué. Ça m’a pris du temps pour me débarrasser de ma culpabilité catholique, et mon premier engagement dans le féminisme a été la lutte pour le droit à l’avortement en Irlande en 2016, 2017. Et c’était un droit qu’on a gagné en 2018. Et cette même année, devant la dernière » Magdalene Laundry « , dont j’ai déjà parlé, la blanchisserie de Sean McDermid Street, j’ai manifesté contre la visite du pape François avec ma mère et ses amies. Et ses amies étaient présentes à la dernière visite du Pape en 1979, pas en tant que manifestantes, mais en tant que croyantes. Le pape Jean-Paul II a visité l’Irlande en 1979, environ 2,7 millions de personnes et ça, c’est 79 % de la population irlandaise qui se sont déplacés dans toute l’Irlande pour voir le pape. Donc 79 % de la population, en Irlande, a vu le pape pendant sa visite en Irlande.
Mais pendant la manifestation en 2018, ma mère et ses copines, elles ont pleuré. Ce n’était pas facile pour elles de manifester contre la visite du Pape, quand il y a, je ne sais pas, une trentaine, une quarantaine d’années, elles étaient présentes pour la visite du dernier pape. Mais c’était nécessaire.
Et vraiment, pour moi, c’est un moment très émouvant pour moi, d’être à côté de ces femmes, de ma mère, devant la dernière blanchisserie, en manifestant contre la visite du Pape.
Et juste, j’étais tellement fière d’être à leurs côtés, d’être avec ma mère. C’était… Oui, c’était très important pour moi et je dis ça aussi pour dire que, oui, il y a eu d’énormes avancées sociales en Irlande au cours de la vie de ma mère, mais aussi de ma vie.
Et je vais expliquer un peu les changements qui se sont passés pendant ma vie.
On a eu notre premier acte de divorce en 1997, donc assez tard par rapport à la France.
En 2018, on a abrogé le délit de blasphème dans la constitution. Donc il y avait le délit de blasphème jusqu’en 2018.
Et en 2019, il y a eu le premier avortement légal en Irlande. Je veux souligner » légal » parce qu’il y avait plein d’avortement avant ça, illégaux, et il y a eu des femmes qui sont mortes en raison de ça, parce qu’elles ont dû faire ça à la maison, toutes seules, ou avec leurs copines. Mais ça, c’était le premier avortement légal. C’était en 2019.
Mais malgré cela, la religion continue de peser sur nos vies. Comme je l’ai déjà dit, la plupart des écoles sont toujours dirigées par l’église, les écoles primaires mais aussi les écoles secondaires, et l’église est profondément enracinée dans notre système médical.
Et même le préambule de notre Constitution reconnaît l’autorité de la Sainte Trinité. Je vais citer un article de notre Constitution qui montre bien qu’il n’y a pas du tout une séparation de l’Église et de l’État. C’est l’article 41. Je cite : » L’État reconnaît que, par sa vie au foyer, la femme apporte à l’État un soutien sans lequel le bien commun ne peut pas être atteint. L’État s’efforce par conséquent de veiller à ce que les mères ne soient pas obligées, en raison des nécessités économiques, de travailler en négligeant leurs devoirs au sein de leur foyer. » Fin de citation.
RDG – Là, on est sur la Constitution actuelle de la république d’Irlande ?
Banshee – Oui.
RDG – Wouah. [rires]
Banshee – L’État veut que les femmes restent à la maison.
RDG – Alors là, il y a un combo de misogynie crasse, d’hétéro-normativité, de sexisme… Et puis oui, les femmes, oui, les femmes doivent faire des enfants et les aimer… Toutes seules ! [rires]
Banshee – Oui, c’est l’injonction d’être dans une relation hétéro, l’injonction de faire des enfants, et puis si tu fais ces deux trucs là, il faut que tu restes à la maison.
RDG – Punaise. Eh, oui, elles ne doivent pas être » obligées de travailler », quand même, les pauvres, pour pouvoir s’occuper » comme il faut » de leurs devoirs, quoi !
Juste, tu parlais de la Sainte Trinité dans le préambule de la Constitution, est-ce que tu as le texte, ou pas ? Parce que c’est quand même flippant, là : le Père, le Fils, le Saint Esprit… et l’État. En fait, ce n’est plus la Trinité, c’est…
Banshee – Oui ! Le symbole de l’Irlande, c’est le trèfle. Et apparemment, quand Saint Patrick est venu en Irlande, il a expliqué la Trinité avec le trèfle : les trois feuilles du trèfle, il a expliqué la Trinité avec ça, donc. Je n’ai pas le Préambule devant mes yeux, mais oui, c’est bien là, c’est la première ligne, donc…
RDG – Mais on est dans le folklore, je dirais, par rapport au trèfle. Le folklore, d’accord, avec une histoire. Mais quand même, la lecture de la Constitution qui est en vigueur aujourd’hui en Irlande. Je comprends que tu n’as pas grandi dans un monde extrêmement ouvert aux idées féministes.
Banshee – Non, pas du tout. Et pendant ma vie il y a eu d’énormes progrès, mais il y a un long chemin…
RDG – En fait, ce qui est intéressant aussi, c’est qu’on parle souvent, et à juste titre d’ailleurs, du côté misogyne de la religion musulmane. Mais en fait, pour ce qui est des chrétiens, ce n’est pas mieux, en fait. C’est à chaque fois qu’on laisse des religieux définir ce que peuvent faire… avoir trop de pouvoir tout simplement, bah en fait…
Banshee – C’est ça. Toutes les religions sont misogynes.
RDG – Là, on en a un exemple très, très évident!
Banshee – Donc ça c’est un peu le, oui, l’histoire de mon féminisme. Mon féminisme est né de mon dégoût de l’église, et aussi de l’état, et du pouvoir qu’ils exerçaient sur la vie des femmes irlandaises et la vie des enfants aussi.
RDG – Ça s’inscrit quand même dans une lignée familiale. Je crois que ta mère, tu as l’air de parler de ta mère comme, quand même, d’une femme avec une conscience féministe et militante?
Banshee – Elle est très courageuse, mais quand même, c’est difficile de se séparer de tout ce que tu as appris pendant toute ta vie. C’est difficile d’accepter que c’était un mensonge. Je pense qu’elle voit qu’il y a beaucoup d’incohérences, mais quand même, elle croit. Mais elle a manifesté contre le pape. Mais ce serait trop violent, je pense, pour elle, d’avouer que la religion est juste complètement misogyne. Oui c’est difficile. C’est difficile. Elle est ouverte d’esprit, mais je ne la juge pas trop parce qu’elle garde certaines croyances. Ce n’est pas facile. Moi, j’ai eu l’éducation catholique, mais c’était bien pire pour elle [rires].
Ça c’est un peu comment je suis devenue féministe. Et puis le féminisme radical, c’était un peu après ça. Donc oui, après l’université, j’ai eu un travail assez prenant, et j’ai bien fait la fête, je me suis amusée avec mes copines.
Comme je l’ai dit, j’étais active dans le groupe pour le droit à l’IVG en Irlande. Mais à part ça, le peu de temps libre dont je disposais, je le passais avec mes copines, ou à faire du sport. Je pratique des sports gaéliques. Oui j’ai fait ça. Donc je n’avais ni le temps ni l’énergie pour analyser les agressions que je subissais de la part des hommes ou les injustices au travail.
En fait, pendant mon temps libre, je ne voulais pas penser à ça, je voulais oublier les trucs qui me rendaient triste, et juste m’amuser avec mes copines.
J’aimerais bien citer Andrea Dworkin, il y a une citation d’elle qui décrit un peu mes sentiments à cette époque-là. Je vais le lire, j’adore Andrea, comme toi je pense!
RDG – En fait, il n’y a pas un épisode de Rebelles du genre qui serait complet sans une petite citation d’Andrea Dworkin, c’est un minimum!
Banshee – Il faut que je le fasse maintenant alors [rires]. Je cite : “Beaucoup de femmes résistent au féminisme parce que c’est une agonie de prendre pleinement conscience de la misogynie brutale qui imprègne la culture, la société, et toutes nos relations intimes.” Fin de citation.
Donc ça, c’était vrai pour moi à l’époque.
RDG – Tu peux citer l’ouvrage?
Banshee – J’aurais dû le noter.
RDG – Je pense que c’est dans l’anthologie “Souvenez-vous, résistez, ne cédez pas.” Mais je ne suis pas absolument certaine.
Banshee – Oui, je pense que tu as raison.
RDG – Excellente anthologie.
Banshee – Oui, oui, oui, ça donne envie de militer, c’est vrai. Et puis oui, j’ai voulu un peu ignorer tout ça. Juste… Oui, je n’avais pas beaucoup de temps, j’ai voulu m’amuser avec mes copines et pas vraiment analyser les trucs qui me rendait triste.
Mais c’était quand je me suis retrouvée au RSA, oui c’est un moment difficile, on est précaire, mais finalement j’ai eu un peu de temps pour lire et réfléchir à ma vie. Et j’ai commencé à me poser des questions difficiles, des questions dérangeantes. Et j’ai enfin trouvé des théories qui m’ont aidée à mettre des mots sur mes expériences vécues en tant que femme dans notre société patriarcale, et aussi capitaliste. Et j’ai découvert différentes vagues de féminisme. J’ai découvert l’analyse des classes, l’anarchisme, des critiques du néolibéralisme, et du genre. Et c’était vraiment les travaux de Gail Dines sur le pornographie, de Rachel Moran sur la prostitution, d’Andrea Dworkin sur la culture du viol, d’Adrien Rich sur la contrainte à l’hétérosexualité, d’Audre Lorde sur “le personnel est politique” et l’intersectionalité, et de Sheila Jeffreys sur le transgenrisme qui ont été extrêmement prometteurs pour moi pendant cette période-là.
J’ai lu beaucoup, mais heureusement j’ai rencontré des féministes à ce moment-là aussi.
Parce que ça aurait été vraiment violent de découvrir cette analyse radicale de la société, et de n’avoir personne avec qui en discuter. Quand j’ai découvert ça, j’ai voulu le partager et j’ai voulu, oui, parler avec les femmes et juste dire que c’est pas juste, et partager des moments avec elles. Donc j’ai commencé à militer dans un groupe féministe abolitionniste de la porno-prostitution , et j’ai rencontré plein de femmes. J’ai aussi rencontré des femmes qui étaient proches du groupe et écoféministe Deep Green Resistance, DGR, et aussi des femmes proches du podcast Floraisons. Et c’est là que j’ai été frappée pour la première fois par l’absurdité de l’idéologie trans. Avant, je n’avais pas été confrontée à ça. Quand j’ai milité en Irlande, je ne sais pas, je n’ai pas vu d’activistes trans. Heureusement, dans les manifestations pour les droits à l’IVG, il n’y avait pas de pancartes “le droit à l’IVG pour les personnes dotées d’un utérus”, ou “le droit à l’IVG pour…” je ne sais pas quoi, un autre mot qui nous réduit à des organes. Il n’y avait pas ça.
RDG – Il n’y avait pas ça parce qu’ils n’osaient pas encore! Maintenant, ils osent!
Banshee – C’est ça! Mais en fait, moi, je ne l’ai pas vu. Mais récemment, j’ai parlé avec une amie féministe incroyable, Rachel Moran. Elle est irlandaise également, et elle m’a dit que non, c’était présent dans nos groupes, elle l’a vu.
Moi, je ne sais pas. Peut-être que moi, j’avais de la chance que cette idéologie-là n’était pas présente dans mes groupes, mais Rachel Moran m’a dit que non, c’était bien là. Mais c’était… Je parle de, oui, ces rencontres-là parce que c’était quand j’ai parlé avec des femmes proches de DGR, elle m’ont dit que DGR était classé “transphobe” parce que DGR a décidé de donner la priorité à la sécurité des femmes plutôt qu’au sentiment d’un seul homme sexiste.
J’explique. Pendant un événement aux États-Unis, DGR n’a pas autorisé un homme transidentifié à dormir dans le même dortoir que des femmes. Et en raison de cette prise de position féministe, DGR a été annulé et totalement exclu des milieux écologistes. Et même pire que ça : leurs membres ont été agressés quand ils ont pris la parole publiquement.
Et quand j’ai appris ça, j’ai halluciné! Et franchement, j’ai eu un peu de mal à croire que le backlash était si sévère, pour ce que je croyais être un principe féministe de base, qui est le droit des femmes aux espaces en non-mixité. Donc les droits des femmes de se réunir sans des mecs.
Quand elles ont dit ça, c’était mes copines, donc je les ai crues, mais quand même, j’ai pensé “peut-être qu’elle exagère un peu” donc j’ai voulu faire un peu de recherches moi-même pour voir si quand on dit un truc pareil, qu’on veut des espaces non-mixité, est-ce qu’on est harcelé à ce point-là? Donc j’ai voulu tâter le terrain, et faire quelques recherches moi-même. Donc j’ai créé un compte Twitter, et j’ai commencé à poser naïvement des questions à des activistes trans. Et là, rapidement, on m’a appelée Terf pour la première fois. Et je ne savais même pas ce que ça signifiait, cet acronyme, je n’ai pas compris. Et ce que j’ai trouvé intéressant, c’est qu’on nous dit toujours d’écouter les personnes transgenres.
Et bien moi, pendant, je dirais deux mois sans arrêt, j’ai lu leurs témoignages. J’ai lu ce que les personnes trans ont dit. J’ai écouté leurs vidéos. J’ai regardé leurs vidéos YouTube. Et vraiment, je pense que c’est la meilleure façon de se radicaliser. J’ai vu à quel point leurs propos étaient incohérents, autoritaires et ouvertement sexistes. Et puis, avec ce petit compte Twitter que j’ai créé pour faire mes recherches, je suis tombée sur l’histoire de Maya Forstater. Et je me suis dit “là, c’est pas possible, ça!”
Maya était une chercheuse anglaise et elle a porté plainte contre son ancien employeur pour licenciement abusif parce que son contrat d’emploi n’a pas été renouvelé après avoir twitté ses convictions scientifiques et féministes.
Ce qu’elle a fait : elle a défini le mot “femme”. Elle a dit : “Une femme c’est une adulte humaine femelle” sur son compte Twitter. Et Maya, vraiment, elle était très sympa. Parce qu’elle a même utilisé le pronom “elle/she” pour les hommes transidentifiés, pour les “femmes trans”. Mais parce qu’elle a twitté qu’un homme ne peut pas devenir une femme, et une femme ne peut pas devenir un homme, son contrat n’a pas été renouvelé. Et ça, c’est le cœur du procès. Et c’était en novembre 2019 que j’ai lu des tweets sur son procès. Il y avait des tweets directs sur son procès, et je me suis dit qu’il fallait que je traduise ça en français. Parce que je les lisais en anglais, et je me suis dit : “Il faut que ça soit accessible en français. c’est fou ce qui se passe!” Et naïvement, j’ai cru que les gens vont lire que ça, et puis ne pourront plus nier la misogynie et l’autoritarisme du mouvement trans, que ce procès-là va ridiculiser beaucoup de gens. J’avais plein d’espoir. Et j’ai contacté mes amis au blog Floraisons, et j’ai proposé de faire la traduction de ce procès. Et juste pour celles qui ne connaissent pas Floraisons, c’est un blog féministe, anarchiste et écologiste, c’est un podcast, pardon. Et ça a été accepté. Donc mon premier article à Floraisons a été publié en janvier 2020. Et c’était la traduction du procès de Maya Forstater. Et les réactions ont été nombreuses, mais pas celles que j’espérais. Le blog Floraisons, qui était très apprécié chez les écologistes et les anarchistes dans le passé, était devenu détesté. Et ce qui m’a énervée le plus, c’était qu’ils n’ont même pas lu l’article. C’était évident qu’ils n’ont pas lu l’article. Quand ils ont qualifié Floraisons de » bigot » et de » transphobe « , ils n’ont même pas cité une partie de mon texte. Et vraiment, ça m’a énervée parce que ça m’a pris du temps de l’écrire, de le traduire, j’ai voulu qu’on cite une partie du texte, en disant » on n’est pas d’accord là « . Ils n’ont même pas fait ça, ils n’ont même pas fait l’effort. C’est plus facile de dire » Oh, non, mais ils sont transphobes ! «
RDG – » Bigote « , c’est un peu savoureux, quand on connaît ton parcours ! [rires]
Banshee – Oui ! Mais ça m’a vraiment énervée, parce que ça m’a vraiment pris beaucoup de temps, et j’aurais voulu qu’on cite un peu une partie, et qu’on dise la raison pour laquelle j’aurais tort, je sais pas, mais ils n’ont même pas lu l’article. Et aussi, il y avait vraiment, le procès était choquant parce qu’il y avait l’employeur de Maya qui a dit : » si quelqu’un dit qu’il est une femme, il en est une. » Et puis l’avocat de Maya a fait référence à une femme trans raciale, Rachel Dolezal, c’est une femme blanche aux Etats-Unis qui croient qu’elle est noire, et l’avocat de Maria a demandé : » si une personne blanche se sentait noire, est-ce qu’elle serait noire ? » Et l’ancien employeur de Maya a répondu que si elle se sent noire, c’est qu’elle est noire. Donc ce procès a non seulement mis en lumière la profonde misogynie du mouvement, mais aussi son racisme, parce qu’il y avait le transgenrisme, mais il y avait aussi le trans racialisme.
RDG – Oui, enfin, ça met en évidence surtout la profonde stupidité des personnes qui préfèrent choisir, on ne sait pas trop quoi que la science, ou même que l’évidence. On est dans le règne du menteur, c’est celui qui ment le plus, c’est ouf, quoi !
Banshee – Oui, vraiment. Je savais que les hommes de gauche s’en fichaient royalement des femmes, mais je pensais que, quand même, ils pouvaient dénoncer le trans racialisme. Mais non, ils ont, comme je l’ai dit, et non pas le texte.
Tout d’abord ces activistes trans ont demandé à Floraisons de s’excuser, de clarifier cette position. Et puis ils ont vu que ce texte n’était pas une erreur. Ils ont commencé à nous diffamer, à nous mettre sur la liste noire, et à nous menacer. Et ça, c’est un peu l’histoire sur comment Floraisons a été taxé de transphobe.
Mais cela ne m’a pas empêchée d’écrire, au contraire. Cette réaction m’a rendue encore plus en colère. Et après ça, j’ai fait un podcast sur Pornland et j’ai eu l’occasion de rencontrer plein de féministes courageuses, y compris Elie, une lesbienne détrans qui a créé » post trans « , les femmes de Résistance Lesbienne, Rachel Moran et Vashnavi Sundar avec le média » le partage « .
RDG – Et c’est comme ça que, la première fois, je t’ai entendue. Puisque je suis bien sûr abonnée à ce super podcast qu’est Floraisons, et alors, il y a des épisodes absolument remarquables, ils sont très nombreux, mais celui sur Pornland faisait que je te connaissais avant de te connaître.
Banshee – Merci !
RDG – Très bien. Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie ?
Banshee – Je crois qu’il existe une litanie de raisons pour lesquelles cette idéologie représente une menace pour les femmes et les enfants. Et je vais rapidement donner deux exemples qui montrent bien le fait que les droits que les activistes transes réclament aujourd’hui sont en conflit direct avec les droits des femmes et des enfants.
Le premier exemple concerne les mutilations génitales féminines, sur les mineures. En 2020, dans le Wyoming aux États-Unis, les activistes trans se sont battus contre un projet de loi visant à interdire les mutilations génitales féminines sur les mineures. La criminalisation des mutilations génitales féminines sur les enfants était vue comme transphobe et haineuse, selon eux. Le simple fait, même ce que je fais maintenant, de parler de ce conflit évident entre les droits des trans et les droits des femmes et des enfants, suffit à être taxée de transphobe et accusée d’être quelqu’un de haineuse. Et pourquoi ces activistes trans, pourquoi sont-ils opposés à ce projet de loi ? Premièrement, ce projet de loi visait à interdire les mutilations génitales des enfants, et ça, c’est ce que les activistes trans appellent » la chirurgie d’affirmation de genre « . Donc ils étaient opposés à ça. Et deuxièmement, ils ont estimé que l’expression » mutilations génitales féminines » était trans exclusive. Parce qu’évidemment, » toutes les personnes qui ont un vagin ne sont pas des femmes, et toutes les femmes n’ont pas vagin « . Donc je pense que ça, c’est un excellent exemple de la façon dont ces activistes sont prêts à sacrifier des millions de filles, victimes de mutilations génitales féminines, au nom de leurs droits sexuels.
Et puis, un autre exemple concerne les refuges pour les femmes victimes de viol. Ça concerne les espaces en non-mixité. Parce que grâce aux luttes féministes, dans les années 70, les femmes ont finalement obtenu des espaces en en mixité, elles ont créé des refuges pour les femmes battues, pour les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants, et aussi des centres d’aide aux femmes victimes de viol. Parce qu’elles avaient compris que les femmes ont besoin d’être protégées de la violence masculine. Elles ont besoin d’un environnement sûr entre femmes, pour pouvoir parler des détails intimes de la violence masculine. Pour qu’elles puissent aller mieux. Oui, pour se guérir.
Et en 2020, la même année, ces activistes trans ont fait pression sur la ville de Vancouver pour cesser de financer le plus ancien centre d’aide aux victimes de viol du Canada. Ces activistes transe se fichent complètement des femmes violées et torturées. C’était quoi leurs priorités ? Ils ont voulu que leur » identité de femme » soit validée, ils ont besoin d’autres femmes pour le faire. Et moi, je ne suis pas en train de nier que les qui s’identifient en tant que femme sont victimes de violence masculine. Mais la solution n’est pas de placer ces hommes-là dans les espaces avec les femmes vulnérables, exposant ses femmes à de nouveaux traumatismes. La solution est de construire un refuge réservé aux femmes transgenres. Pourquoi ces activistes trans ne luttent pas pour ces espaces ? Pourquoi ils luttent pour s’imposer dans les espaces réservés aux femmes ? Car les hommes transidentifiés ne voudront pas utiliser de tels services, car l’objectif est d’être validés en tant que femmes, même si cela passe par un inconfort physique des femmes vulnérables. Cette histoire-là, sur le Rape Crisis Center à Vancouver, ce n’est pas du tout un cas isolé, parce qu’il y a eu un autre cas, là, récemment en Écosse, qui m’a fait penser à ça. C’est dans le » Edinburgh Rape Crisis Center » Un homme trans identifié a été nommé le PDG, d’un centre d’aide aux femmes victimes de viol. Et cet homme trans identifié, le directeur, (il s’appelle Mridul Wadhwa) et Wadhwa a participé récemment au podcast populaire » The guilty feminist » et quand on lui a demandé si ces espaces devaient être réservés aux femmes, il a donné une réponse hallucinante. Et je vais citer sa réponse, ça a été traduit par le super site féministe Tradfem, donc merci à elles d’avoir fait ça. Je cite : » les violences sexuelles arrivent aussi aux personnes intolérantes. Et donc, vous savez, ce n’est pas un crime qui fait preuve de discernement. Mais ces espaces sont aussi pour vous. Par contre, si vous apportez au processus des croyances inacceptables qui sont discriminatoires par nature, nous commencerons à travailler avec vous sur votre parcours de guérison du traumatisme. Mais s’il vous plaît, attendez-vous aussi à être remise en question à propos de vos préjugés « . Wadhwa a poursuivi en affirmant que ces survivantes intolérantes de viols et d’autres violences sexuelles devraient travailler à recadrer leur traumatisme.
Et j’ai écouté ce podcast, cet épisode, et vraiment tout au long de cet épisode, le PDG a voulu prouver qu’il était une personne plus vulnérable que les femmes victimes de viol qui utilisent leurs services. Parce qu’il était… selon lui, une femme trans.
Il a également déclaré que de nombreuses femmes refusent désormais ces services parce qu’ils ne sont plus réservés aux femmes. Et je veux vraiment souligner qu’il est tout à fait normal que les victimes de violences sexuelles masculines aient peur, et se méfient de tous les hommes, quelle que soit la manière dont ils s’identifient. Il s’agit d’une réaction naturelle à une agression. Ces femmes ont été violées par le pénis d’un homme. Elles savent très bien ce que c’est, un homme. Et le centre d’aide aux victimes de viol est censé fournir des services sans porter de jugement. Il n’est pas censé être un véhicule de rééducation pour que les femmes adhèrent à une idéologie trans.
Et ces deux exemples-là ne sont pas des anomalies, ils sont tout à fait cohérents avec l’idéologie trans, et d’ailleurs c’est l’idéologie trans en partie.
Maintenant, j’aimerais revenir sur la question sur » pourquoi je pense que cette idéologie est une menace pour la société « .
En fait, je ne le pense pas. Parce que je ne pense pas qu’elle soit une menace pour la société actuelle, car je ne pense pas qu’on vit dans une démocratie. Et ça ne veut pas dire qu’on vit en dictature, mais actuellement ce qu’on a, c’est un système de démocratie représentative. Et ce terme, je trouve que même ce terme, oui, c’est un oxymore. Parce que la démocratie veut dire » le gouvernement du peuple par le peuple, et pour le peuple « . Et la démocratie représentative consiste en une minorité d’élites, qui gouvernent la majorité. Donc tous les cinq ans, ils nous permettent de choisir un nouveau maître. On élit les gens qui vont nous gouverner, et ce n’est pas nous qui nous gouvernons. Et si on est gouverné, on n’est pas libre d’un point de vue politique. Les décisions importantes pour notre vie quotidienne se pressent. Comment peut-on qualifier l’État de démocratique alors qu’il est fondé sur la force, l’autorité, la domination et l’inégalité. Et la question de démocratie est aussi une question d’échelle. On est dans une société de masse, et dans notre société à grande échelle comme la nôtre, il faut une déposition politique. Avec… il y a combien en France, avec 68 millions d’habitants, il n’est pas possible d’exercer une démocratie directe, ça se fait à une petite échelle. On pourrait aussi remarquer que lorsqu’on parle de démocratie, on fait en général référence à l’État, la sphère politique. Mais le même constat s’applique au monde du travail. Et dans notre société capitaliste, 50 % du temps éveillé est passé au travail, et de toute évidence le monde du travail n’est pas démocratique. À Floraisons, pour nous la démocratie c’est très important, tout comme le respect de la planète. Et on remarque que les questions sociales et environnementales sont complètement liées. Donc on s’oppose à cette société de masse, parce qu’elle exige l’impérialisme, l’esclavage et la hiérarchie. Donc pour moi, on vit dans une société autoritaire, patriarcale et capitaliste. Donc non. L’idéologie trans n’est pas une menace pour cette société industrielle. Elle en est un produit, un progrès dans cette aliénation. Les croyants du transgenrisme aimeraient nous faire croire que c’est une idéologie subversive et révolutionnaire. C’est tout, sauf cela. Avec leur mantra » on peut être né dans le mauvais corps « , ce que ces activistes exigent, c’est que les personnes qui ne rentrent pas dans les normes sociétales doivent changer leur corps. Et quand ils disent » changer leur corps « , ce que ça peut vraiment dire, c’est être drogué par les médecins, subir des mutilations et des stérilisations.
Et nous, les féministes, ce que nous disons, c’est que » nous sommes nos corps « , et qu’il faut changer la société patriarcale et industrielle qui veut nous faire croire que nos corps sont le problème. Nos corps ne sont pas le problème. Et j’aimerais aussi reparler de mon pays. Pourquoi en Irlande les personnes trans pouvaient changer de genre, dans le droit, lorsque l’avortement était encore illégal pour les femmes ? Parce que le changement de genre est un marché très lucratif. Cette idéologie crée une toute nouvelle clientèle pour l’industrie pharmaceutique. Ce n’est pas le mouvement féministe, qui lutte contre la chirurgie esthétique et les hormones nocives, qui crée d’énormes profits pour l’industrie pharmaceutique et pour les médecins qui y participent. C’est l’idéologie trans qui crée des patients à vie, qui ont besoin des hormones et de chirurgie pendant toute leur vie. Récemment, j’ai lu le nouveau livre de Kajsa Ekis Ekman, » On the meaning of sex « , elle avait déjà écrit un livre, elle survivante de la prostitution, elle a écrit un livre qui s’appelle » être la marchandise « , et dans son nouveau livre, elle décrit qu’une analyse financière réalisée par » Global Market Insights écrit que le marché du changement de genre est un très bon investissement, puisqu’il devrait connaître une croissance de 25 % au cours de la prochaine période de six ans, allant de 2020 à 2026. Donc vraiment, c’est un marché très lucratif.
Ce mouvement est une bénédiction pour l’industrie pharmaceutique. Ce qui devrait être appelé » les stérilisations des enfants » est maintenant connu comme » une thérapie d’affirmation du genre qui sauve des vies » et ce qu’on appellerait » les dangereux bloqueurs de puberté qui ont des conséquences à vie « , est désormais considéré comme une simple pause qui donne aux enfants le temps de réfléchir, s’ils veulent faire la puberté, ou pas. C’est devenu un choix maintenant. Et on nous fait croire aussi que cette industrie a à cœur l’intérêt supérieur des enfants. Mais pas du tout. C’est une philosophie postmoderne qui promet des transcendances corporelles en exploitant les problèmes d’image de soi des gens. Le transgenrisme est un antidote du féminisme.
RDG – Aujourd’hui, tu témoignes anonymement, pourquoi ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces, ou est-ce que tu te sens en danger ? Je pense que tu as certainement des arguments à développer sur ce sujet. Donc merci.
Banshee – Oui, donc j’ai choisi le pseudo « Banshee « … oui, ce n’est pas mon vrai nom, je pense que je ne vous choque pas là, mais Banshee… j’ai voulu choisir ce pseudo-là parce que banshee est une créature féminine de la mythologie irlandaise. La banshee est une messagère de la mort qui prédit et annonce un décès par son cri. Elle a un cri très fort, qui fait peur aux hommes. Les banshees accompagnent les gens dans leurs dernières heures et puis elles font le deuil. Et je trouve que c’est très, très beau. Dans la culture populaire, malheureusement, ces banshees sont décrites comme hideuses et terrifiantes, car elles prennent la forme d’une femme. Et aussi parce qu’elles sont associées à la mort. Et dans la société actuelle, nous sommes terrifiés par ça. Le truc le plus naturel du monde. La mort. On est terrifiés par ça. Et même actuellement, le trans humanisme tente de le dépasser. C’est pourquoi j’ai choisi ce pseudo.
Et j’ai choisi d’utiliser un pseudo pour des raisons de sécurité. Ma famille et mes amis connaissent très bien mon positionnement, et mes collègues de travail aussi. Mais comme nous le savons, malheureusement, les féministes radicales sont attaquées par divers groupes. On est attaquées par les militants pro exploitation sexuelle, les masculinistes, les hommes de droite, les hommes de gauche aussi, et les activistes transgenres.
Et moi, j’ai déjà été harcelée par des membres du STRASS pendant des manifestations, parce que j’étais venue avec des pancartes sur la réalité de la prostitution.
RDG – Je vais juste préciser que le STRASS, c’est l’autocroclamé “syndicat des travailleurs du sexe” qui est en fait un syndicat de proxénètes, avec d’ailleurs des proxénètes condamnés pour proxénétisme qui dirigent ça et qui, évidemment, ne représentent que leurs propres intérêts, essentiellement d’ailleurs, d’hommes, qui exploitent la misère et la pauvreté des femmes.
Banshee – Oui. Ils sont très liés au mouvement trans aussi. Je pense qu’ils partagent les mêmes locaux que Acceptess-T. J’ai été harcelée par un de leurs militants. Et aussi des militants de Acceptess-T ont essayé de faire du mal aux membres de Floraisons sur internet. Donc oui, j’ai été menacée par pas mal d’hommes, et aussi malheureusement, j’ai été victime de doxxing, ce qui est plus triste car en fait, c’était fait par une femme critique du genre, et d’ailleurs elle l’a fait à beaucoup d’autres femmes. Je crois que c’est un problème qui doit vraiment être abordé dans notre milieu féministe, parce que parfois nous sommes amenées à croire que ce type de comportement toxique ne se produirait pas entre nous, entre les femmes, parce qu’il n’y a pas d’hommes. Nous croyons parfois aussi que les groupes réservés aux femmes sont une sorte d’utopie. En tout cas, je parle pour moi-même, moi je croyais ça au début, mais ce n’est malheureusement pas le cas.
Mais je veux dire que j’ai partagé plein de moments forts en sororité dans le mouvement féministe, beaucoup. Beaucoup plus que de moments comme ça. Mais quand même, ça existe. Et c’est difficile de dénoncer ces comportements lorsqu’ils se produisent dans les groupes féministes car nous ne sommes pas équipées pour faire face à des femmes au comportement toxique.
Parce qu’on ne peut pas exclure des femmes.
Parce que chaque femme est une victime du partiarcat.
Et quand des femmes censées être nos sœurs de lutte sont hostiles ou destructrices, cela présente un grand danger pour le mouvement. On doit assurer la sécurité physique et psychologique des femmes. On doit débarrasser le mouvement de l’hostilité horizontale. On doit lutter contre ceux qui nous oppriment et ne pas projeter nos frustrations les unes contre les autres. Sinon, des femmes seraient mises en grave danger, et d’autres ne rejoindront tout simplement pas le mouvement.
Et je pense que le doxxing n’est jamais acceptable.
RDG – On va arriver à la dernière question : as-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée, concernant la transidentité ou le transactivisme?
Banshee – Oui [rires] bien sûr! Encore une fois, j’aimerais bien parler de mon pays, l’Irlande, et je veux parler d’un homme transidentifié en Irlande, qui s’appelle “Barbie Kardashian”. Je ne plaisante pas, il a vraiment choisi le nom Barbie Kardashian, et je vous assure que Kardashian ce n’est pas un nom de famille très répandu en Irlande. Et Barbie, ce n’est pas un prénom irlandais non plus ! Mais honnêtement je le félicite. Parce que je ne pense pas qu’il aurait pu choisir un meilleur nom. Il montre parfaitement ce que lui, et la plupart des hommes transidentifiés pensent que représentent les femmes : une poupée Barbie pornifiée! Non, vraiment, il faut taper…
RDG – Je vous invite vraiment à taper “Barbie Kardashian” sur vos téléphones! Je dirais que… C’est une caricature au carré ! On est… Ce n’est plus une caricature : c’est une caricature de caricature de caricature! C’est extrêmement drôle! Enfin… et triste!
Banshee – Oui. Il se moque de nous, vraiment! Avec… Comme tu as dit, il faut taper son nom sur le net. Et pourquoi je parle de lui ? Ce n’est pas juste parce qu’il a choisi un nom ridicule. C’est parce qu’en 2020… Il me semble que tous les exemples que j’ai pris datent de 2020! Mais, encore en 2020, on a appris que Barbie Kardashian était logé dans le quartier des femmes de la prison de Limerick en Irlande.
Et pourquoi Barbie est-il en prison? Ca ce n’est pas drôle du tout. Il a été reconnu coupable d’avoir menacé de violer et de tuer sa mère. Donc non seulement il est violent, mais il a une affinité particulière pour les brutalités envers les femmes. Et lorsque les journaux irlandais ont tenté de parler de ça de manière factuelle, leurs articles ont été censurés, et leurs articles ont été supprimés parce qu’ils décrivaient Barbie comme un mâle. Ils ont dit “Barbie is a man”. Non, même pas “a man”, “Barbie is a male”. Et puis après ça, après la censure, la majorité des milliers dominants en Irlande ont cru à tort que Barbie était une jeune femme et ils ont utilisé le pronom “elle” pour le décrire. Donc il y avait des fausses informations. Et encore une fois, les femmes sont coupables des crimes des hommes. Parce que dans les statistiques, on va voir qu’il y aura une augmentation des crimes des femmes. Mais ce sont des crimes des hommes, à caractère, aussi, très sexuel et violent.
Et ce qui m’a rendue vraiment triste dans cette histoire, c’était la réaction des féministes irlandaises libérales. Ces féministes-là, pendant la lutte pour le droit à l’IVG, elles étaient vraiment une source d’inspiration pour moi. Elles ont parlé du fait qu’elles ont eu des IVG en Angleterre, et c’était interdit de faire ça, mais elles ont écrit ça dans les journaux. Mais vraiment, ces féministes-là, j’avais beaucoup de respect pour elles.
Mais avec Barbie Kardashian, ces féministes, elles n’ont pas osé dénoncer ses crimes. Qu’est-ce qu’elles ont dénoncé? Elles ont dénoncé les féministes irlandaises, les femmes méchantes qui ne respectaient pas le pronom de Barbie. Elles ont dit : “quand même il ne faut pas dire lui/il parce que c’est une femme!” Donc elles ont plus parlé des femmes méchantes qui ont utilisé le mauvais pronom au lieu des crimes que Barbie a fait, qu’il a fait. Mais bien sûr, il y avait de vraies féministes qui ont dénoncé Barbie Kardashian.
Il y avait Rachel Moran, bien sûr, (je l’adore) et il y avait aussi le groupe féministe Radicailín. Elles ont été harcelées aussi en raison de ça. Et elles ont dénoncé la misogynie et le classicisme de ceux qui soutiennent barbie aussi. Parce que, bien sûr, les principaux partisans de Barbie étaient des bourgeois qui ne se retrouveraient probablement pas en prison non plus. Et en prison, on trouve les femmes les plus vulnérables de la société. Et les femmes représentent une petit minorité de la population carcérale et sont rarement incarcérées pour le délit de violences graves. Elles constituent un groupe particulièrement vénérable. Beaucoup ont subi des violences sexuelles et physiques de la part des hommes dans leur vie. Donc Barbie a été envoyé dans la prison des femmes.
Et il y avait des femmes qui ont dit : “mais ces prisonnières, ça peut arriver que Barbie les agresse”.
Et il y en a eu d’autres qui ont dit : “non, ça ne va jamais arriver.”
Mais il y avait déjà eu des cas où il y a des hommes transidentifiés qui ont violé des femmes en prison. Il y a le cas de Karen White, un homme transidentifié qui ne s’est pas séparé de son pénis. Et avec ça, il a agressé sexuellement plusieurs détenues après avoir été incarcéré dans un établissement pour femmes.
RDG – C’est pareil : cherchez son nom “Karen White”, vous verrez. Le summum de “la féminité”.
Banshee – Oui. Il était dans une prison de femmes, et avec sa “bite de femme” il a violé des femmes. et c’est juste horrible. Les femmes… Comme je l’ai déjà dit, la plupart de ces femmes ont déjà été victimes de violences sexuelles, ce sont des femmes très vulnérables, elles ne peuvent pas échapper à cet homme. Elles sont incarcérées, et puis ça arrive. C’est horrible qu’il y ait des féministes qui luttent pour que ces hommes soient dans la prison des femmes. C’est juste… C’est d’une misogynie, d’un classisme…
RDG – Ça donne presque l’impression que, puisqu’elles ont fauté, que ces femmes vont en prison, comme peine de prison, elles vont être violées et ce sera normal.
Banshee – Oui. Horrible. Et aussi, dans cette histoire de Barbie Kardashian, les féministes radicales irlandaises ont non seulement été accusées d’être haineuses, mais elles ont été également accusées d’être toujours sous l’emprise de nos “voisins-colonisateurs”. Les féministes radicales sont bien organisées au Royaume-Uni, et à chaque fois qu’il y a une féministe radicale en Irlande, on dit qu’elle est manipulée, qu’elle est – c’est quoi le mot en français, elle est, ah je n’arrive plus à trouver mes mots – elle est oui, sous influence, parce qu’on dit que le féminisme radical est une idée importée par nos voisines colonisatrices…
RDG – En plus d’être accro à l’IVG!
Banshee – Ouais ouais, c’est fou ils disent qu’il faut “libérer nos esprits des pensées de notre ancien colonisateur”. Donc c’est comme si les femmes irlandaises n’avaient pas un esprit critique, donc elles seraient juste endoctrinées par les femmes anglaises. Elles n’ont pas de pensées par elles-mêmes. Et les féministes radicales anglaises, il y avait des militantes de gauche, des hommes bien connus, et j’ai vu que ces militants irlandais ont dit que les féministes radicales anglaises étaient des “colonial bitches”.
Et apparemment, pour eux, se libérer du colonialisme…
RDG – Attends, est-ce que tu peux traduire “colonial bitches”? Parce que je trouve que c’est particulièrement humiliant?
Banshee – Ouais c’est comme des pétasses, des putes coloniales. C’est vraiment horrible.
RDG – Et qui a utilisé cette insulte?
Banshee – Il y avait… Je ne me souviens plus. Un militant de gauche très connu sur Twitter, un militant irlandais. Il a dit ça, et personne ne l’a critiqué, parce qu’on pense que si une femme est féministe radicale en Irlande, il faut la libérer, parce qu’elle est toujours sous l’emprise de l’ancienne colonie. Vraiment, ils pensent que se libérer du colonialisme, c’est mettre les femmes en danger.
Ce qui m’a vraiment fâchée aussi, c’est ainsi que les pertes de notre culture irlandaise, nous savons que les véritables vestiges de colonialisme en Irlande sont la prostitution et le capitalisme. Donc la prostitution et les capitalisme, deux choses que les activistes trans encouragent. Ce sont des vestiges du colonialisme, ce n’est pas le féminisme radical. Si ça intéresse les femmes qui écoutent, le lien entre le capitalisme et le patriarcat, il y a une série de podcasts présentée par Gladys sur Floraisons qui est excellent, sur “capitalisme et patriarcat”. Elle a fait 13 épisodes, je vous conseille de l’écouter.
Et avant que j’aie fini (j’espère que ça vous a intéressées), il y a une autre anecdote.
Je pense que cette anecdote va vous intéresser, mais on n’a pas le temps de parler de ça aujourd’hui, c’est l’événement “écoféminisme et résistance” qui était organisé par Floraisons et DGR. J’aimerais bien vous parler de ça, mais on n’a pas le temps aujourd’hui, donc avec mes camarades on va parler de ça dans un autre podcast de “Rebelles du genre”, donc “to be continued”.
RDG – La dernière question c’est “est-ce que tu as quelque chose à ajouter”?
Banshee – Pour les derniers mots, je n’ai pas vraiment réfléchi, mais je pense… Juste, je vous dis de résister. Il faut résister. Je sais que ça a l’air vraiment difficile en ce moment. On est attaquées de tous les côtés.
Mais ça n’a jamais été facile, le féminisme.
Et il faut résister, comme vous pouvez. Si c’est un petit acte, si vous le faites avec un pseudo, ou pas avec un pseudo, ou même si vous n’avez pas les moyens, ni le temps, vous pouvez aider d’autres féministes qui ont plus de temps pour le faire. Mais il faut résister en ce moment, parce qu’on doit retrouver notre humanité.
Notre humanité, en tant que femmes, est en train d’être écrasée.
Pas que par le mouvement transgenre, mais par beaucoup d’autres choses.
Il faut qu’on résiste. Il faut qu’on trouve un moyen de résister.
Il faut que, oui, on continue.
Parce qu’ensemble on peut se libérer du patriarcat
RDG – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.
S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe :
womensdeclaration.com
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Rebelles du genre – Épisode 70 – Amal
Amal – Moi c’est Amal. J’ai 29 ans, et je suis de Paris.
Je suis actuellement sans emploi, mais ça fait assez longtemps que je suis dans les milieux féministes, que je milite, en tant que féministe radicale. Et aujourd’hui, c’est pour ça que je viens vous parler de l’idéologie du genre. Et du coup, je suis dans les milieux féministes radicaux, mais je suis aussi écoféministe, ça fait des années que je m’intéresse à l’écoféminisme, que je milite pour lier, la destruction de la nature à la domination des femmes, et qu’est-ce que cette analyse nous fait dire de l’état actuel de notre société, de notre civilisation.
Et donc, donc voilà. Je milite beaucoup là-dedans, du coup.
En fait, mon parcours de critique de l’idéologie du genre, il est rattaché à mon parcours féministe, et comment je suis devenue féministe radicale, puis éco-féministe.
Rebelles du Genre – Bonjour et bienvenue sur le podcast Rebelles du genre. Nous sommes des femmes, militantes, pour l’affirmation et la protection des droits des femmes basés sur le sexe, et donc notre biologie. Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes et le genre en est le moyen.
Nous sommes les rebelles du genre.
Nous observons aujourd’hui avec fureur des hommes qui envahissent nos espaces, agressent nos sœurs, revendiquent nos droits.
Conditionnées à la gentillesse et touchées par leur victimisation, les femmes mettent en général un certain temps à comprendre l’arnaque du mouvement transactiviste et commencent souvent par soutenir cette idéologie.
Puis, elles ouvrent les yeux, constatent sa violence et la refusent. Ce podcast est là pour donner la parole à des femmes qui expliqueront pourquoi et comment elles sont devenues critiques du genre et qui témoignent de leur parcours. Écoutons leur parole.
Amal – Il faut remonter, un peu, dix ans en arrière. Pour moi, ça a commencé après le lycée, le début de la fac. Moi, je suis de la génération qui était sur Youtube, où les réseaux sociaux ont boomé. Donc j’étais baignée dans ce contexte-là, quand j’étais à la fac. Donc il faut bien garder ça en tête, et je vais revenir dessus. Et au départ, moi je ne pensais rien du genre, je n’ai pas vu le truc venir. J’étais plutôt, dans mes 19-20 ans, dans la critique de la pornographie et de la prostitution. Ça a commencé assez doucement.
Moi, depuis que je suis enfant, je dis que je suis féministe, sans savoir ce que c’est, le féminisme. Sans savoir que c’est un mouvement politique, avec une histoire, une analyse derrière, un matrimoine, quoi! Mais du coup, j’avais quand même cette affinité-là pour les questions de prostitution. Moi je me disais : “Mais c’est horrible ! Comment peut-on vendre un corps? Comment on peut vendre une femme, voilà? Pourquoi c’est toujours les hommes qui achètent?” Voilà, ça me posait vraiment problème, c’était vraiment étrange. Et la pornographie aussi, parce que je suis de cette génération, aussi, où les jeunes garçons, dès 2008, dès 2010, il y avait les premiers énormes sites porno qui se sont lancés, les YouPorn, les PornHub, des tubes, quoi, et donc c’était vraiment, moi, observer, mes camarades garçons c’était vraiment être au zoo, quoi!
Je me souviens, quand j’étais au lycée, ils mettaient leur portable dans leur bonnet, avec un site porno sur leur portable, comme ça, pour que les filles, derrière, puissent regarder, et puis ils rigolaient, enfin voilà. Et donc moi, j’étais toujours un peu choquée par ça, et c’était assez dur. Et à la fac, je me renseignais beaucoup là-dessus. Et un des premiers trucs un peu critiques de la pornographie que j’ai trouvés, ça s’appelait Pink Cross, j’ai trouvé ça en 2016, à force de recherches. Et c’était une actrice pornographique américaine, une ancienne, qui a fondé, une fédération d’associations contre la pornographie. Donc c’était vraiment très brut. Enfin très… des témoignages assez atroces, des choses vraiment dures à écouter, mais qui révélaient un peu le la réalité des personnes qui travaillent dans l’industrie du sexe et de la pornographie. Après, je trouvais que ce n’était pas une analyse poussée, pour moi, parce que c’était “à l’américaine” et c’était une… très catholique.
Donc il y avait toujours “C’est Dieu qui m’a sauvée, etc.” Donc ça manquait d’une analyse profonde, et tout. Donc je continuais de bidouiller un peu sur internet, comme ça, sur la pornographie, mais sans jamais encore tomber sur vraiment des contenus radicaux. Il faut dire que je n’étais pas non plus trop sur les réseaux sociaux. C’est pour ça. Et, du coup, en parallèle de ça, je reviens à cette idée que je suis de la génération où on regardait YouTube, et tout. Ca ne m’empêchait pas de regarder des contenus avec des personnes qui racontaient leurs transition, et c’était, notamment, beaucoup de contenus d’hommes qui “devenaient femmes”, c’est des jeunes, de 18, 20 ans, 16 ans, qui font des “story times” sur Youtube, et qui racontent comment ils transitionnent, à quel point c’est une souffrance, etc. Et donc moi, je regardais ça comme un contenu comme un autre. Je voyais une souffrance, je me disais : “Ah oui, les pauvres personnes, il faut quand même les aider, enfin. C’est quand même difficile, ils sont très rejetés, tout ça…” Je ne voyais pas encore le leurre. Il y avait donc vraiment cette peine pour cette souffrance que je voyais à l’écran. Mais il y avait aussi une gêne, mais qui n’était pas liée, forcément, à cette idée de transition. Mais à l’idée qu’il y avait un narcissisme énorme. Et ça, ça me faisait ça, vraiment, à chaque fois que je regardais une vidéo. Je me disais : “Ah oui, c’est triste, mais vraiment, ces personnes sont égocentrées, autocentrées”. Il y avait un narcissisme qui me faisait, moi, vraiment réfléchir à ma propre génération en me disant : “Mais ce n’est pas possible. On nous a brainwashé le cerveau, et on est tous des despotes narcissiques. Voilà.”
Et du coup, après ça, ben voilà, il y a la générations #MeToo qui est arrivée, donc moi je me suis pas vraiment impliquée dans toutes les manifestations #MeToo, mais j’ai participé à certaines.
Mais ça a été… Enfin à l’époque je travaillais dans le cinéma, et du coup, je l’ai vécu de plein fouet, vraiment. J’ai vécu les appels entre producteurs qui se disaient : “Et la stagiaire bidule, il a fait ça avec la stagiaire…” Voilà.
Le jour où l’enquête d’Harvey Weinstein est sortie, donc c’était vraiment… je l’ai vécu de plein fouet, et ça a créé beaucoup de choses, et aussi en moi, et aussi par rapport à cette critique de la pornographie et tout ça, ça m’a permis d’aller plus loin. Et ça m’a permis de rencontrer des féministes.
Un jour, que j’étais chez une amie féministe, justement, qui avait une amie à elle présente, et cette amie-là est la première personne que j’ai vue qui a formulé une critique du genre. Je m’en souviens très bien, parce qu’on discutait, comme ça, on discutait d’abord de la prostitution, à quel point c’était ignoble, d’abord de la pornographie, etc.
Et là, j’étais d’accord.
Et puis d’un coup, on parle de l’idéologie du genre. Et cette femme, elle a fait quelque chose qui, pour le coup, moi ça m’a vraiment fait réfléchir, et c’était vraiment bien amené. Elle a fait la critique normale du féminisme radical qui est de dire que le genre c’est l’instrument d’oppression stéréotypé par rapport au sexe, et qui va, permettre d’opprimer les femmes, etc.
Et après, elle a rajouté quelque chose.
Elle a dit : “Mais en quelque sorte, nous les féministes, si on se dit féministes, on va lutter contre l’oppression que nous imposent les hommes c’est-à-dire porter des talons hauts qui vont nous fragiliser, porter du maquillage, porter des vêtements dans lesquels on n’est pas à l’aise, nos corps qui sont sans cesse contrôlés, on doit être minces, on doit être machin… Nous, on lutte contre ça. Donc, en luttant contre ça, on lutte contre le genre. Et on propose une autre façon d’être femme, qui n’est pas, donc, féminine, d’être femme.
Donc, on est transgenres aussi!”
Et elle disait : “Moi, je suis transgenre, au final!”
Et, sur ces moments, vraiment, ça allait à l’encontre de toutes les vidéos de transition du genre que j’avais vues. Enfin, tu sais, de tous ces témoignages personnels de la souffrance.
Je me disais : “Ah ouais, c’est osé!”
Mais ça m’avait fait réfléchir.
RDG – Ca m’évoque exactement la même chose. La première fois que j’en ai entendu parler, moi, je me suis dit, (c’était une émission de radio), et j’avais fini par me dire : “Ah ben non, mais je ne peux pas être cis, donc je suis trans!” C’est-à-dire que, évidemment, comme il définissent comme les personnes qui cochent toutes les cases des stéréotypes, je me suis dit : “mais non, c’est sûr que c’est pas moi!” Et donc, je suis trans! Enfin, à l’époque, j’avais pris ça comme ça, j’avais trouvé ça hyper révolutionnaire! Alors que tu prends juste la peau de, la peau de l’autre, quoi! C’est juste ça!
Amal – Ben moi, je me dis, à un moment de ma vie, peut-être que si j’étais né, genre peut-être cinq ans plus tard, ou même six ans plus tard, j’aurais peut-être réfléchi à me dire : “Est-ce que je suis trans”, tu vois.
En parlant de vouloir fuir la féminité qui nous est imposée, comme le font beaucoup de femmes aujourd’hui, c’est une question qui me serait arrivée, je pense.
Bon en tout cas, elle, quand elle a fait ça, au départ, vraiment je m’en souviendrai tout le temps, je me souviens de l’instant, du salon, de ce qu’elle portait, de tout, tellement ça m’a marquée !
Et puis, les gens qui étaient à côté n’ étaient pas du tout politiques et conscientisés, il y avait vraiment, il y avait l’ex de ma sœur, notamment, qui était un gros con. Donc voilà, qui, lui, était vraiment, c’était vraiment le mascu de base, mais qui là, va défendre les trans, bon bref.
RDG – On appelle ça une épiphanie, ce que tu as vécu!
Amal – Ah ouais, c’était une épiphanie, c’était une fulgurance, c’était tout. Mais… mais, mais, c’était vraiment, au fond de moi, parce que ça m’a vraiment travaillée, vraiment longtemps. Mais je n’étais pas prête, encore. Tu vois, je n’étais pas prête à recevoir ça, à comprendre tout ce que ça impliquait derrière. Et c’est pour ça, je pense, que tu demandes aux personnes de raconter leur parcours, des fois il y a des fulgurances, enfin je pense qu’il n’y a personne qui arrive dans le féminisme direct, en disant : “moi je suis contre l’idéologie du genre”, comme si c’était une évidence. C’est vraiment un travail, c’est une analyse. Comme le féminisme, en fait. C’est… on ressent un truc, c’est un processus avec soi, tu vois. Et donc, bêtement, ben moi j’ai… j’ai dit “Transphobe”. Vraiment, moi, je l’ai dit, je n’ai pas honte. Je… quand elle m’avait dit ça, au bout d’un moment, j’ai dit : “Ah oui, mais c’est un peu transphobe ce que tu dis, au final.”
Et c’était vraiment, tu vois, c’était la surface, quoi. C’était la bien-pensance, ce truc de gauche, en plus quand tu te revendiques de gauche… Enfin voilà, qui m’a fait dire ça et pourtant, ça m’avait bouleversée tu vois.
RDG – On est formatées à voir la transphobie. Hier encore, on m’a traitée de transphobe. Ce qui fait, d’ailleurs… Ce qui coupe la conversation. Moi, je ne vais pas plus loin quand on commence à m’insulter.
Amal – Mais non, ça ne sert à rien.
RDG – Mais quand la femme te dit : “Oui, mais les féministes qui ne mettent pas au cœur de leur lutte les femmes trans…” Ah ben non.
Juste : “Oui c’est transphobe.”
En fait, on ne priorise pas les hommes. Mince!
Mais effectivement, ce jour-là, elle avait semé une graine, quoi. Et tu te souviens du moment où la graine est arrivée en toi.
Amal – C’est ça. Et après, ce qui s’est passé, c’est que, ben voilà, on est après MeToo. Je pense qu’il y a une poussée du féminisme radical en France aussi, après ça.
Moi, ma critique de la pornographie, elle s’est intensifiée, notamment par rapport à mon histoire personnelle. J’étais, à l’époque, en couple avec un mec qui consommait énormément de pornographie, qui était addict à la pornographie. Et, j’étais vraiment dans une situation de détresse émotionnelle, psychologique, tout ce que tu veux, parce que ça s’accompagne beaucoup de choses l’addiction à la pornographie. Ce n’était pas une situation très facile. Et à un moment, une nouvelle épiphanie, un poste Facebook dit, en gros : “C’est normal que tu considères que ce ne soit pas normal que ton copain regarde de la pornographie.”. Tu sais le truc genre : “Quitte le!”.
C’est la première fois de ma vie que je voyais sur internet que c’était marqué, que j’avais le droit de trouver ça pas normal, qu’il y avait un problème derrière. Et c’était sur une page facebook féministe radicale qui avait aussi du contenu critique du genre.
Peu de temps après, je me suis mise sur féministe radical en lutte, le groupe facebook et c’est là où j’ai tout détricoté, tout ce que j’avais vu, tous ces narcissismes de témoignages YouTube qui moi m’avaient impactée en un sens puisque je me disais : “Ah, ce sont des personnes qui souffrent.”. Là, c’était détricoté. C’était : “Non mais regardez ce que ça fait, regardez les impacts réels auxquels sont confrontés les femmes.”, ce que je n’avais pas avant. Je n’avais pas les informations (parce que je n’étais pas allée les chercher non plus) sur les compétitions sportives, sur les prisons, sur tout ce qui se passe avec l’idéologie transgenre.
Depuis, le féminisme radical m’a mené à travers des actions de terrain, mais aussi des réflexions, des analyses vers l’éco féminisme qui, je trouve, sont encore une réflexion encore plus poussée sur le genre, la nature… Moi, ça influe toute ma pensée et ça influe toute ma critique de l’idéologie du genre, ce rapport à la nature, au corps, à l’esprit, tout ça.
Depuis, maintenant, je milite vraiment contre cette idéologie à travers des actions de terrain, comme j’ai pu le faire, ou alors (on en parlera tout à l’heure) notamment des conférences avec une camarade, une sœur de lutte, Frann.
On a pu faire une conférence écoféministe qui parlait aussi de cette idéologie du genre, bien que ce ne soit pas du tout le centre de la conférence, mais qui effleurait un peu ces débats là.
Et du coup, il y a eu des suites (on en parlera tout à l’heure) c’est un peu mon parcours de critique de l’idéologie du genre.
RDG – Merci beaucoup c’est vraiment très riche et très complet et c’est vraiment intéressant. J’espère que tu pourras aussi développer la question écolo par rapport à la transition, parce que je suis toujours un peu sidérée de voir des gens qui se disent écolos et qui sont OK pour les hormones, la chirurgie sur les enfants… Enfin des trucs de fous. Donc j’espère que tu pourras développer ça tout à l’heure.
D’ailleurs, ça m’amène à la question suivante, et je pense que, peut-être, tu pourras aller plus loin que la question elle-même. Cette question est : pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie et j’ajouterai pour notre planète ?
Amal – Cette question est vaste, Blandine, parce que c’est une tentaculaire. Ça rejoint la critique du patriarcat, de tout ce qui nécessite une analyse profonde et à chaque fois, on a toujours un petit truc qui nous fait dire : “Mais il y a ça aussi. Il y a cet aspect là que je n’ai pas vu.”.
Et sur la question trans, il y en a tellement. Et moi, j’ai l’impression que c’est vraiment un rouleau compresseur et qu’à chaque fois j’en découvre et que ça écrase tellement de choses, des droits des femmes.
Enfin bon et donc je vais essayer de rassembler un peu mes critiques et mes analyses en un des points. Je pense que je ne vais pas pouvoir tout couvrir tu vois, genre l’autoginephilie. Je pense qu’en plus il y en a suffisamment qui en ont parlé.
Mais il y a des points qui me sont hyper importants. Je ne les classe pas non plus par ordre de priorité. Ils sont tous d’importance égale à mon sens et c’est tout des critiques qui sont dingues de l’idéologie du genre.
Par quoi commencer ? Moi je suis féministe. Tu es féministe. Qu’est-ce que c’est que le féminisme ? Par où commencer ? Comment est ce qu’on le définit ?
Pour moi, le féminisme, c’est un mouvement de libération des femmes, donc de libération du joug de l’oppression patriarcale etc… Et moi j’aime bien Gerda Lerner qui était une féministe américaine et elle racontait comment le féminisme se développe dans une société et pour que le féminisme se développe, il faut qu’ il y ait un contexte particulier, qu’il y ait des bonnes conditions qui soient rassemblées et que dans ce contexte et ces bonnes conditions, les femmes bénéficient à la fois d’un espace social et à la fois d’une expérience sociale sur lesquelles baser leur nouvelle compréhension des rapports sociaux et des rapports de sexe notamment.
Et je trouve que le transactivisme, ça vient annihiler totalement tout ça. C’est une annihilation totale du féminisme, d’abord parce que ça vient ôter l’espace social des femmes, on le voit très bien, le transactivisme c’est du masculinisme qui vient dépasser les frontières. C’est les frontières des toilettes, les frontières des prisons, les frontières des compétitions sportives, les frontières de la rue maintenant. Parce que quand tu es “TERF” ou quand tu es critique du genre et bien tu ne peux pas aller manifester dans la rue avec les féministes, on vient t’empêcher, des hommes viennent t’empêcher et du coup tu ne peux plus développer ça.
RDG – Des hommes et leurs servantes…
Amal – Ah oui bah ça on peut parler des femmes qui aménagent leur propre oppression, voilà, on n’en fait pas partie. Mais elles sont là et c’est aussi nos ennemies. Il faut le dire, je pense.
Et du coup le transactivisme, ça vient annihiler l’expérience sociale parce que tu n’as plus le droit de dire que ton expérience sociale de femme c’est la violence, c’est l’excision, le repassage des seins, tout ça… Que c’est le harcèlement de rue, le viol, les violences domestique… Tu ne peux plus parce que quand tu dis ça, tu es transphobe. Et puis ça vient aussi annihiler toute l’idée de rapport de sexe puisque tu ne peux plus définir ce que c’est qu’une femme, donc tu ne peux pas créer un féminisme dans ces conditions-là.
Et donc pour moi, c’est un des trucs qui vraiment me heurte parce que sans féminisme, on n’aura jamais la libération des femmes, c’est une utopie, enfin le féminisme existe seulement pour ça. Donc c’est hyper dangereux, c’est hyper dangereux.
Ensuite je dirais que là c’est la critique vraiment je pense qui est apportée par l’écologie, par mon éco féminisme etc… C’est que le transactivisme c’est un transhumanisme, ça fait partie de l’idéologie transhumaniste. Cette idée en fait de par la technologie, par la science, qui sont toutes deux des trucs complètement masculins : la science et la technologie, ça a été créé par des hommes. C’est une idée de toute puissance par rapport à la nature, de modifier tellement la nature et d’en faire quelque chose de complètement androcentré au lieu de dire anthropocentré, enfin voilà c’est vraiment le cœur de ce qu’il y a dans ces idéologies-là et dans ces choses là. Voilà le transhumanisme c’est dire “on va créer des post- humains grâce à la science et la technologie”. Et le transactivisme et le transsexualisme, transgenrisme etc, tout ce que tu veux, tombe totalement dans ces cases-là. C’est dépasser par la technologie la condition de nature qui nous a été donnée. Cette condition de nature est reléguée à un truc essentialiste, maintenant c’est vraiment une insulte, l’essentialisme, alors que déjà personne dans le mouvement trans ne sait le définir et en plus ce qui se rapporte à la nature n’est pas une insulte au contraire. On pourrait dire “en fait, vous êtes, c’est vous les biophobes, vous détestez la nature, vous pensez qu’on naît dans le mauvais corps, vous pensez qu’il faut changer les choses, vous pensez qu’avec la technologie on peut aller au-delà, dépasser la nature” Mais tout ça c’est hyper mortifère !
Pour faire des hormones il faut des usines, pour faire des usines il faut aller creuser et détruire des habitats naturels, il faut aller exploiter des mines dans des pays où il y a une néo-colonisation parce qu’on va dans des pays en Afrique et aller retirer des minerais des sols en employant des enfants etc… C’est un drame social, c’est un drame écologique tout ça ! Et du coup personne ne le voit comme ça et c’est vraiment “moi, moi, moi, mes hormones, ma technologie pour pouvoir transitionner !”
RDG – Sans oublier le fait que ces hormones ensuite, elles se retrouvent dans la nature aussi.
Amal – Oui, après tu les retrouves dans l’eau. Franchement vraiment ça m’attriste parce que je pense que tout mouvement éco- féministe et toutes les idées de l’écologie, c’est de comprendre qu’en fait il y a des choses qu’on ne peut pas changer, il faut les accepter. C’est un peu la prière des Alcooliques Anonymes tu sais, c’est accepter, je ne sais plus…
RDG – Donne-moi la force de changer ce que je peux changer, d’accepter ce que je ne peux pas changer et de discernement pour faire la différence entre les deux.
Amal – C’est ça et ben pour moi c’est ça tu vois cette prière, je crois de la sérénité ou je sais plus comment elle s’appelle, ben on devrait la dire plus souvent dans les milieux trans parce que elle est …
(rires)
RDG – Une petite prière pour commencer la réunion (rires)
Amal – Bah voilà, parce que c’est quand même assez dingue de se dire que c’est la nature le problème et pas l’humain. Et c’est une vision tellement problématique à tellement d’égards. Enfin c’est assez dingue quoi ! Et donc quand on dit ça et bien nous on est problématique, alors qu’on défend juste de vivre et d’accepter les conditions dans lesquelles on doit vivre, d’accepter son corps et que c’est tellement plus libérateur aussi de se dire que voilà on est né mortel, on va mourir de toute façon, qu’on n’est pas là pour imposer sa vision du monde, mais on est là plutôt pour vivre avec les choses, créer et faire la vie et faire la mort et c’est comme ça.
Et bon bref je m’égare un peu mais c’est vraiment un point sur lequel je trouve que le transactivisme est dangereux, dangereux parce que derrière ça il charrie toute une vision de la société et de la civilisation qui est drainé par des technologies, par la science et on s’en sort jamais, et par l’industrie. Et voilà, c’est toutes les choses qui détruisent la nature.
Après je pense qu’ il y a un point, aussi, qui est fondamental, c’est que le transactivisme est basé sur la violence et l’idéologie du genre aussi. La violence à plein d’égards, c’est d’abord ce qu’on voit contre les féministes. Je pense encore à Posie Parker, j’ai vu les vidéos d’il y a un mois quand elle est en Nouvelle-Zélande et c’est atroce on voit une main autour de son cou et elle est en train de se faire étrangler comme ça et malgré tout ce qu’on peut penser d’elle parce je sais qu’elle a été en contact avec des militants anti-avortement pour faire passer son message etc…
Moi je m’en fiche, on n’étrangle pas une femme. C’est tellement violent et quand on regarde toutes les vidéos de manifestations aux États-Unis principalement mais maintenant ça arrive en France, quand on voit nos collègues françaises, nos camarades de lutte qui sont frappées en manifs, tout ça c’est assez dingue. Et ça revient à dire aussi pour moi que c’est vraiment une annihilation du féminisme quoi, c’est la violence qui est partout.
Et il y a une violence à laquelle on ne pense pas parce qu’on en parle pas et elle existe pourtant, c’est la violence de toutes ces femmes qui sont avec ces hommes qui transitionnent, ce qu’on appelle les “Trans Widows”. Et moi, je m’y intéresse parce que de la même manière que quand tu es en couple avec quelqu’un qui es addict à la pornographie, il y a un nombre incalculable de violences qui sont charriées derrière ça. Parce que ce n’est pas anodin quand un homme transitionne et bien il charrie aussi énormément de violence derrière lui et les impose aux femmes qui sont avec eux. Pour moi c’est très dur. Je sais que Vaishnavi Sundar est en train de préparer un documentaire là-dessus, c’est la réalisatrice indienne et donc…
RDG – Tu peux citer son documentaire ?
Amal – Son documentaire s’appellera “Trans Widows”.
RDG – Non mais le précédent c’était “Dysphoric”.
Amal – Ah oui son précédent documentaire s’était “Dysphoric” effectivement et là ce sera “Trans Widows”.
RDG – C’est vraiment un “must”, allez voir sur youtube “Dysphoric” c’est vraiment incroyable. C’est incroyablement puissant.
Je pense qu’il y a également de la violence exactement de la même façon pour les “Trans Widows”, il y a également la violence contre les enfants de ces hommes, ça me fait vraiment penser à l’émission de M6 “Trans uniques en leur genre” sur M6 et il y avait cette espèce d’immonde autogynéphile-là, de 65 balais, là, qui transitionnait, qui était excité par le fait de porter des collants.
Et on voyait cette femme qui était son épouse, qui, on le voyait bien, que c’est lui qui avait tout le pognon, donc elle était coincée, quoi, avec lui. Et cette tristesse. On voyait ses enfants qui se refusaient à l’appeler maman, et il disait qu’il y en avait que d’eux qu’il acceptait d’être “mégenré”, continuer à l’appeler “papa”. Et je trouvais que c’était pathétique, c’était d’un narcissisme incroyable pour ces enfants qui étaient des grands adolescents, quoi. C’est extrêmement violent.
Amal – En fait, c’est violent pour eux, et c’est… Il y a plein de choses qui se passent derrière, dans la sexualité avec les femmes. Enfin, on va leur imposer des pratiques sexuelles derrière, où quand l’homme transitionne, et la violence économique que tu mentionnes, elles ne peuvent pas partir parce qu’en fait, elles n’ont pas l’argent.
Voilà, c’est des femmes au foyer généralement, enfin, tout ça, c’est horrible. Sans compter aussi dans la violence économique, ils vont acheter des choses hors de prix, c’est lié aussi, il y a des consommations pornographiques qu’ils vont payer, etc., et qui font que voilà, dès qu’elles se mettent à parler, elles ont toutes la machine transactiviste qui leur tombe sur la gueule. Et donc, elles ne peuvent pas, elles n’osent pas. Il y en a qui veulent rester anonymes, qui témoignent, qui ont peur pour leur vie, tellement peur de menaces. Et puis, aussi, il faut le dire, aussi les hommes qui transitionnent, dans ces cas-là aussi, on en a beaucoup qui sont juste vraiment, c’est des masculinistes violents et tarés, et elles ont peur d’eux, parce que ça peut s’accompagner de violences conjugales aussi. Enfin, voilà, c’est vraiment un truc géant de violence pour ces femmes-là, et donc je voulais en parler parce qu’on n’en parle pas beaucoup.
Mais aussi, c’est violent, comme tu l’as dit, pour les enfants.
RDG – Je voulais juste te dire si jamais parmi les femmes qui nous écoutent, il y a une femme dans cette situation qui souhaite témoigner, on lui garantit, bien sûr, l’anonymat. On peut même modifier le son de sa voix, mais ce serait vraiment précieux d’avoir le témoignage d’une femme ou d’une enfante, d’ailleurs, dans cette situation-là.
Amal – Et en termes de violence, il y a aussi les violences, c’est les mutilations, que ça impose aux jeunes femmes. Parce que moi, ce qui me gêne vraiment… Que des hommes se coupent le pénis, je vais te dire un truc, et je ne veux pas être insultante : je m’en fous. Mais que des jeunes femmes se coupent les seins, prennent des hormones, qui ont des conséquences irréversibles pour elles, qu’elles font ça à un âge, généralement entre 16-18 ans, où tu n’es pas bien, où tu es en pleine crise d’adolescence, qu’elles font ça dans un monde pornifié, il n’a jamais été aussi pornifié qu’aujourd’hui. Et c’est très lié, le transactivisme, le porno, tout ça. Qu’elles font ça parce qu’elles refusent d’être des femmes objets, qu’elles refusent d’être considérées comme des trous, comme des choses baiser, des choses disponibles…
Mais ça me rend tellement triste. C’est une horreur ce qu’on est en train de faire. C’est-à-dire que, non seulement on est en train de supprimer la définition des femmes, et donc elles ne peuvent pas se regrouper, être féministes, mais en plus on est en train de mutiler les femmes qui refusent d’être femmes elles-mêmes.
On est en train de créer, vraiment, des mises en abîmes d’oppressions qui sont dingues! Et des aménagements d’oppressions qui sont dingues! Et j’ai un respect énorme, et incroyable, pour toutes ces femmes qui détransitionnent, et qui osent lever la voix, et qui racontent leur parcours, et qui, comme en Angleterre, ont porté plainte contre des cliniques.
RDG – Il faut vraiment que tu écoutes le témoignage d’Axelle, le 62e, c’est tellement ça, c’est tellement triste, et révoltant, et ça nous met tellement en colère. Et je vais te dire, je vais plus loin que ça. Quand on a sorti le témoignage d’Axelle qui est incroyablement courageuse et c’est vraiment, ce témoignage, il est, il est sidérant, littéralement. On a contacté tous les médias, tous les médias. J’ai pris la liste de toutes les femmes journalistes, j’ai écrit à toutes. Il n’y en a pas une, pas une qui a répondu, pas une!
Il y a une indifférence, ou une peur, ou… je ne sais pas, un mépris, qui est affligeant. Parce qu’Axelle, elle dit tout, elle dit tout, vraiment. Et c’est tellement triste de voir qu’il y a des filles qui se réfugient dans cette chimère, pour échapper aux violences les plus innommables commises par des hommes, alors que ce n’est qu’une violence supplémentaire, c’est terrible.
Amal – Totalement, c’est ça, en fait, le truc du transactivisme. Et notamment d’acheter les femmes, c’est que ça vient anihiler totalement le les conséquences du traumatisme de ce qu’on sait sur le trauma, etc., et c’est des personnes, c’est des jeunes femmes traumatisées, qui vont se mutiler. Et ça m’est insupportable, cette pensée.
Il y a trop de femmes qui souffrent. On est 50% de la population, quand même, et en fait, qu’on en soit aujourd’hui là. Que ce soit considéré comme féministe, comme un combat politique, de se couper les seins… c’est quand même aberrant!
On est arrivées à un état qui est dingue, enfin! Et personne, personne n’arrive à voir la supercherie derrière? Enfin, je pense que certains savent mais celles qui sont embrigadées là-dedans les chantres “féministes” qui elles ne se coupent pas les seins mais qui vont parler de ça etc., et qui vont défendre notre activité…
RDG – Je tiens à souligner le fait que tu, quand tu as dit féministe, tu as fait des guillemets avec tes doigts.
Amal – Oui, oui!
RDG – En aucun cas ça ne saurait être féministe, évidemment.
Amal – J’ai oublié qu’on était en podcast, donc qu’on ne pouvait pas faire des guillemets avec les doigts.
Ben voilà. Et du coup, moi, je trouve ça vraiment dingue. Et donc, effectivement, tu en parlais tout à l’heure aussi, les violences contre les enfants. Bah, à la fois les enfants qu’on prive d’enfance. Parce qu’un enfant, et je trouve que le documentaire de Vaishnavi Sundar, Dysphoric, il est vachement bien là-dessus, et aussi un autre documentaire de la BBC, qui avait été, je crois, décommandé parce que les transactivistes ne voulaient pas qu’il soit diffusé, sur l’enfance et le phénomène trans. Ce documentaire est sur la transition des enfants, il se retrouve sur le site partage-le.com et il s’appelle, le documentaire, « Transgender Kids, Who knows best? ». Il a été fait sur la BBC et il parle des enfants transgenres et vraiment, je me recommande parce qu’il y a des psychiatres qui décrivent leur travail, parce qu’ils sont chargés de la transition d’enfants, et certains sont contre ça, et essaient de d’oeuvrer contre ça et ils ont été virés de leur clinique, etc. Et donc, leur témoignage est hyper important. Ça montre que, en fait, un gamin il réagit peut-être à une violence ou un trauma qui s’est passé en lui, et il va vouloir dire à un moment « ah, je suis un homme » ou « une femme » ou alors, des fois, il n’y a juste rien, c’est un gamin quoi. Il pourrait dire « je suis un paquet de céréales » ou « je suis Superman », ou… Enfin, voilà. Et avec ça, on va imposer, parce que c’est vraiment imposer, une manière d’être à un enfant, d’après une chose qu’il aurait dite à, quoi, 4 ans, 5 ans, 6 ans, à des âges où on n’est pas censé dire qui on est. On est censé être éduqués, et grandir pour devenir des adultes responsables, tu vois. Et on va imposer juste un seul schéma de, enfin, avec des conséquences irréversibles, on les prive d’enfance, on leur vole leur enfance. Et toute leur vie, ils auront ça après comme casserole.
RDG – On leur vole leur enfance, mais on leur vole aussi leur future sexualité, on leur vole leur descendance, puisque on les stérilise, on les castre, on leur vole leur imaginaire. A 4 ans, 5 ans, 6 ans, on n’a même pas une idée de ce que c’est, la vérité, ou pas la vérité. Et c’est ça être un enfant, justement.
Amal – Quand je dis qu’on leur vole leur enfance, pour moi, c’est un truc grave, parce qu’en fait, l’enfance… je pense qu’aujourd’hui on est, en tant qu’adulte, je veux dire, il n’y a personne qui n’est pas influencée par son enfance. L’enfance, on la retrouve tout le temps. Elle est là, en nous. Et donc ça aura toutes les conséquences, mais l’origine, c’est ça, tu voles leur enfance. Et je ne sais pas ce que deviendront toutes ces personnes. Déjà, très probablement, elles ont une espérance de vie très limitée. Je dirais qu’un gamin qui prend des hormones à 6 ans, je ne pense pas qu’il va aller jusqu’à 40 ans sans avoir un cancer ou quelque chose comme ça, pour les bloqueurs de puberté et tout, mais c’est pareil. Quand je parle d’enfant, moi, ça va très longtemps, on n’est formé du cerveau qu’à partir de 25 ans, véritablement, tu vois. Ton lobe préfrontal, il est formé complètement à 25 ans. Donc quand tu as 16 ans, tu es aussi un enfant. Et quand tu fais une transition à 16 ans, mais c’est pareil : on te vole ta capacité de devenir adulte, et on te vole aussi une partie de ton enfance. Et ça, je trouve ça vraiment très grave, et c’est une violence inouïe.
Mais de toute façon, comme le droit des femmes, le droit des enfants c’est quelque chose qui est toujours bafoué. C’est pour ça que le féminisme revendique, enfin, toutes les féministes, moi en tant qu’écoféministe je dis tout le temps, je suis contre la domination sur les femmes et sur les enfants.
Pourquoi aujourd’hui les enfants subissent ça et l’idéologie trans? Puisque ça fait partie du même ressort que pour les femmes : quand tu vas à l’origine du mot patriarcat, c’est le pouvoir du père sur la famille.
Et du coup, la famille c’est quoi? C’est les femmes et les enfants. Et les enfants, même hommes qui ne sont pas encore en âge d’être des patriarches eux-mêmes.
Et donc tu vois, c’était là, dès le début, c’est pas étonnant! Mais bon, c’est quand même quelque chose qui, moi, me rend très triste. Et cette violence-là, elle est dingue.
Déjà que les enfants, de nos jours, ils n’ont pas de chance, tu vois, parce qu’ils sont addicts aux écrans, ils ne sortent plus dehors, ils ne font plus de jeux, donc ils vont déjà avoir des vies de merde…
Je veux dire, maintenant on est au cinéma, et tu as une pub, au cinéma qui dit qu’une personne sur deux va avoir un cancer dans sa vie… Enfin, tu vois? Et donc ça, c’est ma génération. Imagine la génération d’après.
Donc tu vois, il y a déjà tout ça et là bon, je digresse mais voilà c’est un peu, moi c’est un truc qui me révolte, ce qu’on fait à l’enfance.
Et puis après, en termes de violence on peut aller partout, et très loin, avec le transactivisme et l’idéologie du genre.
C’est violent symboliquement, et aussi physiquement. Mais pour les personnes qui font des compétitions sportives, pour toutes ces femmes… Alors moi, je ne fais pas une défense du sport et de la compétition sportive, parce que pour moi, c’est une critique capitaliste à avoir du sport et des compétitions. Et aussi, c’est quelque chose de très masculin. Et donc les femmes, pas dans un mouvement de libération mais plutôt dans un mouvement d’égalité des droits, ont voulu aller se rapprocher de ça, et elles ont mis des années à instaurer des compétitions sportives féminines, bon soit! Voilà, je ne veux pas revenir à l’origine de ce que je pense de ça aujourd’hui, toujours est-il qu’une femme qui fait une compétition sportive, on lui ravit la victoire de manière symbolique, si c’est un homme qui le fait, et tout le monde le reconnaît! Et ça, ça doit être horrible!
Moi j’étais à Filia en octobre dernier, et il y avait la nageuse qui avait été en compétition avec un trans, qui est arrivé… C’était celui qui s’était gratté les couilles, je crois, juste avant de sauter…
RDG – Will Thomas?
Amal – Oui, je crois que c’était ça.
RDG – Ah, c’est mon préféré, celui-là.
Amal – Et du coup, elle racontait ce que c’est, d’être dans le vestiaire juste avant. Quand on fait une compétition de natation, déjà, même homme ou femme, tu es complètement épilée pour gagner de la vitesse, etc. Et en fait, ton maillot de bain, il est tellement serré que pour l’enfiler… c’est 15-20 minutes, vraiment. Donc, les femmes, elles sont à poil, comme ça, dans le vestiaire, et elles enfilent pendant 15-20 minutes. Elles ajustent leur maillot de bain. C’est un truc hyper compliqué, et c’est déjà des grandes femmes, bien musclées et tout. Et là, tu as un type de 2 mètres qui arrive, nu comme un ver. Et puis il est là, nu comme un ver, avec ses couilles et sa bite.
Désolé, je suis hyper insultante, enfin pas insultante, mais vulgaire.
Et du coup, il est là, et il doit enfiler son maillot de bain devant toi, et tu te dis, “je vais faire une compétition sportive contre lui, mais il fait 20 cm de plus que moi”.
Voilà, c’est la réalité. Tu imagines la violence symbolique que ça doit être?
RDG – Sans compter le fait d’être… Cette nudité imposée dans un vestiaire non mixte. Quoi, je veux dire, c’est des femmes, donc elles ont été agressées, sans doute certaines ont été violées par des bites. Je suis désolée de le dire. Et donc, juste avant de rentrer dans une compétition, ça les met bien en forme quoi.
Amal – C’est ça, c’est horrible. Je ne sais pas si tu avais vu ce documentaire, il faudrait que je le retrouve. Je crois que c’est Geneviève Glück qui avait rassemblé beaucoup de vidéos, d’autogynéphiles, mais notamment vachement sur les réseaux, et dans la pornographie, sur TikTok, etc.
Et il y a une violence qui est dingue aussi, et c’est cette idée que les femmes, dans ces trucs pornographiques-là et autogynéphiles-là, les hommes qui deviennent femmes considèrent qu’ils deviennent femmes quand ils sont devenus bêtes, qu’ils n’arrivent plus à penser, etc.
Donc, il y a toute une catégorie de porno où ils sont là, ils disent, « Ah, je suis bête, je ne pense plus à rien, je suis, ça y est, je suis une femme ». Et c’est absolument atroce, et ça, tu le retrouves beaucoup. Et pour moi, c’est vraiment hyper violent sur ce que ça dit des femmes.
Ça dit qu’on est des bécasses, bêtes, et que pour être une femme, il faut juste ne rien avoir dans le cerveau. Ça me rend vraiment, ça me rend folle.
Et je pense qu’il y en a plein d’autres à dire sur la violence, et je vais m’arrêter là parce que sinon ça va durer des heures ensuite.
Enfin, on était toujours sur les menaces qui existent par rapport aux femmes. J’en ai dit beaucoup, je ne sais pas si tu veux que je continue, mais je pense qu’il y a une réflexion à avoir sur l’idéologie transgenre. C’est qu’elle vient du post-modernisme, donc elle vient des couloirs des universités. Elle vient d’où, en fait? Elle vient de Michel Foucault, qui voulait imposer, ses “orientations sexuelles”, (entre guillemets, si je peux appeler ça ainsi, une orientation sexuelle). C’était un pédophile, et j’ai dit pédophile, et on va dire pédocriminel. Je m’excuse pour le terme non-féministe. C’était un pédocriminel, voilà, qui a écrit pour essayer de faire avaler aux couloirs académiques, ses perversions et sa criminalité. Et ça a été repris, on le sait, par Judith Butler, etc.
Et donc, le post-modernisme, c’est de dire que rien n’existe, que rien n’est réel, qu’il n’y a pas d’oppression, qu’on ne peut pas retourner à la racine de quoi que ce soit, etc.
Et ça a donné les politiques queers et transgenres qu’on connaît aujourd’hui, qui sont basées sur des choses atroces. C’est pas dans le soin, tu vois, c’est vraiment axé sur la mise en danger de soi, le BDSM, la violence, les trucs comme ça. Enfin, encenser ces choses-là, Sade et tout.
Et du coup, aujourd’hui, c’est vraiment tellement prégnant dans notre société, dans les milieux très urbains, très de gauche, intelligentsia de gauche, etc. Moi, je suis à Paris, je ne vois que ça, par exemple. J’imagine que, quand tu es au fin fond de la pampa, dans le Centre France, tu as moins ce problème-là, même s’il existe quand même. Mais tu n’as pas ces personnes-là.
Et ces personnes, ces chantres de l’idéologie du genre qui, parfois, ne savent même pas, mais c’est juste en défendant, ils ne sont même pas politisés, ils sont même pas queer, machin, etc., mais c’est juste, je sais pas, le pauvre mec lambda qui est sur sa télé, qui passe sur un plateau télé, et qui va défendre ça.
Il contribue à ce que moi, j’appelle faire le totalitarisme de l’idéologie du genre, parce qu’en fait, c’est un véritable totalitarisme. Et tu vois, nous on est accusées, en tout cas les féministes radicales, d’être fascistes.
Mais non, le fascisme il est en face. Déjà tu vois, c’est déjà c’est basé sur une novlangue qui évolue tout le temps. Tu ne sais plus ce qui est transphobe et ce qui n’est pas transphobe. Il y a deux ans, tu pouvais écrire « femme » avec un X et c’était pas transphobe, et aujourd’hui tu écris « femme » avec un « X », et c’est transphobe.
Moi je vois des trucs dans des collectifs écolos dits queers et transphiles, comme « Voix Déterres », « Voix Déterres », qui a contribué, d’ailleurs, à l’annulation de la conférence de Lyon qu’on a tenue en novembre dernier. Et bien, “Voix déterres », c’est transphile au possible. Et c’est la meuf qui a fondé ça, Myriam Baafou, elle a écrit un truc qui s’appelle « Des paillettes sur le compost », et elle prône une résistance par la sexualité, par le BDSM, par la violence, par être une salope, (vraiment, j’invente pas) et par changer de genre, de sexe, se mutiler, le corps bleui par les hormones, la prise d’hormones, et tout. Enfin, bon, bref, c’est vraiment ce qu’elle écrit. Et ELLE, maintenant, tu vois passer sur Twitter, des posts, et ce collectif-là peut être taxé de transphobe parce qu’à un moment, ils ont pu dire telle chose ou telle chose.
Et c’est sans fin. C’est sans fin. Le novlangue transactiviste, il va tellement loin que c’est des mots, tu ne sais même plus ce que ça veut dire.
Ça change sans arrêt. Et tu es toujours en train de policer les uns et les autres pour savoir qui est transphobe, qui ne l’est pas, et c’est une société de contrôle, la société transactiviste. Et moi, je trouve ça insupportable.
Et donc voilà, c’était juste une dernière critique que j’avais : c’est le totalitarisme de cette idéologie qui est atroce. Voilà.
Moi, en tant qu’écoféministe, je lutte contre les dualités qui ont été imposées par le patriarcat. Et ces dualités-là, pour être rapide, elles vont d’un côté rassembler tout ce qui est humain, tout ce qui est masculin, à la culture et à la civilisation, donc tout ce qui est valorisé dans notre monde
Et de l’autre côté tout ce qui est féminin, tout ce qui est naturel, etc. C’est dévalorisé. Et c’est rattaché, enfin, les femmes et la nature et vraiment, c’est considéré, ça comme de la matière, des choses à changer, à ordonner, à, vraiment, dompter, dresser, tout ce que tu veux, tu vois, tout ce qui est rattaché, au vocabulaire, qu’on accorde aux femmes et à la nature.
Cette dualité-là, elle se retrouve aussi dans la dualité physique de l’humain et de l’humaine qui est qu’on va différencier le corps et l’esprit. Et on va dire que le corps, c’est la chose naturelle qu’on n’a pas choisie et donc c’est la mauvaise chose, c’est la chose qu’on peut transformer par des chirurgies, par des prises d’hormones.
Et l’esprit, c’est la chose qui a de la valeur, c’est la chose humaine, c’est la chose masculine, c’est la chose intellectuelle, c’est la science, c’est l’art, c’est tout ça.
Et le transhumanisme, il va vouloir créer quelqu’un de post-humain, donc il va tout mettre dans l’esprit, – maintenant le transhumanisme te parle de télécharger ton esprit sur un disque dur, et créer des personnes-machines, enfin créer un humain machine – , et le corps, et ben voilà, il est là pour être modifié, transformé, et tout ça. Et donc c’est pour ça que je critique le transactivisme, parce que la nature, c’est les arbres, c’est la planète, c’est tout ça, mais c’est nous aussi, et je ne dis pas “nous” en termes de la nature que je défends, mais c’est accepter son corps, accepter les limites dans lesquelles on existe, accepter ce qu’on appelle “le règne de la nécessité”, de la subsistance, le fait qu’on doit manger, qu’on doit boire, etc., accepter peut-être que tu as une jambe plus grosse que l’autre ou je sais pas, enfin voilà, et c’est comme ça, et c’est vivre dans son corps.
RDG – Nous sommes nos corps, on n’a pas le choix en fait.
Amal – C’est ça. Et le transactivisme, c’est quoi ?
“Nous sommes nés dans le mauvais corps.”
Donc tu vois, c’est cette différence-là.
RDG – Sans parler du côté complètement, religieux, mystique, ben je sais pas, tu imagines un esprit qui plane au-dessus des corps, et tchouc! Trompage.
Amal – C’est ça.
RDG – C’est complètement religieux.
Amal – Ben oui, c’est religieux. Mais tu sais, la religion, elle est basée sur cette différence corps-esprit aussi.
Je veux dire toute la religion catholique et tout, c’est le mythe de la délivrance, que tu dois délivrer ton esprit de ton corps, de la nature qui t’entoure, tout ça.
Donc à partir du moment où tu penses comme ça, ça explique aujourd’hui pourquoi on détruit la nature.
La nature qui n’est pas nous, c’est la part sauvage du monde, ça explique ça, c’est complètement une vision masculiniste qui te dit qu’on peut tout transformer, on peut aller creuser, on peut aller déforester, on peut aller tuer des habitats naturels, au nom de ça. Et maintenant, au nom de “transformer nos corps d’humains”, on va faire ça, on va aller créer des usines d’hormones, etc.
Je ne vais pas revenir, je l’ai déjà dit.
Mais donc c’est cet aspect-là qu’il faut bien voir dans le transactivisme, c’est l’aspect transhumaniste, qui lui-même lié à tout ce que veut dire ça par rapport à notre rapport humain à la nature.
RDG – En fait, c’est comme si c’était… Ils prônent une sorte de libération des corps, d’émancipation des corps, alors qu’en fait c’est de la libéralisation des corps, et de la marchandisation.
Amal – Et c’est toute la différence, c’est ça : c’est qu’ils ne savent pas ce que c’est que la liberté.
Mais en tout cas, ils sont libéraux, ça c’est clair!
J’en reviens à cette prière de la sérénité, où il faut juste qu’on accepte ce qu’on ne peut pas changer.
RDG – Oui. Alors, on va passer à la question suivante, si tu veux bien.
Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner aujourd’hui de façon anonyme? Et est-ce que tu peux nous parler des pressions, des menaces ou du danger que tu pourrais percevoir dans ton entourage professionnel ou personnel ? Ou est-ce que éventuellement tu pourrais dire que tu te sens parfaitement en sécurité pour parler librement ?
Amal – Alors moi, c’est une question assez difficile.
Non, moi je ne me sens pas en sécurité pour parler librement de transactivisme.
Je me protège un peu dans ma vie en général.
J’ai vu ce qui arrive en France, et à travers le monde, à toutes les femmes qui lèvent leur voix contre l’idéologie du genre. Je pense en France, à Dora Moutot, à Marguerite Stern, comme j’en parlais tout à l’heure. Aux États-Unis, à Posie Parker, il y a Maya Forstater, tout ça, enfin, toutes ces femmes-là. JK Rowling! Enfin, toutes ces femmes… On voit ce que ça fait, le cyber-harcèlement, sur elles, c’est un truc de dingue. Moi, c’est personnel, mais je pense que, de la même manière qu’il y a eu des attentats, d’incels à Toronto récemment, je pense que il y a un truc qui va se passer, qu’il y a une limite qui va être franchie dans la violence transactiviste envers les féministes radicales.
Et je ne veux pas me faire Cassandre ou figure de mauvais augure, mais je pense que, à un moment, ça va forcément escalader et voilà. Et de toute façon, c’est déjà un état qui est gravissime quand on pense à l’état de cyber-harcèlement que subissent toutes ces femmes, quand on pense aussi au cancelling et tout ça.
Donc moi, dans ma vie privée, je n’ai pas envie que…
RDG – Ce n’est pas seulement, excuse-moi, mais c’est pas seulement du cyber-harcèlement, par exemple, J.K. Rowling, il y a des transactivistes qui se sont filmés devant sa maison.
Dora Moutot, il y a des gens qui ont dégradé la porte de son logement.
Dans mon entourage proche, j’ai quelqu’un qui a eu un collage juste sur son immeuble, un collage queer.
On peut penser à cette youtubeuse américaine, je n’ai plus son nom en tête, mais qui a été carrément menacée, enfin, dont les enfants ont été menacés par le youtubeur qui se dit non binaire et qui…
Amal – Celui qui se fait passer, celui qui éduque les enfants, là?
RDG – C’est ça! Qui dit : “Je vais être votre mère d’Internet.” La vérité, c’est qu’il y a des menaces. Parce que, quand même, là ils ont trouvé : les horaires où elle déposait ses enfants à l’école, l’adresse des enfants, etc, et tout ça. Et puis c’est des menaces qui sont tout à fait réelles, pas seulement du cyber-harcèlement. Je veux dire, cette femme, elle est terrifiée pour ses enfants. C’est ça, la vérité. La vérité, c’est qu’on supporte de se taire, parce qu’on sait très bien qu’il y a des menaces absolument réelles sur la vie, NOS vies, et celles de nos enfants.
Amal – C’est clair. Oui, j’ai envie de me protéger, parce qu’il y a des impacts sur la vie, que ce soient des menaces en ligne, en réel, tout ça. Et on le voit chez les autres activistes, et voilà, moi, je n’ai pas envie que ça m’arrive. Je trouve ça très courageux, les femmes qui vont sur le devant de la scène, et qui donnent leur identité. Moi je pense que, je ne sais pas, je pense que c’est incontrôlable, la violence, qu’elle soit en ligne ou en réel, des transactivistes. Donc j’essaye un peu de me protéger. Je ne sais pas si ça marchera tout le temps, mais je me dis que je verrai bien. On ne peut pas prédire, en fait.
Je trouve qu’il y a des personnes qui, parfois, arrivent à passer un peu entre les mailles du filet. Généralement c’est des hommes. Quand je pense à Ricky Gervais, qui… tu sais, l’humoriste britannique? Tu sais, c’est le cynisme des hommes, tu vois, il peut faire des blagues hyper cyniques, ça fait rire tout le monde. Mais évidemment, il fait partie de la classe dominante, donc il a l’apanage de faire des blagues comme ça, tu vois, un peu dégueulasses, ou hyper dures, mais je m’en fous, des fois, ça me fait un peu rire, tu vois, eh bien en 2022, il a sorti un spectacle sur Netflix. Et dans ce spectacle, il se fout de la gueule des trans. Mais c’est vraiment, mais à un level, enfin, c’est, c’est assez dingue! Eh bien AUCUNE conséquence pour lui : deux, trois personnes disent “oh, Ricky Gervais… et tout…” Mais il est toujours sur Netflix, il est toujours multimillionnaire. Dernièrement, il a fait l’animation des Golden Globes, tu vois, genre : tranquille! Et à côté de ça, il y a un mois, je crois, il y a une universitaire en Angleterre qui a été cancelled parce qu’elle devait intervenir dans une université, et des militants trans de l’université ont trouvé que, il y a un an, elle avait partagé la vidéo du spectacle de Ricky Gervais en disant : “Ah, il y a quand même un peu de vérité là-dedans.” Et du coup, BAM, cancelled.
RDG – Deux poids, deux mesures, comme d’habitude.
Amal – Tout le temps. Tout le temps, deux poids, deux mesures.
Mais du coup, voilà. Donc, si tu es Ricky Gervais, tu passes. Si tu n’es pas Ricky Gervais, voilà. Moi, je suis Amal ; je ne suis pas Ricky Gervais, donc je me protège un peu.
J’ai pas… Après, je t’avoue, j’ai pas peur pour l’instant. Je ne vis pas dans la peur de ce qui pourrait m’arriver. Mais je reste très prudente.
RDG – As-tu une ou plusieurs anecdotes à raconter sur un ou plusieurs événements qui t’auraient marquée concernant la transidentité ou le transactivisme?
Amal – J’ai plusieurs événements, mais le gros, principal, c’est que j’ai vécu avec mes camarades, et mes sœurs de lutte, une annulation, un cancelling, comme on dit. En fait, c’était en novembre dernier, à Lyon. On organisait, avec Floraisons et Deep Green Resistance, une conférence éco féministe. Donc vraiment le sujet, c’était l’éco féminisme, ce n’était pas la question du genre. C’était l’éco féminisme, c’est méconnu, c’était raconter l’analyse, l’histoire. Comment on en vient à penser que destruction de la nature et domination des femmes sont liées depuis des millénaires, et depuis l’avènement de la civilisation patriarcale, etc. C’était vraiment axé là-dessus. Mais il y avait le nom “Deep Green Resistance”, il y avait le nom “Floraisons”, c’est deux mouvements qui sont identifiés comme “transphobes”, (et je mets des guillemets) dans les milieux militants de gauche, libéraux, etc.
Et donc, on prépare l’événement. On est très prudents. Dès le début, on se dit qu’on fait une communication légère. Au début, on devait être accueillis par la Maison de l’écologie de Lyon, qui était censée être, un peu, nos alliés. Ils savaient très bien ce qu’on pensait sur le genre.
“Mais non, on vous accueille, il n’y a pas de problème, on fera en sorte que ça tienne, et tout.”
Derrière la maison de l’écologie de Lyon, il y a des élus EELV. Et du coup, nous, on se sentait un peu rassurés. On a un peu communiqué, on a mis des affiches, voilà.
Et une semaine avant l’événement, raid sur les réseaux sociaux, sur la maison de l’écologie, par, notamment, Voix Déterres, dont je parlais plus tôt, et d’autres collectifs. Je crois qu’il y avait Desobéissance Écolo, enfin il y en avait plein, et qui ont vraiment dit : “Non mais c’est pas possible!” Ont laissé des centaines de messages, disant qu’on était transphobes, que c’était vraiment une aberration de nous accueillir pour parler d’écoféminisme, etc. Et donc, la maison de l’écologie a fini par plier.
Et sans nous prévenir, a dit : “L’événement est annulé.”
Et du coup, nous, on ne s’est pas laissés faire.
Moi, ce que ça m’a donné, ça c’était vraiment genre… Tu vois, quand je te disais, tout à l’heure, que je n’ai pas peur, et tout?
J’étais là, genre : “Non mais attends, je ne vais pas subir ça, je ne veux pas être annulée. On ne m’annule pas.”
Et du coup, j’ai tout de suite eu un truc, genre : “Non mais écoute, on va la faire. Qu’on la fasse sur un trottoir, sur un bout de trottoir, qu’on la fasse à deux, qu’on la fasse juste enregistrée, je ne sais pas, je m’en fous. Cette chose va arriver. On ne nous silenciera pas.”
Et ça a donné, un peu, cette niaque, tu vois. Et du coup, en une semaine, on a établi un truc qui était assez dingue, une culture de sécurité hyper forte dans laquelle on avait trouvé un lieu. On ne l’a pas révélé, enfin on ne l’a révélé qu’au dernier moment. On a filtré les profils des participants, etc. Et donc on a mis en place des stratégies.
Et je pense que c’est ça que m’a donné cet événement, et l’organisation de cet événement, c’est la possibilité de dire aux féministes : “Non mais attendez, on ne va pas se laisser silencier, il y a des moyens de contourner. Il y a des stratégies à mettre en place, et des tactiques, et tout. Et en fait, c’est possible. Et donc, voilà. C’est ce que ça m’a donné, comme énergie.
Et on a réussi à la faire.
Au final, il y a quand même… Je crois qu’on était qu’une quarantaine de femmes qui sont venues de Belgique, du sud de la France, etc. C’était un truc de dingue. Elles se sont toutes déplacées, certaines avaient peur, enfin voilà. Pour les rassurer, on avait embauché des vigiles, enfin vraiment, on avait fait les choses carrées, tu vois.
Et ça a été exceptionnel. Franchement, c’était trop bien. Et d’ailleurs, cette conférence, si vous voulez l’écouter, elle est sur le site de Floraisons.
RDG – Je l’ai déjà écoutée effectivement c’est remarquable, d’ailleurs, comme tout ce que fait le podcast Floraisons en général, que je vous invite à aller voir, découvrir, et bien sûr à vous abonner. Moi je n’y étais pas, je ne pouvais pas y être, mais effectivement, j’ai suivi tous les événements. J’étais vraiment un peu sidérée.
Parce qu’il n’y avait pas seulement le harcèlement. Il y avait quand même des menaces. Il y avait quoi, comme genre de menaces?
Amal – On avait beaucoup de “Ouais, il faut les annuler, on va vous empêcher de la faire…” Mais tu sais, ce genre de menaces un peu diffuses, où tu sens qu’il y a de la violence derrière. Mais il y avait, faudrait peut-être que mes camarades me corrigent, il y avait beaucoup plus de, voilà, de trucs “il faut l’annuler” et moins de “on va vous casser la gueule si vous la faites”. Il y avait un peu de messages comme ça, mais vraiment genre mode “attention, on vous prévient que si vous la faites, ça va mal se passer”, quoi. Voilà, c’était plutôt dans ce sens-là.
RDG – Parce qu’il y a récemment eu un événement sur Saint-Étienne qui a été annulé aussi. Et par contre, il y avait vraiment des menaces de “on va venir et ça va être violent”. Voilà. Je crois que c’est les mêmes, d’ailleurs.
Et finalement, avec le recul, quel bilan tu en fais, toi, pour toi?
Amal – Alors, ça a été pour moi, ça a été comme je te l’ai dit, ça a été un truc qui m’a fait me dire : on peut se battre. On a les moyens, on a les ressources pour se battre contre ça, il ne faut pas accepter d’être silenciées, on ne peut pas l’être. Et c’est trop important de dire ces choses-là.
Donc, à chaque type de cancelling qui peut arriver, je pense qu’il y a des moyens de contourner.
Il faut qu’on les trouve. Il faut qu’on les emprunte, c’est tout, voilà, tout le temps.
Sinon, on fait mourir le féminisme, et on fait mourir nos voix.
Et ça n’existe plus.
On l’a fait là, sur cette conférence, mais je pense à toutes ces femmes qui ne se taisent jamais. Mais vous avez raison. Continuez. Enfin, continuez, quoi.
Et à dire à celles qui ont peur : ce n’est pas grave, il y en a d’autres qui parlent. Et puis de toute façon, si vous êtes en soutien, c’est déjà tellement bien d’être là, en soutien. C’est tellement précieux. Et au final, on va se battre vraiment très fort.
RDG – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.
S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe :
womensdeclaration.com
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Rebelles du genre – Épisode 69 – Muzhghan
Muzhghan – Bonjour, je m’appelle Muzhghan, j’ai 27 ans, je suis d’origine afghane et je vis à Bordeaux.
J’ai décidé de témoigner pour la page Rebelles du Genre après avoir passé à peu près 8 mois dans un cabinet de médecine esthétique en tant que lasériste et assistante polyvalente, car après avoir rencontré la patientèle, j’ai vu pas mal de choses qui m’ont choquée et qui m’ont poussée à me poser des questions.
Alors, j’ai commencé à me poser des questions sur le genre et l’identité avant même de commencer à travailler dans l’esthétique. J’ai une sœur qui est bisexuelle et que j’ai toujours soutenue parce que c’était ma sœur aînée, et qu’on était très proches et fusionnelles. Quand elle a découvert sa bisexualité, elle a eu beaucoup de rencontres, elle a découvert un “nouveau monde” entre guillemets, et elle a intégré le groupe qu’on appelle aujourd’hui LGBTQ+ et j’ai oublié les autres lettres !Rebelles du Genre – Bonjour et bienvenue sur le podcast Rebelles du genre. Nous sommes des femmes, militantes, pour l’affirmation et la protection des droits des femmes basés sur le sexe, et donc notre biologie. Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes et le genre en est le moyen.
Nous sommes les rebelles du genre.
Nous observons aujourd’hui avec fureur des hommes qui envahissent nos espaces, agressent nos sœurs, revendiquent nos droits.
Conditionnées à la gentillesse et touchées par leur victimisation, les femmes mettent en général un certain temps à comprendre l’arnaque du mouvement transactiviste et commencent souvent par soutenir cette idéologie.
Puis, elles ouvrent les yeux, constatent sa violence et la refusent. Ce podcast est là pour donner la parole à des femmes qui expliqueront pourquoi et comment elles sont devenues critiques du genre et qui témoignent de leur parcours. Écoutons leur parole.
Muzhghan – Et du coup, moi, via ma sœur, j’ai côtoyé ces personnes. Parmi ces personnes, il y avait des personnes trans. Et j’ai toujours été gênée par ce côté très égocentrique, très superficiel, parce que ces personnes passent leur temps à parler d’elles-mêmes, à se focaliser sur elles-mêmes, sur leur apparence, sur la manière dont elles sont perçues. Tellement qu’on n’arrive pas à en placer une, et pour moi ce n’est pas agréable. Avoir une relation avec quelqu’un, ça doit être donnant-donnant. Chacun doit avoir sa place… Et d’aller passer de s’exprimer comme il ou elle le souhaite, et moi ça m’a toujours dérangé. Mais je n’ai jamais rien dit parce que de toute façon je n’avais jamais creusé la question avant de travailler en médecine esthétique.
Après, il y avait il y avait plusieurs échanges avec des personnes de la communauté qui m’avaient dérangée aussi, notamment parce que j’ai été victime de viol et quand je l’ai annoncé à mon entourage, petit à petit (d’abord à mes amis proches puis à d’autres personnes), j’ai eu des réactions différentes.
Il y a eu des personnes qui m’ont soutenue, des personnes qui m’ont simplement écoutée, et puis il y avait ces personnes trans, ou ces personnes qui étaient très égocentriques, qui enchaînaient sur leurs problèmes, sans prendre en compte ce que je venais de raconter. Et ça, pareil, c’était vraiment choquant pour moi.
Donc voilà, il y avait un peu tout ça.Et puis j’ai commencé à travailler dans l’esthétique et ça c’est plutôt mal passé parce que c’était un contrat que j’ai eu grâce à un piston. J’ai travaillé avec une amie (enfin j’imaginais que c’était une amie) et en arrivant (comme toute personne qui arrive pour travailler dans l’esthétique) on lui demande si c’est d’accord pour elle de… Enfin on lui demande si cette personne est à l’aise avec la nudité.
Et moi, concrètement, je n’ai jamais eu de problème avec la nudité ; j’ai toujours été OK : c’est professionnel, je ne suis pas là pour regarder les gens, ils ne sont pas là pour me regarder, je fais mon travail. Et là, c’est dans le cadre de l’épilation au laser.
Donc aucun problème pour moi de voir des gens nus.Mais je ne m’attendais pas à voir ce que j’ai vu. C’est à dire que je m’attendais à beaucoup plus de femmes que d’hommes ou que de personnes trans, et finalement j’ai eu une patientèle à 90% constituée de personnes trans.
Alors du coup, je faisais mon travail comme tous les jours, et petit à petit je me suis rendue compte que j’avais de plus en plus de responsabilités et que ma patronne était de plus en plus absente. Donc je la remplaçais pour beaucoup de tâches pour lesquelles je n’étais pas censée la remplacer.
Je pense au passage de la carte vitale, à la signature des feuilles de soins, et à ma manière de remplir les feuilles de soins. Alors, pourquoi feuille de soins ? Parce que les personnes en transition ont ce qu’on appelle une ALD. L’ALD 31. Il y a plusieurs ALD. C’est une affection longue durée.
Je ne sais pas concrètement ce que ça représente, mais en tout cas c’est une attestation que ces personnes obtiennent dans le but de changer de sexe. Enfin aujourd’hui ça porte la confusion parce que ce n’est plus une question de sexe.
Et dans ses papiers, dans cette attestation, on stipule la dysphorie de genre.Donc cette ALD leur permet d’avoir une prise en charge à titre de 43,43 € pour toute épilation. Alors encore une fois, je suis confuse par rapport aux règles réelles puisque dans le cabinet où j’étais, au fur et à mesure que les semaines passaient, je m’occupais de plus en plus de ces choses là. Et j’avais des consignes qui étaient de remplir la feuille de soin avec plusieurs dates, ou de passer les cartes vitales en notant plusieurs dates de passage pour chaque patient et je ne comprenais pas vraiment ce que je faisais au départ. Et puis au fur et à mesure, j’ai compris qu’en fait c’était de la fraude à la sécurité sociale. Parce que, tout simplement, c’était déclarer recevoir une personne plusieurs fois (or ce n’était pas le cas) dans le but de lui rembourser ses prestations, totalement.
RDG – Donc en résumé, si je comprends bien, des personnes (des hommes, en fait) venaient se faire épiler au laser dans le cabinet et tu avais une consigne qui était de considérer que chaque fois qu’ils venaient, ils venaient en réalité trois ou quatre fois du point de vue de la sécurité sociale. C’est ça?Muzhghan – Voire plus, dépendant de la prestation. Donc par exemple, une personne qui venait pour s’épiler le corps entier (une personne trans) avait un montant de 680 euros à régler, donc la personne payait la somme. Mais par la suite, elle était remboursée de 584 euros minimum. On mettait en fait 13 à 14 dates de passage pour un corps entier.
RDG – Et vous le faisiez combien de fois ce corps entier ?
Muzhghan – En une séance. En une séance d’une heure.
RDG – Ok.
Muzhghan – Donc voilà pour un corps entier. Pour un visage, alors un visage épilation au laser, ça coûte environ 120 euros. Pour leur faire la prestation gratuitement, on leur faisait 130 euros 29, et il y avait un remboursement total puisque c’est un multiple de 43 euros 43. C’est 3 dates, tout simplement. Ça équivalait à trois dates pour le visage.
RDG – D’accord, donc en fait ta patronne est médecin en fait, c’est ça ?
Muzhghan – Oui, médecin.
RDG – Donc en esthétique ?
Muzhghan – Elle est médecin généraliste à l’origine.
RDG – Médecin généraliste. De mieux en mieux. Donc elle pratiquait la médecine esthétique et l’arnaque à la sécurité sociale.
Muzhghan – Exactement. Et ce n’est pas seulement elle, c’est beaucoup, beaucoup de spécialistes (enfin beaucoup de médecins) qui ont ouvert des cabinets en esthétique et qui se permettent ce genre de fraude.
Et j’ai pas mal de noms que je ne citerai pas, mais j’ai pas mal de noms.RDG – D’accord. Donc en fait, ils travaillent essentiellement avec une clientèle qui est trans.
Muzhghan – Oui, parce que ce sont des personnes qui sont dans le besoin contrairement à une femme qui viendrait et qui choisirait le cabinet qui propose le tarif le moins cher et le meilleur service. Là, on a des personnes qui sont preneuses de tout ce qui est possible gratuitement. Donc le médecin qui va mettre le plus en danger son métier, son diplôme, c’est ce qu’il va attirer. Et on est sûr d’avoir une patientèle qui viendra régulièrement et qui aura toujours besoin, puisque ces personnes là, malgré leur prise d’hormones et leur bloqueurs de testostérone, ça reste des hommes. Ça reste des hommes donc avec barbe, avec poils au torse, poils au dos, pour la plupart très poilu quoi.
RDG – Tu te retrouves donc esthéticienne dans un cabinet médical à pratiquer des épilations au laser sur des corps d’hommes qui se disent femmes (ou en tout cas qui le prétendent) et petit à petit tu te rends compte que ce ne sont pas vraiment des femmes quoi.
Muzhghan – Non, ce ne sont clairement pas des femmes. Et puis après avoir découvert cette situation frauduleuse, je me suis rendue compte aussi qu’il y avait pas mal de problèmes, finalement, dans la manière de penser de ces personnes.
Ça a commencé par une patiente (un patient du coup) qui, à la première consultation, m’a demandé si c’était possible de faire le corps entier mais de laisser certains poils aux jambes, surtout en bas des jambes, pour qu’il puisse aller à l’Institut se faire épiler à la cire comme les femmes cis. Et je me suis dit : “Ouh là, il y a un souci.”. Ces personnes voient les femmes cis comme des personnes qui ont un rituel mensuel et qui vont se faire épiler à la cire tous les mois parce que c’est un délire. Ce n’est pas un délire
RDG – Donc on est d’accord que c’est un homme qui ne voulait plus de poils, mais il voulait quand même des poils.
Muzhghan – Voilà, il voulait des poils de femmes et il voulait pouvoir rejoindre toutes ses copines, les femmes, à l’Institut pour faire de la cire. Voilà.
Je n’ai pas osé lui dire que moi je me rasais les jambes une fois par mois et encore quand je suis motivée.Il y a eu les situations d’épilation… Après 10 séances, généralement on se retrouve avec un duvet très fin partout dans le corps et la plupart des trans m’ont demandé de repasser sur les bras avec le réglage maximum parce qu’ils avaient encore des poils. Je regardais mes bras et je me disais : “Mais c’est normal, c’est un corps humain.”.
RDG – D’accord. En fait je ne comprends pas. Tu dis qu’après 10 séances… Parce qu’ils revenaient dix fois faire ça ?
Muzhghan – Ah oui et voire plus.
RDG – Alors attends, ils font 10 fois les 700 euros ?
Muzhghan – Oui, et c’est sans compter les séances de visage entre chaque corps entier, parce que le visage il faut le faire plus régulièrement et plus souvent que le corps, parce que les poils sont beaucoup plus résistants sur le visage. Donc on avait des personnes qui passaient littéralement toutes les trois semaines et une fois sur deux, c’était corps entier
RDG – Mais ça coûte combien au total?
Muzhghan – Pour épiler un trans ?
RDG – Oui.
Muzhghan – Pour qu’un trans n’ait plus de poils du tout, déjà ce n’est pas possible. Ce n’est pas possible tout simplement, parce qu’aucun être humain ne peut plus avoir de poils. Ça n’existe pas. On est poilus, il faut l’accepter. Alors pour un trans, pour qu’il arrive à une “pilosité féminine” entre guillemets, il lui faudrait au moins 12 à 15 séances, voire plus pour le visage. Donc il faut compter 12 fois 700 euros et 15 fois 130 euros. Je n’ai pas fait le calcul, honnêtement. Mais ça fait beaucoup d’argent.
RDG – Et tout ça prit en charge par la Sécurité Sociale ?
Muzhghan – Exactement. À savoir que dans le cabinet où je me trouvais, on était à 200 patients trans au total, et ça continue d’augmenter. Même aujourd’hui, maintenant que je n’y suis plus, ça continue d’augmenter. C’est énorme comme somme d’argent.
C’est de l’argent qui pourrait servir pour d’autres soins utiles, médicaux et non esthétiques.
RDG – Attends, je suis en train de faire le calcul. 700 fois 12, déjà ça fait déjà 8400 euros. Et le visage? Tu as dit…?
Muzhghan – 130 x 15. Et ça, c’est vraiment le minimum.
RDG – Ah ouais… Bon, en gros on est au minimum à 10000 balles.
Muzhghan – Par personne. Sachant qu’il y a environ 200 personnes dans le cabinet où j’étais. Il faut compter que dans les autres cabinets, il y en a aussi autant, si ce n’est plus.
RDG – Donc c’est un business qui rapporte quoi.
Muzhghan – Beaucoup.
RDG – On peut dire ça. Qui coûte ! En tout cas, les femmes qui continuent de s’épiler apprécieront, quand elles le font de façon payante.
Muzhghan – C’est ce que je leur disais la plupart du temps quand ils me demandaient les remboursements avant même que je leur explique la possibilité de faire la fraude, parce qu’il ne fallait pas l’ébruiter, bien évidemment. Ça met en danger le ou la médecin qui pratique la fraude. Donc ça, on ne le révélait pas dès le premier rendez-vous à tout le monde. Ça dépendait des profils.
Donc les personnes qui étaient intéressées, on leur parlait du tarif corps entier et à ce moment-là, on expliquait comment ça fonctionnait. Et tout de suite, ça fonctionnait quoi.
Après avoir réalisé que tout ça c’était de la fraude, que finalement j’aidais des gens à obtenir des soins gratuits alors que moi même je n’avais pas le droit à ces soins là gratuitement, j’ai trouvé ça super injuste.
Ensuite, ça s’est enchaîné sur mon constat de leur manque d’hygiène parce que c’est incroyable ce qu’un homme n’est pas éduqué comme une femme. Alors nous, on nous apprend à sentir bon, à se faire belle, à ne jamais déranger par notre odeur, à ne jamais déranger les hommes par notre manque d’hygiène.
Je veux dire là, ce sont des hommes qui veulent devenir des femmes mais qui finalement puent des pieds, ne se coupent pas les ongles des orteils, mais portent des baskets. J’ai vu des ongles de 10 cm courbés, jaunes, sortir de snickers. J’avais des hauts le cœur.
J’ai vu des patients trans qui demandaient épilation du visage et des jambes. Je ne m’attendais pas à sentir d’odeurs. Et mon Dieu… Je n’aime pas dénigrer, mais ça sentait le caca de la tête aux pieds. De la tête aux pieds. Je me demandais comment ces personnes-là faisaient pour se laver.Bref, il y avait beaucoup de choses comme ça. Des champignons sur la peau, des traces de scarification. Parce qu’il ne faut pas oublier que la dysphorie de genre, c’est une maladie avant tout, c’est un problème psy, que ces personnes là devraient être suivies psychologiquement, et elles ne le sont pas pour les 90%, 99% je dirais même en France, parce que c’est un business, finalement, pour le corps médical. Ce sont des personnes sur qui on peut expérimenter des choses, à qui on peut faire gober n’importe quoi.
Parce qu’il y a aussi autre chose. Récemment, j’ai lu que les bloqueurs d’hormones et la prise d’hormones artificielles avaient un impact sur les neurones et sur le cerveau. Alors ça, je n’ai pas vérifié si c’était réel ou pas mais j’ai pu constater chez des patients qu’à chaque séance, ils étaient un peu plus abrutis.
Je suis désolée pour le terme, mais le cabinet n’a jamais changé. À chaque rendez-vous, on avait le même protocole : la personne se présente, j’encaisse d’abord, je donne la feuille de soin à signer et je fais passer la carte vitale. Ça se passe toujours de la même manière. Il y a toujours eu un pot de stylo sur le comptoir et à chaque fois, j’ai les mêmes réactions. Les personnes entrent au cabinet, elles me font limite manger leur carte vitale parce qu’elles ont peur de ne pas être remboursées, on me demande toujours si j’ai un stylo alors que le pot est devant le nez.
Quand on entre en cabine, c’est toujours pareil. Les trans ne savent pas qu’il faut s’installer. Il faut leur répéter, les guider pour chaque geste, chaque étape. En fait, on peut remarquer la dégradation du cerveau dans les comportements.
En bref, tout ce que je voyais tous les jours m’a mené à conclure que ces gens-là ne sont pas bien guidés. Ils n’ont pas de suivi comme ils le nécessitent et ils sont poussés à se détruire. Ils sont shootés par des espèces de traitements hormonaux qui finalement ne leur apportent rien qu’une espèce d’euphorie qui camoufle leur sentiment dépressif et peut-être ce côté un peu… je ne sais pas… cette dysphorie de genre.
Donc j’ai bien compris, au bout d’un moment, que c’était n’importe quoi.
Arrivé un jour où j’étais à bout au niveau psychologique moi-même, parce qu’en fait c’est une charge mentale. C’est une charge mentale de voir ces personnes-là tous les jours, de devoir entendre ce qu’elles ont à dire (parce que j’en ai entendu des choses), de devoir s’en occuper, d’être tout le temps seule avec moi-même, je n’avais pas de collègue, ma patronne n’était pas sur place, je n’avais personne avec qui échanger… Donc, du matin au soir à côtoyer ces personnes, un jour je suis arrivée à bout. J’étais fatiguée physiquement, moralement et j’ai écrit.
Je réagissais aux stories de Marguerite Stern parce que je voyais les articles qu’elle publiait. Je voyais du coup le groupe femelliste qui s’est créé et j’étais très heureuse de voir des gens partager mon opinion. Donc j’ai décidé d’écrire à Marguerite Stern, j’ai réagi à ses stories, je l’applaudissais à chaque publication et elle a fini par me répondre, un beau jour où j’étais au travail, et on a pu échanger quelques messages. En tout cas, elle a su m’entendre et avoir de l’empathie et ça m’a fait du bien parce que je pensais vraiment être seule dans mon délire.
Je pensais être seule à penser ce que je pensais dans mon entourage parce qu’avec ma sœur qui est engagée dans les groupes LGBTQ et mes amis qui n’ont pas eu à côtoyer les trans, je pensais vraiment être seule dans ce combat. Et de pouvoir partager avec quelqu’un qui comprenait, c’était super agréable, ça m’a ouvert les yeux et cet échange m’a donné le courage, finalement, de quitter ce poste sur lequel j’étais clairement exploitée.
Je m’occupais de l’ouverture, de la fermeture, de l’entretien des locaux, de la gestion des rendez-vous, du planning, le déroulement des rendez-vous, les soins et tout ce qui s’ensuivait. C’était beaucoup trop pour une personne. Et je me laissais aller parce que je me disais : “Bon… C’est pour une amie. Bon… Je lui rends service.”. Et au final, je n’en pouvais plus parce que ce public était trop difficile à gérer.J’ai fini par contacter la page Rebelle du Genre après avoir regardé quelques stories et avoir découvert votre contenu, posté des commentaires sur votre page, lire les articles que vous publiez, écouté les témoignages. Ça m’a redonné de la force, ça m’a permis de réaliser dans quoi j’étais enfermée. Il fallait que, du coup, je me libère de tout ça et que je vide mon sac, et j’avais besoin de le faire. Donc je vous ai contacté pour cette raison.
Ce n’était pas uniquement dans le but de vider mon sac mais aussi pour sensibiliser les gens, pour partager mon expérience, mes anecdotes, pour que tout le monde entende ce que c’est de transitionner.RDG – On a bien compris que le but n’était pas seulement de vider ton sac, même si ça fait partie de tes motivations, mais aussi de partager ton expérience et ça c’est très important. C’est précieux, en fait. Et puis d’informer. D’informer les gens de ce qui se passe.
Muzhghan – Je vois que de plus en plus de gens publient sur ce côté malsain de la médecine mais il n’y a pas assez de témoignages dessus, j’ai l’impression.
RDG – C’est un sujet qui est complètement tabou.
Muzhghan – Mais après je ne pense pas que les gens aient conscience du montant que ça représente. Le montant de la fraude à la sécu.
RDG – Non, non. Tu es la première de nos témoins à donner des chiffres. On est très contentes que tu le fasses parce que quand tu entends… que tu mets 10 000 boules juste pour enlever les poils… Mais sans déconner quoi…
Muzhghan – Et encore, elle avait les tarifs les plus bas. Parce que c’est un cabinet très jeune. C’est un cabinet qui a deux, trois ans. Elle qui l’a ouvert début COVID il y a 3 ans. Il faut savoir qu’il y a d’autres docteurs. Il y a plein d’autres médecins qui font ça, qui le font depuis beaucoup plus longtemps, et qui le font beaucoup plus cher.
Je sais qu’il y a un médecin qui fait des visages pour 6 dates, donc 6 dates ça équivaut à 6 x 43,43 €. Dans les 300 euros par visage.
RDG – Six dates…. Ça me dégoûte.
Muzhghan – Oui. Concrètement, ils parlent en QZ. Parce qu’il y a un code de remboursement apparemment. Il y a des codes pour chaque prestation. G pour généraliste. QZNT pour le laser, l’épilation.
Ça ne devrait même pas faire partie des codes de trucs à rembourser. C’est de l’épilation. Parce qu’il faut savoir que les hommes payent plein pot aussi. Les hommes payent plein pot. Pour les hommes non trans, je veux dire les gays, les hommes hétéros, tout le monde.
RDG – Sauf s’ils disent qu’ils sont trans.
Muzhghan – Il s’est passé quelque chose. Une drag queen (enfin un drag queen) avait aussi l’ALD des trans alors que ce n’est pas un trans. C’est juste arrangeant pour lui. Il est efféminé, ça passe.
RDG – Bref ! Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour notre société, pour la démocratie ?
Muzhghan – Parce que pour moi, on perd un cadre dont l’être humain a besoin. Parce que l’être humain (comme tout espèce) si il n’a pas un enclos (moi je ne dis pas un enclos serré, mais un enclos), on se perd. On va dans tous les sens. On perd l’équilibre dans tous les domaines.
Et puis parce que c’est une insulte. Qu’est-ce que ça veut dire finalement de ressentir être une femme ? C’est une insulte. Moi en tant que femme, je me sens insultée quand je les vois.
D’une part, j’ai une anecdote très récente. J’étais au KFC, il y a deux jours, pour manger, et j’ai entendu une dame se plaindre qu’un homme entrait dans les toilettes des femmes et elle a commencé à crier dans le restaurant. Elle a fini par dire : “On ne mélange pas hommes et femmes.”. J’ai eu un fou rire, mais c’était un fou rire de nerfs parce qu’aujourd’hui c’est ce qu’ils veulent. Ils veulent mélanger les hommes et les femmes. Et, en fait, on s’est battues pour que les hommes et les femmes ne soient pas mélangés.
D’autre part, des enfants n’ont pas à avoir le choix. Il n’y a pas de choix à faire. Ils sont nés avec un sexe et on ne leur assigne pas de sexe. Ils sont nés avec ce sexe. Ils sont soit homme, soit femme. Pour moi, dire à un enfant qu’il a le choix, c’est le pousser à faire des choses que peut-être il ou elle regrettera une fois adulte. C’est dangereux. On a vu les résultats. On a vu les séquelles.
Et moi je l’ai vu en live parce que mes patients qui venaient pour l’épilation, la plupart on fait des chirurgies. Certains étaient dans l’attente de faire la transition du sexe donc littéralement couper leur zizi, de se castrer. Demain, s’ils ont un regret, ce n’est plus réversible. C’est irréversible et je trouve ça dommage parce que, dans tous les cas, ça ne fait pas d’eux des femmes. Ils n’auront toujours pas le système reproductif d’une femme. Pour moi, c’est de la mutilation. C’est se détruire.RDG – Qu’est-ce qui t’a décidé à témoigner de façon anonyme ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Est-ce que tu perçois un danger dans ton entourage professionnel ou personnel ? Est-ce que tu as peur ? Ou est-ce que tu te sais complètement en sécurité pour parler librement ?
Muzhghan – Alors non. Aujourd’hui, j’ai décidé de témoigner de manière anonyme parce que justement j’ai subi des menaces. L’association Fransgenre s’est permis de contacter ma patronne après avoir découvert mes propos sur la page Femelliste sur Instagram. Mes commentaires sur la page ont été capturés et ont été envoyés à ma patronne par l’association Fransgenre. Plusieurs de leurs membres avaient trouvé mon profil Instagram et avaient fait des recherches via LinkedIn pour retrouver mon lieu de travail. Donc ces personnes étaient menaçantes.
Par la suite, il a eu plusieurs mails dans la boîte professionnelle et sur l’Instagram du cabinet dénonçant mes propos transphobes. Donc je ne veux pas que ces personnes retrouvent mon adresse parce que, effectivement, ces personnes sont dangereuses. Je sais qu’aujourd’hui Dora Moutot et Marguerite Stern reçoivent des menaces de mort. Je ne veux pas me retrouver dans cette situation parce que je n’aurais pas de moyens pour me défendre face à ça.
D’autre part, ma sœur a été complètement engrenée dans ces structures, dans ces associations, et elle est du même avis que les personnes en transition, c’est-à-dire que l’on peut choisir son identité et changer de sexe, et que le sexe est une construction sociale qui peut changer tout au long d’une vie. Et ça, ça a provoqué de longues querelles avec ma sœur aînée. Donc je ne préfère pas qu’elle sache que j’ai témoigné.RDG – Est-ce que tu as une anecdote ou plusieurs à raconter sur un ou des événements qui t’auraient marqué concernant la transidentité ou le transactivisme ?
Muzhghan – Alors, j’ai un tas d’anecdotes à vous partager aujourd’hui et que j’ai besoin que le monde entende.
Ça a commencé par… Les premiers patients que j’ai vus (donc les premiers hommes trans, enfin, les hommes qui devenaient des femmes), je les appelais “Madame”, parce que le langage professionnel, le respect, l’inclusion… Donc à chaque fois c’était madame untel, madame untel, suivez-moi.
Et un beau jour, j’en ai un qui m’a stoppé et qui m’a incendié parce que j’ai dit “Madame” et je ne comprenais pas. Et, en fait, il m’a expliqué qu’il était non-binaire et qu’il n’acceptait pas les termes “Monsieur” et “Madame”.
Je suis restée sans voix. Je suis restée sans voix. Je ne savais pas comment l’interpeller, du coup….RDG – (Rires). Tu l’as mégenré en voulant bien faire. C’est ouf.
Muzhghan – Ah non… C’était trop… C’était trop…
RDG – Ils ne sont jamais contents, sérieux.
Muzhghan – Ouais et puis même, il n’y a pas de terme. Je ne sais pas… Un poisson ? Je ne sais pas. Pourquoi tu te fais épiler si tu es non binaire alors ? Je ne comprends pas.
Alors ça, c’était le premier à m’avoir choqué. Ensuite, il y a eu les super extra vulgaires. J’ai eu un homme, une fois, qui est venu pour son épilation du visage et qui a demandé à avoir l’épilation gratuite pour les bras.
Il faut savoir que tous les médecins ne fonctionnent pas de la même manière dans la fraude. Il y en a qui vont faire l’épilation gratuite du corps entier parce que ça rapporte. D’autres qui ne voudront pas parce qu’ils n’ont pas de personnel pour leur faire subir la chose. Donc ça va être juste des visages, etc.Et, au cabinet où j’étais, c’était soit corps entier remboursé à 100%, soit uniquement visage, torse et dos. Donc les autres membres à part n’étaient pas remboursés parce que c’était trop compliqué de faire zone par zone. Au niveau de la sécurité sociale, c’est compliqué au niveau des dates pour ne pas se tromper. Donc, on ne se casse pas la tête. On ne fait pas.
Et donc, cet homme trans vient ce jour-là et me demande le remboursement pour l’épilation des bras. Au final, comme il n’avait pas le droit au remboursement des bras parce que c’était trop compliqué, on lui a fait gratuitement, sans broncher, parce que c’est moi qui le faisais.Et pourquoi je parle de cet homme là ? Parce que oui, la vulgarité.
Alors, il est arrivé, il a juré au moins 60 fois par le mot “pute”. Il se qualifiait de “pute” à chaque seconde. Et lui, m’a expliqué qu’il était non-binaire et nuage, ce que je n’ai toujours pas compris. Vous savez ce que c’est “nuage” ? Nuage!Voilà. Ensuite on a les forceurs, les profils forceurs. Ça va être les plus âgés, les trans qui ont plus de 40 ans. Ce sont des hommes qui viennent pomponnés au maximum du maximum : perruque, parfum super super fort, sautoir à gogo, boucles d’oreilles créoles, tous les bijoux possibles, les ongles manucurés comme des pros, la jupe, le collant, les décolletés, voire les hauts transparents sans soutien-gorge aussi.
Forceurs… Pourquoi ? Parce que quand ils arrivent au cabinet, c’est leur moment de gloire. Le moment où ils sont respectés en tant que “femme” entre guillemets. Et du coup, ils aiment prendre leur temps. Pour un rendez-vous d’épilation du visage qui doit durer 5 minutes, eux ils restent 20 minutes au cabinet, 10 minutes à l’accueil à se recoiffer, et 10 minutes à se recoiffer après l’épilation.
Ces personnes là, quand elles viennent, ça me faisait de la peine parce que c’est des personnes la plupart âgées qui ont des poils blancs et le laser ne fonctionne pas sur les poils blancs ou alors très peu. Donc c’est juste un rendez-vous qui leur fait du bien au moral et moi ça ne me faisait pas du bien au moral.
Ensuite, il y a eu les dragueurs donc les non-binaires qui sont plus mâles que femelles (bon en même temps, c’est des hommes). Eux, ils venaient se faire épiler et au passage, ils me déposaient des petites pâtisseries de chez Pierre Hermé ou des macarons Ladurée, et ils restaient discuter. Et il me faisait bien comprendre qu’ils se genraient au masculin et qu’ils étaient attirés par les femmes. Ça c’était super malaisant. L’un d’entre eux m’a une fois dit qu’il avait peur d’avoir une érection pendant l’épilation. Or moi, ce que j’avais compris, c’est qu’avec les bloqueurs d’hormones, et les hormones féminines, ça ne marchait plus, que ça ne pouvait plus. Donc je n’ai pas trop compris pourquoi cette angoisse.
Et puis il y a eu les plus choquants : donc une fois, j’ai eu un homme blanc qui est venu au cabinet avec un nouveau nom et un nouveau prénom typiques asiatiques, du genre les noms qu’on voit dans les mangas, typiques japonais. Après, avec un eyeliner pour faire “effet yeux bridés”. Bon, après… Un eyeliner très mal tracé… Et cette personne, elle faisait, alors je connais pas le terme. Elle se ployait devant moi à chaque phrase, et j’ai trouvé ça très agaçant. Parce que c’est de l’appropriation culturelle, c’est une insulte, c’est raciste, c’est ridicule. Donc ça, pareil, c’était quelque chose avec laquelle j’avais du mal, franchement. En plus, cette personne-là, c’était une des moins hygiéniques de la patientèle, donc j’avais vraiment du mal. Déjà de supporter le comportement de la personne, puis ensuite de supporter l’odeur, et de devoir épiler son corps entier.
Et puis il y a eu le plus, le plus choquant de tous. Un beau jour, je reçois une personne au cabinet pour une première consultation. C’était un homme d’une quarantaine d’années qui, visiblement, était très accro au tabac – parce qu’il sentait très fort. A la première consultation, j’ai noté qu’il voulait faire l’épilation du corps entier, donc je lui ai expliqué le principe, comment est-ce qu’on faisait pour rembourser la prestation, quel délai il fallait respecter pour ne pas que la sécurité sociale voit la supercherie, tout ça. Tout ça, lors du premier rendez-vous. Et puis il a décidé, donc, de prendre rendez-vous pour faire le corps entier. Le jour où il est arrivé pour son corps entier, moi j’encaisse la personne, comme d’habitude, et j’accompagne donc monsieur à la salle de soins, où je lui demande de s’installer, donc de retirer les vêtements, et de patienter. Je reviens dans la salle quelques minutes après, pour découvrir, donc, monsieur, allongé avec un bracelet électronique à la cheville. Et à cet instant-là, mon sang s’est glacé. Parce que je me suis dit, en fait, “là, j’ai en face de moi quelqu’un avec des troubles psy, qui en plus, porte un bracelet électronique, et je suis seule au cabinet, sans défense.” Ça, ça a été le plus gros choc. Et la réaction de Monsieur ça a été de me dire : “Hihi, désolé, j’ai pas osé vous en parler avant!”
RDG – En gros, le gars il est en prison, parce qu’il a un bracelet électronique. Et il va se faire épiler le trou du cul…
Muzhghan – Par une petite jeune!
RDG – Et le tout, remboursé par la sécu!
Muzhghan – Oui!
RDG – Dans mon souvenir, quand tu étais emprisonné, c’était plus dur que ça, quand même.
Muzhghan – Là, il se fait trifouiller, et il est bien content, quand il se fait trifouiller les fesses.
RDG – Ha ! C’est affreux.
Muzhghan – Donc, malgré que je n’avais aucune envie de rester dans la salle, j’étais obligée, donc, de faire l’épilation de Monsieur, donc je m’en suis occupée, comme avec toutes les personnes trans. Alors, il faut savoir que c’est une patientèle très exigeante. Parce que moi, je pensais que, arrivée dans l’esthétique, j’allais avoir toutes les bimbos de la ville qui allaient venir se faire belles… Et finalement, j’ai eu une flopée d’hommes qui voulaient devenir des femmes, et qui me demandaient de les épiler à des endroits où, même les femmes ne demandent pas à être épilées. Du genre les phalanges. Du genre jusqu’au bout du poignet. “Attention, il y a quelques poils qui ont résisté!” Les tétons, les tétons. Je suis désolée, mais moi, j’ai les tétons poilus, hein. Je ne sais pas vous, mais moi c’est très poilu! Et du coup, j’ai dû épiler Monsieur dans toutes les parties possibles, dont les parties intimes, alors que je suis, moi, personnellement, une victime de viol, et j’ai du traumatisme, ça m’a laissé des séquelles. J’ai porté plainte à l’époque, j’ai souffert de tout ça, et je me suis trouvée face à un homme, avec un bracelet électronique, tout nu, qui était “désolé de pas m’avoir prévenu avant”. Alors après ça, je m’en suis remise. Bon, j’en ai parlé à ma patronne, qui n’a pas voulu vraiment entendre ma détresse, et qui a minimisé la chose, parce que “un bracelet électronique c’est pour des petits délits”, ce que j’ai cru sur le coup. Mais j’ai découvert par la suite qu’un bracelet électronique, ça ne concerne pas que les petits délits. Il y a des hommes qui ont fait de l’inceste sur leurs enfants qui se retrouvent avec des bracelets électroniques, quand même. Donc, Dieu sait ce que cet individu avait fait pour se retrouver avec un bracelet électronique.
Il y a eu aussi les “escorts”. Pour parler plus clairement, des prostitués, parmi les trans. J’ai eu un patient qui était venu se faire épiler, parce que ça devenait chiant pour lui de devoir tout le temps se raser à ras pour ses rendez-vous intimes. Et en fait, en soi, j’ai beaucoup de peine pour cette personne, parce que elle m’a raconté son histoire, et comment elle est arrivée à la prostitution. Et quand je vois qu’en fait, au lieu d’être accompagnées de manière saine, ces personnes sont poussées à devenir une chose, un objet, ça me dégoûte !
Il y a eu un autre cas de prostitution : un des patients qui transitionnaient et qui commençait tout juste, donc un jeune homme qui avait à peine 18 ans, qui est venu au cabinet, et m’a expliqué qu’en fait, il appréciait de pouvoir changer d’identité tous les jours, de choisir un nouveau prénom. Donc un jour, c’était Julia. Un jour, c’était Johanna. Un jour c’était Iris. Bah cette personne-là m’a expliqué qu’en fait, elle avait commencé à se prostituer, parce que c’était une manière pour elle d’accepter son corps. Et puis en même temps, elle a fondu en larmes, en pleine séance… Enfin “il” a fondu en larmes en pleine séance, je suis désolée, avec le genrage, mais j’ai beaucoup de mal, avec ce que j’ai vécu, du coup, de reprendre mon langage naturel. Donc “il” s’est mis à pleurer en pleine séance, à la vue de son pénis. Parce que, du coup, c’est ce que fait la dysphorie de genre, on n’accepte pas son corps. Donc lui, il avait commencé à se prostituer, d’abord en caméra, “pour accepter son corps” et pour voir que, finalement, il était désirable tel qu’il était. Mais en même temps, il était en train de se conditionner pour avoir plus de clients. Donc je trouve ça un peu dégueulasse, parce que ça soutient le fait qu’en fait, les femmes sont plus… à même de se prostituer que les hommes. Ou du moins, que les clients sont plus intéressés par les femmes que par les hommes, quelque part, puisque les trans, des hommes, transitionnent pour gagner en clientèle.
RDG – Oui, c’est vraiment triste.
Muzhghan – oui. Moi j’ai vu ça. Alors mis à part ces deux cas où, concrètement, je savais qu’il y avait de la prostitution derrière, j’ai eu des premières consultations avec des personnes d’origine afghane et d’origine pakistanaise, qui étaient envoyées par leurs assistant sociaux – qui, du coup, me harcelaient d’ailleurs, au cabinet, parce que, comme je suis d’origine afghane, ces personnes qui ne parlaient que anglais, ne trouvaient pas de cabinet dans lequel ces personnes pouvaient parler anglais. Et puis la plupart ne parlaient même pas anglais, donc je me retrouvais avec des appels pour me demander de prendre en charge ces personnes, pour leur transition, gratuitement. Donc ça a été fait pour deux d’entre elles… Deux d’entre eux, pardon. Et, pareil, c’était dans le but de se prostituer. C’étaient des immigrés qui venaient, soit d’Afghanistan, soit du Pakistan. Alors je ne sais pas comment ça se passe au Pakistan, mais je sais qu’en Afghanistan, il y a eu beaucoup de séquelles sur la jeunesse, parce que la guerre, les talibans, tout ça… Ça a entraîné la prostitution de jeunes garçons, parce que c’était plus facile de les prostituer, eux : ils étaient jeunes, naïf, ils arrivaient à l’armée, et les commandants, plus expérimentés, plus âgés, en fait, littéralement, se vidaient, avec eux. Littéralement, j’utilise des termes crus, je suis désolée. Mais voilà, il y a eu beaucoup de cas comme ça, pendant la guerre en Afghanistan. Et en fait, les patients afghans que j’ai pu voir au cabinet, c’étaient des jeunes de 16-17 ans. Or, pour faire l’épilation laser, pour débuter une transition, il me semble qu’il faut un courrier d’un tuteur, du moins pour tout ce qui est acte médical, il faut l’autorisation d’un tuteur légal. Et la plupart ne l’avaient pas, parce que tout simplement, c’est des immigrés, qui venaient sans leurs parents, ou qui n’avaient même plus leurs parents. Donc c’était super compliqué de leur expliquer que c’était une décision lourde, qu’il ne fallait pas se lancer dans ces choses-là sans réfléchir. Sauf que eux ne pensaient qu’à ça, parce que c’était leur gagne-pain là-bas, et ils pensaient pratiquer ça ici aussi. La prostitution, je veux dire.
Donc ça aussi, c’est une triste situation. C’est que ces jeunes-là, ils n’ont pas conscience de ce qu’ils peuvent faire d’autre. Ils ont grandi là-dedans, dans la soumission, dans la prostitution forcée, et ils pensent que c’est leur seul moyen de survivre. Donc ils reproduisent ça ici. Et au lieu de les aider, le système, ici, les pousse à devenir une prostituée, en France aussi.
RDG – Ah ouais c’est affreux, quoi. Parce qu’en fait, c’est des enfants qui sont violés, et qui vont rester dans ce système, c’est terrible.
Muzhghan – En fait, ils n’ont pas conscience qu’ils se sont fait violer, c’est très chaud ça, par contre. C’est des gens qui… Ils ont grandi comme ça en fait.
RDG – Parce qu’en fait, leur manière de survivre, c’est de se dire que, finalement, c’est voulu. Voilà.
Muzhghan – Non, mais je sais parce que, enfin, je l’ai vécu. Le schéma, je l’ai vécu. Enfin, on n’a pas le choix que de se mentir à soi-même, parce que si on se ment pas à soi-même, il faut accepter la réalité. Et accepter la réalité, elle est très dure. C’est violent! Surtout pour eux, qui ne l’ont subi pas qu’une fois, mais des centaines de fois, enfin, Dieu sait combien de fois. C’est chaud!
RDG – Ça me révolte.
Muzhghan – Après ça, j’ai eu les patients qui, du coup, avaient eu écho de mes commentaires sur la page “Femelliste” et qui, du coup, m’ont reconnue. Et arrivés au cabinet, m’ont confrontée à ce sujet.
Un des patients, un jour, c’était quelque temps avant la fin de mon contrat, m’a beaucoup questionnée sur ma pilosité. Et quand je lui ai expliqué que, moi, autour de mes tétons, les poils ne partaient pas. Il m’a expliqué que, lui, depuis que ses tétons avaient grossi, ça avait aussi du mal, parce que les poils se retrouvaient dans l’aréole, dans le téton. Et moi, j’ai buggé sur le “Mes tétons ont grossi”. Donc, je lui ai posé la question : “Comment ça, vos tétons ont grossi?” Et il m’a expliqué comment fonctionnait la puberté chez les femmes. Il m’a expliqué comment est-ce que mon corps se développait. Donc le mec m’a, littéralement, mansplainé la puberté.
RDG – Le mansplaining de la puberté… C’est merveilleux.
Muzhghan – Je lui ai dit : “Moi, mes tétons ils n’ont pas grossi.” Et donc il me dit : “Ah bah, c’est que vous n’avez pas remarqué, mais bien sûr que si, entre l’enfance et l’adolescence, vos tétons ont gonflé.” Et moi, non je l’ai pas remarqué, parce que je ne suis pas obsédée par mon corps à ce point. Donc là, je n’avais pas remarqué que mes tétons avaient grossi. D’ailleurs, pour moi ils n’ont pas grossi. Ça dépend, en fait : chez des gens, non ; chez des gens, oui chez des hommes, oui ; chez des femmes, non. Enfin, mais bon, que sais-je après tout? Peut-être qu’un homme le sait mieux que moi ! En tous cas, il a mis une heure, donc de séance de “corps entier”, à m’apprendre comment fonctionnait mon corps, pour ensuite me demander : “Alors, comment ça se passe avec l’association?”
Je ne comprenais pas la question. Quelle association? Comment ça ? Et, du coup, il me répète la question, il me dit : “Bah, c’est pas vous qui avez mis des commentaires transphobes sur la page femelliste?” Et je me suis dit : soit j’assume, soit pas. Et j’ai assumé. J’ai dit : oui. Je ne sais plus ce qu’il a marmonné. J’ai quitté la salle en répondant que, de toute façon, je n’en avais rien à faire de l’opinion des gens. Puis cette personne s’est rhabillée, et m’a rejointe à l’accueil pour me faire la morale et me proposer d’écouter un trans qui parle sur Youtube, et m’a dit que le problème c’était les sexes, et que s’il n’y avait pas de sexe, il n’y aurait pas ce problème, à quoi j’ai répondu qu’on ne pouvait pas changer la nature. À quoi il a répondu que, sans la nature, il n’y aurait pas de médecine, comme si ça allait m’atteindre, comme si j’étais médecin, et comme si c’était moi qui empochait l’argent de son épilation! Je n’ai pas répondu, puis la personne a quitté le cabinet.
Voilà. Et voilà mes anecdotes.
RDG – Donc en fait, c’est quoi l’association?
Muzhghan – Fransgenre.
RDG – D’accord. L’association Fransgenre, en fait, ils parlent entre eux des féministes et ils viennent les harceler sur leur lieu de travail.
Muzhghan – C’est exactement ça. Alors comment ça s’est fait? on a reçu un une patiente, donc une femme qui transitionnait donc direction homme, enfin elle veut devenir un homme. Un jour, elle est venue, et je ne comprenais pas pourquoi elle a pris rendez-vous, parce qu’une femme qui veut devenir un homme, logiquement elle veut des poils, donc je comprenais pas sa présence chez nous. Bon après, elle a expliqué qu’il fallait lui enlever les poils de la cuisse pour lui couper de la peau, pour lui fabriquer un pénis. Donc cette patiente-là est venue pour sa première consultation puis elle est partie, comme toute autre patiente, puis elle est revenue dans la même après-midi, pour me dire qu’elle avait besoin de parler au docteur. Donc j’ai fait appel au docteur, (donc ma patronne) qui s’est présentée très rapidement, puisqu’elle habite à côté du cabinet où elle travaille. Elle l’a reçue et c’est cette personne-là qui m’a dénoncée. Je pense que l’association l’ont envoyée pour vérifier mon identité, pour s’assurer que j’étais bien la personne autrice des commentaires sur “femelliste”, parce qu’ils m’avait repérée via mon Instagram donc forcément ils avaient mon nom, mon prénom, ma photo, mes commentaires, comment je peux dire ça, mon identité, dans le sens propre du terme, donc oui ils avaient repéré, donc, mon profil. Ils avaient été sur mon LinkedIn pour trouver mon lieu de travail et ensuite ils ont envoyé une personne pour vérifier que j’étais bien sur place. Une fois que ça avait été vérifié donc, ils m’ont dénoncée. Cette personne m’a dénoncée, puis l’association a envoyé un mail officiel à ma patronne pour demander à ce que je sois renvoyée. Et ensuite, il y a eu plusieurs mails de menaces.
RDG – Qu’est-ce que tu entends par “mails de menaces”?
Muzhghan – On a reçu sur la boîte mail du cabinet des captures de mes commentaires sur femellistes. Et c’était des personnes trans qui utilisent des fausses identités, et qui disaient “Alors, qu’est-ce que ça fait, docteure Untelle, d’avoir des transphobes parmi votre équipe, et d’avoir une patientèle 100% trans? Et si on arrêtait de venir?” Enfin, des choses comme ça.
RDG – Tu es la deuxième à me donner ça, j’ai, on a une témoine qui a témoigné récemment, mais je ne vais pas dire laquelle, qui a, effectivement, exactement la même anecdote : qui a été harcelée, en fait, sur le lieu où elle exerçait, en fait, par cette association qui, effectivement, avait vu qu’elle commentait sur femelliste, et qui avait fait des recherches, mais vraiment une vraie enquête, pour la retrouver, et qui ensuite l’avait harcelée sur son lieu de travail. C’est vraiment grave.
Muzhghan – On dirait qu’ils n’ont rien à faire de leur vie à part ça. Chasse aux sorcières!
RDG – Ça ne t’a pas empêchée de témoigner. Merci, en tous cas, de l’avoir fait. Est-ce que tu veux ajouter quelque chose?
Muzhghan – J’ajouterai simplement que c’est important, aujourd’hui, que toutes les femmes participent à ce combat. Parce que c’est un combat, finalement. C’est un combat pour la cause, je ne sais pas si ça se dit femelline, mais il faudrait que tout le monde soit sensibilisé.
RDG – Féministe?!
Muzhghan – Je ne sais plus si le terme est correct, et si on a le droit de l’employer…
RDG – Nous nous définissons comme féministes radicales.
Muzhghan – Mais malheureusement, toutes les femmes ne sont pas au courant de ce féminisme radical. Toutes les femmes ne sont pas sensibilisées sur le sujet trans. Moi j’ai essayé de faire mon maximum avec les femmes de mon entourage, avec les hommes de mon entourage aussi, parce que ça concerne tout le monde, finalement. Et je trouve que c’est dommage que tout le monde ne s’y intéresse pas. C’est important, parce que c’est l’avenir qui dépend de nous, en fait : de ce qu’on va faire de tous ces éléments. Donc voilà, j’aimerais bien que toutes les femmes prennent le temps de partager ces témoignages, de partager les articles que vous publiez, et témoignent aussi des situations qu’elles vivent.
RDG – Oui, merci beaucoup, c’est important de le dire. On existe depuis un an et demi, nous le podcast. Bon, bien sûr, on a beaucoup, beaucoup de femmes qui nous écoutent, et d’hommes aussi. Mais on est loin d’avoir la masse critique nécessaire, en fait, pour faire réellement bouger les choses. Et la seule solution, c’est que chacun, chacune, considère que c’est sa responsabilité d’en parler, et de partager. Et de partager et de s’abonner, et de ne pas avoir honte de le faire. Parce qu’à un moment donné, je crois que c’est seulement quand on aura atteint une certaine masse critique que la marée va tourner. Elle va tourner, ce n’est pas la question. Bien sûr, à un moment donné, ça va s’arrêter.
Mais quand?
Il y aura eu combien de victimes entre-temps? Combien d’enfants castrés? Combien de milliards de dépenses de la sécurité sociale aussi?
Muzhghan – Ce sont des dégâts irréparables.
Donc, tout ça, il faut que ça s’arrête.
Cette folie doit s’arrêter.
Muzhghan – Oui, je suis d’accord
RDG – donc Muzhghan merci beaucoup pour ton témoignage est-ce que tu veux encore ajouter quelque chose ou est-ce que pour toi c’est bon?
Muzhghan – Moi, je voulais vous remercier de m’avoir écoutée et de partager, du coup, ce témoignage. C’était important pour moi de partager mes anecdotes, surtout que tout le monde entende ce que j’ai vu. Que tout le monde réalise ce qui se cache derrière la transition médicale. Voilà, merci beaucoup.
RDG – Merci à toi. Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.
S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe :
womensdeclaration.com
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Rebelles du genre – Épisode 68 – Mélissa Plaza
Mélissa – je m’appelle Mélissa.
J’ai 34 ans, je suis bretonne, adoptée.
Je suis une ancienne joueuse professionnelle de football internationale française.
Je suis diplômée d’un doctorat en psychologie sociale, et j’ai bossé spécifiquement sur la question des stéréotypes de genre en contexte sportif.
Aujourd’hui, je suis écrivaine, conférencière et slameuse. Et un de mes engagements forts, c’est la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants.
RDG – Je crois que tu as préparé un texte important qui va nous permettre de bien voir d’où tu parles.
Mélissa – Oui, c’est un texte qui s’intitule “garçon manqué”, qui est un texte qui, à mon avis, va parler à beaucoup de femmes qui écoutent ce podcast.
C’est un texte que j’ai mis beaucoup de temps à écrire, parce que j’ai mis beaucoup de temps à conscientiser, précisément, ce que ça signifiait, le poids que ça avait dans notre société, cette expression.
Et voilà, je me suis dit que ça pourrait être bien de démarrer par ce texte-là.
Ça s’appelle donc
“Garçon manqué”.
“Elle est née fille,
avec deux X pleins, entiers, sans surplus ni partie atrophiée.
Elle est née fille.
Comme ça, d’emblée,
et elle ignorait que ça deviendrait bien plus qu’une case cochée dans le carnet de santé.
Bébé grandit bien vite.
Elle parle, marche, court, elle anticipe.
Elle a de l’aplomb, du caractère, et le ballon rond qui coule dans les artères.
Elle essuie des : “Pourquoi, pourquoi, pourquoi?” des adultes qui ne comprennent pas.
Alors elle répond, confuse : “Je sais pas, je sais pas, juste… pourquoi pas?”
Petite fille, grandit bien vite.
Elle file et file, déjà elle s’émancipe.
Elle n’obéit qu’au style fatal : bermuda, baskets et queue de cheval.
Elle se met en colère quand on l’oblige aux robes-boutonnières.
“Franchement, Mamie comment veux-tu que je place un retourné, quand dans mes fringues je suis empêtrée?”
Mais mamie ne comprend pas tout ça.
Elle se dit juste : “Le ballon, c’est une lubie, ça lui passera.”
Petite fille inadéquate, les cases roses sont trop étroites.
N’en déplaise à ces petits cons, elle a des rêves et de l’ambition.
Alors elle joue des coudes à la récré.
Elle veut une place, des passes, de l’espace… on la traite de “garçon manqué”.
Garçon manqué.
Au commencement, elle voit pas le mal.
Il y a pas de mal, franchement on dirait presque un compliment.
Garçon manqué.
Cette salle rengaine : pas tout à fait un garçon, mais mieux qu’une fille, quand même.
Garçon manqué ça veut dire : “Bienvenue dans l’Empire du mâle.
Au mieux, gamine, tu n’en seras qu’une version bien pâle.”
Garçon manqué.
Ça veut dire que, même en faisant des trucs de bonhomme, petite, t’auras jamais mieux que la seconde marche du podium.
Jeune femme grandit bien vite.
Elle cherche, se cherche, ne sait pas où elle gravite.
Ses rêves ont pris du plomb dans l’aile.
Et dans sa tête à elle, une seule question : “Ça s’arrête quand? Les cases, les schémas, les carcans, mais dis-moi, ça s’arrête quand?”
Dans son cœur, c’est le boucan.
Masculin ou féminin, apparemment faut choisir, mais elle, elle en sait rien.
Tout ce qu’elle veut c’est devenir.
Devenir quelqu’un.
Quelqu’un de bien, si possible.
Avoir du choix, pour demain.
Mais toutes ces cases à cocher, ça l’inhibe.
Garçon manqué.
Cette sale rengaine qui remet en cause ton sexe en vue de ton courage ou de ta dégaine.
Garçon manqué.
Cette salle rengaine qui confond sexe et genre, réalité orwellienne.
Et ce qu’ils oublient, c’est qu’être fille, ça n’est pas porter jupe, lipstick, talons ou vernis.
Ce qu’ils oublient, c’est qu’être fille, c’est avant tout un risque, encouru toute sa vie.
Madame grandit bien vite.
Elle trime, s’échine, pour oublier ce qu’il habite.
Depuis petite, elle a le cul entre deux chaises et l’impression que chaque jour est un putain de vendredi 13.
Elle n’a jamais vendu son âme, mais désormais elle peut le dire : elle sait ce que c’est que d’être femme.
Elle en a fait l’amère expérience, là, dans sa chair, dans ses sens.
Elle repense à cette expression : “garçon manqué”, et se demande, à juste titre, ce qui, au juste, lui a manqué.
Garçon manqué.
Cette sale rengaine qui refuse aux filles, aux femmes, aux reines, le droit de se libérer de leurs chaînes.
Garçon manqué.
Cette sale rengaine qui fait des clichés le seul verrou de nos âmes en peine.
L’humanité, un tissu de sujets factices qui, pour exister, n’a pas trouvé mieux que de suivre la notice.
Madame les trie bien vite.
Sa tête est pleine, plus aucun rêve ne s’y invite.
Elle voulait exister dans sa version originelle, mais elle doit bien l’admettre, elle s’y est complètement brûlé les ailes.
Alors, depuis, elle ne cesse de faire des compromissions.
On lui a dit :
“Bienvenue sur le continent noir de la domination.
Inutile de miser sur l’atout empathie ou compassion.
Ici, ne brillent que la pierre et le roc.
Anesthésie totale, on ne sent même plus les chocs.
Ô peuple des analphabètes émotionnels et sociaux,
mettez votre cœur en quarantaine, on se charge de la déco.”
Alors madame s’est fanée beaucoup trop vite,
parce qu’avec ses rêves de liberté,
elle se sentait maudite.
Et à force de compromissions,
elle a fini par se dire
que oui il aurait peut-être mieux valu naître garçon.”
Rebelles du Genre – Bonjour et bienvenue sur le podcast Rebelles du genre. Nous sommes des femmes, militantes, pour l’affirmation et la protection des droits des femmes basés sur le sexe, et donc notre biologie. Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes et le genre en est le moyen.
Nous sommes les rebelles du genre.
Nous observons aujourd’hui avec fureur des hommes qui envahissent nos espaces, agressent nos sœurs, revendiquent nos droits.
Conditionnées à la gentillesse et touchées par leur victimisation, les femmes mettent en général un certain temps à comprendre l’arnaque du mouvement transactiviste et commencent souvent par soutenir cette idéologie.
Puis, elles ouvrent les yeux, constatent sa violence et la refusent. Ce podcast est là pour donner la parole à des femmes qui expliqueront pourquoi et comment elles sont devenues critiques du genre et qui témoignent de leur parcours. Écoutons leur parole.
Mélissa – Je viens du courant de la psychologie sociale, et en fait, pendant ma thèse, je me suis beaucoup penchée sur la question des Gender Studies. Donc les Gender Studies, c’est un courant de recherche scientifique qui, depuis quelques années, s’intéresse à l’identité de genre des individus, et aux représentations genrées qui existent dans nos sociétés. Et donc, pendant ce travail doctoral, j’ai notamment étudié le lien entre la perception genrée des sports et les comportements sportifs des individus. En gros, si je suis une adolescente, et que je pratique le football – c’est un sport typiquement perçu comme masculin dans la société française – est-ce que je vais avoir tendance à abandonner la pratique de ce sport, ou pas? Et globalement, les résultats que j’ai obtenus dans ce travail doctoral, ils ont corroboré ceux qui sont déjà observés dans la littérature. C’est-à-dire qu’effectivement, si j’adhère aux stéréotypes négatifs vis-à-vis de ma catégorie sexuée, je vais avoir tendance à abandonner le foot. Donc ici, je voudrais juste préciser, et c’est important, que je n’étudiais pas l’identité de genre des individus, c’est à dire le fait que ces jeunes avaient une personnalité plutôt féminine, plutôt masculine, ou androgyne. Moi, je me suis uniquement intéressée à la catégorie sexuée. Et en fait, c’est par là que je voudrais commencer ce podcast. Je voudrais commencer par préciser, et c’est capital, mais vraiment capital de le rappeler, qu’il ne faut jamais se méprendre sur les concepts. Dans le courant des Gender Studies, on fait très clairement la distinction entre le sexe biologique et le genre psychologique des individus. Entre ce qui est de l’ordre de l’inné, et ce qui est de l’ordre de l’acquis. Donc il y a d’abord le sexe biologique, qu’on constate à la naissance, et qui fait référence aux gènes, aux gonades et aux organes génitaux externes, des mâles et des femelles. Donc, dans la très, très grande majorité des cas, si on met de côté, pour l’heure, les intersexes, on a donc une 23e paire de chromosomes XX, des ovaires et un clitoris pour ces dames, et une 23e paire de chromosomes XY, des testicules et un pénis pour ces messieurs.
Ça, c’est pour ce qui est du sexe biologique.
Ensuite, il y a ce qu’on appelle “le genre psychologique” des individus qui, lui, est totalement appris durant ce qu’on appelle le processus de socialisation, et qui fait référence à tout ce qui est de l’ordre des traits de personnalité, des comportements, des goûts musicaux, culinaires, vestimentaires, etc, etc. Tout ça, c’est de l’acquis, c’est l’effet de la socialisation.
Et cette socialisation, on le sait depuis très longtemps, elle est extrêmement genrée. Et donc évidemment extrêmement sexiste.
Je voudrais en profiter pour rappeler un deuxième essentiel, qui est que le genre n’est rien d’autre que le processus par lequel s’instaure la hiérarchie entre les sexes. C’est par le biais du genre, et donc des stéréotypes sexistes, qu’on fait essaimer et perdurer l’idée selon laquelle les hommes seraient supérieurs aux femmes dans notre société. Ce sont toutes ces normes, toutes ces injonctions, qui assoient le patriarcat, qui associent donc la domination des hommes sur les femmes.
Et moi, je te le disais tout à l’heure en off, Blandine, mais je suis surprise de voir que les gens sont surpris par mon positionnement. En fait, c’est très clair depuis le début, depuis toujours.
Tout est dit dans mon parcours, dans mon doctorat, mon enfance, ma vie de fille, de joueuse, de femmes. Donc je vais l’énoncer clairement, et je le répéterai autant de fois que ce sera nécessaire, parce que c’est extrêmement important, mais le sexe n’est pas le genre, et le genre n’est pas le sexe. Ces concepts-là qui ont été galvaudés, vidés de leur substance scientifique, c’est pas des concepts interchangeables, en fait!
Donc la vision orwellienne du mouvement transactiviste qui consiste à essayer de nous faire croire, et même à nous obliger à croire, que les hommes sont des femmes si l’ont décidé et vice versa, bah je suis désolée, mais avec moi, en tout cas, ça ne prend pas.
Et je ne vous cache pas que je suis, en fait, je suis un peu inquiète de voir si peu de chercheuses, si peu de chercheurs se positionner sur la question, y compris les sociologues qui bossent sur le genre.
Et là je me dis : mais quels sont les enjeux ?
Qu’est-ce qu’ils – et elles – retirent de tout ça ?
Et d’ailleurs, je vois qu’ils ne se contentent pas seulement d’être silencieux, en fait. Non, il y a plein de gens, de chercheurs et de chercheuses qui abondent dans le sens des transactivistes ; et c’est une chose que de garder le silence parce qu’on a peur, mais c’en est une autre que de propager des idées fausses et dangereuses pour la société. Donc la question que je me pose, sincèrement, c’est à qui ça profite tout ça ? Vraiment, qui c’est qui tire les ficelles derrière tout ça ? Et je voudrais juste quand même faire un point récap pour que les gens qui nous écoutent comprennent bien les différents positionnements théoriques, entre guillemets, qui s’affrontent aujourd’hui. Aussi parce qu’en fait, sur le sujet du transactivisme, on est souvent associées, nous les féministes radicales, à l’extrême droite… Sauf que si nous, on nous censure face au transactivisme, ça n’est pas du tout pour les mêmes raisons que l’extrême droite.
Donc, en gros, si on devait faire simple, il y a trois courants de pensée :
Il y a l’extrême droite qui considère que le sexe doit définir le genre, c’est-à-dire que le sexe biologique doit déterminer nos comportements, notre personnalité, nos goûts notre pratique sportive etc. En gros, tout ce qu’on choisit de faire dans la vie, ou tout ce qu’on choisit d’être, pour eux, c’est inhérent à notre sexe biologique. On appelle ça, dans le jargon scientifique, la biologisation des différences.
Rebelles du genre – “Les femmes VEULENT des enfants, etc.”
Melissa – Voilà, et donc ça serait donc pour eux totalement inéluctable, et donc par essence les hommes seraient violents, et par essence les femmes seraient douces, empathiques et aimeraient les enfants.
Et ensuite, il y a le mouvement transactiviste qui, lui, considère que le genre définit le sexe, et que donc si tu aimes mettre du vernis à ongles, c’est que tu es une femme. Et clairement, c’est pas une caricature hein ! Et là encore, dans ce mouvement, vous voyez, il ne s’agit pas de se débarrasser des stéréotypes de genre mais bien au contraire, il s’agit d’y coller le plus possible, quitte pour cela à “changer” son sexe biologique. Donc pour un mouvement qui se prétend progressiste… Pardon, mais là on est clairement dans des idées vraiment rétrogrades, quoi. Bref, vous avez compris.
Mais dans les deux cas, on fait perdurer les stéréotypes de genre, et, évidemment la misogynie qui l’accompagne inexorablement. Dans un cas vous avez l’extrême droite qui les fait perdurer dans leur version la plus archaïque, version année 50 ; et dans l’autre cas, vous avez le transactivisme qui a juste ajouté des paillettes à tout ça.
Le troisième positionnement, qui est celui des féministes radicales, est, comme son nom l’indique, radicalement différent, en fait, puisque comme je le disais précédemment, le sexe pour nous est inné, constaté à la naissance et binaire – binarité que ne remet absolument pas en cause l’existence des intersexes, parce que pour nous, les intersexes sont l’exception qui confirme la règle. Et j’en parlerai tout à l’heure. Et le genre, lui, a contrario, est un construit social que nous, les féministes radicales, nous souhaitons abolir. Nous, nous ne voulons plus du genre. Nous ne voulons plus des stéréotypes sexistes, des carcans, des étiquettes. Et surtout, nous ne voulons plus de la hiérarchie entre les sexes. En gros, on ne veut plus être les paillassons des hommes.
Et franchement, je ne crois pas que ce soit si difficile à comprendre en vérité.
Je voudrais quand même vous dire que durant toute ma carrière de joueuse, j’ai souffert d’être née fille, que ce soit de la cour de récréation jusqu’à l’Allianz Arena où je disputais la Ligue des Championnes. Le sentiment, il est constamment resté le même, c’est-à-dire celui de jamais vraiment avoir sa place, et sans aucune autre raison que celle d’être née petite fille et d’être femme.
Ça a commencé tout bonnement dans la cour de l’école, par une insulte très simple qui est celle de “garçon manqué”. Voilà, je le raconte dans le slam. Et je me souviens très bien, qu’au début, je prenais vraiment ça comme un compliment. Et qui m’a fallu beaucoup beaucoup de temps et beaucoup d’efforts intellectuels pour comprendre qu’en fait, c’était très insultant, et que c’était juste une manière de me dire que, même si je n’étais pas tout-à-fait un garçon, j’étais toujours mieux qu’une fille, parce que je jouais au foot. Et donc c’est pour ça que j’en ai fait ce slam qui s’intitule “garçon manqué”.
C’est vous dire quand même à quel point ça m’a travaillée, parce que j’ai écrit ce slam quelques 30 années plus tard.
Donc, ça a commencé par “garçon manqué” dans la courbe de l’école et puis ça a continué par la suite en club, quand j’ai pris ma première licence. C’était des insultes, des moqueries, des humiliations. Je vous replace dans le contexte : moi, je suis née en 88.
Il faut comprendre que dans les années 90, jouer une au foot pour une petite fille, c’est très atypique, c’est très mal vu, et puis surtout on est très peu à jouer au foot. Donc, je jouais dans une équipe de filles, mais cette équipe de filles jouait dans un championnat de garçons. Donc, on jouait contre des garçons tout le temps. Et tous les week-ends, c’était la même sérénade, en fait. Tous les week-ends, c’était : “Oh c’est bon, on joue contre des filles ! On va gagner !” On pourrait se dire que tout ça, c’est juste des méchancetés de gamins. Mais en fait, ça continue encore aujourd’hui quand je vais jouer au five avec les garçons et que, sous couvert de compliments, il me disent “Ah là là mais tu frappes comme un mec !”
Mais comment ça, je frappe comme un mec ? Ça veut dire quoi, frapper comme un mec, en fait ? Bah non, en fait. Je frappe juste comme quelqu’un qui joue au foot depuis qu’elle est haute comme trois pommes, je frappe juste comme quelqu’un qui a fait du football à haut niveau ! Et ça me fatigue, cette misogynie-là, qui se drape de bienveillance. ça me fatigue parce que c’est la même chose. ça reste ça reste de l’humiliation, en fait.
Et donc, tout ça pour vous dire que pendant tout ce parcours sinueux pour atteindre le haut niveau, tu trimes, tu fais abstraction de tout ça autant que faire se peut, parce que tu n’as qu’un objectif : c’est de devenir footballeuse professionnelle, de devenir “pro”. Alors, je mets des guillemets à “pro” parce qu’évidemment, on ne devient jamais vraiment professionnelle… Enfin, en tout cas, à mon époque. Et tu n’as qu’un objectif : c’est d’un jour porter le maillot bleu, de jouer pour l’équipe de France. C’est des rêves de footballeuse, en somme ! Rien d’autre ! Donc, j’ai bossé ! J’ai bossé dur pour arriver à haut niveau. Et je voudrais préciser – c’est important pour que vous compreniez de là d’où je parle en fait – c’était plus qu’un objectif, devenir footballeuse professionnelle. C’était c’était ma seule véritable option dans la vie. Ma seule porte de secours. Je le raconte dans mon livre “Pas pour les filles ?” : je raconte que le football a été ma seule option pour survivre aux violences familiales, et notamment à l’inceste qui a miné une bonne partie de mon enfance, et une grande partie de ma vie. Et je le dis, en fait : je n’avais pas le choix ; je n’avais pas vraiment le choix. Je le dis dans un de mes slams, d’ailleurs. Je dis “je venais de l’étage en dessous de l’enfer. Je n’avais pas le choix : c’était faire carrière ou crever là”.
Et c’est vrai, en fait. Tout ce que je dis là, c’est c’est très juste. Donc, à 14 ans – je vous resitue – je fais mes premiers matchs en D1. Donc à 14 ans, je touche déjà le plus haut niveau national. A 20 ans, je signe mon premier contrat professionnel, je décroche mes premières sélections en équipe de France. Donc, à 20 ans, en fait il faut comprendre que j’avais atteint tous mes rêves et à ce moment-là, je pense sincèrement que le plus dur est derrière moi. C’est un putain de mirage, en fait. Oui, tout avait changé, mais en même temps, rien n’avait changé. Je m’entraînais huit fois par semaine, et c’était toujours les chaussettes en 43 parce que “désolé, il reste que ça chez les gars”, c’était toujours les vestiaires arbitres, les quarts de terrain à la nuit tombée parce que “désolé, mais les U17 départementaux doivent s’entraîner”.
Et quand tu vois que les mecs à côté, qui jouent au même niveau que toi, ils s’entraînent sur des billards, ils ont des équipements à foison, des déplacements aux petits oignons, et qu’on leur lave même leur linge… Bah oui, tu finis par te dire qu’il aurait peut-être mieux valu naître garçon, en fait.
C’est comme ça que je conclus mon slam “garçon manqué”. Et cette expérience-là, d’avoir grandi en tant que fille, puis en tant que femme, d’avoir subi ces discriminations et toutes ces violences, bah… Je suis bien désolée, les gars, mais ça ne se vit pas à coup d’injections d’œstrogènes, en fait.
Je voudrais en profiter pour faire un petit aparté sur la notion de “sport féminin”. “Sport féminin”… J’entends ça dans la bouche de tout le monde. Franchement, ça me donne la nausée. Dans le fond, tout le monde sait ce que ça veut dire. Pour beaucoup, ça veut dire “du sport, mais en moins bien”. Ça veut dire du sport, mais “féminin”, c’est-à-dire du sport qui se doit de répondre d’abord et avant tout aux injonctions à la féminité, l’élégance, la grâce, le maquillage, cela va de soi. Et puis surtout, un corps pas trop musclé. Si on prend juste l’exemple du foot qu’ils appellent “féminin”, moi j’ai souvent entendu des gens qui pensaient me faire un compliment en disant “Ah là là, moi j’adore le foot féminin ! Je trouve ça plus technique, plus tactique, moins bourrin. Puis franchement, c’est chouette, parce qu’elles ne sont vraiment pas truqueuses !” Non en fait, mec, ça c’est juste des clichés. Et crois-moi, il y a des bourrines, il y a des meufs techniques, il y a des petits gabarits, il y a des gros gabarits. Il y a tout, en fait ! Comme chez les mecs ! N’essaie pas d’essentialiser quoi que ce soit : un passement de jambes, ça reste un passement de jambes : un une-deux, ça reste un une-deux, point !
Ils veulent voir de la féminité partout, en fait. Alors que nous, on ne prétend rien d’autre que d’être footballeuses et d’être reconnues pour ça. Je le dis dans un de mes slam qui s’intitule “Les dimanches n’ont jamais eu le goût de samedi” et qui retrace mon parcours de joueuse, la misogynie que j’ai vécue dans ce milieu-là et puis la misogynie qui se double aussi de la culture du dolorisme qu’il y a dans le dans le haut niveau. Et je dis : “C’était avant. Avant que ton talent ne soit relégué au second plan ; avant que tes seins, ton tour de cuisse et ton chignon ne deviennent tes seuls gages de médiatisation. C’était avant, quand le football était ta raison, ton obsession, ton unique, ta seule maison.” Donc, c’est tout ça, en fait, que ça veut dire “football féminin”. C’est tout ça. Donc voilà, tout ça pour dire que je suis conférencière, que je suis slameuse et qu’au début, quand j’ai raccroché les crampons et que je venais de soutenir ma thèse, j’ai commencé par donner des conférences scientifiques vulgarisées.
Et je dois le dire, pendant un temps, j’ai flirté sans le savoir avec le queerisme. Je tiens juste à préciser que je n’étais pas aussi féministe que je le suis aujourd’hui et qu’il m’a fallu d’abord me défaire des entraves qui avaient été les miennes dans le football, ça m’a pris du temps et ça m’a demandé beaucoup d’efforts.
Et donc dans mes conférences je parlais du cas des intersexes dans le sport. Et à l’époque je questionnais le sexe biologique en tant que continuum. Et bien entendu aujourd’hui c’est plus du tout mon avis. Le cas des intersexes, qui est quand même l’argument massue, et pourtant infondé utilisé par les transactivistes, eh bien le cas des intersexes c’est juste l’exception qui confirme la règle en fait. Il faut bien comprendre que les intersexes souffrent d’une anomalie ou d’un dysfonctionnement de l’une ou l’autre composante de leur sexe, que ce soit les chromosomes, les gonades, les organes génitaux, et que cette anomalie vient accompagnée d’un certain nombre de conséquences négatives, comme par exemple dans de nombreux cas, l’infertilité. Donc je vous invite à écouter le podcast de Rebelles du Genre qui a été fait par Alice, qui est une intersexe et sociologue, parce que pour moi c’est très clair, c’est très rigoureux et ça résume assez bien ma pensée.
Mais pour aller au bout des choses sur les intersexes, je voudrais vous dire que intersexe ne veut pas dire hermaphrodite, les intersexes sont des mâles ou des femelles, simplement ils présentent une anomalie ou un dysfonctionnement.
Et à ce sujet je voudrais parler de Caster Semenya qui est une athlète sud-africaine, qui est une femme intersexe, qui a subi bon nombre d’atrocités. C’est une femme qu’on a voulu maintes fois mutiler sexuellement, qu’on a incité à une forme de dopage, une femme qui a subi un nombre de procès de virilité et un nombre de contrôles de féminité – entendez par contrôles de féminité, entendez par là des viols digitaux-. Ça porte bien son nom d’ailleurs, il aurait fallu dire contrôle de femelité mais c’est bien le manque de féminité qui a toujours été questionné chez Caster Semenya, c’est sa non-réponse aux injonctions qui a été questionnée, c’est son corps, jugé trop musculeux, c’est sa tenue, jugée trop masculine, ses seins jugés trop plats etc…
Bon et ce qu’il faut savoir, c’est que Caster Semenya a été, il y a quelques années expulsée des compétitions sportives chez les dames, on lui a retiré ses records, ses médailles parce que beaucoup étaient convaincus qu’elle était un homme. Ce qui est totalement faux ! Et c’est marrant, mais quand on regarde ce qui est offert, sans questionnement aucun ou si peu, aux hommes qui se disent femmes, bah en fait ça me rend dingue ! Je ne vais donner que leur nom de famille parce que je ne veux pas qu’on m’accuse d’utiliser leurs morinoms là, ça me fatigue de rentrer dans leur délire, mais je vais vous parler de Thomas en natation, Bridge en cyclisme, Killips en cyclo-cross, Gregory en haltérophilie, enfin il y en a eu plein !
Et en fait ce qu’il faut comprendre c’est que dans le sport, dans de nombreuses disciplines, les mâles transidentifiés femmes sont en train d’exploser la concurrence en fait, au sens figuré comme au sens propre. Parce que quand il s’agit de la boxe, c’est véritablement au sens propre qu’ils explosent la concurrence. Ils sont en train de battre tous les records et de rafler toutes les médailles qui sont censées revenir aux femmes en fait.
RDG – Et les bourses etc…
Mélissa – Exactement !
RDG – Et puis dans tous les sports de type MMA également.
Mélissa – Bien sûr. Et d’ailleurs au Canada, il y a un gars qui s’appelle Avi Silverberg qui est un coach en haltérophilie, qui s’est même amusé du fait que ce soit plus facile de se déclarer femme que de poster une lettre pour la France, et il s’est inscrit au tournoi dames qui s’appelle Heroes Classic en Alberta, qui est un tournoi d’haltérophilie. Et il a soulevé, tenez-vous bien, 168 kg au développé couché ! Donc il a explosé le record de 45 kg ! Record qui était précédemment détenu par Andres, un mâle transidentifié femme qui a gagné chez les dames 8 des 9 compétitions qui ont eu lieu au cours des quatre dernières années. Compétitions au cours desquelles évidemment il n’a eu de cesse de battre les records des femmes. Alors bien sûr, notre cher Andres a, dans un premier temps, ragé de voir Avi Silverberg exploser le record au développé couché, puis il a fini par avouer, quand même, que ce n’était sans doute pas très juste qu’il participe aux compétitions dames.
Bah merci pour cette lucidité !
RDG – (rires) Pas possible ! Ce ne serait pas juste !
Mélissa – Ce ne serait pas très juste ! Il faut bien avoir en tête, quand même, que dans ce genre de discipline, la différence moyenne de performance dans le haut du corps pour une même taille et un même poids entre les hommes et les femmes, elle oscille entre 30 et 40% en faveur des hommes. Et prendre un traitement hormonal, bah je suis désolée, mais ça ne peut pas combler toutes ces différences. On y reviendra tout à l’heure à ça.
Bref, revenons sur Caster Semenya, parce que moi je suis sportive à la base donc je veux surtout traiter de la question du sport ici, je pense que ça va être ma plus value dans ce podcast c’est surtout parler du sport. Donc Caster Semenya, c’est une athlète, femme, intersexe, sa 23e paire de chromosomes présente une anomalie, donc elle n’est pas XX, elle n’est pas XY, elle est XXY. Et ce Y-là, la présence de ce Y engendre un taux de testostérone plus élevé que la plupart de ses concurrentes, c’est vrai. Mais je voudrais que vous regardiez le deux poids deux mesures qu’opère la FIA. La FIA, c’est la Fédération Internationale d’Athlétisme.
Au début la FIA a pris la décision, quand Caster Semenya, Dutee Chand et Annet Negesa sont arrivées, la FIA a pris la décision de baisser arbitrairement le taux légal de testostérone à 5 nanomoles par litre de sang au lieu de 10 nanomoles par litre de sang initialement autorisé. D’accord : on a baissé de cinq nanomoles le taux légal. Ca tombait plutôt bien parce que Caster Semenya avait environ 8 nanomoles par litre de sang. Donc, on a pu la dégager facilement ainsi que toutes les autres femmes intersexes qui concouraient en athlé chez les dames.
Et puis alors, il y a d’abord eu en 2015 et puis en 2021, la FIA change soudainement son fusil d’épaule. À nouveau on remonte à 10 nanomoles de testostérone par litre de sang autorisé.
Pourquoi ? Pour inclure les trans ! Puis revirement de situation, là il y a peu, ils ont pris la décision d’exclure les trans, puis à nouveau revirement de situation avec l’athlète mâle transidentifié qui s’appelle Diouf…
Bref, tout ça pour vous dire quoi ? Qu’ en fait tout le monde donne le sentiment de naviguer à vue, personne ne sait de quoi il parle, beaucoup mélangent tout : les intersexes et les trans, alors que ce n’est pas du tout le même sujet ! Il faut bien comprendre que pour Caster Semenya, la question qui se pose dans le sport, c’est “comment est-ce qu’on fait pour que Caster Semenya puisse concourir aussi ?” Est-ce qu’on crée une autre catégorie pour les personnes intersexes ou est-ce qu’on se dit finalement que le haut niveau c’est aussi et surtout ça : ce sont des corps hors normes qui, sans substance exogène, arrivent à battre tout le monde. Je dis bien sans substance exogène !
Michael Phelps par exemple, bon bah il a des pieds immenses ! C’est un avantage considérable en natation. Bon bah écoutez, on ne va pas lui demander de se raboter les pieds pour que ce soit équitable avec les autres, non ! Bah globalement c’est un peu ce qu’on a demandé à Caster Semenya.
C’est aussi ce qu’on a demandé à Annet Negeza qui elle aussi est une athlète intersexe et qui, honnêtement la pauvre, elle a été rapatriée en Ouganda, opérée à son insu de ses gonades internes. On lui a fait croire qu’elle ne subirait qu’une injection d’œstrogènes alors qu’en fait ils ont procédé, sans même l’en informer, à une ablation de ses testicules internes (c’était là qu’elle présentait l’anomalie) et en fait, les conséquences pour elle ont été dramatiques ! Parce qu’aujourd’hui, suite à cette mutilation sexuelle, Annet Negesa, non seulement ne peut plus faire d’athlé, mais elle a même du mal à marcher en fait.
Et Caster Semenya c’est pareil, elle a subi un nombre de violences inimaginable ! Et ce que je voudrais que vous compreniez ici, c’est que ce n’est pas du tout la même chose avec les trans, avec les mâles transidentifiés femmes. Parce que eux, contrairement à Caster Semenya et à Annet Negeza, pour pouvoir concourir par exemple en athlé, ils doivent recourir à des substances exogènes, comme la prise d’œstrogènes. Sauf que la prise de substance est tout bonnement interdite par le règlement.
Point final. C’est du dopage ! Je ne l’invente pas ! Dans la loi du 23 mars 1999, le dopage est défini comme “l’utilisation de substances ou de procédés de nature à modifier artificiellement les capacités d’un sportif”. On ne dit pas dans quel sens, on dit juste que c’est interdit. C’est interdit pour protéger la santé des sportifs, ainsi que l’esprit et l’éthique du sport. Et bien entendu, si ces hommes qui se disent femmes ne transitionnent pas du tout et bien il n’y a aucune raison qu’ils concourent chez les dames.
Donc peut-être que la solution, en attendant que nous ayons des données fiables sur le sujet, et j’y reviendrai tout à l’heure, la solution c’est peut-être que ces hommes qui se disent femmes puissent avoir leur propre catégorie. Mais qu’on laisse les femmes tranquilles ! Elles ont mis des décennies, des siècles pour pouvoir avoir accès à la pratique sportive. Elles ne peuvent prendre une licence à la Fédération Internationale de Football que depuis les années 70 ! La boxe a été autorisée en 99 ! C’était hier quoi ! Leur place, elle est précaire dans plein de disciplines, elle n’est jamais légitime, jamais complètement acquise ! Alors je vous le dis mesdames les sportives, il faut se battre pour conserver ce qu’on a si rudement réussi à obtenir, il faut être lucide et se battre courageusement !
Et encore une fois je sais que les trans s’appuient beaucoup sur la question des intersexes pour dire “ah bah vous voyez le sexe n’est pas binaire, le sexe est un continuum blablabla bla bla bla…
Mais instrumentaliser les intersexes pour servir cette idéologie selon laquelle le sexe ne serait pas binaire, c’est odieux en fait, c’est odieux.
Quand vous voyez un être humain avec une seule jambe (un unijambiste, donc), la première pensée qui vous vient, normalement, à l’esprit, c’est qu’il s’est forcément passé quelque chose, une anomalie dans le développement, un accident de la route, bref, quelque chose. Mais cet unijambiste ne vous sert pas à prouver que les êtres humains ne sont pas des bipèdes.
Donc, excusez-moi, mais je vous invite quand même à avoir le même raisonnement au sujet des femmes et des hommes.
Ce n’est pas parce qu’il y a des cas d’intersexes que les êtres humains ne peuvent pas être classés en tant que mâles et femelles, en tant que personnes en capacité de donner la vie, ou pas.Et encore une fois : ce n’est pas parce que certaines femmes ne peuvent pas tomber enceintes que ça remet en cause le fait que les femmes sont celles qui, par nature, sont en capacité de donner la vie.
D’ailleurs, franchement, je n’invente rien. Écoutez la science. Écoutez Madame Christiane Nüsslein-Volhard, qui est quand même biologiste et prix Nobel, vous dire que cette affirmation de non-binarité n’est pas scientifique.Cette affirmation de non-binarité n’est pas scientifique. Chez tous les mammifères, il y a 2 sexes. Et les femmes et les hommes sont des mammifères.
RDG – On en est quand même à une prix Nobel qui dit, qui prend son précieux temps pour expliquer que les femmes n’ont pas de pénis. C’est un truc de fou. On n’a que ça à faire en fait.
Mélissa – Bien sûr. On en est là. Rappeler les raisonnements les plus basiques.RDG – Rappeler les cours de SVT de 4e.
Mélissa – C’est ça. C’est complètement fou.
RDG – Il y a un autre truc qui m’a énormément choquée dans ce que tu viens de dire, c’est par rapport à Caster Semenya. Je trouve qu’il y a aussi quelque chose qui ressemble quand même énormément à du racisme.
Mélissa – Ouais, bien sûr.RDG – On n’aurait jamais imposé une mutilation sexuelle à son insu à un homme blanc. Il y a du sexisme, évidemment, mais aussi du racisme. Pardon, ce n’est pas Caster Semenya. Caster Semenya, c’est les viols digitaux, par exemple. C’est Annet Negesa qui a été mutilée à son insu.
Mélissa – Mais Caster Semenya est noire aussi.
RDG – Franchement, c’est assez troublant. Ça se produit sur des femmes africaines. Noires et africaines. C’est très troublant et choquant.
Mélissa – Et dans l’indifférence la plus totale. Parce qu’Annet Negesa, il a fallu attendre, je ne sais plus, 5 ou 10 ans pour qu’un documentaire sorte enfin sur elle, et pour qu’on sache “où elle est et ce qu’elle fait maintenant?” Un truc… Le silence et l’omerta règnent. C’est assez hallucinant.
Pour revenir à notre prix Nobel, elle dit aussi que le cas des intersexes est finalement assez rare et que si les intersexes présentent des caractéristiques des deux sexes, ils ne forment pas du tout ce qu’on peut appeler un troisième sexe. Elle dit que vivre dans le sexe de son choix (et je la cite) est, je la cite “une foutaise, un fantasme” parce que prendre des hormones peut évidemment changer votre voix, votre pilosité, mais ne vous fera pas soudainement produire des spermatozoïdes si vous êtes né femme, ou tomber enceint si vous êtes né homme.
Et d’ailleurs, elle met bien en garde sur cette prise d’hormones au long cours. Elle dit (et elle n’est pas la seule d’ailleurs, j’aimerais quand même dire à certains écolos pro trans qu’ils feraient bien de se regarder un peu dans le miroir à ce sujet), parce qu’elle dit que, par principe, la prise d’hormones est dangereuse pour la santé. Par principe.
Alors j’entends, de ci, de là, on alerte sur la pilule, sur les perturbateurs endocriniens, mais par contre pour les bloqueurs de puberté, la prise d’hormones au long cours, apparemment il n’y a pas de problème. C’est un peu surréaliste, je trouve.
Donc pour revenir au sujet des trans dans les compétitions dames sportives, je voudrais commencer par préciser qu’avant la puberté, il n’y a pas de différence significative en termes de taille, de masse musculaire, ou de masse osseuse entre les filles et les garçons, et c’est pendant la puberté que les différences se font.Ce qui doit nous intéresser ici, c’est l’impact d’une adolescence en tant que mâle sur les performances sportives, y compris après la suppression de la testostérone.
Sauf que, ce qu’il faut savoir, c’est que globalement, les recherches sur les avantages que présentent les athlètes mâles transidentifiés en tant que femmes, par rapport aux femmes, dans le sport, elles sont rares. Il y en a très peu. C’est étonnant hein ?
Et je voudrais évoquer ici ce que j’ai fait pour ce podcast. J’ai préparé sérieusement les choses. J’ai fait une revue de littérature. Ça m’a rappelé mes années de thèse (mes douloureuses années de thèse) et je voudrais évoquer ici un article en particulier qui est paru en 2021. C’est un article qui a été écrit par la Fédération internationale de médecine du sport, et publié dans la revue Sports Medicine.Cet article est une déclaration de consensus de la Fédération internationale de médecine du sport, qui fait un petit état des lieux sur la littérature qui existe concernant les différences de performance entre les athlètes mâles transidentités femelles et les athlètes femmes, quand la transition a eu lieu après l’adolescence. Voilà. Globalement, j’ai retenu trois choses de ce consensus :
- La première, c’est que, même les réglementations les plus fondées sur les preuves scientifiques, sont peu susceptibles d’éliminer toutes les différences de performance entre les athlètes femmes et les athlètes mâles transidentifiés femelles.
- La deuxième, c’est que les études menées sur le sujet présentent des limites importantes, notamment parce qu’on manque de données sur les performances sportives avant, pendant ou après la suppression de testostérone, (alors que le facteur qui doit nous intéresser ici est la performance) .
- Trois : la communauté scientifique doit également mener des études longitudinales avec des groupes de contrôle spécifiques, pour générer les données de performances biologiques et sportives pour les sports individuels, afin d’éclairer l’inclusion ou l’exclusion équitable de ces athlètes.
Donc en résumé, pour l’heure, on a peu d’études. Peu d’études qui prennent en compte la performance et encore moins sur le long terme. On n’a rien. La Fédération internationale de médecine du sport évoque clairement l’inéquité potentielle et, à ce titre, je pense qu’en effet, il faut d’abord et avant tout jouer la carte de la prudence et protéger les femmes.
J’ai lu pas mal d’études, et on s’aperçoit que les conclusions sont toujours un peu évasives, jamais vraiment rigoureuses. Je vous donne un exemple : j’ai pu lire en conclusion d’un article que “normaliser les niveaux hormonaux retire la plus grande majorité des avantages d’avoir été un homme”. Je répète, “la plus grande majorité des avantages”.
D’accord. Que fait-on des avantages restants, du coup ? Et d’ailleurs, comment est-ce qu’on peut savoir si des avantages ont effectivement été supprimés quand on ne mesure pas la performance ?
Alors, je pose la question aux chercheurs et aux chercheuses aujourd’hui : quel est l’impact véritable d’une adolescence mâle sur les performances sportives et quel est l’impact de la déprivation de testostérone sur la masse musculaire, sur la taille du squelette, etc. ?
Et si impact il y a, est-il suffisamment significatif pour que les compétitions avec les femmes soient envisagées de manière équitable ?
C’est aux politiques de financer ses recherches. C’est aux scientifiques de trouver ces réponses et ensuite nous pourrons éventuellement statuer sur les règlements. D’ailleurs, au passage si vous revoyez le règlement, pensez à le revoir du point de vue du dopage parce que, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, les trans ne seront jamais en règle de ce point de vue-là.
Je voudrais aussi mettre un point de vigilance sur le scandale sanitaire qu’on est en train de préparer, toutes ces mutilations irréversibles en réponse au mal-être. Je trouve ça tout bonnement honteux. Honteux. C’est comme si, aujourd’hui, on disait à une anorexique qui vient nous voir en consultation psy : “Bah, écoute, la solution miracle pour toi, c’est la liposuccion.” .
Ça n’a pas de sens, et c’est totalement inconséquent. C’est scandaleux.
Et je suis désolée, mais c’est terriblement effrayant de voir tous ces bloqueurs d’hormones prescrits à tour de bras, toutes ces piquouses de testo obtenues par le biais du Planning Familial, ces listes d’attentes longues comme le bras pour les chirurgies mutilatrices de changement de sexe.
Au CHU de Rennes, par exemple, il y a 18 mois d’attente pour une consultation et 2 ans et demi pour une opération vaginoplastie. Le CHU de Rennes évoque potentiellement 30 000 personnes concernées rien que sur la Bretagne pour cette chirurgie de réassignation sexuelle.
Je n’invente rien. Vous pouvez trouver tout ça sur Ouest-France. Ça vient du CHU.
Il faut imaginer que, pour ces établissements qui pratiquent ce type de chirurgie, ce sont des opérations très rentables. Annuellement, ça rapporte des montants à 6 chiffres. Ce n’est pas de l’altruisme. Une phalloplastie peut coûter jusqu’à 35 000 euros. C’est jusqu’à 3 500 euros pour une mammectomie. Les prothèses mammaires, c’est 4 000 € en moyenne. Et avec l’ALD, tout est presque entièrement pris en charge par la sécu (l’affection de longue durée).
Bien sûr, ils ne sont pas malades, mais ils bénéficient de l’ALD.Et quand je pense que la psychothérapie, quand tu as été victime d’inceste, elle n’est pas prise en charge par la sécu, ça me fait péter un câble. Ça me fait péter un câble. C’est scandaleux.
Et c’est marrant mais dès que tu expliques autour de toi pourquoi ce n’est pas la bonne manière de procéder, que tu évoques les traumas non soignés (notamment chez les jeunes femmes), que tu évoques le milieu homophobe qui préfère un enfant trans plutôt qu’un enfant homo, que tu évoques la question du transagisme (parce que maintenant, les hommes ne se contentent pas de vouloir être des femmes, ils veulent être des petites filles de 8 ans), que tu évoques la question du transracialisme (avec ces gens qui sont blancs et qui pensent être noirs ou asiatiques, ou je ne sais quoi), bah les gens quand tu leur expliques ça, ils comprennent la supercherie.RDG – Et les trans-handicapés aussi.
Mélissa – Et les trans… non mais ça va s’arrêter où en fait ?
Quand est-ce que les gens vont se dire : “Non, quand même, là, on exagère” ? Enfin, ça tombe sous le sens quand tu leur expliques ça.Voilà pour cette première partie.
RDG – Maintenant on va passer à la question suivante. Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour le droit des femmes, pour les enfants, pour notre société et pour la démocratie ?
Mélissa – Je vais commencer par le risque pour les femmes. Le risque pour les femmes, c’est simplement qu’on est en train de nous rayer de la carte du monde, encore une fois, partout, dans tous les domaines, le sport, la politique, partout, où les espaces ne leur étaient déjà pas favorables, elles sont juste littéralement évincées. Tout cela, bien entendu, en maintenant l’illusion d’égalité, même de parité pour ce qui est de la politique, par exemple. Ça me rend un peu dingue.Et je voudrais dire aussi que le transactivisme est tout bonnement en train d’empêcher la science de faire son travail correctement. D’empêcher les données sexuées qui nous permettent notamment d’évaluer les inégalités entre les femmes et les hommes. Et les quantifier, c’est le premier pas pour pouvoir comprendre qu’elles font système et pour pouvoir dans un second temps mettre en place des solutions.
Au Royaume-Uni, les autorités ne prennent plus en compte le sexe de naissance des personnes, uniquement le sexe déclaré. C’est ainsi qu’entre 2015 et 2019, les actes pédocriminels commis par les femmes auraient connu une augmentation de 84%, passant de 1249 cas annuels à 2297. Honnêtement, moi, je n’ai pas du tout envie que les femmes soient rendues responsables des pires ignominies quand on sait qu’elles n’en sont pas les autrices et qu’elles en sont d’ailleurs les premières victimes.
RDG – Ce ne sont pas nos crimes.
Mélissa – C’est pas nos crimes. Et j’ai le sentiment que, je ne sais pas, c’est tellement de l’arnaque. Ceux qui ne veulent pas voir ça… C’est orwellien.
L’autre chose aussi que je voudrais dire, c’est qu’on est en train (je n’ai pas peur de le dire, honnêtement) de pousser les femmes aux suicide, parce qu’aujourd’hui, la plupart des personnes qui transitionnent sont des jeunes femmes. En 20 ans, on a vu le nombre de jeunes femmes qui transitionnent augmenter considérablement. Dans certaines cliniques spécialisées dans les populations adolescentes, comme, par exemple, la clinique du GIDS à Londres, on est passé de 44% à près de 74% de filles qui ont initié un parcours de transition. En 10 ans, dans les cliniques au Royaume-Uni, il y a une augmentation de 4400% du nombre de filles traitées pour dysphorie de genre.4400%. C’est énorme. C’est vertigineux.
Et, en plus, on observe globalement que chez les jeunes, il y a beaucoup plus de filles qui se disent garçons que de garçons qui se disent filles, et que chez les plus de 50 ans, bizarrement, c’est l’inverse qu’on observe. On a beaucoup plus d’hommes qui se disent femmes que de femmes qui se disent hommes. C’est un constat que je trouve quand même assez éloquent.
Bizarrement, on a d’un côté des filles qui fuient littéralement la vie en tant que femme, et de l’autre on a des hommes qui jouissent toute leur vie de leurs privilèges testiculaires, et qui tout à coup souhaitent prétendument y renoncer.Je dis prétendument, évidemment, parce que je sais très bien le cheval de Troie qui assiège le milieu féministe en ce moment. Donc, je vous laisse réfléchir à cette assertion-là.
Et au passage, encore une fois, je fais un petit coup de promo, mais je vous invite vivement à écouter le podcast d’Axelle. Axelle est cette femme qui a détransitionné et qui a eu le courage de témoigner ici. Elle explique pas mal de choses à ce sujet, des choses très intéressantes, et puis on entend des choses qu’on n’avait pas entendues jusqu’à présent.
Et la vraie question, en fait, c’est pourquoi toutes ces jeunes femmes veulent-elles devenir des garçons. Parce que la question, personne ne veut la poser. Parce que la vérité, c’est que tout le monde a déjà la réponse.
C’est un enfer d’être fille ou femme dans cette société. Donc vouloir devenir un garçon (ce qu’on ne parviendra jamais à faire, on restera des doubles X quel que soit le traitement hormonal qu’on prend ou la chirurgie à laquelle on a recours), mais vouloir devenir un garçon c’est vouloir fuir les violences misogynes en réalité. Et c’est un mirage, parce que le transactivisme n’est que le nouveau visage de la misogynie.
Regardez Dylan Mulvaney, nouvelle égérie Nike. Regardez le moquer les femmes, donner une version grotesque et ridiculement caricaturale des femmes. Encore une fois, franchement, c’est assez ironique le deux poids, deux mesures dans notre société. Vous avez d’un côté Antoine Griezmann qui se fait tomber dessus, à juste titre, il y a quelques années, parce qu’il fait un blackface, et de l’autre vous avez Dylan Mulvaney qui humilie ouvertement les femmes, à coups de chirurgie de féminisation du visage, de maquillage outrancier pour le compte d’une des plus grandes marques de sportswear, et ça, c’est ok. Pas de problème.
Le racisme, c’est non. Le sexisme, ça passe encore. Franchement, ça me dégoûte, mais profondément.
Et bien sûr, vous le voyez caracoler partout en ce moment. Il amasse des sommes astronomiques, chaque fois qu’il devient égérie d’une grande marque, et il y en a un paquet de marques qui l’ont choisi comme égérie. Vous avez Nike, Plaza Hôtel, Bud Light et Tampax, Maybelline. Tampax et Maybelline!Mais on se fout de notre gueule en fait.
RDG – Ah mais carrément, c’est vraiment du foutage de gueule. C’est ouvertement. C’est le Boys Club qui se moque des femmes.Mélissa – Mais complètement. Donc voilà, ça me rend dingue.
Le risque pour les enfants, évidemment, il est immense. J’ai parlé tout à l’heure des bloqueurs d’hormones, des chirurgies mutilatrices, mais putain…
Il y a des pays où les filles et les femmes sont excisées depuis la nuit des temps et nous, on propose à nos adolescentes des mammectomies comme solution à la dysphorie de genre ? Dysphorie qui, comme je l’ai dit précédemment, est souvent la conséquence des traumas.
Je trouve ça hallucinant que des mutilations soient offertes comme solution miracle, moi je trouve ça complètement fou. Et vous savez, moi je parle souvent de liberté individuelle et je ne pourrais jamais dire à quel point le sport (et le foot en particulier) a fait de moi ce que je suis aujourd’hui.
Mais je sais ce qui m’en a coûté, je sais combien il a fallu se battre pour lutter contre les clichés, et puis plus tard contre les injonctions contradictoires. Et moi, j’aimerais que nos petites filles et nos petits garçons puissent se rêver en ce qu’ils veulent, sans avoir à imaginer qu’ils doivent changer de corps, parce qu’on ne naît pas dans le mauvais corps et que si vous croyez dur comme fer à cette affirmation, c’est que vous préférez mutiler des corps que de voir la société changer. Et une personne qui préfère voir son petit garçon transformé en petite fille plutôt que de le laisser jouer à la poupée tranquille, ou aimer les garçons, franchement cette personne a un sérieux problème.
C’est elle qui doit consulter un psy, pas son gosse!Le risque pour la démocratie, je crois qu’elle est déjà bien en péril honnêtement, quand on voit l’impossibilité de débattre, l’impossibilité, ne serait-ce que de questionner, ça fait peur. Et la menace, elle est réelle. D’ailleurs, les représailles sont fortes. On le voit pour beaucoup d’entre nous.
RDG – Quand on voit les craintes que tu as manifestées à l’idée de témoigner
Mélissa – Mais oui, mais j’en ai fait des cauchemars.
RDG – Merci pour ton courage en tout cas.Mélissa – Oui, je pense qu’en fait tous les enjeux comme ça nécessitent le plus grand des courage, c’est sûr, et en même temps j’avais très envie, et vraiment besoin de le faire. C’est vrai, j’ai hésité très longtemps à témoigner, parce qu’effectivement je risque gros socialement, je risque gros économiquement. Je vois déjà certaines femmes qui m’ont tourné le dos ou qui sont très fâchées que j’adopte ces positionnements, alors même qu’elles n’ont pas encore entendu mon raisonnement. Mais moi, je suis fatiguée de passer pour la méchante.
Alors que c’est nous, les féministes radicales, qui nous inquiétons vraiment de la santé des personnes qui souffrent de dysphorie de genre. C’est nous qui souhaitons que ces personnes soient correctement prises en charge. C’est nous qui veillons au grain pour que les droits des femmes ne soient pas laminés et réduit à peau de chagrin, encore une fois. Donc voilà, je voulais vraiment à travers ce podcast essayer de remettre un tant soit peu le monde à l’endroit.
RDG – Et on te remercie pour ça, vraiment. C’est très courageux. On espère que d’autres femmes auront ce courage et je pense aussi que la parole permet la parole, et qu’en faisant ce que tu fais aujourd’hui, ça ouvrira aussi d’autres espaces de parole, donc merci aussi pour ça.
Mélissa – J’espère, oui.
RDG – La question suivante : qu’est-ce qui t’a décidé à témoigner et est-ce que tu as subi des pressions, des menaces ? Je ne sais pas, peut-être que tu as déjà développé la réponse à cette question.
Mélissa – Je l’ai un peu dit tout à l’heure, effectivement. De toute façon, j’ai choisi de témoigner entre guillemets “à visage découvert” parce que, de toute façon, avec le parcours que j’ai, ce ne serait pas difficile de me retrouver.
En quelques clics, une footballeuse professionnelle qui a un doctorat et qui est conférencière et slameuse aujourd’hui, il n’y a que moi. Donc ça aurait été bien inutile de témoigner anonymement.
Et puis je crois surtout qu’on est dans un dans un moment de l’histoire où on a besoin de femmes courageuses, et je crois que, toute ma vie, j’ai toujours été quelqu’un de courageuse en fait. Donc ce témoignage, c’est juste un alignement à moi-même. Voilà. Quoi qu’il en coûte après, j’ai le sentiment d’être dans le juste et je défie quiconque de venir démonter le raisonnement que j’ai apporté ici.
Venez si vous n’êtes pas d’accord. Venez, mais discutez avec des arguments.
C’est ça que j’attends, en fait.
RDG – OK Mélissa, est-ce que tu as quelque chose à ajouter ?
Mélissa – Je voudrais passer un message. Un message important. Parce que c’est une bataille de la rigueur qui nous attend là. Je voudrais demander de la rigueur à toutes celles et ceux qui sont révoltés parce qui survient en ce moment. Je voudrais demander une extrême rigueur, une extrême précision et une remise à l’endroit permanente. Je crois qu’il n’y a que comme ça, en fait, qu’on va pouvoir démasquer les incohérences, il n’y a que comme ça qu’on pourra faire face dignement aux attaques incessantes, à cette violence inouïe que le mouvement transactiviste déverse sur les féministes radicales. Je pense qu’il n’y a que comme ça qu’on va y arriver.
Et quand je parle de rigueur, la rigueur ça veut dire être précise dans le langage. Je voudrais qu’on soit en vigilance avec tous les abus de langage, comme le “sexe féminin”, le “foot féminin”, la “féminisation des instances dirigeantes”, et tout ce bullshit-là, qui confond le genre avec le sexe.
Non, on ne “féminise” pas un Comex, une entreprise ou un sport : on donne une place légitime et nécessaire aux femmes.
Ceux qui vous disent qu’ils “féminisent”, ils ne mentent pas. Ils veulent réellement féminiser. Ils espèrent apporter par le biais des femmes de l’empathie, de la douceur, des soft skills, en gros. Et si on ne répond rien à ça, on les laisse encore une fois essentialiser les qualités, les métiers, les sports.
Et moi je n’en peux plus de ça. La bataille de la langue, elle est importante.
Je voudrais qu’on soit en vigilance, chaque fois que quelqu’un parle de données “genrées”, “d’inégalités de genre” pour évoquer les questions liées aux femmes et aux hommes.
Putain, soyez rigoureuses!
Corrigez, précisez, expliquez, remettez le monde à l’endroit.
Je voudrais qu’on soit en vigilance sur les concepts et leurs définitions.
Être transsexuel, ça n’est pas la même chose qu’être transgenre. Ça n’inclut pas les mêmes choses, les mêmes processus de transformation.
“Transsexuel”, ça n’est pas “intersexe”. On ne naît pas trans comme on naît intersexe.
D’ailleurs, pour paraphraser Simone de Beauvoir, on ne naît pas trans, on le devient, par la force du social. Et en passant, d’ailleurs, transexuel ça ne fait pas non plus référence à la sexualité des gens. Parce qu’on entend tout un tas de conneries, aussi, à ce sujet. Et d’ailleurs, je voudrais dire que si le mouvement transactiviste était un tant soit peu sérieux, il saurait que presque tout le monde pourrait se réclamer de l’identité transgenre. Parce que, honnêtement, qui, sur cette terre, est en mesure de dire “je colle parfaitement à l’entièreté des stéréotypes accollés à mon sexe”? Qui? En sachant que ces stéréotypes de genre varient en fonction des époques et des sociétés dans lesquelles on les décrypte?
Donc en fait, personne ne colle parfaitement aux stéréotypes. Et j’ai envie de dire : “mais tant mieux! Heureusement qu’on n’est pas des clichés ambulants, quoi.” Le monde serait bien triste.
D’ailleurs, comme l’aurait peut-être dit notre regrettée Andrea Dworkin. cette marge de liberté-là, c’est sans doute que “le mou qu’il y a dans notre laisse”. Vous voulez être libres? Coupez cette putain de laisse, alors.
Et la rigueur, elle doit aussi, et surtout, se manifester dans le rappel constant que le genre est une entrave à la liberté individuelle de chacun, et surtout de chacune. C’est parce que le genre existe, parce que les stéréotypes sexistes existent, que nous évoluons toutes et tous dans des bocaux étriqués et hermétiques. C’est parce que le genre existe, parce que les stéréotypes sexistes existent, que les hommes agressent, violent et tuent les femmes en masse, partout dans le monde.
Tout le monde doit comprendre que, tant qu’existera le genre, les femmes resteront les paillassons sur lesquels les hommes essuient leurs pieds dégueulasses.
RDG – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.
S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe :
womensdeclaration.com
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Rebelles du genre – Épisode 67 – Fanny
Fanny – Je m’appelle Fanny.
J’ai 50 ans. Je suis thérapeute psycho corporelle, c’est-à-dire que je prends en charge les personnes que je reçois dans leur globalité : corps et esprit.
Et je suis thérapeute féministe, c’est-à-dire que je m’occupe du système je regarde le système familial et social dans lequel on grandit.
Je suis spécialisée dans l’accompagnement et la prise en charge des victimes de violence à caractère sexuel, et formatrice égalité et prévention des violences.
J’ai été formée par le Collectif féministe contre le viol, qui est le collectif qui gère le numéro d’appel national “viol femme information” donc le 0800 05 95 95 du lundi au vendredi de 10h à 19h.
Donc ce sont les spécialistes depuis 1985 de l’accompagnement des victimes de violences sexuelles. Donc j’ai le cycle de formation complet avec le CFVC j’ai également été formée par l’association AVFT qui est l’Association européenne des violences faites aux femmes au travail donc, tout ce qui concerne le viol, les violences, le harcèlement sexuel au travail.
Également formée par l’Amicale du Nid à l’exploitation sexuelle, et au système prostitutionnel, qui pèse massivement sur les femmes et qui profite massivement aux hommes, et plus particulièrement au psychotrauma aussi avec Muriel Salmona.
Tout ce parcours militant, associatif, formation m’a amenée à m’installer il y a deux ans en tant que thérapeute psycho-corporelle féministe en Bourgogne.
La majorité de ma patientèle est bien évidemment des femmes, comme les femmes sont majoritairement victimes des violences à caractère sexuel.
Rebelles du Genre – Bonjour et bienvenue sur le podcast Rebelles du genre. Nous sommes des femmes, militantes, pour l’affirmation et la protection des droits des femmes basés sur le sexe, et donc notre biologie. Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes et le genre en est le moyen.
Nous sommes les rebelles du genre.
Nous observons aujourd’hui avec fureur des hommes qui envahissent nos espaces, agressent nos sœurs, revendiquent nos droits.
Conditionnées à la gentillesse et touchées par leur victimisation, les femmes mettent en général un certain temps à comprendre l’arnaque du mouvement transactiviste et commencent souvent par soutenir cette idéologie.
Puis, elles ouvrent les yeux, constatent sa violence et la refusent. Ce podcast est là pour donner la parole à des femmes qui expliqueront pourquoi et comment elles sont devenues critiques du genre et qui témoignent de leur parcours. Écoutons leur parole.
Fanny – Tout d’abord c’est vrai, petite, à l’école quand on m’a appris que “le masculin l’emportait sur le féminin”, c’est un apprentissage qui m’avait choquée. J’ai encore le souvenir de ma stupéfaction, au moment où j’avais appris cette règle, que je trouvais déjà très injuste.
Après forcément, j’ai été confrontée, (enfin en tout cas dans ma famille) à des apprentissages très dysfonctionnels, avec une famille qui était très ancrée dans les stéréotypes de genre mais également raciste et homophobe, c’est toujours des combos qui se retrouvent majoritairement chez les personnes qui commettent des violences.
Donc, j’ai constaté très rapidement qu’il n’y avait pas de symétrie entre ma vie à moi et la vie de mon frère, par exemple : nos libertés, notre place dans la cellule familiale, la non-protection des filles.
Mon frère est mon premier agresseur sexuel et puis son meilleur ami est le deuxième agresseur sexuel de mon parcours.
L’humiliation des femmes et des filles par l’arme sexuelle et l’arme genrée, par exemple, les insultes “putes” “salopes” n’ont pas leur pendant masculin.
C’est vraiment cet apprentissage familial qui a été la première source d’éveil aux différences de genre.
Et puis, en grandissant, et avec mes formations féministes, j’ai été forcément confrontée à cette inversion, sans arrêt, de la culpabilité et de la responsabilité des violences qui sont commises par des garçons sur des filles, par des hommes sur des femmes, et qui sont toujours reprochées aux femmes : “Qu’est-ce que tu faisais là” “pourquoi tu étais habillée comme ça?” “Est-ce que tu as dit non clairement?” “Parce que tu sais que les garçons… C’est bêtises de garçons…” C’est comme ça qu’elles étaient nommées dans mon environnement familial et qu’elles ont continué à se reproduire chez les enfants et les petits-enfants.
Donc une distribution sexuelle et genrée qui organise et hiérarchise dans tous les domaines de la vie familiale, amoureuse, sociale, professionnelle mais aussi de loisirs.
Aucun lieu n’est fait et organisé pour les filles et les femmes et donc dans mon parcours militant je me suis rendue compte qu’on se faisait confisquer cette organisation par et pour les femmes en féminisme avec la non-mixité.
Aujourd’hui, c’est un vrai sujet: j’organise des groupes de paroles pour les filles et les femmes de 16 à 25 ans, et la première question qu’on me pose tout le temps c’est “Est-ce que j’accepte aussi les femmes trans?”
Donc, avant de parler des filles et des femmes c’est toujours les femmes trans qui viennent en premier sur le sujet.
Et alors ça a contribué à amener ma réflexion sur cette thématique parce qu’on peut plus te parler des droits des femmes sans avoir à préciser de quelles femmes on parle…De quelle femme il s’agit. De se faire confisquer les mots et puis de se faire aussi traiter de transphobe en occultant complètement les violences sexistes.
Ce que je pourrais ajouter aussi, effectivement dans la lutte pour les droits des femmes, les hommes se sont appropriés tous les codes pour violenter les femmes et même aujourd’hui “empowerment” l’exemple le plus flagrant de détournement de slogan féministe c’est “mon corps, mon choix” qui était un slogan pour défendre le droit à l’IVG pour toutes.
Aujourd’hui c’est un slogan qui est utilisé pour défendre la liberté de se prostituer.
RDG – Oui c’est très choquant évidemment “mon corps mon choix” quand on connaît les combats des femmes pour avoir enfin le respect de l’intégrité de leur corps et qu’aujourd’hui c’est la porte ouverte aux violeurs… c’est… c’est terrible en fait.
Fanny – Oui, oui c’est une inversion complète, ils se sont approprié complètement le “poids des mots” le “pouvoir des mots” en le confisquant massivement alors que, la prostitution on sait aussi que la majorité des femmes qui sont en prostitution, déjà la majorité des personnes victimes du système prostitutionnel sont des femmes, la majorité sont issues de la traite des êtres humains avec de l’exploitation sexuelle, et puis ce sont des filles mineures, beaucoup, aujourd’hui…
Donc, ce n’est pas du tout “empouvoirant” de tolérer ce système qui ne profite qu’aux hommes avec des slogans issus des luttes féministes qui sont retournés, appropriés, au profit des agresseurs.
Je pourrais ajouter par rapport au système prostitutionnel, que j’accompagne également des filles et des femmes en situation de prostitution, et que je rencontre que leur expérience a été initialement de subir de l’inceste dans leur système familial.
Quand on a eu un apprentissage aussi dysfonctionnel que quelqu’un qui nous aime qui est censé nous aimer être capable de nous violenter sexuellement on perd toute estime de soi et on est dissociée, fragmentée, donc on est capable de dissocier son esprit de son corps et de tolérer l’intolérable, c’est-à-dire la prostitution.
RDG – Oui je crois avoir lu une fois que l’inceste c’est “l’école de la prostitution” en fait.
Fanny – Oui, oui c’est Céline Piques aussi qui en a parlé en 2019.
RDG – Fabuleuse Céline Piques!
RDG – Oui d’accord. Est-ce que tu peux maintenant m’expliquer pourquoi tu penses que le genre, c’est une menace pour les femmes et les droits des femmes ou les droits des enfants?
Fanny – Alors il y a déjà un facteur qui est important et qu’on entend plus du tout aujourd’hui c’est le sexe qui se définit par 5 critères :
- Le premier critère c’est l’appareil génital chez les filles et les femmes il s’agit de la vulve, chez les garçons et les hommes du pénis.
- Il y a ensuite les gonades chez les filles et les femmes, s’il s’agit des ovaires, chez des garçons et les hommes des testicules
- Et puis les gamètes qui sont les ovules et les spermatozoïdes.
- Les chromosomes : XX ou XY.
- Et les hormones, donc progestérone et testostérone.
Donc ces 5 critères définissent le sexe biologique : l’appareil génital, les gonades, les gamètes, les chromosomes, les hormones, et aujourd’hui l’arnaque trans veut nous faire croire que le sexe il est assigné à la naissance, non c’est le genre qui est assigné à la naissance c’est pas le sexe! Le sexe il est réel! Et c’est une réalité biologique qui est complètement occultée et c’est forcément une menace pour les droits des femmes, des filles et des garçons parce que si on ne peut plus nommer à qui sont faites les violences et par qui elles sont commises, il y a plus de lutte!
Dans la psychologie qu’on dit “moderne” à l’époque de Freud des petits élèves ils ont commencé à pathologiser les conséquences des violences sexuelles pour les femmes les femmes ont été pathologies hystériques le diagnostic le plus courant chez toutes des femmes qui viennent me voir aujourd’hui c’est une dépression sévère un trouble de la personnalité borderline un trouble schizophrénique ou de la schizophrénie avec des traitements médicamenteux lourds, alors qu’en fait la plupart du temps elles sont en troubles de stress post-traumatique suite au violences sexuelles qu’elles ont subies, commises par des hommes de leur entourage.
RDG – On a beau le savoir c’est toujours aussi violent de l’entendre, en fait. Et c’est désespérant, en fait, ce système qui est supposé soigner, prendre soin des femmes et qui en fait les pathologise alors que c’est de la violence…
Fanny – Quelles sont les conséquences normales des violences anormales qu’elles ont subies!! ça n’a rien de pathologique
RDG – En fait, les femmes, quand on parle de psychotique, schizophrène, je trouve que ça c’est une violence inouïe, alors qu’en fait ce sont juste des femmes qui sont victimes et qui doivent être restaurées dans leur dignité, dans leur intégrité…
Fanny – Et aujourd’hui le soin mais c’est pour ça on le voit, l’accompagnement du traumatisme il est éminemment politique, parce qu’il met au jour que les hommes font la guerre à des hommes, à des populations, on ne va pas revenir sur les violences et les guerres, l’Ukraine et toutes les autres mais, voilà en tout cas le traumatisme, ce qu’il révèle c’est les violences qui sont faites aussi par les hommes massivement contre les femmes et les enfants.
Donc le trauma, c’est éminemment politique.
RDG – Qu’est-ce qui t’a décidé à témoigner aujourd’hui ? Est-ce que tu te sens complètement libre de témoigner ou est-ce que tu préfères rester discrète sur ton témoignage ?
Fanny – Alors ce qui me pousse à témoigner aujourd’hui, c’est que depuis trois ans, à chaque fois que je vais en manifestation pour les droits des femmes, que ce soit le 8 mars ou le 25 novembre, moi et d’autres militantes féministes, nous sommes agressées aux manifestations par des personnes qui s’identifient femmes, par des personnes qui s’identifient pro travailleurs du sexe ou travailleuses du sexe, par des personnes qui sont en fait clairement, contre les droits des femmes et qui commettent des agressions physiques et/ou verbales contre des militantes.
C’est arrivé plusieurs fois à Paris, comme dans beaucoup de villes de France. Et cette raison-là, ce frein à aller en manifestation féministe pour défendre mes droits, ceux de ma fille, ceux des femmes de mon entourage, et les droits de toutes les femmes du monde, en fait aujourd’hui il est mis à mal, il est en danger, à cause des violences qu’on subit dans les manifs, avec certaines assos qui sont complices et de ces violences faites aux femmes pendant les rassemblements féministes.
Et ça c’est un vrai danger pour nos droits.
Donc aujourd’hui je continue à manifester mais avec mes copines du Wendo, avec l’autodéfense verbale et physique, on est en groupe, on est solidaires, on se protège les unes les autres, mais toute seule c’est plus compliqué pour moi d’aller en manifestation pour les droits des femmes.
RDG – Alors là j’ai deux questions du coup, la première question c’est les associations qui te font te sentir en insécurité, ce serait bien si tu les nommais pour dédouaner les autres d’une part et ensuite, est-ce que tu pourrais développer ce que c’est que le Wendo ?
Fanny – Oui, alors les associations féministes qui sont complices, en tout cas qui ne protègent pas les femmes lors de ces manifestations, j’ai pu constater que c’était le Planning Familial, qui est le premier à avoir sorti le lexique trans. Également Nous Toutes qui a des positionnements euh… Voilà
En tout cas, il y a des associations qui existent et qui œuvrent, Osez le Féminisme par exemple est toujours très présent pour les droits des femmes. Le Planning Familial et Nous Toutes sont les assos complices je pourrais te dire aujourd’hui dans ce que j’ai pu constater moi, dans les manifs autour de moi, avec des pancartes abolitionnistes c’est problématique.
Et le Wendo, donc le Wendo est une méthode d’autodéfense verbale et physique : c’est une méthode féministe et canadienne qui se pratique en non-mixité et non pas en non-mixité choisie, donc entre femmes uniquement et ça se transmet comme ça de féministes en féministes.
RDG – Maintenant est-ce que tu pourrais développer s’il te plaît, les exemples ou les anecdotes que tu as préparées pour parler de la transidentité ou du transactivisme ?
Fanny – Oui. Alors dans les dérives auxquelles j’ai pu être confrontée dans l’exercice de mon activité de thérapie, bien sûr je suis tenue au secret professionnel mais si je ne nomme pas les gens, je peux quand même parler d’exemple auxquels j’ai été confrontée.
Dans les événements marquants, j’accompagne une jeune femme qui s’identifie homme et qui a subi des violences incestueuses, donc elle est poly-traumatisée depuis l’enfance, et malgré l’accompagnement bienveillant et féministe que je lui prodigue, elle a tout de même eu recours à la mutilation sexuelle avec une mastectomie. Sous couvert de progrès, je trouve ça très violent, on va dénoncer l’excision des filles en Afrique mais on ne dénonce pas les mastectomies des femmes blanches en France, donc je trouve ça très problématique.
Des femmes blanches et pas que…
RDG – Oui d’autant que les mastectomies sont souvent ensuite suivies de hystérectomies, ovariectomies et si la prise de testostérone est trop longue également de clitoridectomie puisque le clitoris devient trop douloureux pour pouvoir être supporté, ça fait partie des effets de la testostérone.
Fanny – Oui donc ça c’est de vrais dommages et de la boucherie sur le corps des femmes.
Un autre exemple antagoniste : on m’a rapporté en séance qu’une femme qui est en recherche de relation, mais qui a beaucoup de difficultés avec les hommes parce qu’elle a aussi subi un continuum de violences depuis son enfance, donc elle serait plutôt attirée par les femmes et elle me confie à quel point elle est heureuse d’avoir rencontré une femme trans qui dit avoir une “bite de femme” mais elle ne prend pas d’hormones sinon sa “bite de femme” ne bande plus. Donc voilà, cette femme dit qu’elle est, heureusement pour elle, c’est une femme qui a une bite, qui est lesbienne et… en couple libre. Donc en langage féministe, après avoir longuement réfléchi à cette équation compliquée, moi je nomme cette personne un homme hétéro agresseur.
RDG – Tadaaaaa !!!!! On a un couple hétéro en fait ! Dont l’un a de l’emprise sur l’autre au point de lui faire croire qu’elle est lesbienne !
Fanny – C’est ça !
RDG – Encore une violence de plus, donc la machine à convertir les lesbiennes en “suceuses de bites” ! Pardon, je crois que ça je ne le garderai pas au montage ! (rires)
Un truc de fou franchement… Incroyable ! L’idée de “bah oui je ne prends pas d’hormones, je suis une femme, mais je ne prends pas d’hormones de femmes parce que quand même, je banderais mou !”
Fanny – Je banderais mou ! Ce serait quand même dommage !
RDG – Parce que quand même, il y a un truc important dans la vie : c’est la bite !
Fanny – C’est la bite ! C’est ça, c’est super important ! Ne pas bander, c’est problématique pour une femme !
RDG – Mon Dieu, mon Dieu (rires).
Fanny – Plus loin de l’accompagnement que je fais, j’ai vu un documentaire aux États-Unis sur un pédocriminel multirécidiviste qui était jugé aux États-Unis. Et sa défense était qu’il s’identifiait comme un petit garçon de 8 ans. Donc voilà, l’arnaque de genre peut avoir des dérives jusque-là, c’est un totem d’impunité complet et vraiment inquiétant.
RDG – Oui ça c’est vraiment le grand classique : l’homme qui sort la carte du “mais je suis une femme, du coup je suis opprimée!” Oui ça on sait que les femmes sont imprimées mais “tu n’es pas une femme en fait, tu es un agresseur”.
D’accord, est-ce que tu as quelque chose à ajouter, un message à passer aux personnes qui nous écoutent ?
Fanny – En tout cas un message je pense qu’on partage beaucoup entre femmes, c’est qu’on est épuisées par cette nouvelle forme de violence qui est complètement intégrée, passée sous silence et puis admise. Particulièrement depuis le covid et le confinement, où les jeunes ont eu recours aux écrans de façon massive, ils ont passé beaucoup de temps devant les écrans.
Donc cette idéologie transactiviste, elle est complètement intégrée, acceptée sous forme de progrès social par une jeunesse qui entend qu’on peut avoir un sexe ou une identité de genre, quelque chose qui est assignée à la naissance contre notre gré.
En fait c’est complètement dangereux de dire des choses pareilles, le sexe biologique c’est une réalité, les assignations de genre, ça, c’est une construction sociale et depuis que le monde est monde.
Il y a deux femmes qui ont beaucoup fait de recherches : la chercheuse Aurore Evain et l’historienne Eliane Viennot, qui ont démontré entre autres, il y en a beaucoup d’autres, mais que depuis que le monde est monde, les hommes ont régulièrement des volontés de faire taire et régresser les droits des femmes, c’est ce qu’on appelle le backlash en féminisme. Et voilà, donc ça c’est une nouvelle arme du backlash, à mon sens.
Donc je trouve ça très inquiétant parce que c’est vendu sous forme de progrès social, alors qu’on le voit bien avoir une bite de femme, je ne sais même plus, être lesbienne, en couple libre… C’est une arnaque totale, on ne sait plus nommer qui est qui et moi en tant que femme, on me demande régulièrement de me définir plus que ça. Et je refuse de me définir plus que sous mon statut de femme.
Je suis une femme.
RDG – En fait il y a une chose très simple, c’est qu’il n’existe rien qui de près ou de loin ressemble à une bite de femme. Ca n’existe pas, c’est comme les licornes, ça n’existe pas.
Fanny – Comme les licornes oui ! Nous par contre, on a un joli clitoris, qui est le seul organe du règne vivant, qui est uniquement dédié au plaisir.
RDG – Je crois que tu voulais parler du fait que… de la notion de continuum des violences, et le fait que les violences sont masculines.
Fanny – Oui. Une chose qui est importante, c’est de nommer. Moi, en tant que thérapeute psychocorporelle spécialisée dans l’accompagnement des victimes de violences à caractère sexuel, c’est important de dire que les premières concernées par ces violences à caractère sexuel, sont les filles.
Il y a plus de 120 000 filles mineures qui sont victimes de violences à caractère sexuel aujourd’hui en France.
Il y a 96 000 femmes qui sont victimes de violences à caractère sexuel aujourd’hui en France.
Et donc ça fait quand même plus de 200 000 filles et femmes victimes de violences à caractère sexuel chaque année.
Et donc 99 % des personnes condamnées pour viols en France sont des hommes.
Et 97% des personnes condamnées en France pour agressions sexuelles sont des hommes.
Donc si on ne peut plus nommer qui commet les violences à caractère sexuel, et qui les subit, on nous enlève complètement la possibilité de dénoncer ce continuum des violences, qui commencent majoritairement, pour une fille sur cinq, au sein de sa famille, qui s’aggravent entre 15 et 19 ans, (les violences sexuelles, toujours) en dehors de la famille, donc au sein de son premier couple, de ses premières relations hétéros, et qui se perpétuent après au travail, dans la rue.
Le continuum des violences, c’est quelque chose qui est très important à dénoncer.
Je veux dire, les filles et les femmes, on subit une éducation sexiste. On subit des expressions, des publicités sexistes, des insultes sexistes…
La langue française et son “masculin qui l’emporte”…
Le harcèlement de rue et dans l’espace public, les injonctions à la beauté, à la minceur, la contraception, la maternité, l’IVG, les tâches ménagères, l’égalité professionnelle, au cinéma, le harcèlement sexuel au travail, dont une femme sur trois sera victime au cours de sa vie.
Les agressions sexuelles et le viol : en France, une femme est victime de viol ou de tentative de viol toutes les 7 minutes, et on sait que les petites filles mineures c’est deux fois plus. Donc c’est impressionnant.
La pornographie, la prostitution… ce continuum, il est présent, il est réel!
C’est une réalité de femmes. De filles et de femmes.
Et ces violences sont massivement commises par des hommes.
Donc c’est important de pouvoir continuer à nommer qui sont les agresseurs et qui sont les victimes.
A mes soeurs, parce que j’aime beaucoup développer la sororité, donc à mes soeurs, les femmes et les filles, j’aimerais leur rappeler que, depuis toujours, et c’est Andrea Dworkin qui l’a dit la première, depuis toujours, les hommes ont le pouvoir de nommer.
Un pouvoir grandieuse et sublime. Il leur permet de nommer, de définir les champs d’expérience. Donc c’est quelque chose qu’il est important, à mon sens, de garder, s’approprier.
C’est NOTRE expérience et NOS vies.
Donc voilà : vous n’êtes pas seules.
Personne ne peut vous dire que vous n’avez pas le droit de vous appeler “femme”. Personne ne peut vous dire ce qu’il a envie d’exiger dans la sexualité avec vous. Personne ne peut vous dire que vous êtes née dans le mauvais corps : votre corps, il est, il est parfait tel qu’il est.
Je le dis tous les jours, en accompagnement, à toutes les femmes que je reçois.
Parce que toutes les femmes se trouvent trop vieilles, trop grosses, trop petites, trop “cheveux gris”, trop comme ci, trop comme ça…
Votre corps, il est parfait tel qu’il est.
Donc votre corps, chérissez-le, plutôt que de… – alors j’aime pas trop parce que c’est des injonctions qui sont faites aux femmes, toujours et encore, de chérir leur corps, de prendre soin d’elles – donc j’aurais plutôt envie de dire aux hommes :
“Arrêtez! Lâchez-nous le corps, lâchez-nous! Lâchez-nous tout court !
Notre corps nous appartient, nous en sommes les seules propriétaires. Et il est parfait tel qu’il est.”
RDG – Noues sommes nos corps. Noues sommes nos corps!
Fanny – Nous sommes nos corps.
Nos corps sont parfaits tels qu’ils sont.
RDG – S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe :
womensdeclaration.com
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Rebelles du genre – Épisode 66 – Cara
Cara – Je m’appelle Cara, j’ai 33 ans, je viens du Valais, c’est un canton dans le pays Suisse. Je suis née de sexe féminin.
Si je dois aujourd’hui parler de mon identité, je dirai que je suis une femme blanche, voilà.
Je suis ce qu’on va dire, ce qu’on appelle aujourd’hui, un transexuel ou un transgenre et je suis maintenant ce qu’on appelle encore aujourd’hui un détransitionneur.
Mais voilà, je vais essayer de d’expliquer pourquoi je ne suis pas tout à fait en accord avec ces termes, que ça soit transsexuel ou détransitionneur.
Rebelles du Genre – Bonjour et bienvenue sur le podcast Rebelles du genre. Nous sommes des femmes, militantes, pour l’affirmation et la protection des droits des femmes basés sur le sexe, et donc notre biologie. Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes et le genre en est le moyen.
Nous sommes les rebelles du genre.
Nous observons aujourd’hui avec fureur des hommes qui envahissent nos espaces, agressent nos sœurs, revendiquent nos droits.
Conditionnées à la gentillesse et touchées par leur victimisation, les femmes mettent en général un certain temps à comprendre l’arnaque du mouvement transactiviste et commencent souvent par soutenir cette idéologie.
Puis, elles ouvrent les yeux, constatent sa violence et la refusent. Ce podcast est là pour donner la parole à des femmes qui expliqueront pourquoi et comment elles sont devenues critiques du genre et qui témoignent de leur parcours. Écoutons leur parole.
Cara – Pourquoi je suis devenue critique du genre?
Je me suis vraiment dit, en fait, qu’on était un peu tous critiques du genre je pense qu’ on est au moins touchés par cette thématique, qu’on soit conscient ou pas des mécanismes, mais je pense que en soi on est tous critiques du genre.
Peut-être que moi avec le parcours que j’ai eu, enfin je veux dire plutôt, les raisons pour lesquelles j’ai eu ce parcours, et que certainement je le partage avec d’autres personnes, (même si je suis en rupture maintenant avec) c’est peut-être aussi le fait qu’on a peut-être remarqué ou qu’on a été peut-être plus sensibles ou plus susceptibles, face, justement, à cette complexité des injonctions sociales et de genre en fait.
Les raisons qui m’ont amenée aujourd’hui à avoir eu ce parcours, elles peuvent être expliquées de beaucoup de façons autres que le diagnostic “transgenre” ou de la dysphorie de genre. Et ces raisons-là, elles sont très complexes et du coup, je vais essayer de développer justement ces raisons-là.
Depuis que je suis tout petit…! depuis que je suis toute petite! (Bon ben voilà ça c’est aussi un exercice de langage qu’on s’impose ou qu’on exerce, donc forcément, après c’est un petit peu difficile de revenir en arrière, mais c’est pas impossible, vu qu’on l’a fait dans un sens.)
Du coup : quand j’étais petite, j’ai eu une enfance tout à fait heureuse, normale, dans une famille moyenne, de classe moyenne. Je n’ai manqué vraiment de rien. J’ai grandi avec un grand frère, une grande sœur, un petit frère… Mes parents sont toujours ensemble. Depuis petite donc, j’ai refusé dès l’âge de 3 ans qu’on m’enfile des robes. J’ai tout de suite refusé mon prénom, j’ai eu enfin pas mal de “critères”, en fait, qu’aujourd’hui on dit que c’est des “critères” qui vont en fait donner les prémices d’un diagnostic de dysphorie genre.
Donc bon, je jouais majoritairement avec des garçons… Le premier jeu de découverte sexuelle vers l’âge de 8 ans, c’est avec des filles… J’avais une grande fascination des femmes, j’étais très fascinée par les femmes, une fascination qui me donnait une impression, justement, que je ne faisais pas partie de ce groupe là.
Et puis après, ben j’ai détesté (j’avais des cheveux longs) mes cheveux longs, mon corps en changement, ça a été très compliqué, le rapport à la nudité, au sexe, c’était difficile dans les contextes sociaux. Vers l’âge de 18 ans je me suis sentie femme ET homme… Puis aucun des deux. Puis après, je ne me suis sentie même pas humaine. Après, je me suis sentie plus proche des animaux : c’est pas si faux, en soi, parce qu’on est des animaux, mais à cette époque-là, ce n’était pas vraiment la conception que j’avais de ça!
En fait, je n’avais tellement rien d’une femme, que ça soit dans le comportement, dans les manières, dans les envies, qu’au final, être un homme, c’est ce qui semblait être le plus proche de ce que j’étais.
En fait, vers l’âge de 24 ans, d’abord j’ai rencontré des associations qui traitaient de ces questions-là, puis c’est à partir de là que ça s’est un petit peu accéléré pour moi.
À 25 ans, j’ai fait une mastectomie. Je me suis fait enlever les deux seins.
À 26 ans, du coup, j’ai été sous traitement hormonal.
Et puis à 27 ans, on m’a enlevé l’utérus et les ovaires.
RDG: Et donc, est-ce que ça a soulagé ta dysphorie?
Cara: Bon c’est une question très, très compliquée ça. Parce que, qu’est-ce que ça veut vraiment dire, déjà, la dysphorie?
Et puis, et puis après, ça soulage, ça dépend la possibilité qu’on a de vivre ça : c’est-à-dire dans le contexte familial, dans le contexte social, dans le contexte professionnel, le contexte intime, ce que je veux dire par là, c’est que, quand on a ce qu’on appelle “un bon passing”, et puis qu’on est totalement intégrée dans tous les domaines que je viens de citer, et ben… c’est déjà un confort quoi, parce qu’il y a moins de possibilités d’avoir des crises de dysphorie dans un cadre qui inclut, en fait, l’idée.
Par contre, c’est clair que c’est quelque chose qui ne partira jamais, parce qu’il y a toujours un moment où on va être confrontée, forcément, à ce qu’on est.
Parce que…
On peut faire un petit exercice intellectuel : ok?
Si demain je me sens noire, est-ce que si je me sens noire, je suis noire?
Est-ce que maintenant, si je ressens être noire, et qu’en plus je change mon apparence pour qu’on me perçoive comme noire, est-ce que je suis noire?
Et la dernière, c’est : est-ce que si je ressens que j’ai transformé mon corps, mes cheveux, mes vêtements, et qu’en plus je reçois du racisme, est-ce que ça fait de moi quelqu’un de noire?
Il faut se dire, quand même, qu’on peut ressentir des choses, on peut adopter des vêtements… Tout ça ce n’est pas un problème en soi!
Mais après, il faut quand même garder à l’idée qu’il y a quand même des réalités biologiques, et puis il y a des réalités de conditions.
Donc j’ai en pratiquement trois ans, passé de femme à homme… Je n’ai pas fait la phalloplastie, mais c’est sûr que si ça avait été une opération moins invasive, j’aurais certainement encore fait ça!
Donc maintenant, ça fait 6 ans que j’ai changé.
Et aujourd’hui, j’ai 33 ans, et aujourd’hui, eh bien je regrette la totalité de ce que j’ai entrepris comme parcours.
Et j’ai juste compris qu’il y avait des raisons psychologiques, sociales, culturelles et politiques qui m’ont poussée à toucher, à transformer mon corps.
On peut déjà se poser la question, si tu veux, “c’est quoi être trans en fait”? Je ne sais pas, parce qu’à partir du moment où on a un consensus général sur ce que c’est une preuve est-ce que c’est une méthodologie, et que ça, ça ne rentre pas dedans, ça veut dire que, pour l’instant, on n’est que sur des ressentis, des pensées et des opinions.
RDG – Ok, autrement dit trans, aujourd’hui, ce n’est pas quelque chose de démontré scientifiquement.
Cara – En comparaison aux personnes intersexes : quand on dit: ”je suis née trans”… À l’époque, moi, je disais aussi que “je suis née trans” parce que comme c’est quelque chose qui vient à moi, et que j’ai l’impression que j’ai juste découvert ça, puisque ça vient malgré moi, tu vois, forcément je dis “je suis née trans” mais je ne suis pas née trans! On n’a rien pour prouver le fait que je suis trans, donc je ne peux pas dire que je suis “née trans”.
En fait ça fait un moment que je parle un peu de ça, en disant que je suis un peu une rescapée de moi, tu vois. Une rescapée de moi, que j’ai un peu survécu à moi-même quoi, parce que je me rends compte à quel point c’est un processus psychologique et un processus de croyance qui va m’amener à une vision qui va justifier que j’attente à mon corps, ou que je demande aux autres de me traiter de cette manière-là.
Donc aujourd’hui, je sais que je suis une femme, parce que je le suis malgré moi.
Ce n’est pas quelque chose que je ressens, ce n’est pas quelque chose que je pense être!
Là, je n’ai absolument plus rien d’une femme : je ne ressemble pas à une femme, je n’ai plus d’ovaires, je n’ai plus de seins… Je n’ai plus rien d’une femme!
Mais on peut prouver que je suis une femme, tu vois, parce que si je meurs, qu’on fait des fouilles dans 200 ans, qu’on retrouve mon squelette : je serai une femme.
Je pense que c’est une thématique et des situations très, très complexes.
Parce que, soit c’est une maladie : et dans ce cas-là comment on la traite?
Donc comment on justifie qu’on fait de la chirurgie, qu’on transforme des gens, alors que c’est une maladie? Et si ce n’est pas une maladie mentale, ben comment on justifie qu’on fait ça sur des personnes, alors qu’on ne sait pas ce que c’est ?
Je le dis que je suis assez triste et désolée pour l’enfant que j’étais, parce que qu’est-ce que je pourrais lui dire aujourd’hui ?
Comment pourrais-je lui montrer la complexité du monde, des ensembles qu’il comporte?
Comment pourrais- je lui faire comprendre la différence entre une pensée, un ressenti, un acte?
Comment pourrais-je la protéger des pièges dans la construction des idées?
Comment pourrais-je lui expliquer la différence entre une opinion et un fait? Comment lui expliquer que croire peut avoir des conséquences tout à fait réelles sur la représentation du monde, des autres, et de soi?
Ca, c’est des questions qui sont très complexes, et que si tu n’as pas de consensus sur ce que c’est, tu ne peux pas traiter correctement.
Comme c’est un ressenti, on ne peut pas critiquer, on ne peut pas remettre en question un ressenti, ça ce n’est pas possible. Mais ce n’est pas parce qu’on ne le vit pas personnellement, qu’on ne peut pas l’appréhender intellectuellement quand même.
Et là, c’est aux professionnels de la santé de suivre ce qu’ils appellent dans leur travail le principe de ne pas nuire, le principe de précaution.
Et puis en psychologie, ce qu’ils appellent le diagnostic différentiel, donc c’est-à -dire de prendre le temps, des années, pour pouvoir dire c’est ça ou ce n’est pas ça. Actuellement, ce n’est pas du tout le cas : tu vas dans des associations, les associations n’ont plus un rôle d’information, mais ils ont un rôle de consultant, et après ils te redirigent vers un service pluridisciplinaire. Eux-mêmes étant déjà dans l’idéologie qui va confirmer, en fait, que tu ressens, bah forcément si tu vas voir un professionnel de ça, il va juste favoriser dans ce que tu ressens, que dire : “Non, non, ce n’est pas ça !”
C’est aberrant qu’on y pense mais ce qui se passe !
RDG – Les associations ont plus un fonctionnement militant, qu’un fonctionnement de soutien dans l’absolu finalement.
Cara – Du coup, en fait, après avoir découvert ces associations, j’ai pu par le biais de cette croyance, justifier : “Bah voilà, c’est pour ça que je refusais des robes ! Ben voilà, c’est pour ça que j’étais comme ça ! Ben voilà, c’est pour ça tu vois !”
Et en fait, bah voilà, ça vient juste confirmer en fait, des choses que tu pensais déjà parce que tu les appréhendes, ou parce que tu n’as pas la possibilité de pouvoir les appréhender différemment. Parce que je peux dire que moi, je vais voir des psy depuis que j’ai 16 ans, et j’en ai vu plein et, genre, comment dire, ils ont soit rigolé à ce que je leur disais, soit ils étaient plutôt à aller contre ce que je disais, donc forcément j’ai toujours été chercher ailleurs, tu vois. Parce qu’il faut quand même avoir des compétences assez globales pour pouvoir s’occuper de personnes qui sont en questionnement de genre, parce que ça englobe énormément, mais énormément de thématiques.
RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes et les droits des femmes ? Pour les enfants, pour la société et pour la démocratie ?
Cara – Pour moi ce qui est important aujourd’hui, c’est de dire qu’ on a le droit de ressentir et de penser ce qu’on veut, que je veux bien qu’on considère qu’il y ait des personnes qui veulent ou qui se pensent femme ou homme. Pas dans une radicalité à dire qu’il faut absolument interdire les gens de le faire. Je pense qu’il faut juste qu’on soit d’accord d’accepter ces personnes et leur revendications, mais pas en fait avec l’argumentation qu’ils soutiennent.
C’est à dire que je suis d’accord qu’on dise que je suis transexuelle et que si j’ai envie de me faire enlever des organes ou de me faire poser des implants, j’ai le droit parce que aujourd’hui, j’estime qu’on est dans des sociétés qui sont très dualistes…
RDG – Juste une précision quand tu dis “vision dualiste” c’est bien l’idée d’un corps et d’un esprit c’est ça ?
Cara – Exactement ouais ! C’est “j’ai un corps” au lieu de “je suis un corps”.
Je suis un corps en fait, je n’ai pas un corps et quand tu as une vision de “j’ai un corps” et bien tu regardes ton corps comme quelque chose que tu dois modifier qui doit correspondre à l’intérieur alors que ce n’est pas le cas. On est un tout quoi ! On est son corps quoi ! On est dans des sociétés qui sont très dualistes, qui ont laissé les institutions du corps de modifications corporelles s’installer comme les piercings, les tatouages, la dermo esthétique, la chirurgie de l’obésité, le fitness, les régimes… Enfin on est vraiment dans l’institution de la modification corporelle, de la beauté, de la création de soi, donc je pense que si on est d’accord pour la chirurgie esthétique pour tout ça, je pense qu’on doit laisser un espace aux adultes qui veulent se créer. Parce qu’on considère en Occident cette vision dualiste de soi et de vivre.
Ok pas de problème, par contre on doit protéger certaines connaissances qu’on a mis longtemps à établir comme la biologie et aussi le droit des femmes. On ne peut pas aujourd’hui considérer qu’un homme, s’il se fait mettre des implants, qu’il a de longs cheveux, qui se maquille, qui met une jupe, on ne peut pas considérer qu’être une femme c’est avoir une jupe, avoir des seins, donc ça c’est d’une part pas possible. D’une autre part ce qui me semble un peu aussi difficile de concevoir, parce que ça m’a même moi permis de me remettre en question, c’est le fait qu’on dise qu’une femme ce n’est pas forcément quelqu’un qui a des seins, ce n’est pas forcément quelqu’un qui a des ovaires, ce n’est pas forcément quelqu’un qui a un utérus ou qui peut enfanter. Donc moi qui a fait toute cette transition pour devenir un homme, on vient me donner une définition qui fait qu’ en fait je suis une femme !
Donc en fait, si on casse les définitions, mais plus personne ne peut rentrer dedans ! Donc je veux dire, il y a quand même un problème au niveau de la logique là !
Donc au niveau des enfants, je pense que tout adulte aujourd’hui est capable de reconnaître qu’ il a changé plus de 10 fois d’avis depuis qu’il a 16 ans, 15 ans, 8 ans. Donc si on est tous adultes capables de reconnaître que voilà, on a fait des choix de merde, qui ne sont pas convenables ou qui ne nous plaisent pas dans le cours de notre adolescence, de notre jeunesse, de notre pré-adulte, et bien je pense qu’ on peut reconnaître qu’un enfant entre 5 et 25 ans n’ est pas capable de pouvoir prendre des décisions qui ont des conséquences d’une part irréversibles (est-ce qu’on a la conscience du mot irréversible ?) et d’une autre part où on n’a absolument aucune étude, ni recul sur les conséquences sur la santé physique et psychologique à long terme des gens.
Aujourd’hui je suis isolé, rejeté, mis de côté par la communauté trans ou transactiviste. Donc on prend pas en considération mon expérience, on prétend que je ne suis qu’un pourcentage infime qui n’a pas son mot à dire. Donc c’est un peu spécial quand on nous parle de “privilèges femmes cis”, donc on dit qu’on est des privilégiées. Mais il faut aussi se rendre compte que nous aussi ou les personnes trans en règle générale, elles sont aussi privilégiées ! Parce que je dis on a l’occasion ou la possibilité de pouvoir changer de sexe dans le monde alors que des tas d’hommes et de femmes sont soumis à leur conditions et à leurs sexes, donc je vais dire on est privilégié clairement de pouvoir avoir des instituts qui nous donnent la possibilité de pouvoir accomplir ces choses-là. On nous parle aussi de minorités alors que ben moi là je suis clairement une minorité et je veux dire voilà, je souffre aussi, il n’y a personne qui m’écoute, enfin voilà ! Donc je suis ici pour dire qu’il n’ y a pas d’échelle de la souffrance, je ne souffre pas plus, eux ne souffrent pas plus que quelqu’un qui a perdu son enfant, qu’une femme qui a un cancer, que des gens dans le monde qui vivent des choses terribles quoi ! Donc il y a pas d’échelle de la souffrance !
Donc il faut qu’on arrête aussi par rapport à la démocratie d’utiliser la victimisation et d’utiliser l’argument du suicide aussi, on peu en parler par exemple. Maintenant on dit que les personnes trans se suicident énormément alors que si maintenant je pense qu’avec le temps, il y aura beaucoup plus de personnes qui seront susceptibles de revenir en arrière, quelles vont être les conséquences aussi ? Donc on nous parle de suicide parce qu’on ne peut pas avoir accès aux traitements, aux opérations etc… Mais on ne nous parle pas des suicides qu’il peut y avoir par la suite parce que les gens changent d’avis etc… Donc c’est aussi une première partie.
Et une deuxième partie, c’est que du coup on aurait dit : “Non, on refuse de faire ça, on traite les gens psychologiquement, on essaye de voir ce qui se passe”, je pense effectivement il y aurait toujours eu une minorité de personnes qui se serait aussi suicidée, c’est forcément possible aussi. C’est aussi qu’ à la base, on a aussi décidé d’opérer ces personnes-là au lieu de les traiter, on a aussi décidé que pour les traiter, on les opérait. Et c’est aussi comme ça que ça s’est développé quoi !
RDG – Et la question du suicide en plus effectivement, ça va plutôt dans le sens que tu dis, c’est-à-dire qu’on a plutôt une montée des suicides après à la transition médicale. Et probablement, probablement qu’effectivement il y a une part d’explication que tu donnes, c’est à dire qu’on avance, on avance et puis on se rend compte quelque part que ben on peut avoir fait fausse route.
Cara – Ça revient aussi à ce qu’on discutait au début, c’est-à-dire si on ne peut pas définir ce que c’est être trans, alors comment peut-on avoir des statistiques sur les personnes qui sont trans et qui se suicident ? C’est à dire comment on peut établir en fait que les personnes se suicident parce qu’elles sont trans et non pas parce que c’est autre chose en fait ?
RDG – Oui bien sûr !
Cara – Comme je disais, c’était surtout auprès des jeunes de 5 à 25 ans, dont aujourd’hui on les pousse surtout à revendiquer et à intégrer l’autodétermination, la capacité de discernement et la notion d’irréversibilité avec des méthodes, quand même d’endoctrinement, qui se pratiquent dans des équipes pluridisciplinaires, adeptes à l’idéologie, sans relecture par des pairs et opaques à toute critique.
Ce qu’on sait aujourd’hui, c’est que le cerveau n’est pas fini avant 25 ans. Ça, on le sait de manière scientifique. Si on reconnaît ce consensus- là, alors ça veut dire qu’à partir de ça on peut dire qu’on fait une interdiction aux moins de 25 ans. Parce qu’on reconnaît scientifiquement quelque chose et qu’ à partir de ça on établit quelque chose.
Mais évidemment que moi, quand je me suis faite opérer, je n’avais pas le droit avant 25 ans. Donc j’avais juste l’âge pour le faire.
Maintenant on a abaissé, parce qu’on a reconnu l’idéologie, parce que c’est valorisé. Donc du coup, on a pu changer certaines directives pour accéder aux opérations, etc. Mais avant, ce n’était pas le cas, et maintenant on doit se reposer la question de “Pourquoi ça ne devrait plus être le cas”?
Bon moi, ça va, parce que j’ai changé de métier, j’ai mes amis qui ont très bien accepté… De toute façon, comme je l’expliquais un petit peu au début, vu que je n’avais absolument rien d’une femme, le fait de changer, ça m’allait tellement mieux que… Au final, c’est c’est ce qui me correspondait. Donc ça allait, pour un peu, pour tout le monde, quoi!
Les parents, évidemment, c’est plus difficile.
Mais ça vient avec le temps, quoi.
Parce qu’il faut, il faut “reprogrammer” le cerveau…
Mais je me suis excusée auprès de mes parents, parce que je leur ai… je me suis excusée de leur avoir provoqué une dissonance cognitive, et de les avoir forcés à accepter quelque chose qu’ils ne comprenaient pas, et dont ils étaient complètement démunis.
Quand tu es dans un système de croyance comme j’y étais, c’est vrai qu’il faut avoir, comme je disais, une compétence et une argumentation très solides, il faut vraiment bien connaître l’histoire de la femme, qu’est-ce que c’est le genre, la construction des sociétés… Enfin je veux dire, je te dis encore un mot sur, par exemple, qu’est-ce que c’est pour moi la domination masculine.
Pour moi, la domination masculine, ce n’est pas le l’homme qui domine la femme, mais bien un imaginaire collectif, construit et renforcé, qui forge les comportements et les caractères des individus, hommes et femmes, dans une société donnée, et que la force et la violence apparaissent bien pour faire valoir ces principes. C’est des effets collatéraux à une pensée qui a émergé, d’après ce que j’ai pris connaissance, au Moyen-Âge, avec l’émergence de la religion, donc le contrôle des corps, et la dualité, et avec l’émergence, aussi, de l’anatomie, qui va représenter les corps, et fixer des différences biologiques qu’on essaye encore de défaire aujourd’hui, car les sociétés, à l’époque antique, n’avaient pas le même rapport à lui, aux autres, et au monde, quoi. A l’environnement.
Parce qu’en fait, les hommes aujourd’hui subissent aussi, subissent cette domination masculine, en faisant de la chirurgie d’augmentation de pénis, parce qu’ils sont complexés, en fait. On se bat contre un imaginaire collectif. Donc je n’essaie pas de défendre les hommes, mais quand même, il faut s’en rendre compte que c’est un imaginaire collectif, et que les hommes aussi sont pris dedans. Et ça ne justifie pas, mais ça explique quand même, qu’on est gérés par un imaginaire collectif qui a des conséquences sur la vie des gens.
Donc sur la vie des hommes, peut-être, et sur les femmes, peut-être de manière plus violente, c’est le cas. Mais quand même, tu vois, c’est global, en fait.
Et moi, aujourd’hui, ce que je dis, c’est que l’égalité des sexes, c’est quoi?
C’est l’égalité des droits, mais pas l’égalité d’être la même chose. C’est ce qu’on n’est pas. Donc il faut quand même voir que l’homme, il doit être dur, il doit être fort, il doit être brave, il faut quand même le voir aussi, tu vois.
Et ça, ben ça fait partie, quand même, des comportements qui vont découler sur la femme, je ne le nie pas.
Mais c’est un imaginaire, tout ça. On a construit cet imaginaire.
RDG – Oui, c’est le genre. C’est ce que les sociologues appellent le genre. Françoise Héritier, en particulier, anthropologue, grande anthropologue française.
Cara – Pour moi, les psychologues, ils doivent être beaucoup plus informés, ou ils devraient travailler de manière beaucoup plus pluridisciplinaire avec des anthropologues, des sociologues, avec des gens qui s’intéressent à l’histoire de… Comment les sociétés se sont construites?
Comment les l’imaginaire collectif a une emprise sur les corps?
Comment la vision dualiste, elle vient envahir, par exemple, notre rapport à nous-mêmes et aux autres, au monde?
Et en fait, c’est purement occidental, parce que si tu vas dans beaucoup de sociétés, ailleurs, c’est pas du tout comme ça qu’on représente les choses, quoi.
Mais cette vision dualiste, elle vient aussi, avec justement, ces institutions de modifications corporelles, quoi.
RDG – Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner aujourd’hui, et pourquoi est-ce que tu le fais de façon anonyme?
Cara – Alors, si je témoigne aujourd’hui, c’est parce que j’espère que ça puisse être utile pour les personnes qui entendent, et puis qui ont soit des doutes, ou des questionnements, ou des peurs, soit parce qu’ils sont concernés directement par cette question de dysphorie ou de transgenre, soit parce qu’ils sont intéressés.
De toute façon, je pense que tout le monde est touché par cette question et que tout le monde devrait s’intéresser et mettre sa graine dans ce sujet-là parce que ça touche… En fait avec le discours qui est amené aujourd’hui, on parle souvent de “ma liberté s’arrête ou comment celles des autres”, on y est en plein dedans, c’est à dire que les transactivistes amènent une argumentation qui vient toucher les enfants, qui vient toucher les femmes, qui vient toucher d’autres questions qui touchent en fait tout le monde et du coup j’espère que les gens aussi vont oser se réapproprier ce débat.
J’ai voulu témoigner anonymement parce que j’aimerai qu’on s’intéresse plus à ce que je dis plutôt qu’ à qui je suis et que pour moi l’anonymat représente plus quelque chose de collectif. Je n’ai pas envie d’être vu comme un individu singulier qui raconterait quelque chose de particulier mais comme une parole qui touche tout le monde et puis qui rejoint tout le monde.
RDG – Est-ce que tu as une anecdote à raconter sur un événement qui t’aurait marqué concernant la transidentité ou le transactivisme ?
Cara – Ce qui m’a le plus marqué je pense que c’est la croyance en fait, parce que je vous donne un exemple : quand je me suis fait opérer des seins, ça s’est passé assez vite en soi, mais quand je me suis réveillé de l’opération, ça a été vraiment concret et là j’ai vraiment eu envie de me suicider, j’ai vraiment failli me foutre en bas de l’immeuble.
RDG – Et pourquoi ?
Cara – Bah c’est une bonne question ! Je ne peux pas vraiment te dire. Maintenant je pourrai te dire pourquoi avant j’avais une autre justification, avant j’en avais encore une autre. En fait, l’état étant que quand j’ai eu envie de me suicider parce que j’ai pris conscience d’une nouvelle réalité, on m’a dit que c’était tout à fait normal, que ça faisait partie du processus. Du coup on voit à quel point la croyance peut renforcer ou elle peut justifier ce qu’on peut se faire. Moi des fois je suis presque choqué de l’atteinte à moi-même quoi, je trouve que c’est une radicalité assez extrême qui des fois m’effraie moi-même.
RDG – Donc si je résume, en fait tu te réveilles après ton opération, à chacune des deux opérations ça s’est produit ? Donc tu te réveilles…
Cara – Non, non, c’était vraiment la toute première.
RDG – Après les seins. Donc tu te réveilles, tu n’as plus de seins. En tout cas tu es quelque part frappé par ce qu’il s’est passé et donc tu as une pulsion suicidaire et là, au lieu de te dire qu’ il va falloir questionner un peu tout ça, que tu apprennes à vivre comme ça, maintenant de toutes façons c’est fait, c’est fait et voilà. Et là on dit : “Non c’est normal, c’est normal, tout va bien, circulez !”
Cara – Ouais, ça fait partie du truc. Mais en fait je suis désolé de te dire ça un peu comme ça, mais imagine la radicalisation. Je veux dire, où tu peux aller quand tu crois en quelque chose ? Jusqu’où tu peux aller quoi ? Tu vois ce que je veux dire ?
RDG – Je comprends tout à fait ce que tu veux dire.
Cara – Dans l’atteinte à toi-même ! Et comment tu fais pour faire revenir cette personne ?
RDG – Et c’est ce que tu fais. Alors justement pour revenir tout à l’heure en introduction, tu as dit que tu es donc détransitionneuse et puis qu’après le mot ne te plaît pas trop et que tu voudrais revenir sur ces mots. Est-ce que tu peux développer ?
Cara – Oui. Je dois considérer que je suis détransitionneuse, ça veut dire que je dois considérer que j’ai fait une transition et comme pour moi la transition est impossible parce qu’en fait on ne change pas et bien pour moi, détransitionner n’est pas un bon mot quoi. Pour moi je n’ai pas détransitionné, je ne peux pas détransitionner parce que je n’ai pas transitionné en fait, j’ai toujours été la même personne, je n’ai pas changé. Par contre j’ai eu un parcours et je suis passé par des choses. Mais en fait je veux dire, il y a toujours cette question de “on change, on ne change pas”. Bon on ne change pas parce qu’on est toujours la même personne, on change des aspects de notre personnalité ou certaines choses parce qu’on a des expériences, qu’on vieillit, qu’on vit des choses. Mais je veux dire, quand on regarde des photos de nous quand on est jeune, on dit bien “t’as pas changé”, donc on ne change pas vraiment, on reste nous. On passe juste par un processus parce qu’ on vieillit, parce qu’on a une condition humaine, donc on passe par ces processus-là.
Et puis aussi je voulais juste dire encore quelque chose, on joue des rôles au quotidien évidemment, mais je ne me dissocie pas pour autant, je joue des rôles, tu n’es pas forcément une identité. Il y a aussi cet aspect d’identité qui est très… Bon mais on pourrait parler encore longtemps ! L’identité ça a l’air d’être vraiment quelque chose de… Tu vois on dit “je suis, je suis” tu vois, mais en fait après on finit que par se déterminer vis-à-vis de ça et je pense que ça peut être aussi néfaste dans notre rapport aux autres.
RDG – Est-ce que tu as quelque chose à ajouter?
Cara – Je suis tombée dans les associations. Là-bas, je me suis non seulement sentie comprise, mais j’ai aussi trouvé l’endroit, qu’il me semblait, ce monde que je cherchais, ouvert, libre, où chacun a sa place de penser, ce qu’il veut, et être ce qu’il souhaite. Je ne savais pas que j’étais trans… mais j’allais l’apprendre! Cela m’a paru normal dans le passé, mais aujourd’hui ça me paraît… comme une histoire complètement folle! C’était la première fois de ma vie que les questions que je me posais depuis tant d’années prenaient un sens, un sens qui, aujourd’hui, a encore changé.
Je n’ai jamais cessé de me poser des questions, et les réponses n’ont jamais cessé de se modifier, au fil des années.
L’atteinte à vous-même a été si forte, si radicale, que vous vous effrayez de vous, vous vous sentez même ridicule.
La force que vous avez déployée, les peurs que vous avez affrontées, la conviction que vous avez diffusée pour que vous, vous laissiez des personnes vous couper des parties de vous, alors que cette-même force, et conviction, vous ne l’avez pas utilisée pour rester et être qui vous êtes.
C’est un cheminement complexe à constater, et douloureux.
Ce qui reste de moi, je m’y accroche. Comme la preuve que je suis encore quelqu’un.
Maintenant que j’ai plus rien d’une femme, je sais que c’est ce que je suis, car c’est ce que je suis malgré moi. Ce n’est pas ce que je pensais être, et ce n’est pas ce que je ressens.
J’ai compris alors, c’est plus facile pour moi et ça c’est important pour les, pour toutes les personnes qui sont dans la souffrance, et qui sentent mal, c’est qu’il faut continuer à chercher, à comprendre.
Et puis il faut… Enfin, pour moi, tout ce que je dis, c’est que le plus important, c’est d’être en vie.
On est en vie, on est là, on vit, quoi!
Malgré tous les choix les plus stupides et les plus fous, on est en vie!
Il y a de nombreux pièges dans la vie, et on oublie parfois que les pièges ne sont pas forcément matériels, mais qu’ils peuvent être le fruit de la construction de la pensée. Utiliser le mot “irréel” reviendrait à dire que ça n’existe pas. Or quelque chose qui n’existe pas, ou que l’on peut pas prouver que ça existe, a quand même un impact ou des conséquences tout à fait réelles sur les individus.
Le fait que la culture et la religion sont une invention de l’homme, et que ça soit “irréel” a un impact profondément réel sur les comportements et les représentations que se font les individus du monde, des autres, et d’eux-mêmes.
Mais quand c’est “irréel”, ça prend sens de manière réelle dans la vie de l’individu. Nous rendrons vrai ce qui ne l’est pas : croire en la fin du monde peut amener au suicide. Choisir un traitement homéopathique pour traiter le cancer peut tuer des gens. Croire en quelque chose peut vous amener très loin dans l’atteinte à vous-même sur le plan psychologique, social et physique.
Croire, c’est un processus tout à fait normal. Il fait partie de la construction de la personne. Cela permet de construire des concepts, de pouvoir en apprendre d’autres, et ainsi de déconstruire une partie des concepts précédents.
Croire permet d’élargir sa compréhension globale de tout ce qui nous entoure, d’ouvrir la voie d’une connaissance, et de répondre à la curiosité et aux besoins de faire sens des êtres humains.
RDG – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.
S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe : womensdeclaration.com
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Rebelles du genre – Épisode 65 – Anouk
Anouk – Je m’appelle Anouk. J’ai 25 ans, j’ai étudié la psychologie et je suis rebelle du genre.
Pour bien comprendre qui je suis, mon parcours, je pense qu’il est nécessaire de préciser que j’ai un suivi thérapeutique et psychiatrique depuis près de 6 ans. J’ai été diagnostiquée borderline et bipolaire après plusieurs hospitalisations en psychiatrie.Je suis une femme! C’est important de le préciser ! Je n’ai jamais été en phase avec les stéréotypes de genre attribués à mon sexe biologique. Petite, vers l’âge de 5 ans j’étais, comme dirait la “papesse queer” Judith Butler, “dans le trouble”: je voulais être un garçon. Être une petite fille c’était pas mon truc. Mes parents m’ont toujours laissé la liberté de m’exprimer comme je le souhaitais, d’être juste moi. Je me suis ainsi coupé les cheveux courts “comme un garçon”durant toute mon enfance. Puis, plus tard, à la puberté, j’étais une fille que l’on qualifierait de “garçon manqué” : je n’aimais pas porter de robe, ni le rose, ni tous les attributs liés à la féminité. J’étais moi, une personnalité propre, avant d’être un sexe ou un genre.
Rebelles du Genre – Bonjour et bienvenue sur le podcast Rebelles du genre. Nous sommes des femmes, militantes, pour l’affirmation et la protection des droits des femmes basés sur le sexe, et donc notre biologie. Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes et le genre en est le moyen.
Nous sommes les rebelles du genre.
Nous observons aujourd’hui avec fureur des hommes qui envahissent nos espaces, agressent nos sœurs, revendiquent nos droits.
Conditionnées à la gentillesse et touchées par leur victimisation, les femmes mettent en général un certain temps à comprendre l’arnaque du mouvement transactiviste et commencent souvent par soutenir cette idéologie.
Puis, elles ouvrent les yeux, constatent sa violence et la refusent.
Ce podcast est là pour donner la parole à des femmes qui expliqueront pourquoi et comment elles sont devenues critiques du genre et qui témoignent de leur parcours. Écoutons leur parole.
Anouk – Peu avant de passer le brevet des collèges, à l’âge de 15 ans, j’ai commis l’irréparable : je me suis à nouveau coupé les cheveux courts. J’ai rompu une nouvelle fois avec les codes classiques de la féminité, ce fut pour moi une forme de libération, j’étais enfin moi-même.
J’ai réalisé, avec les années, qu’être une femme dans le sens du genre c’est un dressage un comportement appris et inculqué par la société : Les filles ont les cheveux longs. Les garçons ont les cheveux courts.
Je vais arriver au lycée avec mes cheveux courts et, sans me connaitre, on m’a collé l’étiquette de lesbienne, étiquette que j’ai eu du mal à assumer.À 17 ans je suis tombée amoureuse d’une fille. Cette histoire compliquée a duré quatre ans. Mes parents ont parfaitement accepté mon coming out, mais nous vivions une relation cachée, car sa famille à elle n’était pas au courant qu’elle était lesbienne. Ce fut une histoire difficile et la rupture fut, pour moi, une libération, car je me posais beaucoup de questions sur mon orientation sexuelle comme je suis suis aussi attirée par les hommes… Mais aussi sur mon identité de femme : je repense notamment à ce que disait la théoricienne Monique Wittig, à savoir que “les lesbiennes ne sont pas des femmes”. C’est comme si, en étant lesbienne, je n’étais pas une vraie femme.
Petite anecdote que je veux raconter : un jour, dans un parc, vers l’âge de 16 ans, j’étais avec une amie à profiter du soleil. Il y a une bande de mecs qui débarque pour nous accoster et l’un d’eux me demande si je suis une fille ou un garçon. Je me suis sentie extrêmement mal, voire même humiliée…
Bref, depuis que je suis enfant, je suis en questionnement par rapport à mon identité de femme, sujet que je commence un peu à traiter en thérapie avec mon psy.
Je sais pas ce que c’est qu’un ressenti de femme. Moi-même, je n’ai jamais eu ce ressenti profond, cela voudrait-il dire que je suis un homme? Une personne non-binaire? Pourtant, j’ai une sexuation de femme : j’ai vécu la honte et la peur d’avoir mes premières règles à l’âge de 13 ans. J’ai vécu la misogynie au sein même de ma famille : enfant j’ai été victime d’agressions sexuelles et de violences physiques par l’ex-compagnon de ma mère. Plus tard, j’ai vécu une forme de lesbophobie lorsque j’étais en couple avec cette fille… Ma vie de jeune adulte a été ponctuée de violences sexuelles et psychologiques liée à ma condition de femme avec des hommes divers: que ce soit des amants, des coups d’un soir ou des copains… Je repense à ce que disait Marguerite Stern: “je n’ai pas de ressenti de femme, je le suis, c’est un fait palpable.”
En 2022, j’ai effectué un service civique auprès d’une association LGBT parisienne. Je suis tombée par hasard sur l’annonce et j’ai été séduite par cette opportunité. Bien que je sois bisexuelle et que j’ai été en couple avec une fille pendant quatre ans, je n’avais jamais côtoyé de près la communauté LGBT. J’avais la curiosité de la découvrir et de faire des rencontres enrichissantes. Beaucoup de mes amis proches sont gays, bis ou lesbiennes, mais pas pour autant engagés dans le militantisme queer. Bref le milieu militant m’était assez éloigné, j’avais juste ressenti le besoin de m’investir dans le milieu associatif auprès d’une communauté que je jugeais marginalisée et donc vulnérable. La mission principale de ce service auprès de l’association consistait en des interventions en milieu scolaire auprès de publics adolescents, ça allait de la classe de 5e à la terminale.
Les interventions consistaient à informer et sensibiliser la communauté LGBT mais aussi sur le sexisme, le consentement dans la sexualité et les discriminations systémiques. En soi, la mission m’a séduite, je trouvais ça pertinent. Comment ne pas être enthousiaste face à une telle initiative qui vise à sensibiliser les jeunes afin de lutter contre les discriminations ? Je tiens à préciser que l’association en question bénéficie d’une accréditation lui permettant d’intervenir librement dans les établissements publics. Le contenu des interventions est donc validé par l’Académie de Paris et de Versailles.
En soi, j’ai beaucoup aimé l’exercice et le contact avec les élèves. Cette expérience m’a permis de prendre davantage confiance en moi, notamment pour la prise de parole en public. Ce qui a commencé à me poser problème c’est une partie du contenu des interventions, celle qui concernait l’identité de genre.
Car parallèlement à mon immersion dans la communauté LGBT, j’ai commencé à m’intéresser de plus en profondeur au féminisme que je n’avais, jusqu’ici, qu’effleuré. C’était une évidence pour moi d’être féministe bien que je n’en comprenais pas pour autant les contours et les divisions profondes qui caractérisent le féminisme à l’heure actuelle.
J’ai rapidement pris connaissance de la supposée transphobie dont sont accusées J.K Rowling ou bien les Françaises Dora Moutot et Marguerite Stern. J’ai eu la curiosité de me pencher là-dessus et d’essayer de comprendre de quoi il en retournait exactement. De quoi ces femmes étaient-elles accusées exactement ? Quels étaient leurs tort, leurs crimes même ? Quelle était cette supposée haine qui les animait contre les personnes trans ?
La question qui semblait faire débat, mais qui est pourtant simple et légitime c’est : “C’est quoi une femme ?” tout simplement. Qu’est-ce qui nous différencie des hommes ?
Je me suis retrouvée face à un dilemme personnel et douloureux : mon intérêt grandissant pour un féminisme radical et matérialiste et, en même temps, ma profonde empathie pour une communauté que je jugeais discriminée, marginalisée. C’est une communauté qui a tellement souffert qu’elle est elle-même devenue bourreau. J’analyse que s’il y a de la souffrance dans ce milieu, il y a aussi énormément de violence. Les premières à en payer le prix sont les femmes et pas les hommes “cis”.
J’ai été de plus en plus dérangée, voire affectée en tant que femme biologique par le discours pro-autodétermination du genre que nous devions prêcher à des adolescents en pleine construction. Le discours était : être une femme ou un homme est un ressenti, tout le monde peut se revendiquer ainsi.
L’incompréhension et la confusion de ces ados étaient palpables. Sans trop y croire, je participais à ce délire collectif en véhiculant cette croyance pour bien faire, comme un bon petit soldat. Qui a envie d’être transphobe ? Certainement pas moi !
Je viens et j’évolue dans un milieu intellectuel privilégié et ouvert d’esprit, avec un père prof de philosophie. Politiquement j’ai toujours voté à gauche, voire très à gauche. L’essentiel de mes amis sont wokes, voire LGBT et alliés, mais j’ai rapidement ressenti un profond malaise par rapport à la pensée dominante, cette sorte de bien-pensance ambiante, asphyxiante et culpabilisante. Je me désole que l’identité de genre prenne toujours plus de place par rapport aux minorités d’orientation sexuelle.
De mon expérience, je ne garde pas que des mauvais souvenirs. Ce fut enrichissant, j’ai rencontré des gens chouettes, d’autres plus vulnérables et influençables et j’ai beaucoup appris sur la communauté et sur moi-même.
Il y a plusieurs choses que je pourrais reprocher à la communauté LGBT, je vais prendre quelques exemples.Déjà, je n’y ai jamais trouvé ma place. On me faisait toujours comprendre que je n’étais pas légitime, car je ne suis “que bisexuelle” et actuellement en couple avec un homme. Et qualifiée de “cis” évidemment, qualificatif que je refuse. J’estime que je ne suis pas une femme cis, je n’ai pas plus de privilèges qu’une autre personne se définissant comme femme en raison des stéréotypes de genre auxquelles celle-ci se réfère pour s’identifier.
Ensuite, ce que je reproche aussi, c’est qu’il y a une sorte de course à “qui sera le plus opprimé”. Cette constante quête de victimisation passe par une recherche constante d’une identité en dehors de la norme. Paradoxalement, la communauté LGBT promet une rupture avec la norme, alors qu’elle ne fait qu’en créer une nouvelle, malgré elle. Après la norme de l’hétéronormativité, il y a la norme à être queer ou plutôt non-binaire ou trans. Etre « cis », ça craint, ce n’est pas assez cool.
Comme autre exemple, j’avais remarqué que les jeunes de mon service civique étaient souvent très jeunes, avec une moyenne d’âge d’environ 18-20 ans. Je les trouvais, pour la plupart, fragiles psychologiquement. Certains avaient des traumas, d’autres étaient borderline ou avaient un suivi psychiatrique. Ils étaient en pleine construction dans leur identité. Ils se découvraient non binaires, du jour au lendemain, pour appartenir au groupe et étaient particulièrement influençables. J’ai remarqué qu’il n’ y avait aucun esprit critique ou de remise en question de la pensée dominante.
En outre, les positions de la communauté LGBT me paraissent figées dans une forme de dogmatisme inquiétant qui fait penser aux excès du stalinisme ou de l’inquisition catholique avec ses excommunications de triste mémoire. Si tu n’adhères pas à tout ou que tu es un peu critique sur certains aspects, donc comme moi, tu es considéré comme hérétique.
La dernière remarque que je me suis faite, c’est qu’on remarque que ceux qui font le plus de bruit et qui monopolisent la parole, ce sont les gays et les femmes trans, donc des mâles, alors que les lesbiennes sont réduites au silence. Et pour ça, j’ai un exemple qui est assez parlant : Si vous avez vu le débat sur “Le Crayon Media” dont le titre est : “Débats entre trois personnes trans et trois personnes cis” avec Anissia dont le nom sur Instagram est Pussik Riot. Il y avait deux mecs « cis » et trois personnes trans. Parmi ces trois personnes trans, il y en a deux qui sont des « femmes trans » et l’une se dit homme. Je vous laisse deviner qui monopolisait la parole durant ce débat.
RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie ?
Anouk – Au risque de répéter ce qui a été dit dans les témoignages précédents et par des femmes qui prennent ouvertement la parole sur la question, j’estime que cette idéologie est une menace pour les femmes et pour leurs droits car il y a déjà une invisibilisation, voire une négation de nos réalités sexuées.
Par exemple, le collectif “NousToutes” n’hésite pas à changer les définitions de sexisme en expliquant que ce serait des discriminations, des violences basées sur le genre et non plus sur le sexe. Je ne nie pas qu’il existe des discriminations liées au genre, notamment pour les hommes qui performent le genre dit féminin, mais, dans ce cas, il est nécessaire d’inventer un mot adéquat à cette autre problématique.
Ensuite il y a les mots “homosexuels” et “bisexuels” qui n’ont plus la même signification : il ne s’agit plus d’être attiré par un sexe mais bien par un genre. Nous serions donc attirés chez une ou des personnes par un ensemble de stéréotypes de genre et ce qui relève de la sexuation n’a absolument aucune importance, voire serait discriminant. Absurde, n’est-ce pas ?
RDG – C’est totalement absurde !
Anouk – C’est ce qu’on disait lors des interventions. C’est ça qui était complètement aberrant !
RDG – Mais, en fait, tu n’as pas du tout détaillé quand tu parlais de tes interventions, le genre de choses que vous deviez dire. Moi, j’aimerais bien, si tu peux, que tu développes ça, quels sont les trucs qui te semblaient les plus absurdes que tu devais dire ?
Anouk – Moi ce qui m’a vraiment marquée, c’est le fait qu’on dise qu’ être une femme c’est un ressenti.
RDG – Tu vas dans les collèges pour dire “être une femme c’est un ressenti”, tu m’étonnes ! Je comprends que ça t’énerve un peu.
Anouk – Voilà. C’était ça qui m’a laissée vraiment perplexe et le fait surtout que les ados ne comprenaient pas en fait.
RDG – Bah évidemment !
Anouk – Les ados ne comprenaient pas, étaient un peu : “qu’est-ce qu’ils nous racontent là ?” et puis nous on était : “ bah si, être une femme c’est un ressenti !”
RDG – Bien sûr, bien sûr !
Anouk – Comme le disait une artiste et féministe radicale, que j’admire beaucoup, Laetitia Ky ? : “Nos limites propres ne sont pas respectées, en tant que groupe on est censées accueillir toute la misère du monde, alors que nos problématiques nous sont bien spécifiques”.
Pour faire un petit clin d’œil à J.K. Rowling, le sexe c’est un peu devenu le “nouveau Voldemort” à ne pas prononcer. Je suis en désaccord avec cette idée que le sexe serait une construction sociale, le sexe n’est qu’une donnée biologique objective et le genre un outil d’asservissement.
Je vais citer le commentaire d’une personne sur Instagram qui résume tout, de façon simple et objective :
“Notre classe de sexe n’est pas un genre, le groupe femme est un groupe cohérent qui regroupe trois caractéristiques neutres : ce sont des êtres humains, ce sont des femelles et ce sont des adultes. La définition comprend absolument zéro stéréotype, zéro ressenti, zéro conduite à suivre, zéro code à adopter, zéro destinée prédéterminée, mais une biologie commune et les expériences vécues qui vont avec. L’oppression millénaire des femmes se base sur cette biologie commune : la classe de sexe. La définition ne statue pas sur l’état de santé reproductive et comprend donc les femmes fertiles comme infertiles ou stériles, ménopausées ou non, ayant une condition intersexe ou non. Elle exclut ainsi les personnes mâles de tout âge.” Voilà ça me paraissait être un bon résumé.
Une menace pour les enfants, car l’idéologie du genre fait croire que l’on peut naitre dans le mauvais corps, alors que c’est le regard que la société et notamment les hommes posent sur nos corps qui est problématique.
En tant que féministe, je veux me battre pour l’abolition des stéréotypes de genre et pour que chacun et chacune puisse s’émanciper des carcans qui nous oppriment en tant qu’individus. Le sexe ne définit pas qui nous sommes profondément, ni notre personnalité. Le rose, les paillettes et les poupées Barbie ne sont pas l’apanage des petites filles.
Mon parcours psy et mon intérêt pour la psychologie et la psychanalyse me poussent à penser que la thérapie par la parole est la meilleure façon pour comprendre nos désirs sous-jacents et déconstruire les fantasmes que l’on se fait sur le sexe opposé. Qui n’a jamais fantasmé d’être de l’autre sexe ?
Une menace pour la société, car les inégalités entre les sexes vont se creuser et les discriminations augmenter. Dans le meilleur des mondes, évidemment que je suis pour l’abolition de n’importe quelle catégorie, sauf que dans notre société actuelle, où les inégalités entre les femmes et les hommes sont toujours aussi criantes, ce n’est pas une option. La réalité c’est que les femmes sont toujours évincées par les hommes, même ceux qui se déclarent femme.
Une menace pour la démocratie, car c’est la liberté d’expression qui est attaquée. J’ai remarqué que la censure gangrène les milieux militants et notamment féministes. Les femmes ont honte, voire ont peur de parler. La liberté d’expression a certes ses limites quand il s’agit de propager des propos haineux, mais quand il s’agit de vérités scientifiques, c’est extrêmement problématique.
Il y a quelques semaines, par exemple, le CA de mon association m’écrivait, je cite : “La liberté d’expression a ses limites. Tous les propos ne sont pas acceptables moralement et peuvent même être punis par la loi.” En gros, l’association m’a clairement menacée de représailles alors que mes propos étaient parfaitement légaux.
RDG – Du coup qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner ? Peux-tu préciser si c’est sous ta réelle identité ou de façon anonyme ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Est-ce que tu peux peut-être développer ce point justement ? Est-ce que tu te sens en danger ou pas ?
Anouk – Si je témoigne, c’est que je constate les limites et problématiques de la communauté LGBT. Notamment l’identité de genre qui prend une place exponentielle. J’ai constaté que le prosélytisme queer infiltre petit à petit nos institutions républicaines comme l’école, comme j’en parlais avec les interventions en milieu scolaires dont une partie des contenus étaient un peu problématique, selon moi. Évidemment, je pense que tout n’est pas à condamner et je suis fière d’avoir pu sensibiliser sur la communauté qui ne se résume pas à l’idéologie du genre. Je précise aussi, je nuance que la communauté n’est pas un ensemble monolithe, la réalité est évidemment plus complexe et nuancée que ça.
J’ai décidé de témoigner de façon anonyme, car je crains des représailles. Il y a quelque temps j’avais témoigné sans haine sur le compte Teepee de Dora Moutot pensant naïvement que ce serait un espace sécurisé où je pourrais m’exprimer librement, de façon plus ou moins anonyme. Suite à ce témoignage sur le compte de Dora, l’association pour laquelle je militais a tenté de m’intimider, voire de me faire peur en envoyant une convocation de deux pages pour incitation à la haine, transphobie et complotisme. J’ai évidemment été radiée, mais je ne regrette rien. Mes propos n’étaient pas en dehors du cadre légal et ils étaient nuancés. Je réfute l’accusation de transphobie. Je ne suis pas une personne haineuse, je respecte la liberté de chacun et chacune d’être ce qu’il ou elle est tant que c’est dans le respect et la bienveillance commune.
Ce que je dénonce, c’est une forme de pensée totalitaire, de terrorisme intellectuel qui vise à museler la parole des femme, qui s’opposent, voire questionnent seulement leur dogme.
RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme ?
Anouk – J’ai été marquée par plusieurs choses durant l’année qui s’est écoulée. Dans un premier temps, j’ai remarqué qu’il y avait une sorte d’effet de mode avec la non-binarité. Il y a beaucoup de filles qui se déclarent non-binaire : soit elles sont lesbiennes avec une expression de genre plutôt masculine, soit elles sont parfaitement hétéros et collent parfaitement aux stéréotypes de genre dits féminins mais, pourtant,elles se déclarent non-binaire. Du coup, je perçois ça comme un besoin profond de se singulariser, de se démarquer. Pour moi, la non-binarité ça ne veut pas dire grand chose, voire je trouve ça même… Enfin comment dire ?
RDG – Ridicule ? (rires)
Anouk – Oui, enfin je trouve que c’est un leurre, quoi !
RDG – « Regardez comme je suis intéressante ! »
Anouk – Évidemment qu’il y a un dressage qui pousse les femmes à coller aux stéréotypes de genre dits féminins, mais beaucoup d’entre nous ne collons pas pour autant à ces stéréotypes. Est-ce que ça veut dire qu’on est autre chose que femme ? Un homme ? Une personne non-binaire ? Non, j’en suis la preuve vivante, en tous cas. Parce que, oui, moi personnellement, en tous cas là, on ne me voit pas, on n’entend que ma voix, mais j’ai les cheveux courts, j’ai une expression de genre qui peut être tantôt féminine, tantôt masculine, tantôt androgyne. Enfin, je ne correspond pas parfaitement aux stéréotypes de genre attendu de la femme.Ensuite, si vous connaissez le compte Instagram “Period”, ils ont posté récemment une vidéo dans laquelle le nom de J.K Rowling était effacé de son œuvre par un homme se déclarant trans. Ca m’a profondément écœurée qu’un compte aussi populaire et qui se dit féministe promeuve une action pareille. Lorsqu’un artiste homme commet un viol, il faut séparer l’homme de l’artiste, comme on dit. Ou, mieux, le boycotter. Lorsqu’une femme exprime une opinion qui déplaît, il faut séparer la femme de son oeuvre.
Récemment, j’ai été bloquée par le compte Instagram de “NousToutes” après avoir exprimé avec sarcasme que c’était curieux de modifier comme ça des définitions comme “sexisme” sur un post parlant de féminicides. Même des collectifs qui se disent progressistes comme Nous Toutes censurent la parole des femmes lorsque celles-ci critiquent ou posent des questions qui dérangent. Donc c’est vraiment l’époque de la cancel culture.
RDG – As-tu quelque chose à ajouter ?
Anouk – Oui. Pour terminer, je veux dire que c’est très difficile, pour moi, d’en parler autour de moi, car j’ai déjà beaucoup d’amis qui sont concernés, donc beaucoup d’amis qui sont pro LGBT. Par exemple, récemment, j’ai perdu une amie qui m’était très proche, qui s’est insurgée quand je lui ai dit que je me considérais féministe radicale et critique du genre sans même préciser mes positions sur le sujet. J’ai senti une grande hostilité, une agressivité même à mon égard. Du coup, je n’ai pas voulu en dire davantage parce que je ne la sentais pas du tout ouverte sur la question. Elle a évidemment sorti l’argumentaire prémâché sur les TERFs, les trans qui se suicident et blablabla et blablabla. Je lui ai juste répondu qu’elle avait une vision un peu caricaturale de la situation, qu’il n’y avait pas d’un côté des gentils queers opprimés et de l’autre des méchantes TERFs avec du sang sur les mains. La souffrance est dans les deux camps et chacun, chacune peut potentiellement être un bourreau pour l’autre, mais que j’ai remarqué que la violence vient non pas des femmes que l’on qualifie de TERFs, mais des activistes queers et trans. Elle m’a ensuite affirmé que je n’avais aucune légitimité à me prononcer sur le sujet, car, je la cite,“Je suis une femme cis”. Cette étiquette qu’elle m’a collée m’a mise en colère. Elle s’est permis d’affirmer un truc aussi personnel et intime et m’a jugée sur des a priori à la con. J’ai été déçue de ne pas pouvoir en parler ouvertement et avec respect avec une amie que je connais depuis presque 15 ans et que j’aimais profondément. Du coup, je remarque à quel point cette idéologie gangrène absolument tout et partout.
La dernière personne avec qui je me suis brouillée, c’est un ami, un ami très proche, un de mes meilleurs amis qui est gay et qui se déclare depuis quelque temps non-binaire. Il avait réagi avec agressivité à un des commentaires que je faisais sur mon expérience auprès de la communauté LGBT parisienne, milieu que je jugeais un peu superficiel. J’en parlais avec beaucoup de sarcasmes parce que je suis une personne assez sarcastique et assez ironique. Il l’a très mal pris et il s’est vraiment vexé.
Voilà c’est tout. Je vous remercie de m’avoir écoutée, d’avoir écouté mon témoignage. Je pense que c’est très important de parler et que, surtout en ces temps actuels, les femmes ne se censurent pas.RDG – On nous censure de l’extérieur, ce serait bien si on ne se censurait pas en plus de l’intérieur par peur, c’est sûr !
Anouk – Oui !
RDG – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.
S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe : womensdeclaration.com
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Rebelles du genre – Épisode 64 – Anne
Anne – Bonjour!
Moi, je m’appelle Anne, j’ai 26 ans et je suis une française qui habite actuellement en Suisse. Je suis prof de FLE donc FLE c’est “Français-Langues-Étrangères”. Je suis tout ce qui est dans les métiers de la communication et du journalisme, c’est mon cœur de formation, et une grande fan de littérature.
Pour me décrire un peu, moi je viens d’une culture mixte, ça se voit et ça se sent ; mixte parce que j’ai des parents qui sont d’origines différentes, et donc ça m’a permis d’avoir une vision du monde assez décentrée : il y a d’autres points de vue que ceux qui sont dits dans les médias, et je viens du monde des médias, pourtant ! Je travaille aussi pour la presse de temps en temps.
Je pense que j’ai toujours été critique du genre, mais sans me rendre compte, ça commence en fait je pense dès l’enfance. Donc comme je l’ai dit, je viens d’une culture mixte et alors déjà ça veut dire que dans mon quotidien je n’ai pas été confrontée aux stéréotypes, aux clichés. Par exemple, de ce que c’est être un “bon français” dans le sens de l’extrême droite, on va dire ça comme ça, c’est-à-dire que je fais partie des gens qu’on dirait “issus de la diversité”, ça aide beaucoup parce que j’ai un côté de ma famille qui est africaine.
Moi, mon père, à la maison, c’est un peu lui qui était dans les stéréotypes européens “de la mère”, et ma mère qui était dans les stéréotypes masculins “du père”, on va dire, en France. Moi, je suis une fille, j’ai des sœurs, on n’a jamais été élevées pour être des filles, on a été élevées pour être des humaines. C’est mon père à la maison qui m’a appris à me construire et à avoir confiance en moi en tant que femme, et puis tout ce qui était les stéréotypes féminins : aimer la mode ou aimer prendre soin de soi, etc. (Je dis bien “stéréotypes féminins” parce que pour moi ce n’est pas que les hommes qui devraient aimer la mode, il n’y a pas que les femmes pardon qui devraient aimer la mode ou prendre soin de soi), enfin des choses basiques mais voilà, c’est mon père par exemple qui m’a appris à faire le ménage donc si on reste sur les clichés, moi les clichés ils étaient totalement renversés à la maison. Être une femme à la maison, c’est mon père qui me l’a appris et au contraire, c’est ma mère qui m’a plutôt poussée à développer mon côté “avoir de l’ambition” et tout ce qui était considéré comme “stéréotypes masculins ou de la virilité” c’est-à-dire avoir de l’ambition, travailler beaucoup, ne pas se laisser happer par ses émotions…
Ma mère, je ne l’ai jamais vraiment vue, le maquillage, tout ça, ça n’a jamais vraiment été son truc, elle s’en fout un peu et donc déjà, quand on grandit avec une double culture en dehors des codes, que ce soit géographiques et aussi en dehors des codes sexistes, rien que ça en fait, dès le début quand j’étais petite, je crois que j’étais critique du genre.
Et donc on va arriver à l’école. Et moi, à l’école, je ne me reconnaissais absolument pas dans les stéréotypes féminins, que ce soit par ce côté psychologique que j’avais à la maison, donc il y avait un décalage immense entre ce que je voyais chez les autres filles et chez les garçons et moi, comment c’était à la maison, et aussi avec les stéréotypes physiques. Moi, dans les vestiaires je me cachais, à l’école c’était terrible parce que déjà, je ne comprenais pas je disais “Mais moi, je ne ressemble pas à ces filles-là mais pourtant, je n’ai pas envie d’être un garçon” mais je me sentais plus proche des garçons psychologiquement, et physiquement c’est pareil et donc je crois qu’à partir de ce moment là, j’ai commencé à développer, je ne sais pas comment on pourrait appeler ça, peut-être une dysmorphophobie ou une dysphorie inversée, mais j’ai commencé à avoir une phobie d’être un garçon. Mais je ne me reconnaissais pas non plus, en fait, chez les filles. Dans le vestiaire j’étais mal, ça a commencé tout doucement, cette phobie d’être un garçon mais à la fois cette hantise un peu d’être un cliché de fille, donc ça c’était on va dire “en background” dans ma tête et comme j’étais encore un peu jeune j’avais pas les mots pour décrire ça donc je continuais à faire mon petit bout de chemin qui consistait à faire en sorte d’être la meilleure amie des garçons donc j’étais la pote des garçons, sans pour autant être ce qu’on appellerait maintenant, comment ça s’appelle… garçon manqué ? Enfin d’ailleurs, j’ai toujours un peu détesté cette expression (rire) parce que si j’ai envie de me couper les cheveux et de faire du foot, je fais ce que je veux, ça ne veut pas dire que je suis manquée. Voilà, j’essayais de refreiner absolument toutes mes émotions, ce qui est paradoxal parce que je suis une personne qui est quand même très, très sensible, je peux pleurer très rapidement mais j’ai commencé tout ce travail dès le collège en fait, à réfréner mes émotions et à être intégrée par les garçons, et ce qui marchait très bien en fait, j’étais la seule fille qui n’était pas embêtée par les garçons mais pourtant, moi j’ai toujours… mon père m’a donné ce goût pour la mode et donc, dans mes vêtements, j’ai toujours été très, très ce qu’on pourrait appeler “féminisée”, c’est-à-dire que moi, j’aime bien mettre des jupes, des robes et puis j’étais aussi très influencée par la culture des mangas donc tout ce qui est mini-jupes, des trucs, bon peut-être pas appropriés pour quand on a 13 ans mais bon, c’est un autre débat… Je me sentais un peu seule parce que je ne me reconnaissais pas chez les filles, j’étais harcelée par les filles, je ne comprenais pas pourquoi est-ce que les filles ça doit forcément se chamailler et puis je ne comprenais pas de ce qu’elle discutaient dans les vestiaires parce que moi je n’avais pas ça à la maison, je me sentais vraiment toute seule. Dans ma tête, j’ai commencé à me dire “Mais je suis née dans le mauvais corps.”, c’était ma plus grosse angoisse d’enfance, j’avais peur du Ku Klux Klan et puis en-dessous j’avais peur d’être un garçon, vraiment, c’est à dire que je priais mais d’un autre côté, je ne me sentais pas fille… pas fille, je ne me sentais pas fille. C’est comme ça que je me sentais à l’époque.
Et puis on grandit, on grandit, on grandit, et puis je suis arrivée à 18 ans, et je suis partie à Paris. Je venais d’une petite ville en Bretagne, donc les possibilités étaient un peu réduites par rapport à ce que je voulais faire et donc moi, je voulais étudier la communication, le journalisme, la littérature, etc. Enfin bref, donc je suis arrivée à Paris et c’est là où j’ai découvert le milieu LGBT. Han ! Alors là, pour moi, ça a été une révélation. C’était la première fois en fait où je me sentais à l’aise mais je dis ça c’était il y a une dizaine d’années en fait quand je suis arrivée à Paris. Ma première autre vie sociale en dehors de là d’où je venais, ça a été en fait le milieu LGBT. Et pourquoi en fait ça a été le milieu LGBT au début ? Parce que je me sentais à l’aise, c’était la première fois où je pouvais me sentir à l’aise, malgré un peu cet inconfort que j’avais dans mon corps parce que je ne me sentais pas assez fille, que ce soit dans mon corps ou dans ma tête, et puis aussi par rapport à tout ce qui était les questionnements sur la sexualité, etc. et puis aussi j’avais 18 ans. J’étais encore un peu à sortir de l’adolescence, je me posais des questions, enfin voilà on a tous eu nos phases. J’ai aussi eu une phase gothique quand j’étais à l’enfance, bon ben voilà… Mais je me suis rendue compte après en fait que c’était une phase et je me suis rendue compte aussi après que j’étais totalement embrigadée, c’est dire que je revenais à la maison, mes parents, ma famille ne me reconnaissaient plus.
J’arrivais avec un discours ANTI… Ça a commencé avec le patriarcat. Bon. Ce qui a été plutôt pas mal, c’est que ça m’a permis de vraiment prendre conscience des luttes féministes qu’il y avait à faire parce que moi, j’étais dans ma bulle dorée avec mes parents qui m’ont élevée en disant que je pouvais tout faire, peu importe si j’étais une fille, peu importe si je ne rentrais pas dans les standards, que ça allait être dur mais que je pouvais tout faire, et là, j’arrive dans un milieu où je prends conscience qu’au final, être une femme, ça a quand même certaines conséquences, que ce soit en France et dans le monde. Donc j’ai commencé à être très sensible à ça, et de par la lutte féministe, sont arrivées toutes les idées LGBTQ++, depuis on a rajouté je ne sais pas combien de lettres, hein.
Moi, à l’époque, ça s’arrêtait déjà à LGBT (rires). Voilà. Ensuite, il y a eu le Q, ensuite il y a eu le +, ensuite il y en a eu pleins d’autres. Bon, déjà à cette époque là, pareil en background dans ma tête, je me demandais “Mais pourquoi est-ce qu’on mélange une orientation sexuelle LGB ?”, je comprends tout à fait parce que ce sont les droits des homosexuel(le)s. Voilà, ça n’a pas toujours été de soi, il y a eu beaucoup de violences face à cette communauté et donc, ça me paraissait logique de me battre pour ça. Mais je ne comprenais pas pourquoi est-ce qu’on rajoutait les personnes transidentifiées. Parce que pour moi, c’est deux choses totalement différentes et qui n’ont rien à voir en fait et je me disais “Non Anne… Il faut que tu respectes quand même, c’est pas toi qui a créé on va dire entre guillemets cette lutte, tu n’étais pas là au début, ils essayent quand même de faire avancer les choses, il y a des gens qui sont en souffrance donc viens pas avec tes gros sabots et ta grande gueule”, voilà. Donc c’est ce que je me suis dit et puis pendant trois ans, ça a été les paillettes, l’amour, et tout est génial, et tout est beau, et oui les hommes peuvent devenir des femmes et les femmes peuvent devenir des hommes, et c’est exactement ce que j’avais fini par penser, et donc d’un discours antipatriarcat que j’avais quand je retournais à ma maison, je suis arrivée avec un discours limite hétéro et cis phobe. Et même le mot “cis”. Enfin, j’avais intégré tout ce vocabulaire, sauf qu’à l’époque, il faut savoir que c’était encore un peu, on va dire un mouvement de… comment dire ça… de niche, c’est à dire que ce n’était pas encore très très connu, ni très développé.
Autour de moi, mes proches, c’étaient des personnes qui n’avaient aucune idée de tout ça, en fait. C’étaient des discours et c’était un vocabulaire qui étaient, en fait inhérents à cette communauté-là, personne n’était au courant de rien et moi j’étais un peu la seule quand je revenais chez moi à parler de ces choses là, personne n’en avait aucune idée, le féminisme un petit peu.
Voilà, c’était il y a une dizaine d’années. En fait, pendant ces trois ans, j’ai discuté avec plein, plein de personnes diverses, avec des personnes… des drag queens, avec des personnes qui se disaient queer, avec des filles qui se disaient tom boys, butch, des lesbiennes… enfin tout le vocabulaire des lesbiennes qui se disaient fem… Enfin pleins de gens qui disaient pleins de mots différents. Voilà. Et c’est ça qui au bout de trois ans en fait a commencé à, je crois, éveiller en moi ce que je pense avoir eu comme un peak trans.
C’est-à-dire que j’ai fait ma première Gay Pride, donc une Gay Pride de nuit, et puis moi je m’attendais à ce qu’on scande des slogans pour les droits des personnes LGB. Et puis là, ça commence à venir les slogans, donc on avait les slogans pour les personnes LGB, puis là les slogans antiracistes. Je regarde autour de moi et je fais euh… Alors là je suis la personne la plus foncée (rires), ça me paraît un peu bizarre et qu’est-ce que ça a à voir le racisme avec ça ? Alors oui, ce sont deux choses mais qui ont des fondations un peu différentes, et pour réussir à faire de la pédagogie auprès des gens, (parce que pour moi c’est comme ça qu’on arrive à une lutte et qu’on arrive à avoir des droits, c’est aussi notamment en faisant de la pédagogie), et je me suis dit “Mais qu’est-ce que ça a à voir avec ça ?”, puis moi je me sens pas du tout concernée, enfin je ne suis pas là pour parler des droits, euh… Enfin il y a d’autres endroits pour ça, d’autres moments. Et puis après, commencer à parler aussi des droits pour les prostituées ? J’étais en train de me dire “Mais attends, là, euh… C’est quoi ? On n’est pas censé être une Gay Pride, là ? Mais ça part comment?”
Je n’arrivais pas à comprendre le sens et puis en fait, à force d’avoir eu tous, tous, tous ces mots, tous ces trucs et puis… On ne marche que sur des œufs en fait ; au bout d’un moment, au début, on est là, des paillettes, tu te sens bien, et puis au fur et à mesure tu te rends compte que pour être accepté en fait, c’est un coût mais c’est un coût énorme, c’est-à-dire qu’il faut faire attention aux questions que tu poses, si tu poses des mauvaises questions tu peux te faire éjecter. Il n’y a aucune place à la parole et au débat, on met tout le monde dans des cases, on est là, on veut déconstruire toutes les cases, on met tout le monde dans des cases et plutôt que d’essayer de défendre les droits des personnes LGB… Enfin, c’est mon ressenti, c’est ce que j’avais comme ressenti avec la communauté LGBTQ++, c’était, en fait, plutôt défendre une haine des hétéros, le mot “cis”, déjà, à partir du moment où j’ai commencé à devoir dire que j’étais une femme cis, ça m’a fait quand même un peu mal aux tripes mais je me suis dit “Non, Anne, écoute, il y a des gens qui souffrent plus que toi.”. Voilà (rires). C’est ce que je me disais.
Mais quand même, au bout de trois ans, j’ai commencé après cette Gay Pride de nuit qui a commencé à partir en lutte contre le racisme, lutte pour la prostitution… j’ai commencé à me dire “Oh là ! Doucement là ! On mélange un peu tout.” Et donc, je crois que c’est comme ça que j’ai commencé mon peak trans, il y a à peu près trois, quatre ans.
Après, je n’avais plus du tout vraiment repensé à ça, j’avais… J’ai changé de ville, donc j’ai changé de personnes, et puis j’en avais marre en fait d’être dans un milieu qui te vend, sous couvert de paillettes et de bien-être et de bonheur, quelque chose de vraiment… enfin…
Et ma famille disait “Mais Anne, qu’est-ce que tu dis ?”
Au début, je me disais” Oui, c’est ma famille, ils sont totalement homophobes et transphobes.”
D’un côté en fait, c’est quand j’allais à Paris, c’est le discours que j’avais en tête, quoi. Quand j’allais dans ma famille, je les connais, ça fait partie des gens les plus ouverts que je connaisse. Même la première fois, je me souviens, quand j’étais à Paris à l’époque ça devait être un travesti, et j’avais demandé à ma mère, et je fais “Mais maman, pourquoi il est habillé comme une fille ?” Bon. Ma mère, elle me fait “Bah voilà, il y a des hommes qui aiment bien mettre des jupes, ben voilà, c’est comme ça.” Donc avoir une mère qui dit ça et à côté penser qu’elle est phobe de quelque chose, j’ai commencé à me dire “Il y a quelque chose qui cloche.”
Donc en changeant d’atmosphère, en prenant un peu du recul, en grandissant aussi parce que j’étais très jeune, j’étais très très jeune et j’étais aussi très vulnérable, j’ai commencé à me dire “Il y a un truc qui cloche, il y a un truc qui cloche.”
Et comme je suis une femme et que j’ai été conditionnée aussi à la gentillesse comme on dit, c’est clair, oui, je suis une personne gentille mais parce que je suis gentille (rires). Sauf qu’à cette époque, je n’avais pas non plus le recul nécessaire pour faire la part des choses entre ce qui m’a été inculqué par la société et ce que je voulais garder de moi, et on sait très bien quelle pression il y a sur les femmes, en France du moins, ou en Occident parce que c’est ce que je connais le mieux pour l’instant, les femmes en Afrique, c’est pas forcément ça… on va dire ça, on apprend plus à dire ce qu’on a envie, mais voilà, ayant grandi en France et en mode “Oui, tu es gentille, tu respecteras ton prochain, bla bla bla”.
Donc c’est pour ça que je ne posais pas plus de questions et puis j’étais là “Bah ouais il y a quand même des gens qui sont en souffrance.” Parce que c’est vrai, enfin les gens à l’époque que j’avais rencontrés, c’était des personnes qui avaient déjà au moins une trentaine d’années, par exemple, les hommes transidentifiés ou qui se disaient qu’ils se sentaient plus femmes, ils n’avaient pas un discours aussi virulent que les transactivistes ont maintenant, enfin les personnes avec qui j’avais discuté du moins, et en fait, on sentait surtout une réelle souffrance par rapport aux stéréotypes de genre, enfin stéréotypes de genre… Stéréotypes de genre, moi quand je dis le mot “genre” dans mon témoignage, il faut bien assimiler pour moi genre = sexe. Femme/homme. Voilà.
Rebelles du genre – En fait, un moyen simple, c’est de dire les stéréotypes sexistes (rires).
Anne – Voilà, les stéréotypes sexistes, exactement. Voilà : les stéréotypes sexistes. Parce qu’au final, il y a des stéréotypes dans les deux sens mais dans le sens de la femme, ça fait peut-être un peu plus de mal quand même, vu que c’est quand même des stéréotypes qui nous amènent à la soumission, et donc je sentais quand même qu’il y avait une certaine souffrance et moi-même j’étais en souffrance et en empathie et on est pleins à connaître ça, c’est à dire que c’est un peu cette dissonance cognitive.
En fait, j’en étais arrivée à une extrême dissonance cognitive entre moi, ce que je ressentais et ce que je savais, ce que j’avais appris aussi, et puis ce qu’on me disait.
Et donc voilà, il y a deux trois ans après ce milieu LGBT, j’ai fait d’autres choses, j’ai eu d’autres expériences, j’ai rencontré d’autres personnes, et puis j’ai commencé à voir le mouvement monter de plus en plus, de plus en plus violemment, de plus en plus sectairement sur les réseaux sociaux. Je me suis dit “Mais c’est…” En gros, c’est monté exactement de la mauvaise façon dont je me disais dans ma tête, quand j’avais quitté ce milieu là, je m’étais dit “Il y a trop de cas, ça devient trop phobe de tout justement”, enfin c’est assez particulier, parce que quand les transactivistes ou les gens qui défendent l’idéologie du genre disent des critiques du genre comme nous qu’on est des phobes, moi je vois ça plutôt dans l’autre sens, c’est-à-dire que dans le milieu LGBT, je commençais à voir de plus en plus de phobies par rapport à toutes les personnes qui ne rentraient pas dans LEURS cases et donc j’avais déjà ce bagage en tête.
Et puis est revenue… parce que j’ai vécu comme beaucoup de femmes un événement qui m’a traumatisée dans mon corps, donc j’ai dû faire un travail sur moi-même, là-dessus, pour réussir à vivre avec ça, et c’est à ce moment là où en fait est revenue cette angoisse de l’enfance que je disais qui était ma plus grande angoisse, c’est à dire la peur d’être un garçon sauf que j’étais plus une petite enfant et j’étais une femme et je savais que j’étais une femme et ce que ça voulait dire d’être une femme parce que je l’avais vécu, que ce soit dans les violences ou aussi dans les aspirations, parce que dans les beaux moments, je m’étais construite en tant que femme en me disant dans ma tête que ce n’est pas parce qu’il y a des stéréotypes sexistes et qu’on va m’imposer des choses que je vais me laisser faire par la société.
Donc déjà en fait, devenir femme, être une femme déjà, c’est un combat en fait, ce n’est pas quelque chose… On naît femme et toute notre vie jusqu’à ce qu’on “devienne femme”, entre guillemets on apprend à devenir femme en dehors de tous les stéréotypes sexistes, c’est à dire avoir de l’ambition et se sentir femme comme on veut.
Et j’ai recommencé à avoir cette angoisse là, il y a deux trois ans, d’être un garçon, et là, ça a été un peu un vide ‘intersidérale existentiel, en train de me dire “Mais alors, si être une femme ce n’est plus naître femme, qu’est-ce que je suis ? Je n’ai pas envie d’être un homme mais pourtant”… J’avais l’angoisse, en fait je faisais ce qu’on appelle des dissociations, mais des grosses crises de panique, et des grosses crises d’angoisse, qui m’ont amenée à faire énormément de dissociations. Et dans des dissociations, en fait, tu ne fais plus la distinction entre la réalité et la vraie vie. Donc ce qui fait que les angoisses que j’avais enfant, elles se mettaient en travers de la réalité, et de ma réalité à moi.
Et avec tout le gloubiboulga que je voyais, avec les transactivistes LGBT, tout ça, j’en suis vraiment arrivée en mode, mais à une angoisse vraiment mais terrible, quoi. J’étais là “j’ai peur d’être un garçon mais d’un côté je ne me sens pas femme, parce que j’ai peut-être aussi été touchée dans ma chair de femme, je ne me reconnais pas mais j’ai envie d’être une femme…” Enfin voilà… Ça a été vraiment une période, où j’ai tapé mes pires crises de panique (rires). Très clairement, ça fait partie des pires moments de ma vie. Et en plus de ça, je crois que c’est à ce moment-là que j’ai eu mon peak trans en me disant “mais en fait, l’idéologie du genre et le transactivisme, ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne va pas.” Sauf que d’un autre côté, je voyais par les réseaux ou les médias que si on remettait en question cette idéologie, c’est qu’on était forcément un gros fasciste, réac, phobe de tout. Et je me disais “mais c’est quand même fou, parce que moi, ça me fait souffrir. Je dois voir des psys pour ça tellement ça me fait souffrir comme idéologie parce que ça me perturbe tellement dans ma construction, ça m’empêche tellement d’accéder à des constructions”. Parce que j’étais très vulnérable, parce que j’avais vécu des choses terribles, et je me suis dit “c’est quand même paradoxal qu’on me traite, moi de transphobe. Je suis une grosse terf, c’est ça ? Mais enfin, qui je suis, quoi ?”.
Et donc j’ai commencé à me documenter de plus en plus. Et puis, oui, entre temps, j’avais aussi entendu parler du mot terf, évidemment. Et on a pas envie d’être une terf, on n’a pas envie d’être une sale méchante sorcière. Et en fait, j’ai commencé à écouter les soi-disant terfs et j’étais là “Mais c’est ça être une terf ? Bah traitez-moi de terf, alors.” parce que si c’est ça être une terf ? Ha ! En fait, je n’entendais que des femmes qui, comme moi, se disaient “Ben non, ce n’est pas ok, ce n’est pas des hommes transidentifiés ou mals dans leur peau, peu importe le spectre de souffrance qu’ils peuvent avoir et d’inconfort face à leur corps, ce n’est pas à eux de nous dire ce qui est une femme. Et puis on ne va pas commencer à faire des catégories de femmes !”
Déjà, ce qu’on essaie de faire, les luttes féministes qu’on essaie de faire depuis des années, d’essayer de dire que toutes les femmes sont différentes mais qu’elles ont le droit aux mêmes droits et en plus, on va encore faire des catégories avec en plus des hommes transidentifiés qui vont nous dire ce que c’est qu’être une femme ?!
Et puis à côté de ça, plus ça allait, plus je me requestionnais sur la transidentité, j’étais là : “mais tous les gens que tu as rencontrés et même tous ceux que tu vois, que ça soit dans les médias, sur les réseaux, les témoignages sur la transidentité… mais en fait, c’est des clichés de sexisme, c’est tout ce que nous, on essaie de déconstruire depuis des années, c’est à dire avoir le droit de se sentir femme sans répondre aux stéréotypes ! Tout ce que, Anne, tu as essayé de déconstruire depuis ton enfance quand tu ne te sentais pas rentrer dans les cases de stéréotypes sexistes des filles et que tu avais quand même peur d’être un garçon, mais en fait le transactivisme, j’ai l’impression que ça prône plus les stéréotypes sexistes qu’autre chose.”
Donc voilà, j’écoutais toutes ces femmes qui disaient ça et ce qui m’a impressionnée et ce qui m’a aussi confortée dans le fait que non, je n’étais pas une grosse extrême-droite (rires), moi, extrême-droite, grosse réac… bah non, je ne suis pas une phobe quoi, je suis plutôt quelqu’un de très très très ouvert, de très accueillant au contraire, je suis pour que tout le monde puisse porter, faire ce qu’il veut dans la limite des libertés individuelles.
Et puis, en fait, c’est la diversité des profils de ces femmes-là. C’est-à-dire que, et même là, quand on écoute, quand je cherche des ressources, il y a des femmes de partout, des personnes… il y a même aussi des hommes qui parlent, qui témoignent par rapport à ça mais bon, là, c’est quand même important que nous, les femmes on s’exprime là-dessus. Parce que c’est nous les femmes, c’est nous qu’on sait quand même ce que c’est que d’être dans nos corps et d’avoir nos vécus. Et c’était la diversité de ces femmes, la diversité sociale, socio-économique, géographique, d’opinions politiques et je me suis dit “ce n’est pas possible, ce n’est pas possible, non”, je me suis dit “Ouais, il y a un truc qui cloche.” et je crois que c’est là où j’ai eu mon peak trans et je suis tombée sur Rebelles du genre. Et là, ça m’a fait du bien, et là ça m’a fait du bien et là j’ai fait ah ! Et donc voilà, j’ai toujours été critique du genre depuis que je suis petite, mais sans m’en rendre compte parce qu’au final, en fait pour moi, il n’y a jamais eu de genre vraiment, il y a eu des stéréotypes sexistes, il y a des femmes, il y a des hommes parce que c’est comme ça qu’est faite la nature, c’est ce qu’on apprend, c’est la base et autour de la nature, les humains ont construit des stéréotypes qui permettent une domination d’une classe sur une autre et ça, ça a toujours été et nous les femmes actuelles du XXIe siècle, on se bat pour déconstruire des stéréotypes sexistes qui ont été construits autour de nos corps, autour de notre biologie, autour de ce qu’on est. Ça n’a pas toujours été comme ça mais c’est né. Et je me suis dit “Mais c’est complètement con aussi de dire que… enfin, de normaliser cette idéologie du genre.”
Parce que quand on écoute l’historiographie des femmes, quand on écoute aussi l’histoire des dominations, quand on lit un peu, quand on se documente, ça n’a pas lieu d’être. Tous les arguments qui sont avancés quand on dit : “oui, je me sens femme, ou alors…” En plus, j’ai l’impression que toute l’idéologie du genre repose juste sur un ressenti, d’accord, alors moi le matin, je vous avoue que comme je disais, dans l’enfance, il y a eu des matins où je me réveillais et puis mon ressenti c’était que je me sentais garçon. Bah à l’époque, je serais devenue un garçon, mais je ne me sentais pas garçon parce que j’étais un homme, je me sentais garçon parce que les stéréotypes qui étaient assignés à ma biologie ne me convenaient pas. Mais un ressenti, enfin je sens que je suis une femme oui, quand j’ai mes règles, là je le sens, là je le sens bien bien, bien, bien, bien! Ça, je parle de mon vécu et en fait, on a plein de vécus de femmes différents. Le seul ressenti qu’on peut avoir, c’est par rapport à notre biologie, aussi si quand on est dans la rue et qu’on a cette hyper vigilance, quand on rencontre des hommes, voilà.
Je ne me revendique pas féministe, je ne me revendique de rien du tout. Mais il y a quand même un vécu commun à les femmes parce qu’on est née femme et ce n’est pas quand on dit “Oui, c’est un ressenti.” Mais moi, ça me fait vraiment mal à l’intérieur quoi et en plus, je ne suis pas une des femmes les plus mal loties, hein ! Parce que… un ressenti de femme en Inde, tu peux crever parce que tu as tes règles. C’est vraiment problématique, quoi.
Je pense que j’ai eu mon peak trans en me disant “Bah ok traitez-moi de terf si vous voulez quoi (rires), au bout d’un moment, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?” Et surtout en me rendant compte que ça ne reposait sur rien, oui il y a des personnes qui sont en souffrance et j’en ai discuté. Mais en fait, c’est des personnes, comment dire… Des personnes qui sont trans, qui se transidentifient déjà, c’est des personnes qui sont en inconfort total avec leur corps, leur biologie. Sauf que le problème, et je pense que ça a toujours existé en fait, des personnes qui sont en inconfort. La preuve, rien que nous les femmes, on est en inconfort souvent avec notre biologie et notre corps parce qu’on nous impose certaines choses.
Et puis en plus, je pense que c’est quelque chose qui est totalement normal ! Toutes les petites filles se sont posé une fois la question “Qu’est-ce que ça ferait d’être un mec ?” et tous les mecs se sont posés une fois la question “Qu’est-ce que c’est qu’être une femme ?” en fait, mais ça ne veut pas dire qu’on va aller jusqu’à la médicalisation et jusqu’à développer, à l’intérieur, une dysphorie.
Oui, je pense que la dysphorie de genre existe parce que moi-même j’en ai fait, plus ou moins, l’expérience et ça je connais sauf que le problème avec la normalisation de cette pathologie, c’est qu’en fait, il y a des dérives qui sont graves, qui sont très très graves, en fait. On normalise quelque chose qui n’est pas normal. Ne pas être normal ça ne veut pas dire que ce sont des personnes qui doivent être débarrassées de la société, ça n’a rien à voir, c’est des personnes qui ont besoin d’être aidées mais comment on peut aider des gens si on normalise derrière, leur inconfort ? La médecine est là pour aider les gens, la société, les luttes LGB et même T. Ok à la rigueur, on rajoute le T… Mais ce n’est pas là pour normaliser… Et puis même même, je ne suis pas du tout d’accord avec rajouter le T puisque la sexualité n’a rien à voir, ce n’est pas une maladie. On a passé des années et des années pour dire qu’être gay, lesbienne, bi, peu importe, aimer c’est aimer, on ne peut pas le mettre à côté d’inconforts biologiques, en fait. Voilà, c’est pour ça que je tiens à témoigner aujourd’hui, pour ajouter ma voix à toutes les voix qui ont déjà été dites et parce que, ouais, il faut l’ouvrir en fait.
Rebelles du genre – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie ?
Anne – Comme je pense que je l’ai déjà bien développé, mais pour résumer, je vais commencer à faire point par point.
Démocratique: Un problème pour la démocratie en premier, parce que déjà, c’est une idéologie mais qui n’est pas reconnue comme une idéologie. C’est une idéologie qui se base sur, en fait, des pathologies et ça, bon, je ne vais pas développer là-dessus parce qu’il y a pleins de personnes très qualifiées qui parlent de ça, qui parlent de ce que c’est la dysphorie de genre.
Mais en fait, déjà, une idéologie, c’est un problème parce que c’est un peu avoir des œillères, et ça ferme la porte à toutes les conversations. En fait, la discussion est vraiment fermée, c’est-à-dire que dès qu’on va essayer de l’ouvrir… La preuve, c’est qu’on est pleins à témoigner anonymement parce qu’on a peur pour notre sécurité et ça ne devrait pas être le cas, surtout sur un sujet aussi important qui DEVRAIT être discuté, parce que ça touche aux fondements mêmes de l’être humain, nos biologies. Sans nos corps, on ne peut pas réfléchir donc rien que ça, et puis il y a une chasse aux sorcières quoi. Que ce soit le mot terf, quand on invente pleins de mots, “phobe”, ça n’ a aucun sens et puis c’est une banalisation d’une pensée unique et totalitariste pour toutes les raisons que j’ai déjà citées et puis, il y a juste à ouvrir sa page internet et on voit qu’il n’y a pas la place au débat.
Et dernière chose pour la démocratie, c’est les médias. J’ai dit que je viens d’un milieu de médias donc je suis beaucoup de journaux, et de journaux divers de tous les bords, parce que pour moi, c’est important de développer un esprit critique, et je crois que c’est un des seuls sujets d’actualité au XXIe siècle où il y a zéro esprit critique. C’est-à-dire que dans les journaux de tous les bords, de droite, de gauche, tout ça, peu importe le bord politique, ou peut-être à part les journaux d’extrême-droite, et c’est bien pour ça que c’est un problème, parce qu’il n’y a que les journaux d’extrême-droite qui disent ça sauf que, s’il vous plaît, ce n’est pas que d’extrême-droite que de dénoncer ça. Voilà. On peut être aussi de gauche (rires). Voilà. Majoritairement. Et ben justement, quand je lis mes journaux qui sont plutôt de gauche, centrés, on va avoir des articles sur, je ne sais pas… des prisonniers, des hommes transidentifiés, sur le transactivisme… et le seul paragraphe qu’on va avoir sur les critiques du transactivisme, c’est : “oui, le transactivisme se prend beaucoup de backlash ou de l’extrême-droite.” et moi, je suis là : “mais enfin, c’est un journal que je paye, d’accord, qui arrive à débattre de tous les sujets, d’accord, mais là-dessus, tu ne te poses même pas la question, déjà de remettre en question la gravité de la normalisation de l’idéologie du genre ? Et en plus, apparemment, les seules critiques c’est de l’extrême-droite ?”Oh ! On est où là ?! On est où, nous ?! Oh !
Rebelles du genre – Peuchère… (rires)
Anne – On est où ?? Peuchère ! On est où, là ?? Oh ! Les mouvements féministes, ça vient d’où ? Hein ? La plupart des filles, des femmes qui l’ouvrent, ça vient d’où ? D’accord ? Alors merci.
Donc ça, c’est pour la démocratie, le danger.
Ça pose des questions aussi humaines et éthiques vraiment super graves en fait, ça banalise la violence. Quand on parle du transactivisme, de la transidentité, je suis désolée, mais en dehors du milieu médical, c’est hyper violent parce que, peu importe qu’on connaisse les détails ou pas de ça, moi quand j’essaye d’en discuter avec des gens autour de moi, déjà la plupart des gens ne sont pas aussi bien calés et d’ailleurs, c’est pour ça qu’ils n’osent pas l’ouvrir parce qu’en plus, c’est un sujet qui touche à nos biologies.
Alors, il va falloir nous expliquer pourquoi est-ce qu’on ne peut pas montrer nos tétons en tant que femme sur Instagram et par contre, on peut passer des heures et des heures et des heures à débattre des pénis et des vulves des filles et des garçons, des enfants ou même des adultes, encore pire ! Je trouve que c’est d’une violence inouïe en fait, de parler de ça et puis ce n’est pas du tout éthique. En France, on n’a pas le droit de se faire tatouer, de boire, de conduire avant 18 ans, par contre on peut prendre des bloqueurs de puberté, on peut se faire faire une mastectomie… Il est où le bon sens (rires) ? Il est où le bon sens ? Ca veut dire qu’on estime qu’un être humain, ça c’est la science hein, jusqu’à 25 ans un cerveau n’est pas totalement formé, et tous les adultes qu’on est là, on sait très bien à quel point on peut changer d’avis quand on a de 5 à 15 à 25 ans… Mais par contre, on serait assez dignes de confiance dans nos têtes et on aurait assez de jugeote pour savoir qu’on serait nés dans le mauvais corps ? Mais ce n’est pas ça justement tout l’art de l’être humain, ce n’est pas d’apprendre à vivre dans son corps, malgré les injonctions de la société ? C’est quoi ce rétropédalage ? Et les questions éthiques ? Nous on se bat, les femmes, depuis des années et des années, on n’a pas pu voter parce qu’apparemment ce n’était pas éthique parce qu’on avait des vagins. On se fait tuer, on se fait mutiler dans des pays parce qu’on naît femme, parce qu’on est femme, être et naître, hein, les deux verbes, mais par contre c’est normal d’avoir des termes aussi forts avec castration, c’est de la castration quoi, qu’on fait, que ça soit sur des enfants ou des adultes… de mastectomie, de VAGINOPLASTIE. Ah bon ? Ah, ça existe ça maintenant ? Et puis c’est normal aussi quand on est un homme transidentifié d’avoir des soins au laser pour se faire enlever les poils remboursés par la sécu… Mais nous on se bat pour être des femmes, pour pouvoir avoir des poils ! (rires) Au bout d’un moment, il va falloir arrêter, en fait.
Du coup, voilà, je pense que j’ai passé aussi le côté “pourquoi c’est un danger pour les enfants”, ça tombe tellement sous le sens, en fait. C’est tellement une évidence et je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas plus mis en lumière, pourquoi est-ce qu’on trouve ça normal ? Pourquoi est-ce qu’on encourage tout ça ?
Tu es adulte, tu fais ce que tu veux, tu as 30-45 ans, tu fais ce que tu veux.
Puis, pour finir sur les femmes, ça court-circuite tout, on passe des heures et des heures à enregistrer des podcasts, à émettre nos voix, à écrire des textes pour rappeler un simple fait, qu’en fait bah non, un homme transidentifié n’est pas une femme.
Rien que ça en fait, ça court-circuite tout, toute l’énergie qu’on met là-dessus, ça nous empêche derrière d’avancer sur ce qu’on avait si bien arrivé jusque-là ! On commence à tenir des choses ! Que ce soit pour nous, en France, ou pour partout et en plus, avec ce mouvement-là, cette idéologie-là, c’est hyper sexiste, c’est-à-dire que c’est un rétropédalage ENORME parce que les hommes transidentifiés qui se revendiquent femmes, par exemple quand ils disent : “je me sens femme, c’est parce que je me sens féminine, et, puis je mets des jupes et puis j’ai des chirurgies pour avoir un corps qui ressemble à ceux des Kardashian”, qui d’ailleurs sont pleines de botox, tout ça, enfin c’est déjà tellement difficile d’accepter son corps en tant que femme. Je peux comprendre qu’il y en ait, oui, il y en a certainement, mais c’est une petite minorité en fait, qui sont mals dans leur peau et pareil pour les femmes qui sont mal dans leur peau et qui veulent transitionner hommes, enfin j’ai des élèves comme ça. Mais elles sont jeunes, en fait et ça ne les dérange absolument pas, moi en classe par exemple, j’ai des classes, je n’ai que des filles, il n’y a qu’une seule fille sur toutes les filles qui se dit non-binaire, moi je dis les filles elles s’en foutent, hein, c’est parce qu’elles sont dans un inconfort, ça court-circuite les luttes féministes, en fait. Et féminines. Le féminin, ça vient de féminin, femelle, femme.
Rebelles du genre – Qu’est-ce qui t’a décidée aujourd’hui à témoigner de façon anonyme ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Est-ce que tu te sens en danger ou est-ce que tu te sens libre de parler de ce sujet ?
Anne – Alors, si je témoigne aujourd’hui, c’est pour toutes les raisons qu’on a évoquées avant par rapport à la démocratie.
Au début, je n’osais pas trop témoigner. En fait, je ne savais pas vraiment si ce que je disais était sensé ou pas. Et puis au bout d’un moment, quand j’entendais les voix de toutes ces femmes formidables et diverses, comme j’ai dit, bah je vais apporter ma pierre, en fait. J’ai demandé à une de mes amies “Mais toi, tu penses que ça va s’arrêter là ou pas ce mouvement, ou que ça va empirer ?” Et elle m’a dit “C’est parce qu’il y a des filles comme toi, des femmes comme toi, qui témoignent, que ça va s’arrêter.”
Donc c’est pour ça, voilà. Je me sentais avoir assez d’arguments et d’éléments pour témoigner, et pour mettre ma voix parmi toutes ces voix de femmes. Je pense que c’est une question de société et qu’il faut participer à ça, voilà. Dans 10 ans, j’ai envie de pouvoir réécouter ces podcasts, relire toutes ces lignes qui ont été écrites, en me disant que j’essaye de faire ce que je peux à mon niveau pour la démocratie, pour mes droits et pour les droits de toutes mes sœurs et de tout le monde.
Par rapport aux pressions, actuellement, si j’ai décidé de témoigner anonymement, c’est parce que je suis en pleine recherche d’emploi et je suis dans un pays où, très clairement, et ça, ça se voit par exemple aux étals des librairies par exemple, dans le rayon enfant, où on a des livres sur la transidentité, ou même dans les questionnaires que je dois remplir ou les pages de recrutement où il y a femmes, hommes, et autres donc voilà. Même si actuellement, la Suisse je crois, a refusé sur les passeports ou les papiers d’identité, justement, tout ce qui était binarité, tout ça, même si j’ai l’espoir que ça retombe et ça va retomber, hein (rires) ? Ça va retomber, on va retourner dans le bon sens, je n’ai quand même pas envie de me faire court-circuiter mes possibilités d’avenir.
Et justement, si je veux pouvoir continuer à me battre, il faut que je puisse aller le plus loin possible, en fait. C’est pour ça que je témoigne anonymement. Si même les médias les plus sensés n’ont aucun esprit critique là-dessus…
Pour l’instant, c’est compliqué démocratiquement je trouve, pour moi de pouvoir m’exprimer sous ma vraie identité.
Rebelles du genre – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme ?
Anne – Alors, les anecdotes, j’en ai plusieurs mais je vais essayer d’en faire juste quelques-unes.
Alors, ma première anecdote, c’est quand j’étais dans le milieu LGBT à Paris.
Comme j’ai dit, c’est ce qui m’a permis de m’initier aussi au féminisme. Donc je me suis dit “Je vais m’inscrire dans une asso féministe !”
Première réunion féministe de toute ma vie, j’avais 18 ans, je viens pour me battre pour mes droits. Direct le discours d’entrée c’était “Ici, cet espace est réservé aux femmes cis…”. J’étais là “Ouais ! Bon cis, d’accord, enfin on est des femmes on n’est pas obligées de mettre cis derrière, on sait qu’on est des femmes.”Et puis ça continue avec “… aux femmes trans”, j’étais là “Ahhh… je vais discuter de mes droits avec des personnes qui sont nées avec des pénis, d’accord… Je ne vois pas ce que ça a à voir là-dedans.” et “…réservé aux femmes racisées…”, j’étais là “D’accord, ok…”, “…lesbiennes aussi.” J’étais là : “mais du coup, qu’est-ce que je fous ici, moi (rires) ?” et j’ai commencé à me dire “Mais c’est quoi ce délire ? Ok on est dans une réunion féministe, que des femmes, je comprends, mais c’est une réunion féministe pour les droits des femmes, je ne vois pas ce que le transgenrisme ou le transactivisme a à foutre ici dans ma réunion, surtout qu’en plus, on excluait les femmes hétéros, quoi. J’étais là “Mais c’est quand même con d’accepter des hommes transidentifiés mais d’exclure des femmes hétérosexuelles !”, je me suis dit “Mais ça n’a aucun sens.”
Je n’y suis plus jamais retournée du coup, ça m’a un peu refroidie. Bon, entre temps, j’ai découvert d’autres mouvements féministes avec lesquels j’ai plus de… voilà.
Mais bon, première année anecdote.
Et la deuxième ,je crois que c’est celle qui m’a le plus touchée, enfin c’est une anecdote qui a beaucoup à voir aussi avec mon parcours personnel donc Trigger Warning, s’il y en a qui ne veulent pas entendre parler de la violence pornographique ou sexuelle mais c’est ça aussi qui m’a fait avoir mon peak trans. Donc je dis tout de suite, si vous voulez arrêter d’écouter maintenant, arrêtez !
Donc comme je disais, quand j’avais 14 ans, j’étais dans un inconfort énorme déjà, par rapport à mon corps, mais que ce soit moi ou que ce soit tout le monde en fait, quand on a 14 ans… voilà.
Mais c’est vrai que particulièrement, ça faisait partie de mes gros inconforts.
Et puis j’ai une copine, c’était une de mes celles copines à l’époque, qui me fait, j’étais avec deux copines, et qui m’a dit “Venez, je vais vous montrer un truc sur lequel je suis tombée, je suis tombée sur un porno qui m’a un peu traumatisée.”
Alors faut savoir que moi à cet âge-là, je ne savais même pas que le clitoris existait. Bon. J’avais aucune conscience de rien (rires), j’étais une petite de 14 ans qui vient de la province là, la petite Anne toute choupi, donc elle m’a montré des images qui m’ont à jamais… et ben voilà, ça ne m’a pas du tout aidée à enlever cet inconfort de genre, parce que déjà que devenir une femme c’était compliqué, en fait, ce porno-là, c’était… Je ne vais pas donner de détails mais c’est ce qu’on appelle le porno transexuel, quelque chose comme ça. Mon premier rapport à la sexualité, ça a été avec ça.
Donc on peut bien imaginer, je pense qu’il n’y a pas besoin d’être psy pour voir les conséquences que ça a sur des enfants de 14 ans. Donc c’est une anecdote, hein, ça sort des cercles transactivistes, tout ça, machin, sur Instagram.
Sauf que n’empêche que ces images là, c’est d’une violence inouïe déjà, et en fait, c’est des hommes très clairement qui objectifient à mort le corps de la femme. C’est ça aussi que je voulais dire, oui il y a des gens qui sont peut-être dans un inconfort de genre, sauf que le transactivisme, ça fait que ça normalise, en fait c’est une pornographisation des corps de la femme, tout simplement, je trouve.
Moi, je n’ai pas eu de chance parce que je suis tombée sur des images comme ça très tôt et je ne souhaite ça à personne, vraiment, de tomber sur ces images là sauf qu’en fait, d’un autre côté, peut-être que ça m’a aussi permis de me rendre compte de la violence de la chose, parce que quand on est sur Instagram ou même sur Twitter, et tout, mais en fait, les images pornographiques que j’ai vues, c’est ce qui revient dans les discours. Ces images que j’ai vues qui m’ont totalement fucked up le cerveau, c’est exactement ce qui revient dans les discours, c’est-à-dire que j’avais quitté ces images là, j’ai fait un travail énorme sur moi, j’ai même dû voir des psys parce que ça m’a vraiment traumatisée, ça a été terrible pour moi dans la construction de ma sexualité, ça a été terrible, en fait, de voir ces images-là et après, je me retrouve en 2020 avec des gens qui prônent ça parce que quand on parle de transactivisme ou de transexualité actuellement, on ne parle pas de la difficulté de ce que ça peut être d’être dans un inconfort de genre, on parle des parties génitales, on parle d’une surexualisation des corps. Et moi, tout ça, ça m’est revenu dans la gueule, j’ai quitté Instagram, j’ai quitté les réseaux sociaux. Je suis bien mieux sans ça.
D’accord quoi, la violence du truc, moi j’ai vu ces images-là parce que je n’ai pas trop eu le choix, on me les a imposées et sauf qu’on impose inconsciemment tout un imaginaire pornographique qui prône en plus la prostitution, enfin il y a toute la porno-prostitution, il y a tout quoi, il n’y a rien qui va avec ça.
Et dernière petite anecdote, ça va avec la violence de ces images, et c’est là où j’ai fait “ça va pas.”, c’est que j’aime bien, j’ai pas Twitter mais j’aime bien voir un peu des fois pour me détendre, pour rire, des compilations de tweets, et là c’était une compilation qui s’intitulait “les meilleurs clashs que les femmes avaient faits sur des sites de rencontres”. Et je suis tombée sur un tweet qui m’a fait avoir des crises de panique parce que ça m’a fait revenir toutes les images de violences que j’avais vues quand j’étais petite : c’était un jeune garçon transidentifié visiblement, qui mettait en capture d’écran un mec qui lui avait demandé une dick pic et lui a répondu, donc ce jeune garçon transidentifié du coup, a répondu : “ben ouais, viens me sucer, ma belle grosse bite bien juteuse de femme.” Et ce tweet-là m’a fait avoir des sueurs froides pendant je ne sais pas combien de temps parce qu’en fait, ça m’a rappelé absolument toutes ces images que j’avais vues et qui m’ont traumatisée et toute cette violence que j’avais quittée justement des réseaux sociaux et je me suis dit “oh là… Il y a un truc qui ne va pas là, il y a un truc qui ne va pas, quoi.” Et c’est ça en fait, pour finir pourquoi aussi je témoigne, c’est que j’ai l’impression que partout où on va, on ne pense pas aux conséquences que ça a sur les femmes.
Ça m’amène à ma dernière anecdote. Quand je discutais avec des amis, quand j’ai eu mon peak trans, la première fois je discutais avec des amies qui ne sont pas du tout là-dedans, même avec ma sœur. Je disais : “mais ça ne vous dérange pas vous, d’avoir des hommes transidentifiés qui viendraient dans nos vestiaires ?”Elles n’étaient pas vraiment documentées sur le sujet et puis tout ce qu’on leur inculte, que tout ce qu’elles vont voir sur ce sujet-là actuellement, si elles n’ont pas été chercher, si elles ne sont pas dans des mouvements féministes de base, ça va être en mode qu’on va leur dire d’accepter en soumission la violence des transactivistes, c’est à dire “Oui, oui, un homme transidentifié est une femme, oui c’est normal que les hommes transidentifiés viennent dans nos vestiaires.” Et c’est là aussi où je me suis dit “Non, ce n’est pas normal quoi, les filles vous dites ça parce que c’est la seule voix que vous entendez mais quelle violence pour nous !”
Il y aurait encore tellement d’anecdotes, mais je pense que ça suffit bien à illustrer déjà mon positionnement là-dessus.
Rebelles du genre – As-tu quelque chose à ajouter ?
Anne – Moi, ce que j’aurais à ajouter, c’est que la parole ouvre la parole. Alors, si tu m’écoutes maintenant, si tu as écouté pleins de podcasts de Rebelles du genre ou tous les podcasts qui sont faits avec Marguerite Stern ou toutes les féministes. Si dans ta tête, tu te dis “Ah purée, ouais moi aussi, je me sens un peu bizarre avec ce truc…”
Mais : parle. La parole ouvre la parole et c’est tout ce que j’aurais à dire en fait parce que c’est ça, la démocratie, c’est pouvoir discuter.
Actuellement, en fait, c’est une idéologie qui clôt tous les débats donc face à l’obscurantisme des idées… eh bien, parlons, avec nos voix !
Rebelles du genre – S’il vous plaît, signez la déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe.
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Rebelles du genre – Épisode 63 – Clara
Clara – Je m’appelle Clara, je suis psychologue, j’ai 27 ans, je me considère comme féministe depuis à peu près mes 15, 16 ans donc ça fait une dizaine d’années que je suis dans ces milieux-là, et que je vois un petit peu comment ça évolue, surtout au niveau des jeunes féministes : des questions qu’on ne se posait peut-être pas forcément avant, des façons, aussi, de dialoguer, qui ont changé.
Ça a eu un impact aussi dans mon quotidien au niveau du travail, parce que certaines questions qu’on se pose aujourd’hui dans les espaces féministes, notamment sur la question du genre, se posent aussi en psychiatrie (parce que c’est là que je travaille). On reçoit de plus en plus de jeunes entre 16 et 23-24 ans qui se posent aussi ces questions, mais qu’on suit, et avec qui ça peut être compliqué de dialoguer, parce qu’il y a, d’un côté le discours qu’ils ont sur Internet, puis après, il y a notre discours à nous, en tant que professionnel.les.
Et parfois les deux discours clashent un peu.
Alors moi, je n’ai pas toujours été féministe radicale ! Au début, je suis arrivée dans le féminisme, je pense comme un peu tout le monde, par la grande porte. Et je pense qu’aujourd’hui la grande porte c’est le “féminisme libéral”, parce que c’est celui qui est le plus présent dans les médias, c’est celui qui est le plus vendeur, le plus accepté.
Moi, je pense que c’est aussi parce que c’est celui qui est le moins dangereux pour le sexisme bien intégré dans notre société ! Ça c’est mon avis ! Et du coup la grande porte, pour moi, quand j’avais 15-16 ans, c’était le site internet Madmoizelle, et plus particulièrement le forum qui était très, très actif, et sur lequel on parlait, on découvrait tout ça, on découvrait le féminisme, on découvrait comment on pouvait l’analyser dans plein d’aspects de nos vies, que ce soit nos relations affectives mais aussi les films qu’on regardait… Enfin, c’était super intéressant, c’était vachement riche et du coup, j’ai passé plusieurs années quand même sur ce forum-là, à être très très active, à beaucoup discuter avec les autres, à avoir beaucoup de débats.
Moi, ce qui me plaisait beaucoup dans le féminisme, c’était qu’on débattait et qu’on n’était pas obligés tout le temps d’être d’accord, mais qu’au moins, il y avait un échange, il y avait des arguments, on essayait de soi-même trouver les failles dans nos propres arguments pour les perfectionner puis pour affiner un petit peu nos idées. Moi, ça c’est quelque chose qui m’a toujours plu : le débat d’idées. Donc ça m’allait très bien !
Et puis, au fur et à mesure, sur ce forum-là – enfin moi, c’est comme ça que ça s’est passé sur ce forum – il y a eu des questions qu’on commençait à se poser sur la question de l’identité de genre. Au début, c’était vraiment des questions hyper naïves, parce que, de toute façon, je pense que la moyenne d’âge sur ce forum, en tout cas à l’époque, elle était de moins de 20 ans, moins de 24 ça c’est sûr, et on ne connaissait pas ça en France, ça venait vraiment à peine d’arriver.
Il y a 10 ans maintenant qu’on parle de façon vraiment mainstream de l’identité de genre, donc ce sont des questions qui sont venues de plus en plus souvent dans les débats qu’on avait ensemble, et moi je trouvais ça très intéressant ! Et puis, au fur et à mesure, j’ai commencé à moi-même me poser des questions, parce que je rencontrais ces personnes-là via le forum.
Ce sont majoritairement des personnes qui se présentaient comme non binaires. Il y avait aussi quelques femmes trans. En fait, c’est à partir de là que les débats ont vraiment commencé parce que le forum de Madmoizelle, je sais pas si ça a changé mais à l’époque, il était interdit aux hommes, il n’y avait que les femmes qui pouvaient entrer dedans.
Et à partir du moment où il y a eu la question de “bonjour, moi, je suis une femme trans, est-ce que je peux venir ou pas ?” ça a ouvert le débat sur ces questions-là : qu’est-ce qu’on appelle une femme ? Qu’est-ce que c’est un espace non-mixte ? Est-ce que les mecs jeuxvidéo.com ne se feraient pas passer pour des femmes trans pour pouvoir entrer, (parce qu’il y avait toutes les guéguerres entre Madmoizelle.com et jeux vidéo.com), donc c’est un peu comme ça que ça a commencé et qu’on a posé plein de questions.
Du coup, ces nouvelles personnes sont arrivées sur le forum, et moi ce qu’on me répondait c’était “bah oui, moi je ne me considère pas comme une femme ou comme un homme parce que…” – en gros, parce que ces personnes ne correspondaient pas aux stéréotypes genrés de “qu’est-ce que c’est un homme” et “qu’est-ce que c’est une femme” dans notre société, à notre époque.
Du coup, moi, ça me renvoyait des questions hyper personnelles, parce que moi non plus; je n’avais pas l’impression d’y correspondre. Moi non plus, je n’étais pas d’accord avec ces définitions-là, du fait que j’étais censée être douce, “compliante”, avec tous les stéréotypes qu’on peut associer : me maquiller, mettre des talons etc.
Et moi, tout ça, je ne m’y reconnaissais pas du tout. En plus, j’étais une jeune fille bisexuelle, donc je voyais quand même pas mal de mes camarades sur le forum, soit bisexuelles soit lesbiennes, qui commençaient aussi à s’identifier comme non-binaires. Donc, forcément, en plus, j’étais ado : il y a un phénomène de contagion sociale qui s’est mis en place, et j’ai commencé à moi-même me poser des questions, à me dire “Mais je ressemble énormément à ces personnes-là, donc ça doit bien vouloir dire que je suis un peu pareille”. Donc moi, j’ai eu plein de discussions avec des membres du forum souvent par message privé sur ces questions-là, et où on me renvoyait “et du coup, si tu te sens pas comme une femme, tu dois pas en être une !”
Donc, ça me paraissait raisonnable.
Donc, petit à petit, j’ai commencé à explorer un petit peu cette question de non-binarité, en me disant que, effectivement, moi, si c’était un ressenti interne et profond, le fait d’être une femme, bah moi je ne l’avais pas. Je n’avais pas ce ressenti que les autres décrivaient. Je ne savais pas ce que c’était. Donc on m’a dit “Tu dois être agenre”.
Ok, d’accord. Donc je suis restée un peu là-dessus pendant une année, une année et demie… Peut-être deux ans, je ne sais plus… Et au fur et à mesure, je me suis rendu compte que sur le forum, ces questions-là qui au début étaient super intéressantes, ne sont plus vraiment devenues des questions. Moi, il y a des gens en dehors du forum qui me parlaient de ça, et qui me disaient : “Mais du coup, c’est quoi pour toi être agenre ? Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est quoi une femme ?” Et, en fait, je n’arrivais pas à répondre à ces questions, parce que du coup je n’avais plus de définition. Donc, j’étais arrivée sur le forum… On avait un sous-forum où l’on posait un peu des questions un peu pointues, pour lancer des débats. J’avais participé à un débat comme ça, où on posait la question “Bah, c’est quoi en fait le genre, très concrètement ? Puis c’est quoi une femme ? C’est quoi un homme ? C’est quoi la différence entre les deux ? Pourquoi est-ce qu’on s’identifie à ce mot et pas à l’autre ? Définissons un petit peu les choses pour que ça puisse être plus rigoureux que ça, quoi… Et en fait cette discussion qui était censée être un débat normal d’idées s’est transformé en un truc qui, moi, m’a vraiment choquée, parce qu’il y a eu des avertissements à tout va… Je crois qu’il y a une ou deux personnes qui ont été bannies. Et, en fait, on ne pouvait pas poser ces questions. Donc moi, comme j’aime trouver les points de faiblesse dans les arguments pour qu’on s’entraide à pouvoir les améliorer et pour qu’on puisse vraiment peaufiner nos idées, eh bien je me retrouvais face à un mur où ce n’était pas du tout accepté. En fait, il ne fallait pas montrer du doigt les défauts argumentatifs, il ne fallait pas pointer du doigt qu’on n’avait pas de définition, il ne fallait pas pointer du doigt que toute l’idéologie, elle reposait sur des bases un peu bancales – parce qu’en fait, ça ne reposait sur pas grand-chose. C’est-à-dire qu’on n’avait pas d’auteurs, d’autrices particuliers… On n’avait pas un système de pensée bien cohérent… Enfin, c’était surtout des slogans internet.
Donc ça ne va pas très loin quand on approfondit les arguments. Eh bien, ça a été très, très, mal reçu, ce débat-là.
Et moi, c’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à me poser des questions parce qu’on disait, en gros : “Fais attention : là, ton vocabulaire, il ressemble un petit peu à un vocabulaire TERF”.
Ah. Première fois que j’entends ce mot. Donc, j’ai demandé un peu ce que ça voulait dire. On m’a dit que c’était surtout “pas bien” et qu’il ne fallait pas les lire, les personnes qui critiquaient cette conception un peu libérale du genre. Moi, c’est la deuxième chose qui m’a choquée, parce que je considère que si leurs arguments ne sont pas bons, alors il y a aucun risque à ce qu’on aille les lire ! Presque, ça serait une petite tranche de rigolade entre nous, quoi.
Donc, le fait qu’on m’interdise d’aller lire des trucs, ça, ça ne m’a pas plu. Donc, je suis allée les lire, forcément. Et c’est là que je me suis rendu compte que toutes les questions que je me posais, il y en avait plein d’autres qui se les posaient aussi, et qu’il y avait des réponses ; et que les réponses, elles avaient beaucoup plus de sens chez ces personnes-là. En tout cas, moi, ça me convainquait beaucoup plus. Donc, petit à petit, j’ai commencé à me rapprocher des féministes radicales sur d’autres espaces toujours en ligne, parce que j’étais jeune et que je n’avais pas forcément les moyens humains d’être dans des groupes militants en présentiel.
Et, du coup, je suis un peu restée sur les deux tableaux en même temps : être à la fois sur Madmoizelle, et puis à la fois sur des espaces radicaux à essayer de trouver des compromis, aussi d’engager du débat en mettant en avant les arguments qui me semblaient plus cohérents. Mais j’étais de plus en plus confrontée à un mur, en fait. Moi, ce qui m’a frappée, c’est le changement qu’il y a eu. J’ai eu l’impression qu’on n’avait plus le droit à la pensée critique, qu’on n’avait plus le droit au dialogue, qu’il fallait être des perroquets et répéter des slogans jusqu’à ce que ce soit bien imbriqué dans la tête.
Moi, je me souviens par exemple des moments sur Twitter où il y avait juste des gens qui disaient par exemple “Les femmes trans sont des femmes” avec le petit smiley des mains qui clappent entre elles entre chaque mot et qui répétaient cette phrase à l’infini, et plein de gens la retwittaient.
D’accord, très bien. Mais ce n’est pas un argument, de répéter une phrase ! Ça, j’avais beau le dire, on ne me répondait pas, ou alors c’était des insultes ou des bannissements, ou des avertissements.
Donc, à partir de ce moment-là, moi je me suis dit que si on est tous d’accord pour adhérer à des idées qui ne sont pas basées sur du factuel (il n’y a rien d’objectif, il n’y a rien de mesurable, et rien de visible, le genre ce n’est pas objectif, ce n’est pas mesurable, ce n’est pas visible, c’est un truc on peut itérer, comme ça), mais qu’on base toutes nos idées sur ce ressenti là, indéfinissable, et qui en plus est différent selon chaque personne puisqu’il n’y a pas de définition, moi c’est ma définition d’une croyance ça. Se baser sur des choses qui ne sont pas objectives et qui sont différentes pour chaque personne, c’est une croyance.
Moi je n’ai aucun problème avec ça, sauf que, ce que j’ai commencé à leur dire c’est que si on affirme que cette croyance est une vérité absolue, alors qu’elle n’est pas démontrable et qu’en plus on impose aux autres d’y adhérer (parce que sinon on est des méchantes Terf, il faut qu’on nous bannisse et qu’il ne faut pas qu’on parle), là, je n’appelle plus ça une croyance. J’appelle ça un dogme. Et si en plus, quand on n’accepte pas ce dogme, on est insultées, rejetées, ou considérées comme de mauvaises personnes, mises un petit peu à l’écart dans les groupes, dans ce cas-là, j’appelle ça une secte.
Et quand j’ai commencé à mettre en avant ce malaise-là que je ressentais, la réponse a été immédiate : j’ai pris plein d’avertissements dans la gueule, et puis j’ai été bannie. Alors que pourtant je n’ai jamais eu de vocabulaire insultant, je n’ai jamais été désagréable, j’ai juste posé des questions et mis en avant des failles argumentatives, et demandé “Est-ce qu’on peut discuter ensemble pour essayer de trouver une définition commune ?”
C’est tout ce que j’ai demandé.
Donc voilà. Je trouve qu’aujourd’hui les débats d’idées sont très, très, différents dans le féminisme, et je trouve que c’est très dommage, parce que je pense qu’on aurait tous intérêt à discuter ensemble pour se mettre d’accord, et puis pour pouvoir avancer ensemble, parce que le but du féminisme c’est quand même défendre et protéger les femmes. Et pour moi, la base, c’est de pouvoir définir qu’est-ce que c’est une femme. Sinon, on fait comment pour la défendre ? Donc tout mon problème, c’était ça.
RDG – Ça semble assez évident que justement c’est bien le fond du problème. C’est de défendre les femmes qui pose problème. On est clairement dans une idéologie qui est masculiniste. Dégommer l’idée même de ce qu’est qu’une femme, c’est le rêve profond des masculinistes.
Clara – Bah ouais. En fait, ça devient un club dans lequel on rentre.
RDG – Tu n’as pas parlé du tout de tes études. Tu t’es retrouvée confrontée à des difficultés en tant qu’étudiante en psy, ou pas? Ça tu ne l’as pas du tout dit.
Clara – Et ben non. Quand j’y étais, on ne m’en a jamais parlé.
RDG – Ok.
Clara – Enfin si, si, mais alors pas comme ça. C’est-à-dire que moi, quand j’étais étudiante en psycho, on n’avait pas mal de cours, mine de rien, sur la psychologie sociale. Et c’est dans les cours de psychologie sociale qu’on a introduit le concept de genre comme un construit social qui permet de différencier les sexes avec des stéréotypes.
RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie ?
Clara – Je pense que cette idée peut devenir quelque chose de dangereux, et ça devient déjà quelque chose de dangereux, mais de façon hyper insidieuse. Je pense que le point de départ du danger de cette idéologie (et je n’utilise pas le mot idéologie avec un sens négatif, c’est juste le système d’idées) commence de façon hyper insidieuse, parce que ça commence par ce refus de la pensée critique. Et à partir de ce moment-là, il y a tout le reste, tous les autres dangers, qui arrivent comme un effet boule de neige. Parce que déjà, on nous impose une idée, on ne peut pas la critiquer et il faut l’accepter alors qu’elle n’est pas mesurable.
À partir de là, moi je pense que ça cause beaucoup de difficultés sur plein de plans différents.
D’abord au niveau du féminisme, parce que ça nous divise beaucoup, parce qu’on passe beaucoup de temps à parler de cette question-là, qui pourtant concerne d’après les chiffres majoritaires moins d’1% de la population, donc je trouve ça assez fou que ça prenne autant d’énergie.
Ensuite, c’est aussi délicat parce que je trouve qu’on peut faire face à un retour en arrière aussi au niveau des idées féministes, dans le sens où j’ai l’impression que certains militants transactivistes mettent en avant des idées qui, pour moi, sont super rétrogrades, avec des paillettes par-dessus pour que ça fasse progressiste. Mais non.
C’est à dire que, quand on lit des choses de gens qui décrivent un peu comment ils se sont rendus compte qu’ils étaient trans, et qu’ils expliquent que “Oui, moi quand j’étais petit, quand j’étais petite, je ne jouais pas comme les autres garçons, comme les autres filles, je n’avais pas les mêmes intérêts, je n’étais pas comme ci, je n’étais pas comme ça…” Pour moi, se dire que, si je ne me conforme pas aux stéréotypes de genre, alors c’est que je ne suis pas une fille, je ne suis pas un garçon, c’est hyper rétrograde. C’est exactement ce contre quoi on combat depuis longtemps dans le féminisme. Pour moi, notre objectif c’est surtout de se battre contre l’idée qu’on devrait agir de telle ou telle façon si on est une fille ou un garçon. Donc là, on prend le problème complètement à l’envers d’après moi, et d’après les sciences sociales et d’après le consensus actuel. Le genre, c’est une construction sociale, une classe sociale, qui permet de conditionner les gens selon leur sexe. Alors que maintenant, dans idéologie un peu libérale transactiviste, on considère que le genre c’est une identité qui est autodéfinie, qui est ressentie, qui est un truc un peu à célébrer, alors que ça c’est complètement différent de ce que le féminisme disait depuis des décennies. Nous, on mettait quand même plus en avant l’idée que c’était une classe sociale qui se construit différemment selon sexe de l’individu, que c’est l’ensemble des comportements, des attitudes, des rôles qu’on attend selon qu’on soit une fille ou un garçon, ou un homme ou une femme.
Là, on renverse complètement la définition. On confond, du coup, le genre et le sexe. Le sexe, c’est être un homme ou une femme.
Le genre, c’est l’ensemble des stéréotypes qu’une société va coller selon le sexe qu’on a.
Et du coup si on modifie cette définition-là, pour moi on ne fait que renforcer quelque chose contre lequel on se battait depuis le début, donc ça me dérange beaucoup. Puis il y a d’autres dangers que je vois aussi, c’est que du coup il y a plein de personnes qui sont très, très vulnérables à cette pensée-là, notamment au niveau des jeunes filles qui ne sont pas conformes au genre. Les jeunes filles qui sont lesbiennes, soit juste parce qu’elles aiment les filles, ce qui n’est déjà pas conforme au genre, soit parce qu’en plus elles ont des attitudes qu’on va qualifier de masculines, un peu butch etc, soit des filles qui vont avoir des difficultés avec la socialisation féminine attendue, souvent des jeunes filles autistes, donc qui justement ne vont pas forcément se conformer à une socialisation où on leur demande d’être douces, d’être sympa, de faire très attention aux autres, d’être très dans le social (les jeunes filles autistes ont plus de difficultés à se conformer à ça). Ces deux catégories de jeunes filles, les lesbiennes et les autistes, parfois les deux, sont très très vulnérables à cette idéologie-là parce que ça répond exactement à leur mal-être, à leur sentiment de pas être à leur place, on leur donne une réponse toute construite, où on leur répond “En fait, c’est toi le problème”, on leur envoie : “C’est toi qui est pas conforme à ce que l’on attend de toi, donc il faut que tu changes, donc il faut que tu changes de pronom, il faut que tu changes de nom, il faut que tu changes de corps.”
Moi, ça me dérange très fortement qu’on renvoie l’idée que le problème, c’est nous. Je ne suis pas d’accord avec ça.
Ce que je vois aussi pas mal (mais alors là, c’est plus grave) c’est des petites filles ou des jeunes femmes qui ont aussi un vécu très compliqué avec le sexisme. Ça va soit d’un sexisme très oppressant pour elles dans leur quotidien, soit carrément à des traumas sexuels, et qui trouvent une réponse aussi comme un mécanisme de défense dans le fait de ne plus identifier à cette jeune fille ou à cette femme qu’elles sont pour se protéger. Si je suis un garçon, ou si je suis non-binaire, alors je ne suis plus une fille, je suis plus une femme, alors du coup on ne va pas m’attaquer, je ne vais plus subir tout ça, je vais pouvoir me comporter autrement.
Ça, c’est aussi quelque chose que je rencontre souvent chez les personnes que j’ai côtoyées sur Internet, ou chez des amies qui ont été concernées par ces questions, ou chez mes patientes. Dans les trois cas, je vois beaucoup de misogynie internalisée, d’homophobie internalisée, et surtout une recherche de solutions pour ne pas souffrir. C’est pour ça que j’ai beaucoup d’empathie pour les personnes qui essaient de trouver des solutions comme ça.
Et ce que je trouve dangereux, c’est que la réponse qu’on leur donne c’est “il faut transitionner.”
Dans le fond, je ne suis pas contre, je pense que ça peut en être une pour certaines personnes. Ce qui me dérange, c’est qu’on affirme que ce soit la seule, et qu’on ne développe pas d’alternatives qui ne soient pas invasives, parce qu’une transition (sauf si c’est juste une transition sociale) c’est invasif. Prendre des hormones contraires à celles qu’on produit naturellement, c’est invasif, ça a des conséquences sur le long terme qu’en plus on ne connaît pas encore très bien parce qu’on n’a pas le recul. Ce sont des hormones (je parle de celles qui sont les bloqueurs de puberté, on n’a pas encore trop ce phénomène en France, mais je pense que ça va arriver) qu’on utilise à la base comme des castrations chimiques pour les auteurs de violences sexuelles.
C’est grave.
C’est des histoires quand même particulières, ces hormones là.
C’est des hormones qu’on utilisait aussi pour “soigner” entre guillemets les homosexuels. Il y a une histoire qui se répète, avec des relents pas très propres là-dessus, et ça me paraît important qu’on en parle et qu’on se questionne sur ce qu’on fait consommer aux gens.
Surtout qu’en plus, il y a des discours vraiment très contradictoires, par exemple, ça je le vois en psychiatrie, où d’un côté on va avoir un discours anti-psychiatrisation de la dysphorie de genre, surtout sur les espaces militants. On va avoir des militants qui disent “Être dysphorique de genre, donc être une personne trans, ce n’est pas une maladie mentale”, mais qui, en même temps vont dire : “Si on ne nous donne pas de moyens de transitionner médicalement, on risque de suicider.”
On ne peut pas tenir les deux positions en même temps, ce n’est pas possible. Surtout qu’en plus c’est une médicalisation, c’est un traitement, on parle dans ces termes-là, il y a un remboursement médical, donc il faut choisir : soit c’est quelque chose qui n’est pas un trouble mental et dans ce cas-là il y a pas besoin de traitement, il y a pas de risque de suicide si il ne se passe rien, soit c’est un trouble mental.
La question est pour l’instant répondue par les communautés internationales scientifiques, que ce soit au niveau de la DSM ou de la CIM. On considère que la dysphorie de genre, c’est un trouble mental, parce que ça génère énormément de souffrance pour la personne. C’est juste comme ça qu’on définit que c’est un trouble. Bon moi, je suis plutôt d’accord avec cette définition-là, en tout cas pour certaines personnes trans, et du coup la question c’est : “Qu’est-ce qu’on leur propose comme solution?” Parce qu’il y a une souffrance, qui est là : qu’est-ce qu’on en fait ? Et pour l’instant, les solutions qu’on a, elles sont extrêmement médicalisées, elles sont extrêmement invasives, et il ne faut pas le questionner en tant que psychologue. Et ça, moi, ça me dérange parce qu’en tant que psychologue, j’aimerais travailler avec eux sur leur représentation du féminin du masculin, leur identification parentale, leur représentation du genre, leur vécu dans une société sexiste etc., avant qu’il y ait une prise en charge médicale sur laquelle ils ne pourront pas revenir. Donc, moi, dans mon travail, j’ai observé des choses qui me paraissent complètement aberrantes. Pour l’instant, j’ai eu une seule personne qui était à la base un garçon qui maintenant s’identifie comme une fille, qui a 18 ans. Toutes les autres personnes, c’était des jeunes filles qui s’identifient maintenant comme les garçons ou comme des personnes non binaires, et sans exception, toutes ces patientes-là – qui sont encore en questionnement – toutes ces patientes-là, c’est des patientes qu’on connaît depuis quand même un bon petit moment, qui ont des pathologies mentales lourdes, qui ont déjà été hospitalisées plusieurs fois. La majorité d’entre elles ont des troubles de la personnalité borderline, d’autres ont des traumas sexuels importants, et on ne sait pas encore ce que ça va donner au niveau du diagnostic psy : on est encore en questionnement, et d’autres ont des troubles qui se situent plus vers le côté schizophrénie. Donc, quand même des pathologies importantes qui ne sont pas encore stabilisées parce qu’elles sont toutes jeunes – toutes ont moins de de 25 ans. Et alors qu’on peut discuter d’absolument tout le reste de leur parcours, de leur vécu, etc., la question de la transition pour ses patientes-là, elle est indiscutable. On ne peut pas la mettre en lien avec leur vécu, on ne peut pas essayer de comprendre ce que ça veut dire pour elles. Il y a un blocage net, et il n’y a pas de dialogue entre nous, l’équipe psychiatrique, et l’équipe des endocrinos qui sont en face et qui les prennent en charge. On ne peut pas questionner parce qu’il y a un blocage au niveau des patients. C’est-à-dire que quand on commence à poser des questions sur “Mais d’où est-ce que ça vous vient, là, subitement, cette idée que vous ne seriez pas dans le bon corps ?” ça aussi, c’est un concept avec lequel j’ai beaucoup de mal, parce qu’on milite quand même depuis des années pour l’acceptation de soi, l’acceptation corporelle. Mais je travaille avec ça, avec mes patients, et puis d’un coup ils me disent “Je ne suis pas dans le bon corps”. Bon moi, je questionne avec eux : mais d’où ça vient ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que c’est pour vous, du coup, être une femme ou un homme ? Et qu’est-ce qui fait que vous vous identifiez ou pas ? Et en fait toutes ces questions-là, elles sont systématiquement bloquées par le patient – quasiment toujours bloquées par le patient – parce qu’il reproduit ce qu’il vit dans ces milieux militants, je pense, tout simplement, parce qu’on n’a pas le droit de questionner dans ces milieux. Donc, on n’a pas le droit de questionner en thérapie non plus. C’est quand même dommage, parce que le but d’une thérapie c’est de tout questionner pour pouvoir se comprendre mieux. J’avais la chance d’être dans un service où on a le droit de questionner ces choses-là, donc on est dans un service où on pose des questions. En tout cas, entre nous, entre professionnels, ça nous questionne beaucoup de voir de plus en plus de patients jeunes qui ont presque toujours le même profil, qui se présentent avec une dysphorie de genre. On constate quand même que, de toute façon, en psychiatrie, il y a des mouvements de contagion sociale qui se font régulièrement chez les jeunes. Là, aujourd’hui, c’est la dysphorie de genre. Il y a 10 ans, c’était les troupes borderline et les automutilations. Dix ans auparavant, c’était encore autre chose. Bon, là, petit à petit, on est en train de passer aux troubles dissociatifs de l’identité. Il y a, entre guillemets, des “modes” en psychiatrie, on le sait très bien. Il y a eu l’anorexie, aussi. Mais ce qui change par rapport à d’habitude, c’est que là, c’est soutenu par des équipes médicales, donc qui ne sont pas les nôtres, qui sont en face ; des équipes d’endocrino, des associations. Elle est là, la différence, c’est qu’aujourd’hui, on valide le trouble du patient comme une réalité objective, et on ne va plus questionner avec lui pourquoi est-ce qu’il a ce trouble-là, pourquoi est-ce qu’il y a cette souffrance, et qu’est-ce que ça vient dire dans le fonctionnement psychologique de la personne. Et c’est ça la différence majoritaire. Et puis c’est surtout que, du coup, on a des patients qui passent à l’acte au niveau de ce symptôme-là, parce qu’ils se mettent dans des situations de transition médicale, soit hormonale, soit chirurgicale, dont ils ne pourront pas revenir. Ça aussi, c’est une grande différence par rapport à avant. Donc nous, ça nous inquiète, en tant que professionnels, en tout cas moi, dans mon service, ça nous inquiétait. On avait des politiques différentes sur les patients. Dans certains cas, on considérait que c’était important de discuter avec le patient si c’était possible, au moins en thérapie, de garder son nom d’origine et ses pronoms d’origine, juste pour qu’il y ait un espace de retour, quelque chose d’antérieur… Et puis si ce n’est pas possible pour le patient, eh bien évidemment on ne le fait pas : on n’est pas là pour le mettre mal. Ce n’est pas du tout le but. De voir avec lui si c’était possible de discuter, aussi, de ces questions ; si ce n’est pas possible, pourquoi ; et puis de discuter de “est-ce qu’on peut se mettre en lien avec l’équipe médicale d’en face qui prend en charge la transition”?
Alors ça, ça quasiment toujours été refusé, je pense, parce que les patients savent très bien que si leur endocrino ou leur chirurgien savait qu’à côté de ça, il y a un trouble de personnalité borderline, il y a un trouble schizophrénique, il dirait non pour une transition et ça me paraît très complètement logique et normal. Parce que ce n’est pas éthique de proposer des choses aussi invasives à des patients qui ne sont pas stabilisés au niveau psy.
Moi, ce qui me questionne beaucoup, par exemple, c’est que j’ai reçu beaucoup de patients qui venaient pour des évaluations psychologiques dans le cadre d’une chirurgie bariatrique, donc pour se faire faire un bypass, une sleeve etc. Et, à ces patients-là, on leur demandait beaucoup de choses d’un point de vue psy ! On leur demandait d’attendre plusieurs mois… Ils avaient plusieurs rendez-vous avec des psychologues, on leur demandait des comptes-rendus de thérapie pour s’assurer qu’ils étaient bien stables, qu’ils n’avaient pas de troubles du comportement alimentaire, etc. C’est très cadré ! Alors qu’en face, si on voulait faire une mastectomie, si on voulait prendre des hormones contraires à son sexe, bah il suffisait d’un rendez-vous chez l’endocrino, c’était bon. Il n’y avait pas de contrôle de ce qui se passe au niveau psychologique ou psychiatrique. Moi, ça me choque énormément qu’on n’ait pas la même rigueur pour les interventions qui sont encore plus invasives, dans le cadre d’une chirurgie ou d’une hormonothérapie. Donc voilà, nous on est confrontés à ces questions-là ; ça nous pose beaucoup de questions et malheureusement on ne peut pas mettre en place un dialogue avec ces associations ou avec ces cliniques qui prennent en charge les transitions parce que, en face, elles refusent le dialogue.
RDG – Donc, concrètement, ça signifie qu’il y a des patients qui sont pris en charge en psychiatrie, pour, donc, des problèmes sans doute lourds, et que donc vous ne pouvez pas leur apporter les soins qui sont probablement nécessaires, parce que ces patients refusent finalement d’aller au fond du problème, ce qui est quand même un peu l’objectif d’une thérapie, me semble-t-il… Et en même temps, avec la complicité des soignants qui les font transitionner.
Clara – Oui. Je vais peut-être donner un exemple d’une patiente, parce que je trouve qu’elle illustre vachement bien ; pour montrer à quel point, en fait, cette idéologie peut être dangereuse aussi du côté individuel pour les personnes en tant que telles, et surtout les plus fragiles et les plus vulnérables. Une patiente qui est représentative de quasiment toutes les patientes que j’ai, qui sont dans cette situation-là, c’est une patiente qui s’est toujours identifiée en tant que jeune fille comme les autres, qui avait sa propre identité, ses propres goûts, sa propre personnalité etc., qui allait plutôt bien. Puis, quand elle était adolescente, elle a vécu beaucoup de traumatismes sexuels qui se sont enchaînés. Elle avait une situation très difficile. Il n’y a pas eu de changement au niveau de son identité, par contre il y a un trouble de la personnalité borderline qui s’est manifesté en réaction à tous ces traumas, et puis des histoires de vie compliquées avec sa famille… Donc c’est à ce moment-là qu’elle est hospitalisée parce qu’elle faisait beaucoup de passages à l’acte auto-agressifs, automutilation, tentatives de suicide… Et à partir de ce moment-là, nous, on l’a prise en charge du côté psy. Et vu que moi, je suis psychologue, mon travail c’était de bosser avec elle sur les traumas familiaux et sexuels, pour qu’on essaie de mettre du sens à son mal-être et à ce qui se passe. Il se trouve qu’au bout d’un moment, elle a commencé à aller mieux, mais elle ne parlait plus de ses traumas. On n’arrivait plus à y accéder en thérapie. Bon, on en a quand même profité pour parler d’autres choses à travailler, mais au fur et à mesure des mois, elle a commencé à se présenter d’une façon un petit peu différente au niveau de ses vêtements, au niveau son attitude etc. Finalement, à me dire qu’elle voulait me parler de quelque chose. Je l’invite à m’en parler. Elle m’explique en fait, elle pense qu’elle n’est pas une femme, qu’elle s’identifierait plutôt à autre chose, elle ne sait encore trop quoi… Elle ne sait pas si c’est un homme, si c’est non-binaire… Elle ne sait pas trop, mais en tout cas elle veut que l’on parle de ça et que l’on ne parle plus du reste. Bon, moi, j’en ai profité pour voir avec elle ce qu’on pouvait en faire, de ces questions-là. Et ce qui s’est passé, c’est qu’à partir de ce moment-là, et pendant près d’un an, on n’a plus pu parler des traumas sexuels et des traumas familiaux. C’était inaccessible, et à chaque fois que j’essayais d’aller vers là, elle rembrayait sur la transition. Et plein de fois, elle a eu un discours qui, moi, me fait penser – et je ne suis pas la seule au niveau des professionnels – que c’était une solution qu’elle avait trouvée pour mettre à distance la souffrance qui était associée au fait d’être une femme ; pour elle, au fait d’être agressée régulièrement. Par exemple, vous pouvez me dire des choses du style “Moi, j’ai hâte de faire ma mastectomie, parce que comme ça, ce ne sera plus le corps qui s’est fait agresser”. ça, elle me l’a dit mot pour mot. Ce n’est pas la seule à m’avoir dit des discours comme ça, et c’est ça aussi qui m’inquiète beaucoup : c’est que l’on offre une solution un peu magique et illusoire à ces patients qui ont vécu des choses assez terribles, en leur présentant que toute leur souffrance, eh bien, ils n’ont pas besoin de passer par thérapie qui est souvent longue – parce que leur souffrance, elle est grande – et qu’il suffit, en fait, de changer de corps, de prénom, d’apparence. Et que tout ça, ce sera derrière eux… Parce que ce sera “la personne qui est morte”. ça aussi on me l’a dit. On m’a dit là – je vais inventer un nom – “la Mathilde qui s’est fait violer, elle est morte. Maintenant, c’est Damien.” Voilà, ça c’est des discours que j’ai beaucoup entendus, et c’est des discours qu’on sait être néfastes en psychothérapie. Ce n’est pas quelque chose qui permet le développement d’un épanouissement sain. C’est une fuite, c’est un évitement. Et moi, ce que je crains, c’est le moment – dans quelques mois, dans quelques années… – où ça va s’effondrer, parce que ça tiendra plus. Parce que c’est comme si on construisait une très jolie maison mais sur des fondations complètement bancales, avec plein de choses qui restaient à travailler, beaucoup de souffrance, et ça ne tiendra pas dans le temps. On le sait, et c’est dommage. Donc moi, j’en veux beaucoup aux médecins, aux associations et aux militants eux-mêmes qui présentent vraiment la transition comme un truc un peu magique où “si tu vas mal, bah c’est parce que tu es trans”, et puis du coup “prends tel traitement, fais-ci fais-ça et tout ira mieux, et ce sera génial ; et si tu le fais pas, surtout, tu vas te suicider.” ce que je trouve encore pire… à dire à des patients vulnérables… Moi, ça me choque beaucoup, et je suis très inquiète pour ces patients-là, à l’avenir. Pour l’instant, on a des petits indices de ce qui va se passer, en regardant un peu dans les pays qui avaient déjà de l’avance sur ces questions ; si on regarde la Suède, l’Angleterre… Mais en France, on ne sait pas. Donc voilà, nous en tout cas au niveau professionnel, on se questionne sur “qu’est-ce qu’on fait avec ces patients ? Est-ce qu’on les laisse faire et on rattrape les dégâts plus tard ? Ou est-ce qu’on essaie d’avoir des contacts avec les associations et les autres médecins pour discuter sur le fond du problème ? Est-ce qu’on essaie de développer d’autres thérapies qui sont moins invasives ? Qu’est-ce qu’on fait, quoi !” Et toutes ces questions-là, on ne peut pas les poser parce que dès qu’on essaie de faire des colloques ou des bouquins ou qu’on essaie de discuter ensemble, eh bien il va y avoir un groupe de militants qui va venir balancer des œufs et nous dire qu’on est transphobes. Enfin, le but c’est de travailler ensemble pour soulager les gens, ce n’est pas de les juger, ce n’est pas de les critiquer, ce n’est pas de leur faire du mal, au contraire ! Notre but, c’est d’éviter qu’ils se fassent du mal. Donc ça, j’aimerais bien qu’un jour, il puisse y avoir un dialogue entre nous.
RDG – Il y a quand même un autre problème éthique, qui est la contagion, et notamment vers les enfants. Empêcher des jeunes adultes de se faire du mal, c’est une chose. Aujourd’hui, on a quand même des adultes qui font du mal à des enfants. Je veux dire, déjà, un médecin qui castre un enfant, pour moi c’est criminel. On ne peut pas juste dire “les pauvres enfants”… Tu vois, enfin… Il me semble que la responsabilité de notre société, c’est de protéger les enfants, y compris contre leurs parents abusifs. Je pense à ce petit garçon, là, dans le documentaire Petite fille, avec sa mère qui a manifestement un trouble – je ne sais pas lequel – mais qui est victime de ses parents, quoi. Quand on dit “congeler ses testicules”…
Clara – Moi, je ne l’ai pas encore rencontré parce que je travaille avec des adultes, et parce qu’en France, ce n’est pas encore trop démocratisé, les transitions pour enfants. Mais bon, je pense que ça va venir. Ce que je trouve très spécial, dans tous raisonnements-là, c’est de dire qu’on peut être à la fois dans un pays où il faut attendre sa majorité pour faire une chirurgie bariatrique, pour avoir un tatouage, pour boire de l’alcool, pour faire un piercing… Par contre, on est aussi dans un pays où on peut traiter un corps sain pour un problème qui est d’ordre psychologique. Et ça, moi, ça me questionne énormément parce qu’en soi, les corps de ces enfants, de ces adolescents et même de ces adultes, ils vont bien, ils sont parfaitement sains, ils n’ont pas besoin d’une prise en charge ni hormonale, ni chirurgicale. Ils sont en parfaite santé. Leur souffrance, elle n’est pas là. Leur souffrance, elle est dans leur esprit, dans leur représentation par rapport à eux-mêmes, par rapport au monde, par rapport aux autres. Et moi, ça me parait absurde que l’on puisse présenter la solution à un problème qui n’est pas d’ordre organique avec une réponse organique, et qui en plus est définitive. Et c’est encore plus grave s’il s’agit d’enfant, parce que la représentation de soi d’un enfant, elle est en perpétuelle construction, elle est mouvante tout le temps, particulièrement en plus à l’adolescence. Et du coup, on ne peut pas arrêter les choses. On ne peut pas prendre un adolescent ou un enfant qui est en questionnement par rapport à son identité de genre ou son identité sexuelle et lui répondre que “oui bah, c’est que tu as ça, c’est que tu es un enfant trans, c’est qu’en fait tu n’es pas dans le bon corps, donc on va te donner cette solution médicale”.
Ça ne marche pas comme ça, le développement d’un enfant. ça marche pas comme ça.
RDG – ça fait penser à un syndrome dont on parle de temps en temps : au syndrome de Münchhausen par procuration. C’est-à-dire des parents qui vont mutiler ou rendre malade – et c’est souvent des mères, d’ailleurs – alors, je ne sais pas à quel point ça correspond à la réalité, hein… Et qui ont mutilé leur enfant parce qu’elles en retirent un bénéfice social, on va dire ça.
Clara – Oui. En fait, je pense que dans les cas de transition d’enfant, en tout cas moi ce que j’ai pu observer dans les pays anglo-saxons, on va être face à plusieurs profils différents d’adultes, de parents. On va effectivement avoir, dans certains cas, des profils de Münchausen par procuration, qui sont vraiment visibles, où le parent retire un bénéfice secondaire important à la transition de son gamin, et où le gamin n’a jamais rien demandé. Mais comme il fait plaisir à son parent…
RDG – Ah oui, moi ça me fait penser, tu vois, par exemple la mère, là, de ce petit garçon, qui va sur tous les plateaux télé. Je veux dire, le bénéfice il est évident !
Clara – Ah oui !
RDG – Oui mais alors, du coup… Mais, enfin, c’est gravissime ! Normalement, on protège les enfants contre les parents qui abusent.
Clara – Moi, je serais très curieuse de rencontrer les professionnels qui ont pris en charge ce gamin. Vraiment, je serais très curieuse de savoir quelles évaluations ils ont fait de la famille, quelles évaluations ils ont fait de l’enfant aussi tout seul sans qu’il y ait les parents à côté. Déjà, de voir s’il est vraiment malheureux, ce gamin et de voir s’il y a besoin de faire quelque chose, et s’il va vraiment mieux après.
RDG – Oui, parce qu’elle a prétendu… Le moment où la mère dit “Oui, il a pleuré parce qu’il a dit qu’il aurait jamais un bébé dans son ventre.” Ben… Mais en fait, c’est la vérité. C’est la vérité, tu peux faire toutes les opérations que tu veux, tu peux lui couper le pénis et les testicules, mais il n’aura jamais un bébé dans son ventre.
Clara – C’est une discussion qu’on a eue avec pas mal de collègues, justement, pour essayer de comprendre un petit peu la contagion sociale et pourquoi est-ce qu’il y avait autant de personnes qui s’identifient comme ça, surtout des ados. Nous, ce qu’on a remarqué, c’est quand même un sacré déni de la réalité. Et ce qui est très dommage, c’est que ça fait partie de développement normal d’un enfant et d’un adolescent, de nier la réalité ; et c’est notre rôle, en tant qu’adulte, de la réaffirmer, de poser un cadre, parce que c’est ce cadre-là, cette réalité-là, qui rassurante. Quand on a un enfant qui – je sais pas – dit qu’il est Superman et qui peut aller voler en sautant du quatrième étage, on ne le laisse pas faire, parce qu’on sait qu’il ne peut pas. C’est la même logique avec le reste. Quand on a un enfant qui nous dit quelque chose qui n’est pas en accord avec la réalité ; par exemple, qui nous dit que “moi, en fait, à l’intérieur, je suis une petite fille ; mon corps il est pas bien ; je veux pouvoir faire autre chose etc. Je vais pouvoir un jour porter des enfants” bah, tout ça, ce n’est pas la réalité. Et c’est notre rôle, en tant qu’adulte, en tant que parents, de le confronter à cette réalité de façon rassurante, contenante, bienveillante. Mais souvent, on a peur de frustrer les enfants, on a peur de les blesser, on a peur qu’ils soient malheureux… Donc, du coup, on va les réassurer sur le court terme en disant que tout va bien, “elle est très bien ton idée”, ils sont parfaits, c’est le monde qui va mal, “ils peuvent être tout ce qu’ils veulent”… ça les réassure sur le court terme, mais sur le long terme, ça crée plein plein de problèmes parce qu’on a besoin, dans le développement affectif d’un enfant, d’un adolescent, d’être confronté à la réalité, d’être confronté au cadre. C’est notre rôle, en tant qu’adultes. Donc, si on va valider tous les fantasmes des enfants et des adolescents, on leur donne une toute puissance énorme qui ne s’arrêtera pas à la question du genre, du corps, etc. ça n’a pas de limite, la toute puissance. Donc, si on leur accède à ça, on va leur donner une satisfaction, un bonheur qui est de court terme. Mais une fois qu’ils l’auront, il y aura autre chose qui va venir après : il y aura d’autres demandes, il y aura d’autres fantasmes, et ça va être de plus en plus gros, et on n’arrivera de moins en moins à contenir. On ne leur rend pas service quand on fait ça. C’est important, quand on est face à des enfants, des adolescents, de les laisser exprimer leur imaginaire, leurs idées, leurs fantasmes ; c’est normal. Mais par exemple, si on a un petit garçon qui prend énormément de plaisir à mettre du maquillage, à porter des robes, moi je ne vois absolument pas le problème : qu’il s’amuse. Il n’y a pas de souci, au contraire : je pense que c’est le but du féminisme de dire qu’on peut faire ce qu’on veut, peu importe son sexe. Par contre, ne pas valider le fantasme que, du coup, un jour il deviendra comme maman. Non, ça n’arrivera pas. Et ça, c’est important de pouvoir cadrer avec contenance et bienveillance les enfants dans leur fantasmes. Et ça – on embraye sur un autre sujet – mais c’est aussi des critiques qu’on peut faire à la parentalité positive poussée à l’extrême, où là aussi on ne va pas mettre de limites aux fantasmes des enfants, et en fait on leur fait du mal sur le long terme, alors qu’on a l’impression de leur faire du bien. Donc, je pense que c’est très global, ce côté-là, de valider les gens dans leur ressenti sans jamais les confronter à la réalité. On leur fait plaisir sur du court terme mais sur le long terme ça crée beaucoup de problèmes. Et on les paiera plus tard… On les paye déjà dans certains pays.
RDG – Aujourd’hui, tu témoignes de façon anonyme. Pourquoi ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Est-ce que tu penses qu’il y a un danger dans ton entourage professionnel ou personnel, ou est-ce qu’au contraire tu te sens complètement en sécurité ?
Clara – Alors, je témoigne de façon anonyme parce que je préfère être prudente, compte tenu du contexte actuel sur la question de la transidentité. Moi, je n’ai pas subi de pression particulière pour ne pas m’exprimer ; comme je le disais, au niveau de mon service à l’hôpital, on était très ouvert sur le dialogue. Pas de souci avec mes amis ; dans la majorité des cas, on peut encore discuter même quand on n’est pas d’accord. J’ai des amis qui sont tout à fait d’accord avec moi, puis d’autres qui sont très libérales, mais on arrive à échanger. Par contre, j’ai déjà perdu des amies. Certaines qui ne pouvaient pas du tout accepter mes questions, même quand je ne les posais pas ; c’est juste qu’elles savaient que j’avais ces idées-là, et c’était suffisant pour qu’on ne soit plus amies, ce que je respecte. Mais ce qui moi, m’inquiéterait si je ne témoignais pas de façon anonyme, c’est plutôt au niveau pro, parce que même si moi, ça ne m’a pas atteinte, ça m’a pas touchée, je connais et j’ai vu – on a tous vu – des exemples de personnes qui ont eu des carrières arrêtées, ou alors qui ont eu des manifestants ou des étudiants qui ne voulaient plus venir à leur cours… Enfin, des choses comme ça, parce qu’ils étaient critiques au niveau de la définition du genre ou qui posaient simplement des questions. Et ça, moi c’est quelque chose qui peut m’inquiéter pour mon avenir pro, parce que je ne sais pas dans quel service je serai après, je ne sais pas si on posera ces questions là, et puis je suis quand même encore en lien avec le monde universitaire, et les étudiants sont parfois … (et je m’inclus dedans, parce que j’étais pareille à leur âge, c’est normal, ça fait très vieux de dire ça mais c’est vrai), les étudiants ont souvent l’impression d’avoir beaucoup de réponses, et ne supportent pas d’entendre des questions.
Mais en fait c’est notre rôle, en tant que profs, de leur faire prendre conscience qu’ils ont surtout des questions à poser, et pas encore des affirmations.
Donc ça c’est aussi une des raisons pour lesquelles je préfère être anonyme.
En fait, la raison pour laquelle j’ai voulu aujourd’hui faire cette interview-là, le moment où j’ai pris cette décision, parce que j’écoutais déjà les podcasts de “Rebelles du Genre”, j’en avais entendu plusieurs, ils m’avaient beaucoup intéressée et puis j’étais super contente d’entendre en plus des jeunes qui posent ces questions-là, qui sont dans les mêmes milieux que moi, qui sont aussi de gauche. Parce qu’ il y a une sorte de méconception qui, je pense vraiment fait exprès de la plupart de certains militants transactivistes, de prétendre que quand on est critique du genre on est de droite. Et ça j’aimerais bien qu’on en parle (rires) parce que ce n’est pas vrai !
Moi je dirais qu’il y a trois courants au niveau de la question de “qu’est-ce que c’est le genre ?”, “qu’est-ce que c’est un homme ?”, “qu’est-ce que c’est une femme ?”. Je pense qu’ il y a un premier courant qui est celui du féminisme libéral, donc le mainstream où pour eux le genre c’est un ressenti, c’est autodéterminé et c’est à célébrer, c’est super. Bon. Ensuite on va avoir les féministes radicales qui vont dire : “Non, pour nous le genre c’est un construit social qui permet de justifier et pérenniser notre oppression sexuée” et ensuite on va avoir des conservateurs donc de droite qui vont dire : “Le genre c’est effectivement lié au sexe”, donc ils vont dire la même chose à peu près que les féministes radicales au moins au début, sauf qu’elles vont dire très très vite que c’est très bien ! En fait les personnes conservatrices, elles ont plutôt tendance à dire que on est en tant que femme ou en tant qu’homme, donc c’est à dire en tant que femelle ou en tant que mâle attiré par certaines choses, on a certains comportements et tout ça c’est justifié, faut qu’on le pérénnise. Et donc c’est pour ça que ces personnes-là souvent considèrent que si on est par exemple une jeune femme lesbienne, au fond c’est qu’on n’est pas vraiment une femme donc il faut qu’on transitionne. C’est pour ça qu’il y a plein de pays de droite où c’est plus facile d’être trans que d’être lesbienne par exemple.
Pour revenir au moment où j’ai décidé de témoigner, c’était un matin je m’en souviens très bien il y a je crois deux-trois mois quelque chose comme ça, j’étais tombée sur un compte Instagram qui m’a été proposé par Insta, d’un homme trans qui présentait des pancartes qu’il ne fallait plus utiliser en manif. Il y en avait une entre autres qui ne me dérangeait pas du tout, c’était un truc du style… Ah je ne sais plus mais en gros, ça faisait le lien entre le féminisme et notre corps. Notre corps sexué, qui est du coup celui qu’on viole, qu’on agresse, qu’on frappe voilà, c’est mon corps quand même.
RDG – Je crois qu’il y avait “lâchez-nous les ovaires” par exemple.
Clara – Ouais, je crois que c’était quelque chose comme ça. Dans la description de la publication, ce mec trans disait : “Il faut qu’on arrête de parler comme ça, de lier le corps des femmes au féminisme parce qu’ il n’y a pas que les femmes qui subissent” et qui dit cette phrase : “Le sexisme n’est pas lié à notre sexe”. Alors ça moi quand j’ai lu ça, j’ai bondi de ma chaise et je n’ai pas pu m’empêcher de commenter en disant : “Mais ça n’a pas de sens ! C’est dans le mot, c’est dans le mot, dans le sexisme il y a le mot sexe! C’est nos corps qui sont attaqués ! Toutes les lois qui sont faites contre les femmes c’est par rapport à notre corps, toutes les agressions qu’on subit c’est sur nos corps. On s’en fout de notre genre quand on nous agresse enfin, tu as beau de sentir non-binaire ou un mâle à l’intérieur, le mec qui veut agresser il voit juste que tu es un corps femelle et c’est ça qui l’attire et c’est ça qu’il va agresser. Il s’en fiche du reste”. Et donc que l’ on puisse séparer comme ça le sexisme de nos corps, alors que c’est nos corps qu’on protège dans le féminisme depuis le départ, c’est le plus gros débat c’est ça, c’est l’IVG, c’est la contraception c’est le viol enfin, c’est l’excision, tout ça c’est un lien à notre corps. Donc j’ai mis un commentaire pour dire ça, pour rappeler cette importance du corps. Et comme cette personne n’a pas du tout apprécié mon commentaire, il m’a répondu et dans sa réponse il y avait l’accusation que j’étais droite ! (rires)
Donc du coup je lui ai répondu que pour moi, défendre le corps des femmes contre toutes les oppressions qu’elle subissent et défendre l’importance de pouvoir avoir des définitions pour justement savoir qu’on parle, ça me paraît être un combat plutôt humaniste de gauche et féministe, alors que militer pour l’idée qu’il ne faut plus parler des droits des corps des femmes, qu’il ne faut plus utiliser le mot “clitoris”, qu’il ne faut plus utiliser le mot “ovaire” en manifestation, que finalement ce n’est pas parce qu’on est des femmes qu’on est agressée, mais c’est parce qu’on se ressent femme on est agressée, pour moi c’est ça qui serait hyper conservateur et hyper rétrograde. J’ai mis un long commentaire quand même pour expliquer ma pensée, à aucun moment encore une fois insultant, je n’ai pas non plus mégenré cette personne, j’ai vraiment été la plus respectueuse possible avec une personne qui n’est pas d’accord avec moi. Et la réaction a été que tous mes commentaires ont été supprimés, alors qu’il y avait plein de gens qui répondaient et la discussion était intéressante. Il y avait un vrai débat qui se mettait en place, qui était respectueux. Mes commentaires ont été supprimés et j’ai été vraiment bannie. C’est-à-dire que ce compte, je ne peux plus le retrouver sur Instagram. Pour moi il n’existe plus. Évidemment si je me connecte à un autre compte il existe encore.
Moi, ça m’a paru fou, parce que je voulais juste donner un autre point de vue. Et en plus de ça, rétablir une vérité qui était que non, les féministes radicales ne sont pas de droite. Et bien ni l’un, ni l’autre, n’étaient considérés comme acceptables.
Et je considère que, quand on a un compte militant, le but c’est quand même de discuter, c’est pas bannir les commentaires des gens qui ne sont pas d’accord avec soi. Sinon, il n’y a plus d’échanges.
Et le militantisme c’est ça : c’est du débat d’idées, pour qu’on puisse trouver des compromis qui nous permettent de fonctionner en tant que société, c’est le but, quand même. Ce n’est pas de créer un petit monde entre soi, où on crée un petit village, où on est d’accord.
Enfin ce n’est pas ça!
Là encore, j’ai été confrontée au fait que pour ces personnes-là, le principe de réalité, il n’est pas acceptable.
Dire des réalités comme “Notre oppression est basée sur notre corps”, ou dire des réalités comme “Bah non, les féministes radicales, elles sont de gauche”, eh bien ce n’est pas acceptable. C’est très problématique!
RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme?
Clara – Ce n’est pas une anecdote, c’est quelque chose qui s’est répété maintes et maintes fois, et presque une expérience sociale que je fais depuis 10 ans. C’est-à-dire que, à chaque fois que je discute avec des personnes qui sont d’accord avec le féminisme libéral, et avec cette vision-là du genre, dans le débat il y a toujours un moment où je reviens à la base. C’est le principe de tout débat philosophique, c’est les définitions. Donc à chaque fois, je demande, avant qu’on parle du reste : “Pour toi, c’est quoi une femme, c’est quoi un homme, et c’est quoi la différence entre les deux, qui fait qu’on préfère s’identifier à l’un ou l’autre?”
En dix ans, je n’ai jamais eu de réponse, jamais!
Je suis toujours estomaquée, et j’attends avec un espoir infini qu’un jour, quelqu’un daigne me répondre.
Mais soit on me répond : “Ta gueule, sale Terf”, soit on ne me répond pas, soit mon commentaire est supprimé. C’est TOUJOURS ça.
Soit parfois, on me répond : “C’est différent pour chaque personne”, et à partir de là, moi, j’insiste un petit peu en disant que les mots ont quand même un sens, et ils servent à se comprendre les uns les autres. Donc qu’on ait des nuances dans la définition, je veux bien, mais il faut quand même qu’il y ait une base commune.
Bon. Là, à ce moment-là, soit je suis une sale transphobe, soit je suis bannie, soit mon commentaire est supprimé…
Je pense sincèrement que, si on ne me répond pas, c’est parce que la réponse ne peut pas être en accord avec le féminisme.
Je pense sincèrement que la réponse c’est : “Mais une femme, c’est quelqu’un qui s’identifie aux stéréotypes qu’on associe au genre”. Un homme, c’est quelqu’un qui s’identifie à ces stéréotypes-là!
Mais ça, on ne peut pas le dire, quand on est féministe, puisque c’est contre ça qu’on combat! Et donc, je pense que cette absence de réponse, et cette agressivité, elle vient d’une dissonance cognitive énorme entre, d’un côté, “je ne dois pas être transphobe” et, de l’autre côté, “Ah oui, mais être une femme, et être un homme, ça ne peut pas être des stéréotypes!”
Et je pense sincèrement que l’agressivité, elle vient de là.
Si je retiens un truc de mes débats dans ce milieu-là, c’est vraiment ça.
L’autre chose qui me vient à l’esprit, c’est que je suis extrêmement heureuse d’avoir la chance d’avoir été élevée dans un milieu où on est critique, et où il faut poser plein de questions, et où il faut débattre.
Parce que si je n’avais pas eu cette chance-là, sincèrement, à l’âge où j’ai été en contact avec le transactivisme, je serais tombée comme mes patientes, j’en suis sûre. Parce que c’était un âge où j’étais extrêmement vulnérable, où je me posais aussi des questions sur mon orientation sexuelle (parce que, en tant que bisexuelle, on est toujours renvoyées à l’idée qu’on ne sait pas ce qu’on veut, etc.) donc du coup, je me questionnais beaucoup là-dessus.
Je me questionnais parce que j’étais une toute jeune femme, je venais d’avoir 17-18 ans, je ne savais pas comment me présenter vraiment au monde. Je ne savais pas si je voulais être féminine ou pas, dans mes attitudes, dans mes vêtements.
J’avais déjà subi plusieurs agressions sexuelles, et j’étais très, très en difficulté par rapport à ça.
Parce que je n’avais pas les mots.
Parce que je n’en parlais pas.
Parce que ça me bouffait de l’intérieur.
Je n’avais pas de réponse, je ne me rendais vraiment pas compte de ce qu’il se passait.
Et en plus de ça, au niveau de ma socialisation genrée, ça a toujours été un peu particulier, parce que mes parents m’ont élevée dans quelque chose d’absolument neutre : j’ai toujours pu faire tout ce que je voulais, et autant avec des Barbies qu’avec des trucs de construction, j’étais autant en short qu’en robe. J’ai fait des sports de combat, je me déguisais en pirate…
J’ai pu être très libre là-dessus, et donc parfois en décalage avec d’autres petites filles.
Et c’était le cocktail parfait pour que l’argumentaire du : “T’es pas dans le bon corps”, du “En fait, t’es pas une fille!” fonctionne.
Et il a fonctionné. Il a fonctionné un an, deux ans, où vraiment, je commençais à mettre des petits points quand j’accordais mes phrases, où je disais que j’étais agenre, qu’il ne fallait pas dire que j’étais une femme, parce que ça me blessait, parce que ça me mettait mal pendant des jours.
En fait, c’était le contact avec la réalité qui me mettait mal.
Parce que je n’étais pas prête à l’entendre. Et en plus, pendant un an, deux ans, ça m’a retardée de prendre rendez-vous chez des psy, et de traiter mes traumas sexuels. parce que j’avais la solution idéale : si je n’étais pas bien dans mon corps, bah c’est parce que j’étais pas vraiment une femme, et qu’il fallait que je change mon corps.
Alors que si je n’étais pas bien dans mon corps, mais c’est parce qu’on m’avait violée pendant des années, enfin!
A un moment donné, la réalité c’était celle-là! Mais elle était tellement plus dure à entendre que moi, le discours transactiviste, je l’ai acheté direct, c’était vachement plus facile! Plus difficile pour mon corps si j’avais continué, mais plus facile pour mon cerveau. Donc je suis extrêmement contente d’avoir eu la chance, au bout d’un moment, de revenir sur mon éducation, mon esprit critique.
Mais je l’ai vécu personnellement, ce danger-là!
Je sais exactement comment j’aurais pu finir, je le vois chez mes patients tous les jours. Et du coup moi ça me gêne beaucoup quand les gens disent : “Oui, si vous critiquez le genre c’est que vous êtes transphobes, puis c’est tout, vous êtes des personnes haineuses”. C’est peut-être aussi tout simplement qu’on a été dans ces milieux là et qu’on a vu le danger que ça a pu avoir pour nous ou pour nos amis et qu’on est inquiète en fait tout simplement. Et que ça nous a fait souffrir et je pense qu’on peut aussi avoir de l’empathie pour nous, moi j’ai beaucoup d’empathie pour les personnes qui souffrent de dysphorie du genre parce que c’est dur, parce que même moi d’une certaine façon je l’ai vécu. Et j’aimerais juste qu’on puisse écouter les points de vue de tout le monde parce que quand on dit : “écoutez les concernés”, c’est écouter tous les concernés, pas que ceux qui sont d’accord avec soi.
Au niveau de mes patients, ce que j’ai eu comme chose qui nous a beaucoup choqué au niveau de l’équipe, c’était trois situations : la première c’était (alors je vais volontairement utiliser les pronoms de naissance de ces patients parce que nous quand on les a rencontrés, c’est cela qu’ils utilisaient et qu’ils ont changé du jour au lendemain et qu’en plus de ça, selon leur clinique, on considère que ce n’est pas bon d’utiliser d’autres pronoms parce que c’est un évitement donc c’est le choix que je fais et ces patients sont d’accord pour ça), donc le premier c’est un patient, c’est celui dont je parlais tout à l’heure de 18 ans, j’ai un jeune homme homosexuel, qui vient d’une famille religieuse, pour qui l’homosexualité c’est pas top et qui voit une réponse très rassurante dans la transidentité tant au niveau de lui pour être en accord avec ses parents, tant au niveau des parents. Parce que du coup pour eux, et je suis désolée pour les termes, mais c’est plus dur d’avoir un enfant “pédé” que d’avoir un enfant qui en fait sur une fille à l’intérieur.
C’est le discours qui nous est venu des parents. Donc ce patient là : 18 ans, homosexuel, famille très homophobe et bien il va voir un endocrino très connu pour délivrer l’hormonothérapie très rapidement. En une séance, il a sa prescription. Et du coup en une séance, et bien il ne vient plus nous voir.
Donc il a arrêté son suivi psychiatrique, il a arrêté son suivi familial et toute la famille a trouvé une réponse convenable pour traiter son homosexualité. Parce que très concrètement, c’est ça dans le cas de cette famille.
Donc il y a eu cette situation là, j’espère qu’il va bien aujourd’hui, la deuxième situation chez moi m’a beaucoup questionné, c’est une patiente qui est encore en questionnement, donc qui n’ est pas tout à fait décidée sur “est-ce qu’elle est non binaire ou pas ?”, qui a un diagnostic de structure psychotique, on n’est pas encore sûr si c’est une schizophrénie ou pas, elle est trop jeune et pas assez décomplétée pour qu’on s’affirme là-dessus et parce qu’on est précautionneux mais en tout cas il y a vraiment quelque chose d’important au niveau de son fonctionnement et grave. Et cette patiente-là a rencontré un médecin généraliste qui est connu pour faire du lien avec les associations LGBT. Donc avant de le rencontrer, avec nous elle était en questionnement, on pouvait discuter de plein de choses, c’était super intéressant. Pareil d’ailleurs c’est une patiente lesbienne qui vient d’une famille religieuse. Et donc du jour au lendemain après ce rendez-vous avec le thérapeute et bien tout était un peu réglé pareil, on ne parlait plus des problèmes de fond et elle était très très heureuse d’avoir cette solution là et on lui proposait une hormonothérapie qui se mettrait en place au bout de deux à trois séances.
Moi j’ai demandé à cette patiente si je pouvais avoir un contact avec le médecin pour que le médecin sache qu’ elle est quand même suivie en psychiatrie et que c’est important que l’on puisse faire du lien interdisciplinaire pour savoir si c’est la bonne solution pour cette patiente qui n’est pas tout à fait en état de consentir parce que délirante. Du coup je n’ai pas pu parce que la patiente ne veut pas puisqu’elle est délirante et le médecin n’a pas fait l’effort de savoir si elle était suivie ou pas.
On ne sait pas ce que ça va donner avec le mélange avec ses traitements anti psychotropes, on ne sait pas le mélange que ça va donner…
Voilà troisième anecdote : une jeune patiente aussi avec un personnalité borderline gravissime qui a fait beaucoup de passages à l’acte, beaucoup de passages aux urgences, plein de tentatives de suicide, qui a vécu de l’inceste, ensuite plusieurs viols adulte, enfin une histoire terrible ! Pareil, elle est allée consulter dans une asso, elle ne m’a pas dit laquelle donc je ne sais pas, mais dans une asso qui est plutôt pro transition on va dire. Alors elle par contre, elle leur a dit qu’elle était suivie donc c’est super qu’elle ait eu cette honnêteté-là. Mais d’après ce qu’elle m’a dit, ils lui ont répondu que ce n’était pas grave. Que du coup si en fait elle était borderline, c’était probablement pas vraiment à cause de ces traumas sexuels et de ses traumas affectifs, c’était parce qu’en fait au fond elle était un garçon et que parce qu’elle était un garçon elle allait mal, elle n’a pas eu les codes et c’est pour ça qu’elle s’est fait violer et c’est pour ça qu’elle a été agressée etc etc…
Donc un renversement complet de la lecture de son histoire de vie et du coup bah cette patiente c’est aussi celle dont je parlais tout à l’heure, qui considère que la “elle” qui a été violée, elle est morte et donc il faut changer, il faut être quelqu’un d’autre maintenant.
Moi je ne comprends pas comment ces médecins, ces psychologues, ces infirmiers, ils peuvent ne pas questionner l’histoire psychiatrique des patients, ils peuvent ne pas rechercher s’il y a du délire, ils peuvent ne pas rechercher s’il y a de l’évitement, ils ne font pas de travail pour voir s’il y a un trauma… Bon, moi, en tout cas, comment je fonctionne avec ces patients-là? C’est que moi, je leur dis dès le départ que je ne vais jamais les pousser dans une direction, que ce soit vers une transition, ou pas. Je leur dis, par contre, que leur souffrance, elle est réelle, que je la vois, qu’ils vont objectivement mal.
Est-ce que la transition hormonale et chirurgicale, ou juste sociale, ce sera une réponse? Je ne sais pas.
Ils peuvent essayer.
En tout cas, ce que je leur dis, je suis très honnête avec eux, je leur dis : c’est une solution pour certaines personnes, il y a des personnes qui vont mieux après. Il y en a d’autres qui ne vont pas mieux, et qui restent comme ça, d’autres qui ne vont pas mieux et qui détransitionnent.
Et on n’a aucun moyen de savoir qu’est-ce qui marche le mieux, et pour quel type de profil, parce qu’il n’y a pas d’études qui sont faites, parce que faire ces études-là, c’est considéré transphobe.
Donc on ne sait pas, mais moi, mon rôle, c’est de les accompagner.
Pour que d’abord, on explore “Qu’est-ce que c’est pour eux les représentations du féminin et du masculin, et pourquoi ça pose question ? C’est quoi leur rapport à leur corps? C’est quoi leur rapport aux autres ?”
On va passer un bon moment à parler de ça, plusieurs mois s’il le faut. Ensuite, si vraiment on ne trouve pas déjà des pistes d’amélioration sur ça, pourquoi ne pas aller rencontrer un médecin pour commencer à parler de cette question de transition, et de garder à l’esprit qu’on y va petit à petit.
Et on fait du moins invasif au plus invasif. On fait dans cet ordre-là, pas l’inverse.
Parce que c’est logique : on commence par ce qu’on peut enlever, et on leur disant bien que ce qui compte, c’est eux, ce n’est pas ce qu’ils lisent sur internet.
Si on leur dit sur internet que s’ils ne transitionnent pas, ils vont se suicider, c’est peut-être vrai pour plein de gens, ce n’est peut-être pas vrai pour eux.
De toute façon, nous on est là pour les accompagner, pour être avec eux au quotidien. Ça va aller, on est là au jour le jour, donc on y va doucement, et surtout avec l’idée qu’on peut reculer.
On peut commencer, pourquoi pas, à faire une transition sociale, voir comment ça nous fait nous sentir, et puis finalement, on se rend compte qu’en fait, bah non, le problème de base il n’est pas parti.
On revient en arrière, ce n’est pas grave. Ce n’est pas grave de se tromper.
Moi j’essaie de développer avec mes patients une approche plus exploratoire, où on peut dialoguer, et on verra ce qui est bon pour eux, rien que pour eux.
Donc moi, c’est comme ça que je travaille avec mes patients.
C’est que je leur dis : “Je ne suis pas là pour vous dire quoi faire, contrairement à ce qu’on vous dit un peu sur internet. Je suis là pour que vous, vous trouviez la bonne solution, pour vous”.
Et j’aimerais qu’on puisse avoir plus de recherche, pour qu’on puisse savoir quoi faire de ces dysphories de genre, parce que c’est effectivement, une souffrance, et qu’il faut qu’on sache quoi en faire, quoi.
Donc voilà : mon vocabulaire avec eux, c’est ça.
Et je m’adapte à chacun.
RDG – As-tu quelque chose à ajouter ?
Clara – Si je devais rajouter quelque chose, ce serait vraiment d’affirmer l’idée que je pense que c’est très important, parce qu’on vient en société, que de toute façon on vit tous ensemble, on n’a pas le choix, on ne peut pas s’enfermer les uns les autres dans d’autres pays, donc on vit ensemble, et on construit un projet de société ensemble.
À partir de là, ça me paraît impossible, même si on est en désaccord fondamental, de juste s’ignorer les uns les autres, de se bannir les uns les autres, de s’insulter dès qu’on n’est pas d’accord, et de partir du principe qu’il y en a un qui sera du bon côté de l’histoire, et puis les autres, ils seront effacés.
La question de la transidentité, c’est une question qui anime beaucoup les passions, parce que c’est une question qui nous touche tous, en fait. Parce que la question de “Qu’est-ce que c’est le genre, le sexe, l’identité ?” c’est une question par laquelle on passe tous, il n’y a pas besoin d’être trans pour ça.
Ça fait partie du développement psycho affectif normal, en fait.
Donc c’est des questions qui nous concernent. Si on change des définitions, ça va concerner tout le monde, ça va poser des problèmes, peu importe le choix qu’on prend, dans tous les cas il y a toujours des gens qui vont passer sous le bus.
Donc c’est essentiel de pouvoir faire l’effort, quand on en est capable (parce que parfois on est trop dans la situation, donc on est trop émotionnellement impliqué, et c’est normal, dans ce cas-là, de se mettre à l’écart), mais de laisser ceux qui le veulent, pouvoir discuter ensemble.
Moi, j’adorerais qu’on puisse créer un, je ne sais pas, un collectif de féministes radicales et de féministes libérales, pour qu’on puisse discuter, et qu’on se mette d’accord, quoi. Parce que notre combat, de base, c’est le même.
Sauf qu’à force de déployer tellement d’énergie à se tirer dans les pattes, on ne se bat même plus pour ce qui est le plus essentiel aujourd’hui.
Et j’aimerais vraiment que les personnes qui écoutent, que ce soient des personnes qui sont d’accord, ou des personnes qui se questionnent, ou des personnes qui trouvent que je suis une grande méchante Terf, qu’elles entendent que, vraiment, en toute sincérité, je n’ai aucune haine à l’égard des personnes, soit qui se considèrent comme trans, comme non-binaires, comme dysphoriques de genre, comme transsexuelles. Parce qu’il y a plein de gens qui utilisent des mots différents, selon leur âge, leur génération, leur culture, etc.
Peu importe comment elles se définissent, moi je vois des personnes en face de moi, avec lesquelles je ne suis pas d’accord, mais c’est tout!
Je ne suis pas d’accord avec certaines idées.
Parce qu’il y a des gens qui disent “Les critiques du genre, elles veulent qu’on arrête d’exister, les critiques du genre, elles nous haïssent, les critiques du genre, elles veulent que les trans n’existent plus…”
Non. Ce n’est pas le sujet.
C’est à dire que si on n’est pas d’accord avec une idée, on ne veut pas que la personne disparaisse pour autant.
C’est un petit peu comme quand on est un peu athéiste militant, et qu’on critique les religions : on ne veut pas que les croyants disparaissent, et meurent! On ne les déteste pas, on critique juste une idée.
Là, c’est pareil : l’idéologie aujourd’hui majoritaire dans les médias, de transactivisme, et bien on n’est pas d’accord avec.
Ça ne veut pas pour autant dire qu’on veut que les gens souffrent.
Moi, je pense que le débat serait plus apaisé si on était un petit peu tous capables d’entendre que c’est une question de, vraiment, de définitions, et qu’est-ce qu’on met derrière, et quelles conséquences ça a.
Voilà, je suis très ouverte à l’idée de dialogue.
RDG –
S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe : womensdeclaration.com