Bonjour.
Je m’appelle Lucie, j’approche de la quarantaine.
Je suis une femme, je suis lesbienne et j’ai des formes généreuses !
Ce n’est pas moi qui lit mon texte, mais ce sont bien mes mots que vous allez entendre.
Je suis féministe, je suis abolitionniste du genre et de la prostitution qui sont des violences societales patriarcales faites aux femmes.
Avant de me construire en tant que femme, j’aurai ramé.
Lucie, rebelle du genre.
Petite on m’a appris que les femmes aiment les hommes et doivent se rendre désirables à leurs yeux notamment en mettant des vêtements sexy et du maquillage.
Et bien sûr que les femmes doivent mettre au monde des enfant.e.s et les élever.
En gros, ce que la société voudrait que soient les femmes.
Je ne me suis jamais construite d’après ces stéréotypes sexistes, j’ai toujours trouvé cette image si peu fidèle à ce qu’est une femme et si peu valorisée par rapport à la place accordée aux hommes ; mais je ne suis pas arrivée pour autant à me construire socialement facilement.
À l’adolescence, comme j’aimais tout ce que mes copains aimaient ou non en terme d’activités sportives : j’ai douté être une femme.
Lucie, rebelle du genre.
Une bonne partie de mes ami.e.s étaient homosexuelles au lycée.
J’étais en questionnement sur mes sentiments : je pensais aimer les hommes mais n’était pas attirée sexuellement par eux…
Le queer paraissait attrayant, mais ça ne m’a pas aidé pour ainsi dire plus que ça : je me suis même perdue en chemin avec tous ces « genres » possibles.
Pouvoir te définir comme tu le veux et même pouvoir changer de « genre » ne m’a pas permis de comprendre qui j’étais au fond : moie et par rapport à la société.
Selon mon amie Béatrice, ma construction du genre n’était pas la bonne : j’étais un homme.
Elle pensait que mon mal être de l’époque venait de là.
Et comme j’étais perdue dans mes sentiments, j’ai suivi son conseil : il fallait que j’explore “ma masculinité”.
J’ai porté une cravate et j’ai essayé d’adopter les mêmes comportements que les hommes.
Lucie, rebelle du genre.
Mais là non plus je ne me sentais pas du tout homme, mais j’ai continué à me comporter ainsi car je pensais que je souffrirais moins car je serais moins opprimé dans la sphère publique.
Jusqu’au jour où, un homme m’a dit à quel point il m’admirait pour oser porter cette cravate tous les jours, car cet objet était si oppressant pour un homme : il serrait, tenait chaud et faisait l’objet de concours entre eux, de largeur et surtout de longueur.
À ce moment-là, j’ai compris que j’étais ridicule : porter une cravate et adopter leurs comportements ne faisait pas de moie un homme, pas plus que d’aimer des activités soit disant “typiquement masculines”.
Étant perdue et trouvant les deux choix que mon entourage me “vendait” si peu attrayants, j’ai décidé, pour un temps de « finir vieille fille avec des charentaises », c’était la meilleure option qui se présentait à moie.
Je regrette d’avoir fait ce choix à l’époque, car je suis devenue asociale : j’étais en colère et en voulais pour ainsi dire à la terre entière car je n’avais pas le droit de m’exprimer et d’exister comme je me voyais.
Aux yeux des un.e.s, je n’étais pas une femme ; aux yeux des autres je n’étais pas un homme, juste « un garçon manqué » : en somme, je n’étais rien.
Lucie, rebelle du genre.
J’ai fini par tomber en dépression.
Je n’en pouvais plus d’être perdue, malheureuse et d’être devenue une loque.
J’avais décidé de mettre fin à mes jours au travail.
Les paroles d’une collègue ont pesé lourd dans la balance et m’ont empêchée d’aller plus loin. Elle m’a dit : “Pourquoi es-tu si dure avec les gens ? Et pourquoi l’es-tu encore plus avec toi-même ? Je ne sais pas ce qu’on t’a fait, mais tout le monde ne te veut pas du mal, tu sais.”
Je me suis alors demandé pourquoi je ne m’aimais pas et pourquoi je ne pouvais pas être heureuse moie aussi.
Ne pouvant parler de mon mal être à personne de mon entourage, j’ai décidé d’aller voir un psychologue : c’était la thérapie de la dernière chance.
Si cette thérapie ne m’aidait pas, je savais ce qu’il me restait à faire.
C’est bien la première fois dans ma vie ou on laissait m’exprimer vraiment et notamment sur mes sentiments, ma sexualité, le nœud du problème.
De cette thérapie, je suis arrivée à entrevoir que mes sentiments étaient tournés vers les femmes.
À l’inverse, je ne ressentais rien pour les hommes : je m’entendais bien avec eux mais ils ne m’attiraient pas.
Ce n’était pas l’avis de mon thérapeute qui me posait sans cesse la même question : aimez-vous les hommes ou les femmes ?
À chaque fois, je lui répondais “les femmes”.
Un jour, lors de notre séance, il m’a posé à nouveau cette question; je me suis énervée parce qu’il paraissait douter de mes paroles.
Je lui ai demandé pourquoi il ne me croyait pas quand je lui ai parlé de mes sentiments : d’autant plus, que toutes mes tentatives avec des hommes s’étaient conclues par un échec au moment de l’acte sexuel : mon corps refusant leur pénétration, et le contact de leurs corps me dégoûtait.
Il m’a répondu que je ne pouvais pas aimer les femmes : c’était juste parce que je n’avais pas une bonne image de moie.
Lucie, rebelles du genre.
Je n’étais pas d’accord avec lui, et je lui ai dit ouvertement.
Il m’a alors dit que toute cette souffrance que j’avais connue allait recommencer.
J’ai pris peur, et me suis mise à pleurer : je ne voulais pas revivre l’enfer par lequel j’étais passé.
Il m’a demandé pourquoi je n’avais pas confiance en lui ? Jusqu’à présent il m’avait aidé à aller mieux.
Je lui ai dit que j’avais confiance en lui.
Alors il m’a demandé pourquoi je refusais d’être heureuse.
Je lui ai dit que je ne refusais pas d’être heureuse, c’est que je voulais trouver enfin ma place et être heureuse.
Alors, il m’a dit qu’il fallait suivre ses conseils, que c’était dur, mais que le bout du tunnel était proche : je serais bientôt une femme heureuse et épanouie dans la vie.
À une autre séance, je lui ai parlé de mes travaux manuels avec un homme de mon association.
Il m’a demandé si je m’entendais bien avec lui, et je lui ai répondu que oui.
Il m’a dit que c’était sans doute le bon, que je devais sortir avec lui.
À force de tous ses commentaires, comme : « vous ne pouvez pas savoir avant de vous lancer, c’est sans doute le bon », je me suis mise avec lui.
À ma séance suivante chez mon thérapeute, je lui ai dit que c’était fait, que j’étais avec lui : il était ravi et moie j’étais en colère.
En colère car je n’éprouvais aucun plaisir avec lui ; c’était même douloureux.
Je simulais pendant l’acte pour écourter nos rapports.
Il m’a dit que c’était normal, les rapports avec plaisir au début étaient un mythe martyre.
Je lui ai répondu que ça faisait plus d’un mois et demi que je simulais.
Il m’a dit qu’il fallait au moins 100 rapports pour être bien sexuellement en couple.
Il m’a dit aussi que c’était parfois normal de simuler, que c’était un acte d’amour : l’homme et la femme n’avaient pas le même plaisir et pas de la même façon… il fallait que je l’accepte.
Lucie, rebelle du genre.
Après un peu plus de quatre mois à simuler au lit, j’ai commencé à avoir un peu de « plaisir » avec lui.
En réalité, je m’étais dissociée et il m’avait torturé, manipulé pour que je pense être hétérosexuelle… mais ça je ne l’ai compris que plus tard en écrivant tout ce qui m’avait fait comprendre que j’étais lesbienne.
Je l’avais aussi compris grâce à ce que le féminisme m’avait apporté comme analyse de l’oppression sociale capitaliste et patriarcale.
J’ai eu pendant 5 ans des rapports sexuels espacés avec cet homme : il n’était pas rare que je pleure en cachette à la fin de nos rapports.
J’ai fini par croire que le problème venait de moie : je ne devais pas aimer le sexe.
Après mon trentième anniversaire j’ai fait un travail sur moie.
Je voulais savoir pourquoi je désirais un enfant, pourquoi je n’arrivais plus à prendre la pilule, et pourquoi je n’arrivais plus à donner de plaisir à mon partenaire quand il me regardait.
Mon corps supportait de moins en moins son sexe en moie.
Et cette vérité qui a toujours été au plus profond de moie a refait surface à ce moment-là : j’ai toujours regardé les femmes et je les trouvais belles.
Au début, je pensais que c’était parce que j’étais complexée par mon corps (comme me l’avait fait croire mon thérapeute), ou que c’était de la curiosité mal placée : mais au bout d’un moment, à force de penser aux femmes tout le temps, j’ai commencé à revenir sur cette “certitude”.
Une semaine, au bout du cinquième jour à ne penser qu’aux femmes toute la journée ; je me suis dit que pour y penser autant et surtout en continu, il fallait que je regarde les faits d’un peu plus près : d’autant plus que lors de mon dernier rapport sexuel, je m’étais fait la réflexion que de faire l’amour avec lui en imaginant que c’était une femme, ce n’était plus possible.
La semaine suivante, je pensais davantage encore aux femmes.
Je me suis dit que je devais vraiment les aimer pour y penser tout le temps.
Je me suis mise à réfléchir à mes dernières réactions vis-à-vis des femmes et des hommes.
Dans la rue, je m’étais déjà surprise à penser que j’avais regardé des femmes quelques secondes, alors que mon téléphone indiquait que ça faisait vingt minutes !
Je ne pouvais qu’en conclure que j’aimais les femmes : j’étais lesbienne
C’était un grand soulagement pour moie, j’étais heureuse de m’être enfin trouvée.
Je n’étais plus une femme morcelée : j’étais enfin entière.
Lucie, rebelle du genre.
Si je suis critique du genre, c’est parce cette institution m’a entravé dans ma construction sociale.
Noues les femmes, la société noues enseigne à prendre soin de tout le monde sauf de noues : c’est une énorme charge mentale que la société noues impose.
Se faire belle pour plaire, n’est pas pour noues aimer noues même : sans parler de combien ça coûte !
Dire que notre corps n’est pas une donnée réelle et qui compte est une arnaque intellectuelle.
Noues ne pouvons pas dissocier notre corps et notre tête !
Ce qui affecte l’un, a forcément des répercussions sur l’autre.
Si jamais ça arrive c’est que noues avons subi des violences.
Pour exister politiquement et être reconnues dans notre société il faut être défini de manière claire.
Il faut aussi arrêter de noues faire croire que pour qu’un autre groupe puisse exister il faut partager nos droits : c’est un mensonge éhonté.
Les femmes peuvent exister dans la sphère politique et être reconnues pour leurs spécificités : notre histoire politique et construction sociale, ça vient du fait que noues sommes opprimées parce que la société veut avoir le contrôle de nos ventres (car nous pouvons porter la vie).
Les personnes trans peuvent exister dans notre société en étant reconnu comme trans et avoir leurs propres espaces, sans entraver nos droits qui sont autant légitimes que les leurs.
La résilience est une force chez les femmes… Mais elle a aussi un coup non négligeable.
Les violences que j’ai subit font la femme que je suis aujourd’hui oui.
Mais j’ai perdu en chemin une bonne partie de la sexualité épanouie que j’aurais pu avoir soit 12 années dans une vie.
Lucie, rebelle du genre.
Après avoir eu honte de parler de mon vécu, je pense qu’il est temps de raconter.
Comme le dit si bien Audre Lorde, notre silence ne noues protégera pas, c’est un conseil sage et éclairé.
Que les choses soient claires, bien que ma confiance en la psychiatrie ait été ébranlée par mon vécu, elle n’en reste pas moins utile et indispensable.
Son talon d’Achille est que les femmes ne soient pas vues comme étant l’égale de l’homme.
La femme est toujours vue comme étant complémentaire de l’homme.
Si la psychiatrie ne noues considère pas comme une entité à part entière, elle ne pourra pas avoir l’analyse nécessaire pour noues aider : car elle ne prendra pas en compte suffisamment le sexisme.
Lucie, rebelle du genre.
Ce serait vraiment bien que l’homosexualité soit dans les faits vraiment reconnue comme une sexualité au même titre que l’hétérosexualité dans la psychiatrie et enseigné.
J’attends beaucoup de la loi pour lutter contre les thérapies de conversion qu’elles soient d’origine religieuse ou médicale.
La bienveillance, l’écoute sans jugement et la confiance sont essentielles pour se faire aider par un psychiatre quand on en a besoin, sinon cette personne a toutes les cartes en main pour vous manipuler.
Bien qu’ayant subi ces violences médicales, cette thérapie exploratoire m’aura aidé à comprendre ma sexualité même si elle a durée un certain temps.
Je pense qu’il est indispensable de les garantir pour aider les personnes qui se cherchent.
Noues ne partons pas tous et toutes avec le même bagage, ni ne vivons les mêmes entraves, les mêmes violences générées par la société : parfois se donner du temps pour se poser et réfléchir n’est pas une faiblesse et vaut plus que toutes les certitudes.
Le plus important est de protéger les personnes et surtout les enfant.e.s et adolescent.e.s.
Laissons leur le temps de se trouver et de comprendre comment devenir adultes.
Nous remercions Lucie pour son témoignage que j’espère avoir lu avec justesse.
N’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible. S’il vous plaît signez la déclaration des droits des femmes basée sur le sexe :

Pour nous suivre et/ou témoigner : https://linkfly.to/rebellesdugenre
Mercie les femmes!