Magda – Je suis une femme de 37 ans. Je suis féministe depuis une quinzaine d’année et j’ai milité pendant quelques années dans une association qui proposait des activités et des rencontres en non-mixité. J’ai fait des études de sociologie. Je vis à la campagne.
Rebelles du Genre – Bonjour et bienvenue sur le podcast Rebelles du Genre. Nous sommes des femmes, militantes pour l’affirmation et la protection des droits des femmes basés sur le sexe, et donc notre biologie. Le sexe est la raison de notre oppression par les hommes, et le genre en est le moyen. Nous sommes les rebelles du genre. Nous observons aujourd’hui avec fureur des hommes qui envahissent nos espaces, agressent nos sœurs, revendiquent nos droits. Conditionnées à la gentillesse et touchées par leur victimisation, les femmes mettent en général un certain temps à comprendre l’arnaque du mouvement transactiviste, et commencent souvent par soutenir cette idéologie. Puis elles ouvrent les yeux, constatent sa violence, et la refusent. Ce podcast est là pour donner la parole à des femmes qui expliqueront pourquoi et comment elles sont devenues critiques du genre et qui témoignent de leur parcours. Écoutons leur parole.
Magda – Depuis petite, j’observe avec étonnement les comportements sexistes. J’ai un souvenir précis de me voir observer les filles qui se jetaient sur les crayons roses. Ça m’agaçait ! Du coup, j’en prenais un noir.
Une fois adolescente, je me suis sérieusement demandé pourquoi les femmes se maquillaient, et pas les hommes.
Je suis devenue féministe vers 20 ans après avoir travaillé dans un milieu professionnel très macho. Mais j’ai pu mettre des mots plus clairs sur mon positionnement quand j’ai découvert la sociologie critique et la sociologie du genre, quelques années plus tard. J’ai toujours eu une approche anti-essentialiste donc anti-genre. Les quelques cours que j’ai eus à la fac en sociologie du genre m’ont permis d’aborder la notion du genre comme définissant un système oppressif qui classe les individus en deux groupes sociaux distincts et hiérarchisés, en fonction de leur sexe . Ça me confortait dans ce que j’avais observé depuis la maternelle donc pour moi c’était évident. D’ailleurs longtemps j’ai pensé que toutes les féministes luttaient pour l’abolition du genre.
En 2012 je suis allée faire une année de master à Paris et j’ai fait une recherche sur un sujet féministe et disons, « LGBT ». C’est à ce moment que j’ai compris qu’il y avait un autre usage du mot « genre ». D’un côté, le genre comme un système oppressif qui classe les individus en deux et qui est intrinsèquement lié à la sexuation des individus (mâle/ femelle). De l’autre le genre comme synonyme, disons de « personnalité » de goûts et de manière de se présenter aux autres, de s’habiller etc. Dans cette approche, disons « postmoderne », il suffirait de mettre le genre au pluriel – « les genres » – pour qu’il arrête d’être oppressif et devienne même un outil de libération des individus.
C’est à cette époque que j’ai compris qu’en tant que féministe, j’étais censée être solidaire du mouvement trans, soutenir les revendications trans. Or, j’ai toujours considéré que le transgenrisme était un symptôme de notre société sexiste et non une solution au problème. J’étais peu concernée par cette question à l’époque, mais ça a commencé à me poser sérieusement question quand j’ai aperçu les conséquences théoriques et politiques que produisaient se rapprochement entre le féminisme et le transgenrisme. Notamment le fait que le concept du « genre » était de moins en moins utilisé et que l’était de plus en plus le concept « des genres », au pluriel donc.
L’année d’après j’ai monté un collectif féministe avec des potes dont l’objet était de créer et favoriser des moments et des espaces en non-mixité.
Et là, ce sont les conséquences pratiques et politiques de ce lien entre le transgenrisme et le féminisme que j’ai vues. Par exemple, on a commencé à nous reprocher d’utiliser le mot « sororité ». Moi et mes potes on découvrait ce concept et on l’expérimentait à fond. ça nous faisait énormément de bien ainsi qu’à plein d’autres filles et femmes donc pour moi c’était déjà quelque chose de très grave. Ces personnes qui nous reprochaient d’utiliser ce terme avaient un profil bien précis : c’était des jeunes femmes qui toutes venaient de grandes agglomérations et semblaient penser qu’elles nous apportaient la lumière.
A cette époque je critiquais beaucoup l’idéologie trans. Je ne le faisais pas dans n’importe quelles situations mais j’en parlais assez facilement quand même. Mais quelques mois plus tard, c’était fini : j’avais intégré le fait que c’était complètement tabou d’en parler.
A cette période – donc c’était en 2014 – j’ai participé à un événement qui réunissait une quarantaine de femmes pendant plusieurs semaines en non-mixité – à l’époque on avait encore le droit de dire « non-mixité ». Pendant l’événement qui a duré plusieurs semaines, on faisait sans arrêt des tours de pronoms. Je crois que c’était à chaque réunion le matin. C’était d’autant plus ridicule qu’il n’y avait pas de personnes trans parmi nous. Moi, j’avais envie de dire “je m’en fous, appelez-moi comme vous voulez. ça n’a pas d’importance pour moi”. A l’époque, je jouais beaucoup sur mon androgynie, et j’étais dans un certain rejet, disons du fait d’être une femme, en tous cas c’était pas quelque chose que j’avais envie de valoriser. J’avais envie de me projeter au-delà du genre, mais dans une perspective critique, pas dans une perspective identitaire. Donc ce délire autour des pronoms, ça me saoulait vraiment, je trouvais ça ridicule et le comble c’est que je me retrouvais obligée de me positionner.
Soit on était« elle », soit on était « il » ; on était « iel » on pouvait aussi dire un jour « elle » un jour « il »… Mais dire « je m’en fous, votre truc ne m’intéresse pas », c’était pas possible car ça aurait été jugé comme oppressif pour toutes les personnes pour qui ça avait de l’importance. Donc j’étais obligée de dire tout les matins « je suis une femme » alors que j’aurais juste voulu être perçu comme une personne, point barre !
Après cet événement j’ai eu envie de prendre du recul par rapport au féminisme. Je n’y trouvais vraiment plus ma place. Je voyais l’évolution qui était en train de se faire et qui m’inquiétait beaucoup, et pour laquelle je me sentais totalement impuissante. Au début, j’étais contente d’être à la campagne, dans un environnement où le féminisme queer était pas encore arrivé jusqu’à nous.
Petit à petit, j’ai senti les choses évoluer. D’abord j’ai eu vent d’un texte que Christine Delphy avait relayé qui parlait de la pression que subissaient de plus en plus les lesbiennes pour avoir des relations sexuelles avec des « femmes trans » non opérées.
Une copine m’a ensuite raconté comment elle et ses potes ont annulé une intervention de Christine Delphy suite à la diffusion de ce texte. Ça semblait évident à ma copine que je soutenais leur action. Cette copine s’est ensuite « identifiée » comme un homme et j’ai été incapable de lui dire ce que je pensais de tout ça.
Rebelles du genre – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes ? Pour leurs droits ? Pour les enfants ? Pour la société ? Pour la démocratie ?
Magda – Cette idéologie pose des problèmes éthiques, politiques, logiques, démocratiques…
Bon déjà la rationalité, la logique et la science sont des choses hyper importantes pour moi. Du coup, je suis hyper choquée qu’une idéologie aussi irrationnelle s’impose partout et bien au-delà de la sphère militante.
Le premier problème logique est la définition queer du mot « femme ». Une femme serait une personne qui se sent femme. Définition totalement insignifiante car on ne peut pas définir un terme par lui-même. Imaginons un dictionnaire qui définirait le mot chaise comme « une chaise est un objet qui ressemble à une chaise ». Cela n’a aucun sens !
Également, depuis quand un sentiment suffit à définir la réalité ? Depuis quand, parce qu’une personne a une idée sur elle-même, cette idée est vraie ? Si je pense être une femme noire, est-ce que cela fait de moi une femme noire ? Si je pense être née au moyen-âge, est-ce que je suis effectivement née au moyen-âge ?
Chaque personne se fait des idées sur le monde et sur elle-même et toutes ces idées ne sont pas vraies ! C’est bien gentil de dire « tout ce que tu penses est vrai », mais c’est faux. Si je ressens être chirurgienne est-ce qu’il faut me laisser opérer des gens pour ne pas me vexer ? Si je pense être un oiseau, est-ce qu’il faut m’encourager à m’envoler ?
Un autre problème : « l’identité de genre » serait un « sentiment profond », mais « différent selon chaque individu », une chose que l’on ne pourrait pas quantifier, analyser, étudier, quelque chose d’indéfinissable…. Bref, dans ces conditions, la notion d’identité de genre ne peut pas être une notion scientifique !
Le pire c’est quand on essaie de comprendre ce qu’est le genre selon le féminisme queer.
Initialement, le genre permettait de parler de toute la part sociale – dans le sens de non biologique – dans les différences entre les femmes et les hommes.
Le genre c’est le sexisme tout simplement ! Le fait que les filles soient éduquées comme ci et les garçons comme ça, avec toutes les conséquences sociales, psychologiques et politiques que cela a.
Le genre, c’est le lien que la société patriarcale fait entre le sexe et les attentes sociales. Le genre est donc nécessairement un truc binaire et nécessairement un truc lié à la sexuation. Quand je dis ça je n’ai pas un point de vue normatif, je suis pas en train de dire « le genre doit rester binaire » mais je décris une réalité. Ce n’est pas parce que cette réalité ne me plaît pas qu’elle n’existe pas ! Le genre, c’est binaire puisque ça renvoie à la manière dont les sociétés sexistes et patriarcales organisent les relations entre les femmes et les hommes et définissent les rôles sociaux de chacune et chacun.
Je sais que l’on va me répondre que le sexe binaire est aussi une construction sociale. Sauf que, jusqu’à preuve du contraire la sexuation des humains est binaire : il y a des femelles et il y a des mâles comme pour tous les mammifères. En science du vivant, il y a un consensus absolu sur ce sujet, il n’y a même pas de débat. Prétendre que le sexe est non binaire, cela relève du révisionnisme scientifique !
Le seul argument qui est avancé pour “prouver” que le sexe binaire serait une construction sociale est le fait que certaines personnes naissent avec une situation d’intersexuation. Or ces situations sont rares, et relèvent d’un point de vue strictement biologique d’une anomalie. L’intersexuation est souvent le fait d’une pathologie qui peut induire infertilité et problèmes de santé.
Donc oui il y une faible part de la population qui « échappe » à la binarité de la sexuation, mais est-ce que cela veut dire que la sexuation n’est pas binaire ? Non. Est-ce qu’on doit remettre en question le fait que les humains sont des bipèdes parce que certaines personnes naissent avec une seule jambe ?
En fait, ça parait fou de devoir insister sur des faits aussi avérés. La très grande majorité des humains sont soit mâle soit femelle. Et à la différence des autres animaux, il y a chez les humains un truc qui s’appelle le genre, ou le sexisme, ou les rôles sociaux de sexe : appelons ça comme on veut. C’est toute la part sociale, culturelle qui vient définir comment les humains sont censés se comporter selon qu’ils soient mâles ou femelles.
Donc, le genre c’est un truc nocif contre lequel les féministes se battent depuis des décennies. C’était tout le propos du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir résumé par la formule « on ne nait pas femme, on le devient. ». Elle ne disait pas qu’il n’y avait pas de sexuation binaire, mais que la différence biologique entre les femmes et les hommes ne doit pas avoir de conséquences sur leur destin social.
Avec le développement du féminisme queer et postmoderne, on ne parle plus “du genre” mais “des genres”. A quoi correspond les genres dans cette logique ? Le fait de pouvoir s’habiller de telle ou telle manière, de porter des attributs masculins et des attributs féminin… Ah, ça veut juste dire avoir son propre style vestimentaire ! Déjà, réduire les questions de genre a des notions d’habillement c’est très réductif. Le genre c’est surtout des dispositions intériorisées ; des manières d’être au monde différenciées ; des manières d’interagir avec soi, avec le monde et avec les autres, différentes selon qu’on a été élevé comme une fille ou comme un garçon. Le genre, pour moi, c’est avant tout ce qui fait que les femmes ont moins confiance en elles, et ont tendance à faire passer leurs propres intérêts après celui d’autrui et surtout après celui des hommes. Et le fait que les hommes ont au contraire tendance à penser que le monde tourne autour de leur petite personne. Le genre, c’est ce qui explique que de nombreuses femmes, toutes les femmes hétérosexuelles peut-être, ont déjà fait l’expérience de subir un rapport sexuel dont elles n’avaient pas envie. Il y a les viols bien sûr, mais aussi toute les fois où les femmes se forcent pour faire plaisir à leur partenaire ou éviter les tensions dans le couple, voire parfois pour éviter un viol.
Le genre, c’est le fait que de nombreux hommes sont capables de prendre du plaisir sexuel en forçant l’autre et en niant donc complètement sa personne. En gros, les femmes préfèrent se forcer plutôt que de décevoir leurs mecs et les mecs préfèrent forcer leurs femmes plutôt que de gérer leur propre frustration.
Du coup le fait que le genre deviendrait un truc cool et souhaitable dès qu’il est mis en pluriel… Je comprends pas !
Il faut lutter pour un monde où les individus peuvent développer leur propre personnalité et leur propre trajectoire sociale indépendamment de leur sexe. Je rêve d’une société où notre destin social ne serait pas conditionné au fait d’être née femelle ou mâle. Quel est donc l’intérêt de valoriser la « diversité des genres » ? Je pense que les tenants de cette notion « des genres » au pluriel manquent cruellement de radicalité et de perspective critique. Ces personnes semblent incapables de penser le monde sans cette notion de genre. Mais le comble c’est que pourtant elles pensent être à la pointe de la radicalité !
Ce qui est bizarre dans la pensée queer, c’est que coexistent à la fois l’idée qu’être queer c’est « ne pas être conforme aux normes de genre ». Mais en même temps l’idéologie queer va nous dire implicitement que le genre, en tant qu’un système qui attribue des rôles sociaux différenciés selon le sexe, n’existe pas. Donc être queer ce serait ne pas se conformer à quelque chose qui n’existe pas ! Gros illogisme…
Pourquoi je dis ça ? Parce que selon l’idéologie trans, quand un enfant né on ne constate pas son sexe mais on lui assigne un sexe-genre de manière aléatoire. Le genre, c’est injuste et nocif, mais ce n’est pas attribué de manière aléatoire ! Il y a une corrélation absolument totale entre le fait de naître avec les attributs mâles et le fait de se voir considéré comme un petit garçon. C’est pareil pour les filles. Ce qui est logique puisque les mots garçons et les mots filles ont été inventés pour référer aux enfants de sexe mâle et aux enfants de sexe femelle. On peut avoir la chance de naître dans une famille qui nous élève autant que possible en dehors du sexisme, mais cela ne change rien au fait que pour la société dans son ensemble on est un garçon si on naît avec un pénis et on est une fille si on naît avec une vulve, et cela a des conséquences dans la manière dont les normes sociales vont nous façonner.
Mais selon l’idéologie trans, il n’y a aucune corrélation de fait entre le genre et le sexe, ce qui revient à dire que le genre n’existe pas puisque le genre c’est justement le lien entre le sexe des individus et les attentes sociales que fait peser la société sur les individus.
Ce discours queer devient plus logique si on comprend que pour cette idéologie, il y a quelque chose qu’on peut qualifier d’essence masculine et d’essence féminine, et que cette essence serait déconnectée de la sexuation biologique. Evidemment, elles et ils n’utilisent jamais cette terminologie, mais pourtant si on creuse un tout petit peu la question il faut admettre que leur notion « d’identité de genre » est synonyme d’essence masculine, féminine ou non binaire .
En gros, la personne aurait d’un côté son corps et d’un côté son « identité de genre ». Cette séparation corps-esprit permet de faire une analogie entre l’identité de genre et la notion religieuse d’âme. Donc en gros quand un bébé humain de sexe femelle née la société lui attribue à défaut une « identité féminine » mais parfois il y a erreur, car en fait ce bébé de sexe femelle à une « identité de genre masculine »…. Je ne comprends pas comment une pensée aussi essentialiste et irrationnelle peut avoir un tel succès à notre époque et dans les sphères sociales les plus instruites et critiques… C’est tout simplement sidérant !
Il y a un truc qui explique bien selon moi toutes les aberrations de cette idéologie.Elle confond en permanence deux types de registres : d’un côté il y a le registre descriptif et analytique, qui constate des réalités qu’elles nous plaisent ou non. C’est le registre qui est censé être celui de la communauté scientifique quand les chercheurs et chercheuses font bien leur travail en tous cas ! Et de l’autre le registre prescriptif, qui prescrit des normes, qui dit ce que le monde devrait être, c’est le registre militant.
Les deux registres sont d’égales importance sociales pour moi à condition qu’on les présente pour ceux qu’ils sont et qu’on ne mélange pas les deux pour faire une grosse bouillie indigeste !
Quand les idéologues queer disent « il n’y a pas de lien entre le sexe et le genre », ils sont dans un registre normatif. Ils veulent dire « il ne devrait pas y avoir de lien ». Là on est d’accord, il ne devrait pas y avoir de lien entre notre sexe et notre destin social mais, pour le moment, il y a une très très forte corrélation entre les deux et pour la combattre il faut d’abord pouvoir la nommer et la décrire. Les idéologues queer préfèrent être dans le déni comme si en disant « ça n’existe pas », ça va arrêter d’exister. Et du coup, ces militants de la pensée queer nous accusent d’être essentialistes parce qu’ils prennent notre discours descriptif et critique pour un discours prescriptif et normatif. Est-ce que c’est de la mauvaise foi ou est-ce que c’est de la bêtise ? Je ne sais pas.
Les notions qui constituent l’idéologie transgenre sont à la fois illogiques et a-scientifiques.
Donc, je ne comprends pas comment autant de personnes a priori sensées et intelligentes peuvent se faire les défenseurs voire les passeurs de cette idéologie.
Tout ça va quand même très loin ! Parce que le planning familial, association féministe historique et largement subventionnée par l’Etat, qui fait de nombreuses interventions en milieu scolaire et accompagne des ados et jeunes adultes sur des questions de contraception, de santé sexuelle et tout ça, soutient dans son lexique trans que le sexe est un spectre, qu’un homme peut avoir une vulve ou encore que le pénis n’est pas un organe masculin.Il fallait oser !
Ce qui me surprend le plus, c’est de constater que de nombreux représentants et représentantes du mouvement zététique et sceptiques semblent convaincus de la pertinence de cette idéologie.
Il y a quelques mois j’ai voulu me rapprocher de la communauté zététique parce que la démarche sceptique me plaît énormément. Le fait de réfléchir à comment faire la part des choses entre les croyances et les savoirs. Le fait de douter, notamment face à des assertions extraordinaires, surprenantes. Le fait de réfléchir aux biais cognitifs, à tout ce qui nous éloigne d’une juste connaissance du monde et de nous-même… Voilà en tous cas comment je vois la zététique et le scepticisme scientifique. La zététique nous dit par exemple « ce n’est pas parce qu’une personne est persuadée de communiquer avec des personnes défuntes qu’elle le fait vraiment ». On a besoin de preuve pour accepter cette idée comme vraie. La personne ne ment pas forcément, elle peut vraiment penser communiquer avec des personnes défuntes. Dans ce cas son sentiment est bien réel, mais le fait auquel il renvoie ne l’est pas. La zététique prétend passer à l’épreuve des faits ce type de croyances. Le parallèle avec le sentiment profond d’une personne d’être de l’autre sexe ou genre est intéressant à faire. Quand des hommes prétendent qu’ils sont en réalité des femmes et qu’ils revendiquent le droit d’accéder à tous les espaces réservés aux femmes (les espaces de non mixité politique, les espaces lesbiens, les vestiaires, toilettes, les saunas, le sport féminin) il est tout à fait normal et juste que les femmes leur demande de prouver leur affirmation car la demande de ces hommes n’est pas anodine ni sans conséquences… Leur permettre d’accéder à leur demande peut avoir des effets importants sur les femmes, sur leur bien-être physique et mental, mais aussi sur leur sécurité.
Le fait de ne pas croire sur parole une personne qui me dirait « je suis née dans le mauvais corps » ne veut pas dire que je manque de respect à cette personne. Ça ne veut pas dire que je pense qu’elle ment ou que son sentiment n’est pas réel. Mais vouloir être gentille avec les gens ne veut pas dire croire en tout ce qu’ils disent, et même quand ça concerne leur « être profond » entre guillemets. On a tous déjà entendu dire d’une personne croyante « je sens sa présence, il est avec moi». Je peux avoir du respect, de l’empathie et de l’attention pour cette personne même si je ne crois pas en Dieu. Pourtant je pense que Dieu n’existe pas, jusqu’à preuve du contraire, et donc qu’il ne peut pas être réellement avec cette personne.
Que certaines personnes soient persuadées d’être de l’autre sexe ou genre, cela ne me dérange pas en soi. Mais j’estime que j’ai le droit de ne pas partager leurs croyances, comme j’ai le droit de ne pas croire en Dieu.
Alors, la zététique qui soutient l’idéologie transgenre, c’est le monde à l’envers. Le monde à l’envers, c’est aussi les critiques qui sont faites à nous autres, féministes critiques du transgenrisme. On nous accuse d’être essentialistes parce qu’on rappelle que le genre et le sexisme sont des faits sociaux qui sont corrélés à un fait biologique : le sexe. Évidemment, cela ne veut absolument pas dire que les comportements sexistes sont causés par la biologie ! Ni que le sexisme est légitime éthiquement !
Mais quand des féministes indiennes font campagne contre les avortements sélectifs, il est totalement insensé et injuste de leur reprocher de faire preuve d’essentialisme. Et pourtant pour militer contre cette violence faite aux filles, il faut nécessairement qu’elles fassent le lien entre deux faits : un fait social et un fait biologique. D’un coté, le fait de procéder à des avortements sélectifs, de l’autre le fait que les fœtus peuvent être mâle ou femelle et que se sont les fœtus femelles qui sont avortés.
Ce détournement de la notion d’essentialisme et cette confusion entre le registre prescriptif et le registre descriptif est vraiment dingue de la part de personnes ayant pourtant les outils intellectuels pour comprendre notre point de vue. Ne pas être d’accord avec nous ok, mais ne même pas restituer correctement nos arguments soit c’est très stupide soit c’est complètement malhonnête.
Je ne comprends pas cet aveuglément et cette mauvaise foi ! Ça me stresse vraiment beaucoup à vrai dire. Je me suis vraiment beaucoup interrogée sur moi-même, sur ma manière de voir les choses. J’ai retourné le truc dans tous les sens, me disant que ce n’était pas possible que des personnes partageant la même manière de voir les choses que moi sur bien des points, un même rapport à la rationalité, une même analyse du monde social, pouvaient trouver de la logique et de la cohérence à l’idéologie trans.
Donc peut-être que c’est moi qui ne comprenait rien ? Alors j’ai lu et relu, et regardé et écouté tout ce que j’ai pu du côté du féminisme queer. J’ai vraiment essayé de trouver de la logique dans tout ça, mais je n’en ai pas trouvé. Mais je n’ai pas non plus trouvé de réponses vraiment satisfaisantes sur pourquoi tant de personnes a priori intelligentes et sensées adhèrent à ces croyances.
Je n’ai pas trouvé de réponse, à part que ces personnes arrêtent de réfléchir dès qu’on aborde la question trans parce qu’elles veulent à tout pris être inclusives, être des bonnes féministes, ou être « dans le coup » en adhérant à l’idéologie très en vogue, perçue comme la pointe de la radicalité de la gauche…
Ce qui me semble très inquiétant, c’est que ces croyances sont en train de s’imposer dans tous les espaces sociaux. C’est flippant.
Ces idées relèvent de la croyance et non pas du savoir, donc c’est déjà un très gros problème que les chercheurs, les soignants (médecins, psychologues), les institutions, les partis politiques, les journalistes, diffusent et utilisent des notions illogiques et a-scientifiques. C’est une nouvelle religion, d’une certaine manière, qui se pare d’un vernis de progressisme et est en train de s’imposer à tout le monde.
Le pire, c’est que ça s’impose dans le cadre du droit. Actuellement, de nombreux Etats dits démocratiques imposent une idéologie contraire aux savoirs scientifiques les plus élémentaires. Le pire, c’est que de plus en plus la contestation de cette idéologie va devenir illégale, puisque tout discours critique peut-être qualifié de « transphobe ».
Est-ce qu’il y a des équivalents dans l’histoire des démocraties contemporaines ? Des États démocratiques qui imposent des idées révisionnistes et criminalisent toute critique de ces idées ? J’ai l’impression qu’on est en pleine dystopie… Je ne sais pas vers quoi on va mais ça ne me suggère vraiment rien de bon…
Je trouve aussi que cette idéologie est très problématique sur la vision de la personne et de l’organisation sociale qu’elle véhicule.
La personne d’abord. L’idéologie trans fait la promotion d’une vision identitaire. L’approche identitaire, pour moi, c’est exactement l’inverse de ce qu’elle prétend être. C’est censé libérer les personnes des « étiquettes », des « assignations sociales », mais en vérité c’est une vision très figée, très essentialiste et très cloisonnante de ce qu’est une personne.
Pour moi, ce qui fait qu’on est ce qu’on est, c’est le fruit d’une histoire ; une histoire personnelle mais aussi collective. Et l’histoire ne s’arrête jamais, donc on évolue en permanence, en fonction de notre relation à notre environnement, en fonction de notre réflexivité , en fonction de tout plein de choses qu’il n’est pas toujours facile de percevoir mais qu’il est pourtant très passionnant et selon moi très utile d’analyser.
A l’inverse, dans la logique identitaire, on te dit « tu es ça » et point barre ; faut pas chercher à comprendre. Il devient tabou de dire que l’environnement familial, social, culturel a un impact sur ce qu’on est. Donc en plus d’être irrationnelle et contraire à tous les savoirs en sciences sociales et en psycho, cette vision identitaire est très aliénante parce que ça retire à la personne la possibilité de réflexivité sur ses manières de fonctionner, son rapport au monde, à soi et aux autres.
Pourquoi ne pas faire la promotion d’un monde débarrassé du sexisme et du genre plutôt que de créer toujours plus de catégories, d’étiquettes comme « trans », « non binaire », « gender fluid », « a-genre » etc. ?
C’est surtout quand on pense aux enfants étiquetés trans qu’on voit comment cette dimension identitaire est ultra nocive. Quand un enfant a certains goûts, certaines manières de fonctionner qui ne sont pas conformes aux normes sexistes, au lieu de valoriser cet enfant parce qu’il a une personnalité originale, et de l’aider à être heureux ainsi malgré la pression sociale qu’il va effectivement subir pour être plus conforme, on l’étiquette « trans » et on le dirige vers un parcours de médicalisation. On enferme cet enfant dans une catégorie très contraignante, alors même que l’enfance comme l’adolescence sont des moments de grand chamboulement. Qui peut nier qu’une petite fille très conforme aux stéréotypes de genre peut devenir une adulte très critique du genre. Ou qu’une petite fille très “tomboy” peut devenir une adulte très “féminine”, et épanouie ainsi.
C’est complètement irresponsable de diriger des enfants et des ados dans des parcours de transition qui ont des conséquences si fortes. Il y a des conséquences physiques et médicales irréversibles, quoi qu’en disent les défenseurs de la cause trans. Tout ça est tout de même assez bien documenté, maintenant. Et là je ne parle même pas des conséquences sociales et psychologiques…
Enfant, j’avais une réelle angoisse par rapport au fait d’être une fille. Je n’ai pas du tout aimé avoir mes règles, ni voir ma poitrine pousser. J’ai refusé obstinément de mettre un soutien-gorge jusqu’à ce que je cède sous la pression de ma mère et de mes copines. J’avais tellement honte quand mon père me faisait des remarques qui me rappelait qu’il me voyait avant tout comme une fille ! Je trouvais la masculinité tellement plus cool ! J’observais les garçons et je me demandais quoi faire pour être comme eux.
J’ai beaucoup réfléchi, depuis, à la manière dont je me suis construite étant enfant et à mon rapport au fait d’être une fille. Bien sûr, comme tous les enfants, j’avais intériorisé la hiérarchie sexuelle et j’avais une certaine conscience qu’être une fille était moins valorisé qu’être un garçon. Mais je pense que c’est surtout le rapport que j’avais avec mes parents et la dynamique familiale dans son ensemble qui explique ce complexe que j’avais d’être une fille.
Heureusement pour moi, je suis née à une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas et où l’étiquette « enfant trans » n’était pas encore aussi répandue. Pourquoi je dis heureusement ?
Parce que je préfère être une adulte en bonne santé, qui ne doit pas prendre un traitement hormonal à vie. Je préfère avoir eu la possibilité de réfléchir à pourquoi je me sentais mal en tant que fille et d’avoir compris que le problème ne venait ni de moi ni de mon corps, mais d’un système social qui dévalorise les personnes de sexe féminin, et que ce système peut être changé.
Parce que je suis contente de ne pas m’être retrouvée avec une étiquette très rigide et aliénante de « personne trans », et avoir pu résister aux normes sexistes à ma manière et à mon rythme. Sans en faire une obsession non plus, sans penser qu’être une personne non conforme aux normes de genre est ce qui me définit plus que tout, parce que je suis bien d’autres choses que ça !
Parce que j’ai pu me libérer du genre autant qu’il est possible de le faire dans une société sexiste et non à l’inverse m’être la question du genre au centre de ma vie comme le font souvent les personnes trans.
Et j’ai pu apprendre qu’il n’était pas honteux d’être une femme et qu’il était très agréable de se solidariser avec les autres femmes, même si une partie de moi aurait trouvé beaucoup plus cool, beaucoup plus facile, d’une certaine manière, de devenir un homme et de fuir la féminité et tout son corollaire de trucs chiants.
Encore maintenant, je ne suis pas complètement à l’aise avec le fait d’avoir un corps et un sexe de femme. Dans certaines situation, mon corps et mon sexe de femme me provoquent un sentiment de honte, de vulnérabilité. J’ai comme l’impression que ce sexe me met en danger, me trahit. Mais pourtant, je ne vois vraiment pas en quoi me faire enlever la chatte pour me faire greffer un faux pénis serait quelque chose de subversif politiquement. Pareil sur le fait de garder mon corps mais de prétendre que je suis un homme. Mon corps est en bonne santé, il fonctionne bien. Ça n’a pas été facile, mais j’ai appris à l’apprécier. Le problème ce n’est pas mon corps, ce n’est pas moi, c’est le monde dans lequel j’ai grandi et dans lequel je vis qui est un problème et qu’il faut changer.
De plus en plus d’enfants, tous ceux qui ne sont pas suffisamment conformes aux stéréotypes sexistes, vont se retrouver étiquetés et dirigés vers un parcours lourd de conséquences médicales, sociales, psychologiques. Au lieu de remettre en question la dynamique familiale et même la société dans son ensemble c’est tellement plus simple de coller une étiquette à un enfant et de le mettre sous traitement !
Dans une société qui protège les personnes mineures, ça paraît complètement décalé, incroyable au premier sens du terme, « incroyable » qu’on puisse bloquer la puberté d’un enfant en bonne santé. Ca paraît complètement fou, et pourtant, c’est bien réel. C’est ce qui est en train de se passer dans les sociétés occidentales.
D’un point de vue collectif, politique évidemment que cette vision est totalement libérale, ultralibérale même. On ne change pas le système, on prétend juste donner les possibilités aux individus de se mouvoir dans le système comme bon leur semble.
Au lieu d’abolir le genre, on permet juste aux personnes d’en « changer ». Imaginons un parallèle. Dans une société hiérarchisée, au lieu d’abolir les privilèges et les inégalités sociales; on autorise juste les personnes à monter ou descendre dans la hiérarchie, mais sans réellement changer le système et sans s’interroger sur les conditions sociales de possibilités de cette mobilité sociale. Bon, c’est à peu près ce qui se passe dans nos sociétés libérales ! Mais là curieusement, quand il s’agit de la question transgenre, dans tous les milieux ont dit « amen » d’une même voix !
Ce projet politique que l’idéologie trans nous prépare, c’est une société où la liberté individuelle devient la norme suprême sans qu’on réfléchisse aux conditions de cette liberté, à sa signification, à ses conséquences sociales et collectives. Je pense qu’on peut pas faire abstraction, quand on parle de « liberté individuelle », de se poser quelques questions. Par exemple :
Est-ce que je cesse d’être aliénée sous prétexte que j’ai l’impression d’être libre ?
Est-ce que si tout le monde a l’impression d’être libre, la société devient égalitaire ?
Comment faire en sorte que la liberté de certaines et certains n’empiète pas sur celle des autres ?
Est-ce juste qu’un homme trans-identifié impose sa présence dans des espaces de non-mixité ?
Le pire, c’est le lien entre le transgenrisme et le transhumanisme. Voir comme un progrès social le fait que des personnes utilisent la technologie médicale pour modifier leur corps afin de le mettre en adéquation avec l’idée qu’elles s’en font, ça me dépasse…. Le transgenrisme est une grande porte ouverte au transhumanisme. C’est hyper flippant.
Rebelles du genre – Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner de façon anonyme ou sous ta réelle identité ? As-tu déjà subi des pressions, des menaces, un danger perçu ou réel dans ton entourage (pro, perso, peur pour tes proches, etc.), ou, au contraire, te sais-tu en sécurité pour parler librement ?
Il y a 2 mois, quand j’ai commencé à réfléchir à ce témoignage, je ne me sentais pas vraiment en sécurité. Je n’avais aucune raison objective d’être inquiète mais pourtant je ne me sentais pas en sécurité. Les accusations publiques de transphobie, les chasses aux sorcières sur les réseaux sociaux, les agressions en manif, bref la terreur que font régner le trans-activisme et ses alliés a un effet psychologique fort et durable sur chacune d’entre nous. Même en étant très loin de toutes ces menaces et ces accusations, j’ai senti cet effet. Ces dernières années j’ai pris beaucoup mes distances par rapport au militantisme féministe par facilité. Ça me semblait impossible de dire ce que je pensais, mais je ne voulais pas non plus mentir. Mais depuis quelques mois je me sens plus à l’aise pour exprimer ma position. Déjà, parce que j’en ai marre de me taire, que ça m’est trop pénible. Aussi, je me sens ré-assurée par la mobilisation qui est en train d’émerger. Rebelles du genre, notamment, me fait beaucoup de bien.
Il y a quelques mois, j’ai eu une conversation marquante avec ma sœur, avec qui on parle beaucoup de ce sujet. Elle me disait : dans vingt ans, je veux pouvoir me dire que j’ai fait partie de celles qui ont lutté. Et je me suis dit “mais oui” ! Il se joue maintenant un truc hyper fondamental pour les femmes, et c’est le moment d’agir. J’ai souhaité rester anonyme, alors ma sœur a pris le relai en lisant mon témoignage. On se soutient beaucoup sur ce sujet.
Rebelles du genre – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée concernant la transidentité ou le transactivisme ?
Magda – Oui. La dernière fois que j’ai participé à un événement féministe, c’était gratiné…
Le contexte : petit festival de campagne, organisé par des femmes, avec des artistes femmes exclusivement mais pour un public mixte. Avec deux copines, nous avons proposé des discussions autour de la sexualité. Le festival en était à sa seconde édition. La première année, la question trans n’est presque pas présente (mis à part qu’un homme “on binaire » entre guillemets a joué sur scène alors que l’objet du festival était de ne faire jouer que des femmes, mais bref…). La seconde année, le féminisme queer était déjà nettement plus présent… Exemple : l’une de nos discussions était sur le thème « orgasme et éjaculation féminine ». Mais au moment d’inscrire le titre de notre atelier sur le programme, on nous a gentiment indiqué qu’il n’était pas possible d’utiliser le terme « féminine ». Le titre de l’atelier sur l’éjaculation féminine est donc devenu « orgasme et éjaculation »… Incroyable ! Lors de la première édition, nos discussions étaient en non mixité.
Mais la seconde édition, nous avons préféré faire tout en mixité car on craignait qu’on nous le reproche le terme « non-mixité » et qu’on nous impose le terme « mixité choisie ». Du coup, on a tout fait en mixité comme ça, pas d’embrouille… Ce qui est évidemment dommage, de ne plus pouvoir faire de non-mixité dans un festival féministe !
Lors d’une de nos discussions (c’était pas sur le thème de l’orgasme féminin mais sur un autre thème), il y avait un homme qui visiblement prétendait être une femme. C’était un homme d’âge moyen, plutôt grand et costaud, et qui avait vraiment l’air d’un homme. Je suppose qu’il ne prenait pas de traitement hormonal ou pas depuis longtemps. La seule chose qui nous indiquait qu’il était censé être une femme, c’est le fait qu’il portait une petite robe à fleurs et qu’il essayait de parler avec une petite voix douce ! Super cliché ! Cet homme faisait partie de l’équipe d’organisation, censée être exclusivement féminine. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est l’effet que la présence de cet homme – censé être une femme dans le corps d’un homme – a eu sur les personnes présentes, ou au moins sur moi. Donc quand cet homme, au physique tout ce qu’il y a de plus masculin, mais habillé avec une petite robe à fleurs, prenait la parole tout le monde l’écoutait religieusement. En fait, je ne peux pas affirmer que tout le monde l’écoutait avec plus d’attention que les autres personnes intervenantes. Ce qui est sûr, c’est que moi je l’ai écouté avec une attention et surtout une précaution toutes particulières. J’ai beau être très critique de la transidentité, j’ai écouté cet homme avec une précaution, un respect pour sa parole particulièrement intenses. Pourquoi ? Et bien après y avoir réfléchi, voilà ce que j’en ai conclu : cette personne me semblait totalement pathétique et j’étais gênée pour lui. Et je ne voulais pas qu’il se sente mal à l’aise ni que le ridicule de la situation crée du malaise au sein du groupe. Donc en tant que femme bien éduquée et conditionnée à protéger l’égo masculin, j’ai tout fait pour refouler mon esprit critique pendant quelques minutes et c’est mon côté « le pauvre, prenons soin de lui, il fait vraiment trop de la peine » qui a pris le relai. Je ne peux pas être sûre que les autres personnes ont ressenti quelque chose de similaire ; mais peut être que si. Et du coup, peut être que c’est à cause de notre envie d’être bienveillantes, en tant que femmes et d’autant plus en tant que femmes de gauche, vis à vis des personnes fragiles, marginalisées, discriminées…. qui empêche absolument toute autre posture qu’une posture de réception passive de la parole de ce type de personnes, donc un homme qui veut être considéré comme une femme, et qui est donc censé faire partie d’une descatégories les plus opprimées qui soit.
Je doute beaucoup que j’étais la seule à trouver cette personne profondément ridicule et pathétique et à cacher mon sentiment dans une surenchère de précaution et d’attention. C’est un sacré coup de force de la part des mecs quand même ! Arriver à devenir le centre de l’attention dans des espaces féminin et féministes !
J’ai donc décidé de me retirer de ce festival pour l’année suivante. Mais sur le coup je me suis tu, j’ai subi et il m’a semblé totalement impossible, impensable même, d’engager le moindre débat. Dans ce festival je suis sûre, du moins j’espère, qu’on était nombreuses à ne pas être à l’aise avec la manière dont les choses évoluent. Seulement comment se reconnaître pour en parler, pour se soutenir, pour s’organiser ? Nous sommes, chacune, apeurées, isolées, muettes. Nous avons tellement peur de nous faire ostraciser, traiter de transphobes. Je me suis retirée de l’animation de ce festival, mais j’ai décidé d’y aller tous les ans afin d’observer la place grandissante que risque d’y prendre l’approche queer et le transgenrisme dans les prochaines éditions. Et peut-être petit à petit trouver le courage et les moyens d’y diffuser un point de vue critique.
Rebelles du genre – As-tu quelque chose à ajouter ?
Magda – Oui. Je pense que dans ce débat les mots qu’on utilise sont très piégés. On vit dans une société sexiste depuis des millénaires, donc ça a des conséquences très fortes sur le langage. Le mot « femme » est à double sens. Dans son sens disons le plus neutre, le plus descriptif, il signifie « une individue humaine de sexe femelle ». Mais vu qu’on vit dans une société sexiste, ça veut dire bien d’autres choses puisque ça renvoie à ce qu’est censée être une femme selon les normes sexistes (par exemple une personne maternante, douce, fragile, émotive, disponible sexuellement pour les hommes….) C’est le même problème pour les mots « masculin » et « féminin » qui peuvent renvoyer au biologique, c’est-à-dire quelque chose de factuel et d’indépendant de toute norme sociale, ou au contraire ça peut être très chargé de sens moral et normatif. Par exemple, en disant «la vulve est un organe féminin », je constate un fait, je ne fais en aucun cas un jugement de valeur. Par contre, dire d’une femme qu’elle est « féminine » renvoie aux normes sexistes, par exemple au fait qu’elle met du maquillage ou qu’elle est jolie et souriante. Ainsi les termes « femmes », « hommes », « masculin », « féminin », ont vraiment un double sens – logique puisqu’ils ont été façonné dans le cadre d’une société sexiste. Cette ambiguïté de la langue devrait obliger toutes les personnes qui veulent parler de questions de genre à définir précisément les mots et leurs usages et à faire preuve de précision et de rigueur pour éviter les malentendus et les contresens.
Au lieu de ça, nous avons des chercheuses, des chercheurs, des idéologues et des militantes et militants qui maintiennent un véritable flou artistique dans l’usage des termes et des notions. Ce qui empêche le développement d’un débat intelligent et constructif. Jusqu’à quel point cette confusion relève de la bêtise ou bien de la malhonnêteté, ça, c’est vraiment la question qui m’interpelle le plus…
Rebelles du Genre – Merci d’avoir écouté notre parole, et n’hésitez surtout pas à la partager le plus largement possible.
S’il vous plaît, signez la déclaration des droits des femmes basés sur le sexe : www.womensdeclaration.com
Rejoignez-nous, n’ayez plus peur. Ensemble, nous ferons changer les choses.
Si vous souhaitez témoigner, contactez-nous par mail.
A bientôt pour un nouveau témoignage de “rebelles du genre”.