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Rebelles du genre – Épisode 54 – Ana Minski

Ana – Je m’appelle Ana Minski, je vis en Occitanie et je participe donc à des recherches archéologiques, je suis archéologue en fait, spécialiste des outils de Néandertal. Je suis également autrice sur le site “Les ruminants”, j’écris de la poésie, de la fiction mais aussi des articles d’écologie sur la techno-critique, sur le féminisme également, et je suis écoféministe radicale et j’ai publié également cette année un essai : “Sagesses incivilisées : Sous les pavés, la sauvageresse” aux éditions M Éditeur, dans lequel je retrace depuis le néolithique les techniques pour identifier les techniques de domination et l’avènement du patriarcat.

Je crois que j’ai toujours été critique du genre. Tout d’abord, de manière plutôt intuitive parce que quand j’étais gamine, je jouais beaucoup plus aux jeux de garçons qu’aux jeux de fille et j’étais pas vraiment adaptée pour le rôle de celui de fille en fait donc très tôt je me suis révoltée contre l’assignation au genre féminin et j’ai lu des féministes, des théoriciennes féministes, j’ai pu comprendre les raisons de cette révolte, distinguer sexe et genre et c’est comme ça que je suis devenue petit à petit écoféministe radicale abolitionniste du genre, de la porno-prostitution et de la domestication en général via toutes les recherches que j’ai pu menées aussi en archéologie notamment. Après, en ce qui concerne mon intérêt pour l’idéologie du genre, ça a commencé en 2016, j’étais sur un chantier de fouilles archéologiques et il y avait une jeune femme qui était là et qui désirait transitionner. Elle s’était renommée avec un prénom d’homme, un prénom masculin, et s’habillait comme un homme. Mais elle ne souhaitait pas s’installer dans une chambre où il y avait des hommes, elle tenait à rester dans une chambre avec des femmes. J’ai passé beaucoup de temps à discuter avec elle, c’est comme ça que j’ai commencé à m’intéresser au transgenrisme donc j’ai commencé à m’informer ensuite quand je suis rentrée après la fouille, à échanger avec d’autres personnes et très vite j’ai senti que l’identité de genre était une idéologie qui posait de sérieux problèmes, aussi bien pour le droit des femmes que pour celui des enfants. J’ai alors participé à des traductions de féministes anglo-saxones critiques de l’identité de genre, notamment pour le collectif Tradfem, ce qui m’a permis de comprendre ce qui se passait déjà aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et ce qui pendait un peu au nez quoi.

RDG – Pourquoi penses-tu que cette idéologie est une menace pour les femmes, pour leurs droits, pour les enfants, pour la société, pour la démocratie ?

Ana – Alors, cette idéologie est une menace pour les femmes. Déjà, parce qu’elle remplace le sexe par le genre, alors que le droit des femmes est fondé sur le sexe. 

Le genre, c’est ce qui nous opprime, donc ça paraît un peu problématique de remplacer le sexe par le genre. Le genre, ce sont les différences construites socialement et les stéréotypes associés à chaque sexe biologique, et c’est à partir des attributs visibles à la naissance qu’un nouveau-né sera assigné à un genre, masculin ou féminin, et socialisé en vue de correspondre à ce genre. Dans une société à domination masculine, le genre est donc ce qui permet aux hommes de s’approprier le corps des femmes, que ce soit pour la reproduction, pour la sexualité, pour la force de travail, et le masculin donc est le genre qui domine, le féminin celui qui se soumet. C’est donc un dualisme entre les sexes et comme je l’ai étudié, notamment en questionnant le Néolithique et l’apparition de nouvelles techniques qui apparaissent, c’est à ce moment-là que se met en place dès les premières domestications un dualisme entre hommes et femmes et notamment qu’apparaît une valorisation de la masculinité et de la virilité. Ce dualisme va se consolider avec l’apparition des cités-États. Donc s’identifier à un genre, c’est valider, accepter ce dualisme patriarcal qui est extrêmement violent pour les enfants et plus particulièrement pour les filles et les femmes. Le problème, ce n’est pas le sexe biologique mais bien la construction sociale des individus via le genre. Dans une société patriarcale, tout ce qui est efféminé est infériorisé et méprisé. C’est pour ça qu’en tant que féministe radicale, je suis pour l’abolition du genre et contre l’idéologie du genre.

Quand on voit des anarchistes défendre cette idéologie, dans les milieux militants c’est assez frappant, c’est d’une incohérence affligeante. Le genre, c’est ce qui a permis l’avènement des États, la réification des individus et l’avènement du capitalisme. Donc moi, je me demande vraiment comment on en est arrivé à vouloir s’identifier à ce qui est à l’origine même des oppressions ?

Après, au niveau des enfants, c’est également une menace (enfin c’est une menace pour beaucoup de choses). C’est une idéologie vraiment très problématique. Dans le cas précis, en 2016, c’était une femme qui voulait transitionner et il s’avère que ces dernières années on a constaté une explosion du nombre de jeunes filles qui désirent transitionner. Je sais plus si… Je crois que vous aviez reçu une mère du collectif Ypomoni, qui souhaite alerter contre la prise abusive des bloqueurs de puberté des interventions chirurgicales sur les mineurs, etc. Et donc l’explosion de la transition des filles, des jeunes filles, est liée à plusieurs facteurs : une hypersexualisation de la société, une violence masculine qui s’exprime librement sur les réseaux sociaux et une puberté plus précoce. A cause des perturbateurs endocriniens, aujourd’hui, de nombreuses jeunes filles ont une puberté qui commence dès l’âge de 10 ans. Ces jeunes filles doivent donc faire face à un corps qui change, au regard des garçons, des pères, des oncles, des frères, qui change également. Et comme nous sommes dans des sociétés hypersexualisées, des enfants, dès l’âge de 8 ans, peuvent voir de la pornographie, ce qui est très problématique, puisque la pornographie est un viol filmé, c’est d’une extrême violence. Et les filles qui sont confrontées à la pornographie imaginent le sexe tel qu’il est visible dans un film porno, ce qui est quand-même d’une extrême violence et ce qui crée bien évidemment une peur d’être une femme, ça semble assez évident. Certaines féministes parlent donc, plutôt que de dysphorie de genre, de dysphorie pubertaire.

En fait, dans les années 70, on parlait de dysphorie de genre, c’était pour des cas très rares et c’était essentiellement des hommes, enfin des garçons, et ça commençait très très tôt. Aujourd’hui, ceux qui veulent transitionner, les enfants qui veulent transitionner, sont essentiellement beaucoup d’adolescents. Et à l’adolescence, nous avons toutes été vulnérables psychologiquement, c’est tout à fait normal, ça fait partie de l’adolescence. Sauf qu’à partir de 2006, il y a une explosion des réseaux sociaux qui participent activement au prosélytisme trans et qui donne la sensation à ces jeunes filles qu’elles peuvent appartenir à un groupe, à un mouvement transgressif. Et c’est vrai qu’il est plus facile de s’identifier au genre masculin que de lutter contre les stéréotypes de genre ou contre la domination masculine. Surtout que dans nos sociétés, actuellement, les codes de genre sont transgressés depuis des décennies. Donc c’est pas vraiment si transgressif que ça de changer de genre en vrai, en vérité. Il suffit de voir les chanteurs des années 80, ils jouent tous avec le genre.

D’ailleurs, je voulais conseiller un documentaire, en quatre parties, de Vaishnavi Sundar : “Dysphorique : Fuir la féminité comme une maison en feu”, qui est disponible sur Youtube et qui décrit très bien comment la féminité est tellement difficile à vivre qu’on préfère la fuir plutôt que d’essayer de lutter contre le patriarcat. Il y a aussi un site que je voulais conseiller, c’est l’Observatoire de la petite sirène, qui veille au discours idéologique sur l’enfant et l’adolescent et sur les impacts des pratiques médicales, l’emprise des réseaux sociaux. 

Parce que ça c’est un grave problème aussi pour la société, la façon dont sont médicalisés ces enfants qui sont en détresse psychologique et plutôt que de leur apporter un soutien psychologique dont ils ont besoin, on leur propose une médicalisation qui est irréversible et à vie. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de détransitions, je crois que ça tourne autour de 20%, et ces personnes dénoncent le manque de suivi psychologique. Il y a l’affaire Keira Bell par exemple, qui est assez significative, qui a permis la fermeture de la clinique Tavistock.

C’est dangereux également d’un point de vue démocratique puisque, comme nous le voyons depuis plusieurs années, les femmes qui osent questionner l’identité de genre sont menacées, censurées, des comptes Twitter sont fermés sous prétexte de transphobie. Lorsqu’on rappelle qu’une femme est une femelle humaine adulte, qu’il est impossible de changer de sexe, qu’il est indispensable de maintenir des groupes non-mixtes entre femmes biologiques, on nous menace de mort, on nous dit que nous sommes responsables du suicide des enfants trans par exemple. Pourtant, il n’y a pas plus de suicide chez les enfants trans que chez les autres enfants et la transition ne diminue absolument pas le taux de suicide. C’est un discours culpabilisant qui a pour but de bloquer la réflexion et de censurer toute critique. La réalité, c’est que les agressions contre les trans, les homosexuels, sont le fait des hommes, de masculinistes et que ce sont des actes d’homophobie. Ce ne sont pas les femmes et encore moins les féministes radicales qui agressent et menacent de mort et de viol les homosexuels ou les trans. Donc il y a clairement un problème au niveau démocratique, au niveau de la liberté de parole, où on ne peut pas parler librement de cette question qui pourtant est dangereuse sur plusieurs niveaux.

Là je vais parler par exemple d’un point de vue écologique. Penser qu’on peut changer de sexe, c’est quand même dénier la réalité biologique du corps. Donc ce déni nous renvoie au refus des limites que nous impose la nature. On rejette notre condition de mammifères, qui est faite de chair et de sang. Nous sommes donc encore dans un désir de maîtrise de la nature, de la biologie, c’est un peu pour ça qu’on a des problèmes environnementaux aujourd’hui. C’est une domination masculine, hégémonique et toxique qui détruit l’environnement parce qu’elle veut le contrôle sur l’environnement en utilisant des méthodes qui ont été expérimentées sur les animaux d’élevage en plus, qu’on va transposer à des enfants donc cette  idéologie participe à maintenir la division entre corps et esprit, ce qui renvoie aussi à celle de nature et culture, donc à celle de féminin masculin qui est au fondement de tous les dualismes et qui permet à la domination masculine de se maintenir.

Aujourd’hui, on réifie des morceaux de corps, on a des banques de sperme, des banques d’ovules, des banques d’embryons, donc le transgenrisme, la chirurgie de réassignation, les expérimentations pour créer des utérus artificiels, le transhumanisme, tout cela est lié. D’ailleurs, des liens existent entre le transgenrisme et le transhumanisme : je donne l’exemple de Martin Rothblatt qui a écrit De transgenre à transhumains : Un manifeste sur la liberté de forme, qui est un entrepreneur et un avocat très prospère, fondateur de l’United Therapeutics. Il a été plusieurs fois le PDG le mieux rémunéré de l’industrie bio-pharmaceutique et il a participé activement à la banalisation du transsexualisme. Le transhumanisme souhaite créer une espèce supérieure, se libérer des limites de l’incarnation, il ne veut pas autre chose que la disparition de notre propre espèce et malheureusement tous ces enfants sont utilisés pour alimenter les biobanques, ils sont des cobayes, ils sont stérilisés. Je ne sais pas mais vous avez reçu Sophie Robert, je n’ai pas pu écouter le podcast mais j’imagine qu’elle doit en parler, peut-être, un peu, de cette stérilisation des enfants ?

RDG – Oui. Bien sûr. C’est un épisode remarquable que nous vous invitons à écouter et effectivement, on parle notamment de la castration des enfants.

Ana – Voilà. Moi je pense que quand on lutte contre le capitalisme, contre la réification et la marchandisation du vivant, on ne peut pas défendre l’identité de genre, c’est tout simplement suicidaire.

RDG – Qu’est-ce qui t’a décidée à témoigner sous ta réelle identité ? Est-ce que tu as déjà subi des pressions, des menaces ? Est-ce que tu as déjà été mise en danger dans ton entourage personnel, professionnel ou est-ce que tu es parfaitement libre et en sécurité pour parler ?

Ana – Je parle avec mon identité parce que j’écris de toute façon des articles, depuis un petit moment, sur cette question là aussi, que j’ai participé à des traductions, etc. donc j’assume parfaitement mes positions. Après, oui j’ai reçu des menaces, bien évidemment, j’ai été accusée de Terf, de transphobe à plusieurs reprises.

Je ne suis plus invitée à des événements écoféministes à cause de ça donc là où je vis, c’est un petit bourg de 900 habitants, je voulais constituer un petit collectif féministe et artistique et à cause de cette position, j’ai été écartée donc je suis isolée.

Il m’arrive, lors de discussions amicales, de sentir aussi que je suis un peu… que je suis jugée, je fais un peu la rabat-joie, je suis même voire limite réac. D’ailleurs, j’ai certaines amies dont je n’ai plus de nouvelles bizarrement… Donc les échanges peuvent être assez stressants. Après, je ne me sens pas menacée, pour l’instant en tout cas. Je ne me sens pas menacée mais par contre, clairement, c’est un sujet qui est délicat pour échanger avec avec certaines personnes, même en fouilles cet été il y a eu des moments où c’était un peu tendu et où j’ai un peu hésité à mettre mon grain de sel, bon finalement je l’ai fait (rires) mais ce n’est pas très agréable quand on reste un mois avec des personnes, une collectivité d’une vingtaine de personnes, et qu’on est considéré comme terf, ce n’est pas super sympa.

RDG – Je crois qu’on a toutes vécu ça (rires). Ces accusations qui arrivent : “Tu veux tuer les trans !”

Ana – Oui, c’est ça.

RDG – As-tu une anecdote à raconter sur un événement qui t’a marquée, concernant la transidentité ou le transactivisme ?

Ana – On m’avait proposé de participer à un événement écoféministe il y a quelques années et puis après s’être renseigné sur ma personne, on m’a téléphoné pour me dire que c’était un peu problématique parce que ma position par rapport à l’idéologie du genre posait problème. On ne m’a pas retirée du festival mais on m’a demandé de faire profil bas et de ne surtout pas aborder ce sujet et ça, malgré le fait que les organisatrices étaient d’accord avec moi. Mais elles ne se sentaient pas, elles ne pouvaient pas se permettre de gérer un conflit, m’ont-elles dit, avec les transactivistes. D’autres femmes m’ont dit aussi préférer ne pas dire qu’elles étaient Radfems, qu’elles étaient féministes radicales, pour ne pas entrer en conflit avec leurs collègues et risquer de perdre leur poste, notamment dans le milieu artistique. Et là, dernièrement, pour mon livre où j’ai voulu le présenter dans différentes librairies, il y en a certaines qui l’ont refusé après s’être renseigné sur ma personne et parce que j’ai des articles sur mon site qui critiquent la question trans. Voilà, ça c’est les anecdotes sympathiques (rires) qu’on peut avoir quand on est féministe radicale aujourd’hui.

RDG – Concrètement, la position d’être critique ou abolitionniste du genre amène directement à l’appauvrissement et à la précarisation des femmes féministes, c’est vraiment terrible. Pour les hommes, il n’y a pas vraiment cet effet-là mais pour les femmes, c’est vraiment terrifiant. La marginalisation de leur parole et leur précarisation économique et sociale, comme tu l’as dit dans ton village de 900 habitants, quand-même c’est incroyable.

As-tu quelque chose à ajouter ?

Ana – Je voulais d’abord vous remercier pour tout votre travail, de permettre aux femmes et aux féministes radicales de partager leurs analyses, leurs expériences et leurs craintes, de m’avoir accordé aussi ce moment de parole libre parce que je pense qu’aujourd’hui… Enfin je pense… Non, c’est un fait : aujourd’hui, nous sommes silenciées, comme vous l’avez dit tout à l’heure, nous sommes silenciées, nous sommes agressées, nous sommes… Je pense qu’on est un peu toutes en état de choc par rapport à ce qui se passe avec le transactivisme et qu’il faut vraiment qu’on soit le plus solidaires possible, se soutenir les unes les autres et en parler le plus possible pour que les gens soient au courant parce que beaucoup de personnes ne sont pas au courant en fait, ne savent pas du tout en quoi ça consiste exactement ce qui se passe avec les enfants et donc c’est pour ça aussi que je pense que “Rebelles du genre” est un podcast hyper important et que je suis très contente d’y avoir participé.

RDG – Merci d’avoir écouté notre parole et n’hésitez surtout pas à partager le plus largement possible.

S’il vous plaît, signez la Déclaration des Droits des Femmes basés sur le sexe:  womensdeclaration.com

Si vous souhaitez témoigner, contactez-nous par mail.

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